Donnez Leur De La Brioche: Origine Et Histoire D'une Gourmandise Française

Entre le pain et le gâteau, la brioche se pose là. Aérienne, dorée, fondante, moelleuse au bon goût de beurre, on peut allègrement dire que la brioche ne manque pas d’arguments pour nous mettre l’eau à la bouche! Éternelle alliée d’un bon petit déjeuner ou d’un brunch, star du goûter avec ou sans chocolat, la brioche séduit petits et grands. Petit tour d’horizon de cette viennoiserie pur beurre qui met tout le monde d’accord !

Une viennoiserie aux origines nobles qui a su se démocratiser

La brioche, dont le terme vient du verbe normand "brier", qui signifie "pétrir", est née en Normandie au 16ᵉ siècle. Il paraît que la brioche qui fait le patrimoine de tous les Français, est apparue d’abord en Normandie. Déjà en 1404, un document marchand local mentionne « deux pains et quatre brioches ». Le nom du gâteau est, lui aussi, définitivement normand, puisqu’il vient de « brier », qui signifie dans un dialecte local « broyer la pâte ».

Sa texture moelleuse et son goût riche en beurre en faisaient une pâtisserie réservée aux grandes occasions et aux classes supérieures. Malgré sa composition plus rustique que celle d’un gâteau, cette recette riche en beurre, en œufs et en belle farine a souvent eu la réputation de flirter avec les élites.

Une célèbre citation attribuée à tort à Marie-Antoinette lors de la Révolution française, "Qu'ils mangent de la brioche", illustre cette image élitiste. Revoilà votre oncle historien du dimanche qui, au moment de servir la brioche pour le dessert, vous raconte, fier de lui, cette anecdote concernant Marie-Antoinette. La France pré-révolutionnaire est traversée par plusieurs épisodes de famine entraînant des émeutes. Le sarcasme de la réplique symbolise le fossé abyssal entre la noblesse insouciante et le peuple misérable. Dans le monde entier, encore aujourd'hui, certains manifestants utilisent ce slogan pour dénoncer les injustices sociales. Il s'agit souvent de la version anglaise : « Let them eat cake ! »

Marie-Antoinette, avant même que la Révolution n'éclate, traîne déjà une réputation déplorable. Détestée tant par le peuple que par de nombreux aristocrates, elle est accusée des pires vices : ivrognerie, indécence, orgies, voire inceste. Comme le racontent les spécialistes des légendes urbaines Véronique Campion-Vincent et Christine Shojaei Kawan dans Annales historiques de la Révolution française, la reine est perçue comme un des piliers de l'appauvrissement du peuple.

Toutefois, aucune source historique fiable ne permet d'attribuer cette phrase à Marie-Antoinette. Mais alors, comment cette idée reçue est-elle arrivée jusqu'aux oreilles de votre oncle historien du dimanche ? Il semble que la première source écrite qui attribue cette blague de (très) mauvais goût à Marie-Antoinette date de 1843, cinquante ans après sa mort. Le romancier Alphonse Karr écrit : « On se rappelle quelle indignation on excita, dans le temps, contre la malheureuse reine Marie-Antoinette, en faisant courir le bruit que, entendant dire que le peuple était malheureux et qu'il n'avait pas de pain, elle avait répondu : “Eh bien ! Qu'il mange de la brioche.” »

Véronique Campion-Vincent et Christine Shojaei Kawan expliquent que « les attestations écrites semblent rares jusqu'au début du XXe siècle. Il semble donc qu'au XIXe siècle l'anecdote attribuée à Marie-Antoinette se soit transmise oralement, alors qu'au XXe siècle, et surtout depuis les années 1930, elle a été répandue par des ouvrages littéraires. »

D'autres écrits évoquent cette phrase, sans l'attribuer explicitement à Marie-Antoinette. C'est le cas de Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions : « Enfin je me rappelai le pis-aller d'une grande princesse à qui l'on disait que les paysans n'avaient pas de pain, et qui répondit : “Qu'ils mangent de la brioche.” » Le philosophe évoque simplement « une princesse ». Et surtout, Les Confessions sont écrites en 1765. Il ne peut donc pas penser à Marie-Antoinette, car elle épouse le futur Louis XVI cinq ans plus tard, en 1770.

Cependant, ce n’est qu’au début des années 1970 que la brioche se démocratise grâce à l’industrialisation des techniques boulangères. Elle colonise même les rayons des grandes surfaces : la marque de viennoiseries Pasquier a été la première, en 1974, à proposer une brioche industrielle. Le beurre devient plus abordable et la brioche fait son entrée dans les supermarchés, s’imposant comme un aliment de base du petit-déjeuner français.

Réussir sa brioche parfaitement selon les régions

Chaque région française a sa propre version de la brioche. De la pogne du Sud-Est à la gâche appréciée de la Normandie à la Charente, énumérer les noms de brioches fait renaître les langues chantantes des pays. Souvent, elles évoquent le nom des localités, et nous font ainsi du même coup voyager.

En Vendée, on trouve la "gâche", une brioche enrichie de crème fraîche, tandis qu’à Paris, la brioche à deux étages domine. La Nanterre, de forme rectangulaire, ou encore la pogne de Romans, parfumée à la fleur d'oranger, offrent d’autres déclinaisons savoureuses. La brioche dite « Nanterre » est celle que l’on trouve en boulangerie. Elle est de forme rectangulaire et confectionnée à partir de trois, quatre ou huit boules de pâte placées côte à côte.

Alors que la brioche parisienne est constituée de deux boules superposées, la petite sur une plus grosse, la brioche de Nanterre est de forme rectangulaire, sans tête et surmontée de pelotes. Le pâton est divisé en huit parts égales, alignées en deux rangs, serrées au fond du moule beurré.

Le succès de la brioche vendéenne, cette couronne tressée de taille impressionnante, a même fait renaître une tradition ancienne de la « danse de la brioche » lors des mariages. Les références à la Brioche et à la Gâche Vendéennes sont ancestrales. Des écrits en font état dès le Moyen-Âge avec le terme de « Gâche ». La Brioche, quant à elle, tire ses origines des recettes du gâteau de la mariée grâce à son tressage et sa texture onctueuse.

En plus de ses très nombreuses variantes régionales, on la trouve enrichie ou non de fruits secs ou confits, de grains de sucre, de pralines roses, d’eau de fleur d’oranger ou d’épices.

L’influence de la cuisine étrangère est passée par là : la babka, nouvelle venue qui enflamme Paris depuis deux ou trois ans, a détrôné semble-t-il la croustillante brioche feuilletée, suintant le beurre sous son édredon torsadé ! Chocolat-noisettes, cannelle-muscovado, pistache-fleur d’oranger, halva-citron, et bientôt, fraise-rhubarbe pour la prochaine « babka du mois » chez Babka Zana, rue Condorcet à Paris, où on ne plaisante pas avec l’origine slave de cette spécialité.

Pour réussir une brioche maison, le pétrissage est essentiel pour développer le gluten et assurer une texture légère. Le beurre, de qualité et incorporé progressivement, est crucial pour le moelleux. Enfin, la pâte doit lever dans un endroit tiède et sans courant d’air pour obtenir une brioche aérée et gourmande.

Quelques petits secrets de fabrication sont essentiels pour arriver à la brioche parfaite. Chez Lenôtre, par exemple, on ajoute environ 100 grammes de pâte fermentée de la veille par kilo de pâte à brioche du jour, pour un effet proche du levain.

Bien entendu, les bons produits ne suffisent pas : quelques petits secrets de fabrication sont essentiels pour arriver à la brioche parfaite. À commencer par ce mélange levain et levure de boulanger chez Benoît Castel, car « le levain intervient dans le développement aromatique de la pâte, et permet d’obtenir une texture plus dense et moins alvéolée ».

Des techniques de pro qui ne leur interdit pas de confier quelques conseils plus accessibles aux amateurs, tel l’ajout de crème épaisse et crue, voire de mascarpone, pour une mie encore plus filante et une pointe d’acidité bienvenue. Et afin de ménager la levure, cet organisme vivant et fragile, une astuce signée Guy Krenzer : « Battre les œufs en omelette avec le lait et la levure, pour lui éviter le contact direct avec le sel et le sucre. » Mais une brioche réussie se mérite : « Chez un artisan, il faut compter trois jours, entre le mélange des ingrédients, le pétrissage, la pousse, le rabat et enfin le façonnage, pour « sortir » une fournée de ces merveilles », résume le jeune chef pâtissier Yann Le Douaron, dont les créations enchantent Instagram. « Les temps d’attente, le repos indispensable à la pâte entre les différentes étapes, et par-dessus tout, la patience, sont la clé du succès. »

Quelques adresses parisiennes pour déguster une bonne brioche

  • Pour les brioches parisiennes, Nanterre et au sucre: Benoît Castel, pâtissier-boulanger : 150 rue Ménilmontant, 75 020 Paris
  • Pour une brioche mousseline, une brioche à tête et une brioche aux agrumes confits (Brioche de Menton): Maison Lenôtre
  • Pour la brioche feuilletée: Celle aux pralines roses de Mickaël Bartocetti à l’Hôtel Four Seasons -George V à Paris, disponible au tea-time. Farine & O: 153, rue du Faubourg Saint-Antoine, 75011 Paris.
  • Pour les brioches au levain traditionnel: Boulangerie Liberté : 39 rue des Vinaigriers 75010 Paris.
  • Pour les babka: Babka Zana : 65 rue Condorcet , 75009 Paris. Mamiche, 45 rue Condorcet, 75009 Paris. The French Bastards, 61 rue Oberkampf, 75011 Paris.

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