Crise Alimentaire Mondiale : Causes, Conséquences et Solutions

La faim dans le monde concerne près de 733 millions de personnes. La crise alimentaire actuelle est la troisième en 15 ans : 2007-2009, 2011, et 2021. Mais selon plusieurs experts, on pourrait se diriger vers la plus grave crise alimentaire mondiale depuis la Seconde Guerre mondiale.

Qu'est-ce que l'insécurité alimentaire ?

La « sécurité alimentaire » et son contraire « l’insécurité alimentaire » sont des termes qui renvoient à une définition et à des situations que l’on sait décrire et mesurer avec précision. La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

La sécurité alimentaire est également très différente de la « souveraineté alimentaire » que vous avez peut-être entendue également. La souveraineté alimentaire renvoie à une dimension militante selon laquelle les peuples disposent du pouvoir de choisir leurs agricultures et leurs systèmes alimentaires. La souveraineté alimentaire interroge ainsi les moyens et les politiques pour parvenir à la sécurité alimentaire.

L’insécurité alimentaire est en hausse ces 3 dernières années selon les données du rapport de la FAO et du WFP. En 2020, ce sont 155 millions de personnes, soit 20 millions de plus qu’en 2019, qui étaient estimées en grande insécurité alimentaire dans près de 55 pays. La tendance se confirme en 2021. Avec la pandémie de Covid-19, les systèmes alimentaires à l’échelle mondiale ont été fortement touchés. Les mesures de confinement nécessaires pour protéger la population ont conduit à la perte de récoltes, de revenus et ont plongé des millions de personnes dans un état de précarité.

Une population peut se trouver en état d’insécurité alimentaire dans plusieurs situations. Parfois, il n’est pas possible de trouver des aliments au niveau local ; on dit qu’il y a un manque de disponibilité des aliments. Plus fréquemment, les aliments sont disponibles mais trop onéreux pour les niveaux de revenus locaux, et les familles ne peuvent les acheter. On dit alors qu’il y a un manque d’accessibilité. Également fréquemment, les aliments disponibles et accessibles sont de faible qualité nutritionnelle, et les ressources pour les conserver et les cuisiner sont inadéquates. On dit alors qu’il y a un manque lié à leur « utilisation ».

Faim, famine ou malnutrition ? Quelles différences ?

La famine est politiquement connotée, il est aujourd’hui difficile de pouvoir alerter sur une situation alimentaire critique sans que le gouvernement du pays n’ait lui-même déclaré un état de famine. Lorsque l’on parle de crise alimentaire ou Faim en réalité nous faisons référence à l’insécurité alimentaire. Qu'est-ce que la malnutrition ?

La famine est un état de pénurie alimentaire grave, dans lequel toute, ou une grande partie de la population d’un pays donné n’a plus accès à la nourriture sur une période longue et qui conduit à la mort des populations concernées. Plusieurs organisations tentent donc de définir ce terme, en effet pour pouvoir lutter contre une situation il faut savoir la définir et la nommer. La famine est une situation exceptionnelle pendant laquelle un nombre important de personnes se retrouvent dans l’impossibilité de se nourrir. Elles n’ont alors pas d’accès physique à la nourriture ou pas d’accès économique.

Les instances internationales ont établi des niveaux d’alerte sur l’insécurité alimentaire - appelé IPC (Integrated Food Security Phase Classification) - des populations allant de 1 à 5. Un niveau d’alerte 4 correspond à une urgence. Des actions doivent être rapidement mises en place pour sauver des vies et réduire l’insécurité alimentaire dans la région concernée. Le niveau 5 correspond lui à un niveau de quasi-famine où des actions urgentes doivent être mises en places pour réduire la mortalité et éviter l’effondrement total des moyens de subsistance. A ce niveau d’urgence, les familles ont d’énormes difficultés à accéder à de la nourriture mais aussi à d’autres services de base.

La famine entraine une forte augmentation des taux de sous-nutrition chronique dans la région touchée. La sous-nutrition a de terribles séquelles sur les populations touchées. Outre le fait qu’elle peut causer la mort dans les cas les plus sévères si elle n’est pas prise en charge, chez les enfants malnutris les dégâts restent durables. Lors de conflits ou de déplacements de populations, les enfants peuvent être séparés de leurs parents et se retrouvent alors seuls sans défense et surtout dans l’incapacité de pouvoir chercher de la nourriture ou se nourrir eux-mêmes. Leur état de santé fragilisé par le manque de nutriments nécessaires provoque des retards de croissance et de développement et facilite le développement de maladies.

Causes de la crise alimentaire

Plusieurs crises expliquent la crise alimentaire mondiale :

  • La guerre en Ukraine affecte la sécurité alimentaire mondiale : l’Ukraine et la Russie sont des acteurs clé de l’alimentation mondiale. Or, leur production et exportations de céréales sont aujourd’hui perturbées par le conflit qui les opposent. Cela a de graves impacts sur des pays comme la Somalie, le Rwanda, le Pakistan, mais aussi l’Égypte qui dépendent à 80% de leurs importations de blé de l’Ukraine et la Russie.
  • Le changement climatique cause des crises alimentaires : Il y a eu une perte de 9 à 10% de la production totale de céréales (maïs, soja, riz et blé) liée au changement climatique entre 1981 et 2010.

La plupart des rapports se limitent à l’évocation des causes primaires de l’insécurité alimentaire, et citent année après année, les conflits toujours plus nombreux, le changement climatique et les chocs économiques. Les conflits et les problèmes de sécurité sont une cause directe de l’insécurité alimentaire. Les conflits peuvent entraîner la destruction de surfaces agricoles et des élevages, principaux facteurs de d’existence de production et moyens d’existence populations. La faim est alors utilisée comme une arme de guerre. Les conflits provoquent également des déplacements massifs de population.

Dans notre monde globalisé, un conflit armé dans un pays, peut avoir des conséquences sur la sécurité alimentaire d’un autre comme c’est le cas par exemple avec le conflit entre la Russie et l’Ukraine, qui sont respectivement 2 des 3 principaux exportateurs de blé mondiaux. La spécialisation des pays dans un type de production agricole ou d’aliments menace la sécurité alimentaire d’autres pays dépendants de leur production. Le conflit Ukrainien menace la sécurité alimentaire des pays comme la République Démocratique du Congo ou Madagascar qui importe la quasi-totalité de leur blé, un produit de base pour les populations locales.

Ces conflits et les problèmes de sécurité, menacent aussi la stabilité des prix des denrées alimentaires. Les changements climatiques participent eux-aussi à la destruction des surfaces agricoles. Les sécheresses, les inondations, les invasions de criquets, les tempêtes, détruisent les cultures et menacent l’agriculture des pays du sud, les forçant à s’adapter à la crise climatique. Par exemple, en 2021, Madagascar a fait face à la pire sécheresse de ces 40 dernières années dans le sud du pays rendant toute agriculture dans la région impossible.

De nombreux pays souffrent de crises économiques importantes provoquant une inflation des prix désastreuse et menaçant la sécurité alimentaire.

Il y a une perte de 9 à 10% de la production totale de céréales (maïs, soja, riz et blé) liée au changement climatique entre 1981 et 2010. S’il y a des pénuries alimentaires dans certaines régions, il n’y a aujourd’hui pas de pénurie alimentaire au niveau mondial : la FAO estime par exemple que le monde bénéficie d’un « niveau d’approvisionnement relativement confortable » en céréales.

Pour les populations les plus aisées, on a de la nourriture en abondance alors que d’autres, n’y ont pas accès. Le problème de fond, c’est donc les inégalités d’accès à l’alimentation et l’augmentation des prix alimentaires. Quelles en sont les causes ? Ce sont la hausse des prix de l’énergie, des fertilisants, du transport qui se répercute sur les prix alimentaires. Mais une autre raison est aussi la spéculation favorisée par l’instabilité des marchés et le jeu des multinationales.

Conséquences de la crise alimentaire

Les prix alimentaires battaient déjà des records dans le monde entier en 2021. En septembre 2022, le coût moyen des céréales alimentaires de base a augmenté de 11% par rapport à 2021. 345 millions de personnes souffrent actuellement de faim aigüe, c’est-à-dire qu’elles ont besoin d’urgence d’une aide alimentaire. Parmi les premières victimes : les femmes et les enfants. Au début de l’année 2022, les enfants admis pour malnutrition dans les centres de santé soutenus par CARE dans le monde ont augmenté de 60% comparé à l’année précédente.

La faim dans le monde a de graves conséquences sur les personnes les plus vulnérables. Les populations sont victimes du manque d’eau potable, sont obligées de quitter leur foyer, leurs biens et leurs sources de revenus et se retrouvent ainsi dans une situation d’autant plus précaire.

Le manque d’aliments nutritifs affaiblit le système immunitaire. Les personnes souffrant de la faim, et plus particulièrement les femmes enceintes et les nourrissons, sont alors plus susceptibles de contracter des infections, comme les maladies respiratoires, les infections intestinales et le paludisme, et de développer des complications graves.

La faim et l’insécurité alimentaire sont des facteurs majeurs qui poussent les populations à migrer. Cela peut conduire à des migrations internes, où les populations se déplacent à l’intérieur de leur propre pays, ou à des migrations transfrontalières, où elles franchissent les frontières pour trouver de meilleures conditions de vie. La faim dans le monde a un impact sur la stabilité politique des pays touchés. Les gouvernements et les institutions politiques peuvent être remis en question et critiqués pour leur incapacité à fournir des solutions durables à la faim et à l’insécurité alimentaire. Les flux migratoires liés à la faim peuvent également avoir un impact sur les pays d’accueil. Ces derniers doivent faire face à des défis en matière de logement, de services de santé, d’éducation et de sécurité.

Solutions pour lutter contre l'insécurité alimentaire

Malgré l’urgence, malgré le changement climatique, la pauvreté, les guerres et les inégalités, il existe des moyens pour lutter contre la faim. Dans nos pays d’intervention nous encourageons la création de jardins, souvent dans des camps de déplacés et de réfugiés pour permettre à celles et ceux qui ont tout perdu, de se reconstruire, de se nourrir et de stabiliser ainsi des situations de crise. Nous adoptons de nombreuses techniques respectueuses de l’environnement notamment l’agroécologie pour permettre de produire des aliments de meilleure qualité et de manière à respecter l’environnement des communautés que nous aidons. Nous soutenons la résilience des communautés qui manquent de moyens en procédant à des distributions d’argent liquide pour relancer les économies et les marchés locaux et pour permettre aux personnes que nous soutenons de subvenir aux besoins de leur famille comme ils l’entendent.

La lutte contre la faim doit donc se faire à travers une approche qui apporte une réponse dite multisectorielle car elle a pour but de répondre à divers problèmes grâce à des programmes, à des actions qui se complètent entre eux.

Les interventions en « sécurité alimentaire et moyens d’existence » contribuent à prévenir l’insécurité alimentaire bien sûr, également la malnutrition et la surmortalité des enfants principalement, en agissant sur l’accès à une alimentation suffisante, saine et nutritive. La plupart du temps, nos interventions prennent la forme de programmes agricoles, de développement économique local, de services pour le retour à l’emploi, menés avec et au travers de partenaires locaux.

Pour lutter contre la famine dans le monde, il est essentiel de former les agriculteurs et les communautés rurales aux pratiques durables et aux techniques agricoles résilientes. Promouvoir ces méthodes agricoles respectueuses de l’environnement aide ainsi les agriculteurs à s’adapter aux changements environnementaux, tels que les sécheresses ou les inondations.

L’autonomisation des femmes est un puissant levier pour lutter contre la faim et promouvoir la sécurité alimentaire. Lorsque les femmes sont autonomes, ces dernières peuvent contribuer de manière significative à l’amélioration de leur propre situation mais aussi à celle de leur village.

Il est urgent et fondamental de changer notre système humanitaire si nous voulons freiner l’accélération de la crise alimentaire. Les fonds doivent être utilisés pour équiper les pays pauvres à se préparer et à faire face aux chocs économiques et climatiques récurrents avant qu’ils ne se produisent, et les donateurs riches doivent injecter immédiatement de l’argent pour répondre à l’appel de l’ONU.

Nous avons un besoin urgent de changer le système agro-alimentaire pour des pratiques agricoles plus justes, durables et résilientes, dont l’agroécologie représente la meilleure alternative. L’agroécologie est un modèle qui participe à une plus grande justice sociale en remettant les paysannes et paysans au cœur du système de production et leur permet de se réapproprier tant les savoirs que les outils de production. Économiquement viable, elle leur assure une meilleure rémunération et permet d’augmenter les rendements agricoles dans une logique de cercle vertueux. Elle permet d’économiser les ressources naturelles et de préserver la biodiversité, dont les services rendus sont indispensables à l’agriculture.

Les États doivent développer une nouvelle approche qui allie « faim zéro » et « zéro émission de gaz à effet de serre ». L’agroécologie est à la fois une science, qui se base sur le savoir paysan, et un ensemble de pratiques, qui permet de produire de la nourriture sans dégrader la nature et de renforcer la résilience des paysannes et paysans face aux chocs climatiques.

Tableau récapitulatif des niveaux d'insécurité alimentaire (IPC)

Niveau d'alerte (IPC) Description Actions requises
1 Insécurité alimentaire minimale -
3 Crise Assistance alimentaire
4 Urgence Renforcement de l'assistance alimentaire
5 Quasi-famine Actions urgentes pour réduire la mortalité

TAG:

En savoir plus sur le sujet: