Coût de Production Porc France : Analyse et Tendances

Le réseau InterPIG, auquel participe l’Ifip, permet de comparer les performances et coûts moyens des élevages de porcs des différents pays participants. En 2023, malgré une baisse de 3,3 % par rapport à 2022, leurs coûts de production ont été encore très élevés.

Évolution des Coûts de Production en 2023

En 2023, les marchés des matières premières se sont détendus, mais les coûts alimentaires sont restés hauts. L’inflation a impacté les autres postes de charge : frais financiers, main-d’œuvre, coût des bâtiments. Cette moyenne cache des disparités importantes. Treize pays ou régions ont vu leur coût diminuer. En revanche, pour cinq pays, dont la France et le Danemark, il s’est accru.

Les pays d’Amérique - Centre-Ouest du Brésil en tête, suivi des États-Unis puis du sud du Brésil - présentaient toujours en 2023 les coûts de production les plus faibles du réseau, aidés par des prix des matières premières, des coûts de main-d’œuvre et de bâtiments plus faibles qu’en Europe.

Facteurs Influant sur les Coûts de Production

Plusieurs phénomènes expliquent ce retournement. Le premier est lié à la crise des matières premières, qui a débuté à l’automne 2020 et s’est aggravée avec la guerre en Ukraine. Les coûts alimentaires ont augmenté pour l’ensemble des éleveurs de porc jusqu’en 2022.

Prix de l'Aliment : Comparaison Internationale

En 2023, la situation était plus contrastée : alors que certains pays comme la France et le Danemark voyaient leurs prix de l’aliment se stabiliser à des niveaux hauts, d’autres au contraire ont bénéficié de baisses importantes : c’est notamment le cas des Pays Bas et de la Belgique, mais aussi de l’Allemagne, du Brésil et dans une moindre mesure des États-Unis.

Le prix de l’aliment est structurellement plus bas aux États-Unis (177 €/tonne, moyenne 2016-2020) et au Centre-Ouest du Brésil (195 €/t, moyenne 2016-2020), comparativement aux autres pays du réseau. Le Danemark, la France et l’Allemagne présentaient des prix de l’aliment nettement plus élevés sur cette période, avec une moyenne comprise entre 230 € et 239 €/t. Le sud du Brésil, dont le coût logistique d’acheminement des matières premières est très important, les Pays Bas et l’Espagne révélaient des prix plus élevés dont la moyenne avoisinait les 260 €/t.

Impact de la Crise des Matières Premières

Dès le début de la crise des matières premières, les hausses de prix n’ont pas été les mêmes selon les pays. Elles ont été particulièrement importantes dès 2021 dans les Amériques : + 72 €/t aux USA, + 75 €/t au Centre-Ouest du Brésil et + 59 €/t au sud du Brésil par rapport à la moyenne 2016-2022. Les augmentations ont été moins marquées chez les Européens. Ensuite, en 2022, l’Allemagne et l’Espagne ont souffert de prix de l’aliment très élevés (+ 126 €/t et + 110 €/t respectivement, par rapport à 2021).

Au contraire, la montée des prix est restée relativement contenue dans les Amériques et notamment au Centre-Ouest du Brésil (+ 55 €/t/2021), tout comme en France et au Danemark, qui jusqu’en 2022, bénéficiaient de prix de l’aliment très compétitifs. La situation a été bien différente en 2023 : les prix de l’aliment sont restés stables en moyenne en France (-3 €/t par rapport à 2022) et au Danemark (+ 6 €/t), alors qu’ils montraient une franche diminution dans les autres pays.

S’il demeure difficile d’expliquer ce contraste, l’hypothèse d’un rôle “tampon” des structures telles que les fabricants d’aliments semble probable. Ils auraient ainsi absorbé partiellement les hausses des matières premières dans ces pays en 2022 et auraient maintenu des prix élevés en 2023 afin de rattraper leurs pertes.

Autres Facteurs de Coûts

En France, elle est restée très contenue (+ 1 %) : le prix d’un bâtiment neuf naisseur engraisseur a atteint 10 391 €/truie en production. Si les éleveurs de porcs français ont été protégés dans leur majorité de la hausse des prix de l’énergie en 2022 grâce à leurs contrats trisannuels, la clôture de ces derniers en décembre 2022 a affecté à la hausse leurs coûts énergétiques pour 2023 (+ 92 % en moyenne). Ils ont optimisé leurs bâtiments et leur organisation pour réduire le temps de travail par truie.

À l’inverse, si la main-d’œuvre est particulièrement bon marché au Brésil et en Hongrie, leur productivité horaire est bien plus faible que dans les autres pays : 70 kg carcasse par heure travaillée en moyenne au Brésil, et seulement 52 kg en Hongrie.

Résultats Financiers des Éleveurs

Alors que 2022 fut une année compliquée pour les éleveurs de porcs, 2023 a été synonyme d’embellie pour la très large majorité des pays du réseau. En moyenne sur l’ensemble des pays étudiés, le prix perçu a augmenté de 17 % par rapport à 2022. Les résultats des éleveurs de porcs - c’est-à-dire les écarts entre prix perçu et coût de production - se sont retrouvés grandement améliorés.

Seuls les États-Unis ont présenté des résultats moins bons en 2023, du fait de la chute drastique du prix du porc (-19 % par rapport à 2022), liée à un marché intérieur peu porteur. Au total, six pays ont présenté des résultats négatifs : le sud du Brésil, le Danemark, les États-Unis, la Finlande, la Hongrie et l’Irlande. Tous les autres ont bénéficié de résultats positifs, voire très positifs : + 17cts pour la France, + 19 cts pour les Pays Bas, + 40 cts pour l’Espagne.

Sur les trois premiers semestres de 2024, les résultats restent positifs pour les éleveurs français, grâce à des prix du porc qui se maintiennent à des niveaux très élevés. L’avenir apporte toutefois son lot d’incertitudes : le prix du porc diminue nettement ces derniers mois, la Chine pourrait imposer des droits de douane majeurs à l’importation, réduisant la compétitivité prix des porcs européens.

Performances Techniques et Productivité

En 2023, la mortalité sevrage-vente a atteint 14 %, en légère hausse par rapport à 2022. En 2021, les taux de perte espagnols étaient déjà supérieurs à ceux de ses principaux concurrents européens, mais restaient sous la barre des 10 %. Ces taux de pertes élevés ont grevé la productivité des truies : en 2023, l’Espagne a sevré en moyenne 26,8 porcelets par truie en production (-4,9 % par rapport à 2020). En comparaison, les Danois, spécialistes du naissage, ont sevré 34,8 porcelets par truie, les Pays Bas et l’Allemagne respectivement 32,1 et 31,2 porcelets par truie. Dans le même temps, la France a sevré 30,7 porcelets par truie (+ 1,2 % par rapport à 2022). - 6,5 % en Espagne.

La productivité des truies danoises reste la plus élevée : les éleveurs danois, spécialistes du naissage, sèvrent en moyenne 34,1 porcelets par truie en production par an. Les Pays-Bas et l’Allemagne sèvrent respectivement 32,5 et 31,2 porcelets par truie et par an. La France atteint 30,4 porcelets sevrés par truie par an (+0,9 % par rapport à 2021).

Impact sur le Prix de Revient et la Rentabilité

Le prix de l’aliment atteint son maximum sur 12 mois à la fin du printemps 2023 avant d’engager un repli progressif avec la baisse des prix des céréales et du soja. Ces différentes hausses de charges conduisent à l’augmentation sans précédent du prix de revient du kg de carcasse en 2023 chez les naisseurs engraisseurs. Il atteint en moyenne 1,912 €, soit + 28 cts en un an. Toutefois, avec un marché porteur et un prix de vente situé à 2,172 € du kg de carcasse, les éleveurs naisseurs engraisseurs ont pu rémunérer, en moyenne, leur travail au-delà de 2 SMIC par exploitant.

La progression de la rentabilité permet un doublement du revenu disponible par UTAF. Le taux d’endettement global régresse de cinq points pour s’afficher à 56 %. Malgré la bonne conjoncture 2023, des écarts entre élevages persistent. En effet, 20 % des exploitations porcines sont encore en situation financière fragilisée.

Si le prix de l’aliment a entamé son recul à partir du second semestre 2023, il reste à un niveau élevé jusqu’à ce printemps par rapport à la période d’avant Covid, la faute aux prix des céréales, du soja et de l’énergie qui n’ont pas retrouvé leur niveau d’avant crise. Le coût alimentaire sur 12 mois devrait toutefois diminuer jusqu’à la récolte 2024. Aussi, en intégrant une inflation modérée sur les biens et les services, le prix de revient en juin 2024 peut être estimé à 1,71 € du kg de carcasse, soit une baisse de 20 cts en un an.

Or depuis le début de l’année 2024, le prix du porc au MPB est relativement stable, au-dessus de 2 € le kg. Malgré une offre en retrait, celle-ci répond à la demande. La météo reste peu propice à la reprise saisonnière des pièces à griller. Avec un prix de revient moyen en baisse pour 2024, et un prix de vente qui se maintient jusqu’ici, l’écart prix de vente / prix de revient devrait être à nouveau favorable aux producteurs à court terme.

Évolution du Prix de l'Aliment en 2022

L’augmentation du prix de l’aliment consommé, débutée au second semestre 2021, se poursuit tout au long de l’année 2022. Le prix de l’aliment sur 12 mois passe de 277 € la tonne au premier trimestre à 351 € la tonne au dernier trimestre 2022 (soit + 74 € / t ou + 26 %).

En 2022, la tendance sur le prix de l’aliment est guidée par la baisse de l’offre mondiale de céréales et d’oléagineux à la récolte 2021. La réduction des cheptels en Europe entraine de moindres besoins pour l’alimentation animale. En Europe, les utilisations de céréales pour l’alimentation animale ne captent plus que 52 % des volumes utilisés sur la campagne 2022/23.

Impact sur la Marge Brute

En atelier naisseur engraisseur, la marge brute moyenne se situe à 0,455 € du kg de carcasse produit ou 1 000 € par truie présente. En atelier engraisseur, la marge brute moyenne s’élève à 19 € par porc. On constate également des écarts conséquents de marges brutes entre quart inférieur et quart supérieur.

Endettement et Perspectives

Malgré une faible augmentation des annuités entre 2021 et 2022, la pression financière décroit pour laisser davantage de revenu disponible aux éleveurs. Celui-ci est principalement utilisé pour financer les stocks supplémentaires et un surcroit d’investissement dans les bâtiments.

La conjoncture porcine de fin d’année 2022 et du premier semestre 2023 plutôt favorable doit permettre d’améliorer encore les fonds de roulement des exploitations, et d’envisager une modernisation des équipements.

Augmentation des Coûts de Revient en 2022

En 2022, les prix élevés de l’alimentation animale ont tiré vers le haut les coûts de revient du porc de l’ensemble des pays, en moyenne, ceux-ci ont augmenté de 27%. Entre 2021 et 2022, du fait de la crise des matières premières, les prix de l’aliment supplémenté augmentent de 34 % en moyenne. La hausse est surtout importante dans les pays du Nord de l’Europe, proche de 55 % en Finlande et en Suède.

Alors que les coûts alimentaires représentent entre 56 % du coût de revient en Finlande, et jusqu’à 80 % au Sud du Brésil, l’impact de la hausse des prix de l’aliment est considérable sur le coût de revient. Ceux-ci augmentent pour l’ensemble des pays de 27 % en moyenne. En France, le coût alimentaire augmente moins en moyenne que dans les autres pays grâce à son autosuffisance en céréales et le rôle joué par les fabricants d’aliments.

Aux coûts alimentaire et énergétique, s’ajoute un autre poste de charge en hausse : celui des amortissements. Les prix des bâtiments sont en forte augmentation en 2022 (+47 % en moyenne) liée à la reprise de la demande en matériaux post-COVID et à l’arrêt des relations commerciales avec la Russie, pays producteur de matières premières utilisées en construction. Les hausses des taux d’intérêt achèvent de faire bondir les coûts de la construction.

Comparaison Internationale des Coûts

Un gradient se fait ensuite entre les pays de l’Europe. L’Italie développe des produits différenciés : ses porcs lourds sont mieux valorisés, mais bien plus chers à produire. En 2022, les écarts de coûts se creusent, les porcs italiens étant plus de deux fois plus chers à produire que les porcs au Centre-Ouest du Brésil.

Le poste de charge main-d’œuvre est fonction du coût horaire du travail mais aussi de la productivité de la main-d’œuvre. Si les Pays-Bas présentent le coût horaire le plus élevé (27,9 €/h), leur main-d’œuvre est aussi la plus productive (213 kg carcasse/heure). Elle bénéficie de bâtiments et d’une organisation optimisés pour réduire le temps de travail par truie. A l’inverse, le sud du Brésil bénéficie d’une main-d’œuvre peu chère (2,8 €/h) mais beaucoup moins productive (64 kg carcasse/heure).

Résultats des Éleveurs en 2022

Les résultats des éleveurs de porcs - c’est-à-dire l’écart entre prix perçu et coût de revient - sont négatifs dans les pays du réseau InterPIG* (-28 ct €/kg carcasse en moyenne). Seuls les Etats-Unis présentent en 2022 un résultat positif (+21 ct €/kg carcasse chaude). Les hausses du prix du porc constatées au niveau mondial sont insuffisantes pour couvrir les évolutions des coûts.

En 2023, les coûts de revient restent importants pour les éleveurs : les prix de l’aliment ne se détendent qu’au second semestre et conservent une valeur élevée.

Tableau Comparatif des Prix de l'Aliment (Moyenne 2016-2020)

Pays Prix de l'Aliment (€/tonne)
États-Unis 177
Centre-Ouest du Brésil 195
Danemark 230-239
France 230-239
Allemagne 230-239
Sud du Brésil ~260
Pays-Bas ~260
Espagne ~260

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