Les compléments alimentaires sont devenus omniprésents dans notre société, avec une industrie mondiale estimée à 185 milliards d'euros d'ici à 2025. Ils promettent une meilleure santé, plus d'énergie, une plus belle peau et un cœur en meilleure santé.
Réglementation et contrôle des compléments alimentaires
Il est essentiel de comprendre que l'Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) ne réglemente pas les compléments alimentaires de la même manière que les aliments et les médicaments. De ce fait, certaines étiquettes peuvent s’avérer mensongères.
En France, bien que les compléments alimentaires fassent l’objet d’une déclaration auprès de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de contrôles, notamment de conformité, aucune autorisation n’est requise pour commercialiser ces suppléments nutritionnels.
Une analyse de 57 compléments alimentaires a révélé que 84 % de ces compléments ne contenaient pas la quantité d’ingrédients annoncée, que 40 % ne contenaient aucun des ingrédients annoncés et que 12 % « contenaient des ingrédients non déclarés, ce qui est interdit par la FDA ».
L'avis des experts sur l'efficacité des compléments alimentaires
Pour notre experte Anne-Laure, diététicienne-nutritionniste, certains compléments alimentaires sont efficaces, mais pas ceux pour maigrir. « Il y a des produits plutôt efficaces pour l'organisme, comme la vitamine B 12, le fer, la vitamine D. Ce type de complément alimentaire peut être bien en cas de carence, mais attention au surdosage, notamment de la vitamine D. »
Anne-Laure est formelle : « Les produits commercialisés pour cibler la perte de poids ne sont pas du tout efficaces. » Elle explique qu’il y a souvent un effet placebo. « Les gens se disent qu’ils vont prendre des compléments pour mincir et quand ils le font, ils vont faire très attention à leur alimentation. Mécaniquement, ils perdent du poids et pensent que ça marche, alors que non. »
On retient donc que l’efficacité des suppléments minceur réside dans l’influence de leur prise sur nos modes de consommation. En cela et avec l’effet placebo, ils aident indirectement à perdre du poids.
Multivitamines : sont-elles nécessaires ?
J’ai grandi en pensant que prendre une multivitamine par jour était le geste sain par excellence. Pourtant, ce n’est pas le cas pour tout le monde, comme nous l’avons documenté en juin 2023. Demandez toujours l’avis d’un médecin avant de commencer une cure de multivitamines, et cela pour plusieurs raisons.
- Les multivitamines peuvent interférer avec certains médicaments comme les antibiotiques ou les anticoagulants.
- Les personnes souffrant d’une maladie du foie ou des reins peuvent ne pas être en mesure d’éliminer efficacement les niveaux élevés de nutriments contenus dans une multivitamine.
- Comme pour tout, il est possible d’abuser des bonnes choses.
Attention cependant à prendre en compte d’autres éléments que votre état de santé, comme le fait que certaines vitamines soient absorbées différemment par l’organisme. Cela devrait grandement influer sur votre décision.
Dans un article publié en novembre 2023, des experts insistaient sur le fait d’être particulièrement prudent avec les vitamines A et E, du fait de leur caractère liposoluble. En d’autres termes, l’organisme stocke ces nutriments dans le foie et les tissus adipeux en vue d’une utilisation ultérieure, au lieu de les décomposer et de les métaboliser rapidement, comme c’est le cas pour d’autres types de vitamines. Consommer de fortes doses de l’une ou l’autre de ces vitamines peut en réalité s'avérer nocif.
Les risques liés à la consommation de compléments alimentaires
Comme je l’ai déjà mentionné, les vitamines peuvent être toxiques : au-delà d’une certaine quantité consommée, ces nutriments commencent à vous desservir. De nombreux nutriments tels que le collagène et la vitamine C sont déjà présents en abondance dans les aliments qui composent un régime alimentaire classique.
Dans l’ensemble, il est raisonnable de dire que la plupart des ingrédients contenus dans les compléments alimentaires n’ont pas fait l’objet d’études d’efficacité convaincantes. De nombreux compléments alimentaires contiennent des ingrédients, et en particulier des plantes, qui sont utilisés depuis longtemps dans le cadre de la phytothérapie traditionnelle. Un usage ancestral d’une plante ne signifie pas qu’elle soit efficace.
Parfois, il arrive que les informations disponibles sur un complément alimentaire mentionnent des études faites en laboratoire, sur des cellules en culture ou sur des animaux, qui sont le plus souvent le rat ou la souris. Bien menées, ces études peuvent apporter des informations intéressantes justifiant de mener des essais chez l’homme. Mais un résultat positif chez le rat ne prouve pas l’efficacité chez l’homme.
Les fabricants de compléments alimentaires mentionnent parfois les résultats d’études cliniques effectuées chez l’homme. Ce type d’étude est le seul moyen de prouver de manière certaine l’efficacité d’une substance dans un contexte particulier. Ce type d’étude clinique coûte très cher et la plupart des fabricants de compléments alimentaires n’ont pas les moyens d’investir dans de tels essais, d’autant plus que la plupart de leurs ingrédients ne sont pas brevetables.
Quand et comment utiliser les compléments alimentaires ?
Les compléments alimentaires peuvent être de bons coups de pouce pour lutter contre une défaillance passagère. Mais gare aux contre-emplois et aux effets toxiques !
Les compléments alimentaires sont définis comme des "denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal". Ils constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, indique la directive européenne 2002/46/CE.
Ils contiennent des actifs à doses dites "alimentaires", c’est-à-dire que l’on peut se procurer via l’alimentation : vitamines, minéraux, oligoéléments, graisses essentielles oméga 3 ou 6, probiotiques (ferments lactiques), plantes, algues. Leur présentation (en comprimés, gélules, ampoules) rappelle celle des médicaments, mais ils sont en vente libre.
"La plupart des déficits sont légers et transitoires. Ils passent inaperçus et ne nécessitent pas de complémentation, indique Aymeric Dopter, adjoint au chef d’évaluation des risques liés à la nutrition à l'Anses. Tandis qu’une carence se manifeste par des signes cliniques comme une fatigue inhabituelle, des crampes, des troubles digestifs… et doit amener à consulter."
En cas de doute, on se rapproche d’un professionnel pour évaluer si carence il y a, afin de la corriger (bilan et correction diététiques, complémentation).
Exemples de complémentations spécifiques
- Complémentation en fer : La carence en fer concerne surtout les femmes pendant la menstruation, notamment les adolescentes.
- Complémentation en vitamine D : Une supplémentation en vitamine D est recommandée pour les nourrissons, les femmes enceintes et les personnes âgées, à l’entrée de l’automne et à la sortie de l’hiver. Celle-ci doit être prescrite par le médecin.
- Complémentation en magnésium : Les carences en magnésium sont rares. Le médecin peut demander un dosage en cas de crampes ou de fatigue, et en prescrire au besoin.
Précautions à prendre
Pendant une maladie, s’autocomplémenter peut être dangereux. Il peut y avoir des interactions avec les traitements, risquant d’en réduire l’efficacité ou d’entraîner une toxicité. Ainsi, prendre des antioxydants s’avère contre-productif lors d’une chimiothérapie.
Avant une exposition au soleil, ou en cas de lucite estivale, les dermatologues recommandent une complémentation en bêtacarotène.
Il est déconseillé de prendre des substances "immunostimulantes" sans avis médical, et il faut suspendre leur prise dès les premiers symptômes infectieux.
Un complément n’est pas un médicament et ne guérit pas les maladies. Mais il soulage certains effets secondaires si les carences sont dues à une alimentation insuffisante.
Le cas du collagène
Le collagène est l’une des principales protéines du corps, où il joue un rôle structurel. Dans la peau, il assure tenue et élasticité. Au sein des articulations, il contribue aux propriétés biomécaniques du cartilage sollicité lors des mouvements. On en trouve aussi dans les os, les tendons, les ligaments, les muscles, les vaisseaux sanguins, etc.
Les vendeurs de compléments alimentaires déclinent des promesses à l’envi. Côté esthétique, il « efface les signes de l’âge », « lutte contre le relâchement cutané » et peut être pris pour « prévenir l’apparition des rides et rajeunir le visage ». Ongles cassants, cheveux ternes ? Une petite cure de collagène devrait aussi arranger l’affaire. Côté santé, il garantit « le confort articulaire » ou une « atténuation des douleurs ».
Le Pr Francis Berenbaum tranche : « Il n’y a aucune preuve que ça marche. Et, surtout, il n’y a aucune raison que ça marche. »
Le corps n’est pas capable d’assimiler le collagène sous cette forme, explique le Dr Claire Vinatier. Lorsque du collagène est ingéré, il est traité comme toutes les autres protéines : il est dégradé en acides aminés pour pouvoir passer la barrière intestinale. Une fois assimilés, ces acides aminés peuvent servir à reconstruire des protéines, mais pas le collagène plus spécifiquement qu’une autre.
Compléments alimentaires et cancer
Aucun complément alimentaire n’a d’effet bénéfique prouvé pour traiter le cancer. Des études ont mis en évidence des effets néfastes sur la santé, y compris sur le risque de cancer et sur la perte d’efficacité des traitements.
Les experts estiment que dans l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’est pas possible d’affirmer qu’un complément alimentaire peut lutter contre la maladie cancéreuse ou améliorer l’effet des traitements.
L’analyse d’études scientifiques robustes montre que la consommation de certains compléments alimentaires peut être dangereuse dans le cadre des soins du cancer. Par exemple, ceux à base de soja peuvent interférer dans le traitement de certains cancers du sein et les antioxydants pourraient avoir un effet protecteur des cellules cancéreuses ou réduire l’efficacité des traitements.
Tableau récapitulatif : Compléments alimentaires et leurs utilisations potentielles
Complément alimentaire | Utilisations potentielles | Précautions |
---|---|---|
Vitamine B12 | Carence en vitamine B12 | Surdosage |
Fer | Carence en fer (surtout chez les femmes) | Surdosage |
Vitamine D | Carence en vitamine D (nourrissons, femmes enceintes, personnes âgées) | Surdosage, prescription médicale recommandée |
Magnésium | Carence en magnésium (rare, crampes, fatigue) | Troubles intestinaux en cas de surdosage |
Bêtacarotène | Préparation à l'exposition au soleil, lucite estivale | - |
Oméga-3 | Stress, mémoire, humeur, santé cardiovasculaire | - |
Il est important de noter que ce tableau est un résumé et ne remplace pas un avis médical professionnel.
En conclusion, il apparaît que la consommation de compléments alimentaires n’est pas un acte anodin. Sa banalisation conduit certains consommateurs à s’exposer à des risques sanitaires pour un bénéfice incertain. Loin de proscrire tout recours aux compléments alimentaires, l’Anses plaide en faveur d’un usage raisonné, au regard des besoins réels des consommateurs qui le plus souvent peuvent rééquilibrer leur alimentation en modifiant leurs habitudes alimentaires.
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