« Nous sommes ce que nous mangeons »… Mais savons-nous pourquoi nous choisissons de manger ceci ou cela ? Où et comment se détermine notre désir, notre plaisir, notre appétit ? Où et comment se fabrique notre défiance, voire notre anxiété, vis-à-vis des aliments qui nous sont proposés ? Outre le goût et l’odorat, la vue détermine en grande partie notre comportement maintenant que, dans nos sociétés occidentales au moins, nous ne craignons plus la faim.
Comme nous vivons désormais dans une société très urbanisée, que l’organisation de notre temps nous est au moins partiellement imposée, notre alimentation s’est aussi transformée, privilégiant les produits issus de l’industrie agro-alimentaire. Les investissements y sont très lourds, notamment par suite des exigences sanitaires qui protègent de mieux en mieux les consommateurs. Pour choisir ce que nous mangerons, et qui deviendra partie intégrante de notre corps, nous exigeons que le produit soit non seulement bon pour notre santé, mais aussi soit désirable, donc d’une couleur séduisante et qui nous semble « normale ».
D’où l’utilisation de colorants, que d’ailleurs nos grands-mères utilisaient spontanément en badigeonnant leurs brioches et leurs rôtis en croûte de jaune d’œuf afin de les rendre encore plus tentants.
Types de Colorants Alimentaires
Il existe trois types de colorants alimentaires :
- les naturels (par exemple betterave, caramel)
- les colorants de synthèse fabriqués par l’industrie chimique mais qui existent à l’identique dans la nature
- les colorants artificiels, c’est-à-dire produits par l’art de l’homme et qui n’ont pas d’équivalents dans la nature (par exemple le bleu patente V).
Les colorants alimentaires ont été d’origine naturelle jusqu’en 1850.
Composition Chimique des Colorants
Le groupe fonctionnel responsable de la couleur du colorant est appelé groupe chromophore. Ce sont des systèmes moléculaires très insaturés, polyoléfines, aromatiques, comprenant souvent des atomes d’azote, comme dans les diazoïques, etc. existant sous forme ionique. Ils absorbent certaines longueurs d’onde de la lumière, et apparaissent ainsi colorés.
Dans les colorants utilisés, ils sont associés à un auxochrome, qui permet de les fixer sur le produit ; ce sont essentiellement des groupes acides ou basiques. C’est par leur caractère polaire, qui permet la formation de liaisons ioniques, que les auxochromes permettent cette fixation sur le substrat. Ils possèdent une autre propriété importante qui est d’amplifier la couleur, c’est-à-dire d’élargir la bande d’absorption de la lumière.
Les anthocyanes, qui sont des anthocyanidines portant des sucres, sont présents uniquement dans les vacuoles des plantes et chez les champignons, mais ne sont pas trouvés chez les animaux. En général, ils apparaissent dans les fruits, mais aussi dans les feuilles et les racines. Ils appartiennent à la classe des flavonoïdes et sont principalement localisés dans les cellules des couches externes telles que l’épiderme. Ce sont eux qui colorent les fruits rouges et le raisin noir.
Toutes les nuances de couleurs sont répertoriées dans le « Colour Index » où l’on retrouve les formules des colorants, leurs méthodes d’application ainsi que leurs propriétés.
Réglementation et Sécurité des Colorants Alimentaires
La sécurité de tous les colorants alimentaires autorisés dans l’Union européenne (UE) fait l’objet d’une évaluation scientifique rigoureuse, effectuée par les experts scientifiques du groupe ANS (Alimentation, Nutrition, Sécurité) de l’EFSA ; leurs résultats sont publics.
Le règlement n° 257/2010 de la Commission établit un programme pour la réévaluation des additifs alimentaires (45 au total seront réétudiés d’ici 2015), en fonction des nouvelles données scientifiques accessibles et de diverses allégations concernant leur innocuité. A cette occasion, la dose journalière acceptable, DJA, peut être réévaluée. La DJA est la quantité d’une substance qu’un être humain peut ingérer chaque jour au cours de son existence sans risque notable pour sa santé.
Six colorants alimentaires ont été réexaminés en priorité en 2010. Pour trois d’entre eux : le jaune de quinoléine (E 104), le jaune orangé (E110) et le Ponceau 4R (E124)), la DJA a été réduite, sans modification pour les trois autres, la tartrazine (E 102), l’azorubine/carmoisine (E22) et le rouge Allura AC (E 129). Des avis pour les colorants alimentaires des groupes 1 et 2, prioritaires, ont été émis le 15 avril et le 31 décembre 2010. Des nouvelles évaluations sont attendues pour les 31 juillet (E 131 et 170) et le 31 décembre 2011 (E32).
Colorants Naturels vs. Synthétiques
Nous avons spontanément tendance à croire que ce qui est naturel est meilleur que ce qui est synthétique et dans ce cas, le produit de la vie, biologique, naturel, est perçu comme bon alors que le produit fabriqué par l’homme, synthétique, est perçu comme mauvais, voire dangereux. Lorsqu’il s’agit de colorants identiques au naturel, qui possèdent donc très exactement la même structure moléculaire que celui qui a été biosynthétisé dans la plante ou l’animal, la distinction n’a évidemment pas de sens. En réalité dans ce cas particulier le chimiste, dans son laboratoire ou dans son usine, ne fait donc que fabriquer par synthèse ce que la nature avait fait elle-même par voie biologique.
Il faut différencier les colorants synthétiques et les colorants artificiels qui, eux, n’existent pas dans la nature, car ce sont des molécules créées par l’homme pour répondre à des besoins nouveaux ou pour gagner en efficacité. C’est en 1856 que le premier colorant artificiel fut découvert par hasard par William Henry Perkin : la mauvéine, un dérivé de l’aniline contenu dans le goudron de houille.
Exemples de Colorants Alimentaires Naturels
Les colorants alimentaires naturels, contrairement aux colorants artificiels qui sont fabriqués en laboratoire, sont des substances colorées issues de sources naturelles telles que les plantes, les fruits, les légumes, les épices, les insectes ou d’autres matières organiques. Voici quelques exemples courants :
- Anthocyanes: Extraits de fruits rouges et de baies comme les fraises, les cerises et les myrtilles, les anthocyanes donnent des teintes allant du rouge au violet.
- Caroténoïdes: Les caroténoïdes, se trouvent dans les carottes, les courges, les patates douces et d’autres légumes orange à jaune. Ils peuvent également être extraits de micro-organismes.
- Chlorophylle: La chlorophylle est le pigment vert présent dans les plantes. Elle est extraite principalement des feuilles vertes et est utilisée pour teinter certains aliments en vert.
- Curcumine: La curcumine est extraite du curcuma, une épice jaune. Elle est utilisée pour donner une couleur jaune vif aux aliments.
- Bétalaïnes: Extraits de betteraves rouges et de cactus, les bétalaïnes fournissent des teintes allant du rouge au violet.
- Anthoxanthines: Ces pigments naturels, présents dans les oignons, les pommes de terre et d’autres légumes blancs, sont utilisés pour obtenir des nuances de blanc ou de crème.
- Cochenille: Le colorant cochenille est fabriqué à partir de la cochenille, un insecte parasite. Il est utilisé pour obtenir des teintes rouges et roses vives.
- Charbon végétal activé: Le charbon végétal activé est utilisé pour donner une couleur noire ou grise à certains aliments et boissons.
Colorants Spécifiques et Leurs Caractéristiques
Les colorants appartiennent à deux catégories, alimentaires et pharmaceutiques, mais la plupart figurent dans les deux. Voici quelques exemples spécifiques de colorants et leurs caractéristiques :
- E101 : Riboflavines Également appelée lactoflavine, cette vitamine est autorisée dans de nombreuses préparations.
- E102 : Tartrazine Colorant azoïque de synthèse, la tartrazine est autorisée à hauteur de 50 mg/kg dans les soupes et potages. Sa DJA est de 7,5 mg/kgmc/jour. Elle a été un temps interdite dans certains pays, mais la plupart ont levé cette interdiction en raison de l’harmonisation des règlementations qui accompagne la mondialisation.
- E104 : Jaune de quinoléine Le jaune de quinoléine est un colorant de synthèse. Sa DJA est de 10 mg/kg mc. Il est interdit au japon et dans l’alimentation aux États-Unis.
- E110 : Jaune orangé S Colorant de synthèse, le jaune orangé sunset est autorisé dans de nombreux produits, à hauteur de 400 mg/kg au maximum. Sa DJA est de 2,5 mg/kg mc.
- E120 (ou carmin) Aussi appelé rouge de cochenille, ce colorant d’origine naturelle est utilisé dans un grand nombre de préparations.
- E122 (ou carmoisine) Colorant de synthèse, sa DJA est de 4 mg/kg mc. Son usage doit s’accompagner en France de la mention « Peut avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants ».
- E123 : Amarante Colorant azoïque synthétique, l’amarante est interdite aux États-Unis en raison de sa toxicité.
- E129 : Rouge allura AC Colorant azoïque issu du pétrole, sa DJA est de 7 mg/kg mc.
- E131 : Bleu patenté V Colorant issu de la pétrochimie, il n’est pas listé par le codex alimentarius.
- E133 : Bleu brillant FCF Colorant synthétique, sa DJA est de 6 mg/kg mc (elle a été deux fois revue à la baisse, en 1984 et en 2010).
- E141 : Complexes cuivre-chlorophylles et chlorophyllines Les complexes cuivriques sont obtenus à partir des chlorophylles et chlorophyllines par addition de sels de cuivre, de manière à les stabiliser.
- E150 : Caramel Le colorant caramel est à distinguer du caramel naturel, les procédés d’obtention industriels pouvant largement différer de la simple cuisine. Les quatre types existant diffèrent tant par la couleur que par le procédé d’obtention.
- E160a : β-carotène Le β-carotène est un caroténoïde courant, que l’on retrouve notamment dans les carottes.
- E162 : Rouge de betterave, bétanine Les colorants de la betterave appartiennent tous à la classe des bétalaïnes.
- E171 : dioxyde de titane Le dioxyde de titane est un colorant minéral blanc qui, outre ses applications comme colorant alimentaire, a des applications en cosmétique et produits pharmaceutiques.
Controverses et Sécurité
D’une manière générale, on peut s’interroger : l’addition de colorants alimentaires, qu’ils soient naturels, identiques au naturel ou synthétiques est-elle réellement utile, nécessaires ? Nos habitudes alimentaires, notre supposé plaisir, qui associent odeur, texture, et couleur, justifient-ils de prendre risques, même faibles ?
En faible quantité, tous ces produits, naturels ou non, sont très certainement innocents. Ils font d’ailleurs l’objet d’une réglementation très contraignante. A des doses très importantes, il peut en aller différemment, pour les uns comme pour les autres.
Certaines personnes sont allergiques aux fraises, mais ce n’est pas dû aux composants chimiques qui les composent, cela vient de ses « poils » superficiels, comme dans le cas des allergies aux kiwis. La dangerosité des colorants alimentaires est toute relative. C’est en réalité la nature chimique et son mode d’utilisation (la préparation de l’aliment) qui jouent sur les éventuels effets secondaires d’un colorant.
Contrairement à une idée largement répandue dans le grand public et même chez les médecins, les colorants et les additifs sont accusés de tous les “maux allergiques” dès qu’un symptôme y ressemble ! Dans le public, il existe une phobie des colorants et additifs. En 1976, une rumeur se propagea, alimentée par un tract, la “Circulaire de Villejuif”, qui dressait une liste d’additifs alimentaires dont 187 étaient qualifiés comme “toxiques” et 27 comme “suspects”, en s’appuyant sur la notoriété du célèbre hôpital, totalement étranger à l’élaboration de cette liste. Le caractère farfelu ou mensonger était illustré par le cas de l’additif E330, présenté comme le plus dangereux alors qu’il s’agit simplement de l’acide citrique existant en abondance à l’état naturel dans les agrumes.
Les additifs alimentaires, notamment les colorants artificiels, sont couramment utilisés pour rendre les denrées alimentaires plus appétentes et conformes aux exigences de l’inconscient face à un aliment : un yaourt à la fraise se doit d’être rose, un bonbon au citron sera jaune, etc. La consommation de colorants alimentaires artificiels a augmenté de 500 % au cours des 50 dernières années, et les enfants en sont les consommateurs les plus exposés.
Le sujet est très controversé et il existe de nombreuses opinions contradictoires sur la sécurité des colorants alimentaires artificiels. Les colorants alimentaires sont des substances chimiques qui ont été développées pour améliorer l’apparence des aliments. Nous ajoutons des colorants alimentaires à notre nourriture depuis des siècles, mais les premiers colorants artificiels ont été créés en 1856 à partir de goudron. Aujourd’hui, les colorants alimentaires sont fabriqués à partir de pétrole.
Au fil des ans, des centaines de colorants artificiels ont été mis au point, mais la majorité d’entre eux ont depuis été jugés toxiques. Suite à ces différents tests, l’autorité européenne sur la sécurité des aliments, l’EFSA, a conclu que les colorants ne présentaient pas de risques importants pour la santé. Pourtant, ce rapport ne fait pas l’unanimité.
Les colorants alimentaires les plus populaires sont : Rouge 40, Jaune 5 et Jaune 6. Ils représentent 90% de tous les colorants alimentaires utilisés aux États-Unis. Quelques autres colorants sont approuvés dans certains pays mais interdits dans d’autres. Green No. 3, également connu sous le nom « Fast Green », est approuvé par la FDA mais interdit en Europe.
Certains colorants alimentaires artificiels peuvent causer des réactions allergiques. Yellow 5 (aussi connu sous le nom de tartrazine), est notamment réputé pour provoquer des symptômes d’urticaire et d’asthme. La plupart des réactions allergiques ne mettent pas la vie en danger. Cependant, si vous avez des symptômes d’une allergie, il est préférable d’éviter les aliments qui contiennent des colorants alimentaires artificiels.
Aussi, certains colorants peuvent contenir des contaminants cancérigènes et bien que la plupart des colorants alimentaires ne causent pas d’effets nocifs dans les études de toxicité, on s’inquiète néanmoins de la présence possible de contaminants. Les colorants sont uniquement utilisés pour rendre les aliments plus attrayants. Pour autant, il n’existe aucune preuve concluante que les colorants alimentaires sont dangereux chez les adultes.
L’affirmation la plus préoccupante au sujet des colorants alimentaires artificiels, c’est le risque de cancer. Plusieurs études ont démontré que les colorants alimentaires augmentaient l’hyperactivité chez les enfants, avec et sans TDAH (trouble du déficit et de l’attention avec ou sans hyperactivité), bien que certains enfants semblent être plus sensibles que d’autres. Si vous trouvez que votre enfant a un comportement hyperactif ou agressif, envisagez de choisir des aliments ne contenant aucun colorant. La plupart des colorants alimentaires se trouvent dans les aliments transformés, qu’il est préférable d’éviter.
TAG: