Interdiction du Dioxyde de Titane (E171): Un Colorant Alimentaire Blanc Controversé

Le dioxyde de titane est un composé classé cancérigène potentiel chez l’être humain par inhalation depuis 2006. Utilisé comme colorant blanc et opacifiant dans l’alimentation (E171) jusqu’à son interdiction par mesure de précaution en France dès 2020 et dans les pays de l’Union européenne en 2022, ce composé nanoparticulaire et microparticulaire reste massivement employé dans une multitude de produits du quotidien (dentifrices, crèmes solaires, médicaments, plastiques, maquillage, papier, peintures, etc.).

Présence du Dioxyde de Titane dans l'Environnement et l'Alimentation

De précédentes études ont démontré la présence de particules de dioxyde de titane dans les eaux de surface (lacs, rivières, mares, canaux, mers), dont celles utilisées pour produire l’eau potable et alimenter les piscines, dans les nappes phréatiques, dans les sols et dans l’air, où elles rejoignent celles relarguées par l’activité industrielle, par l’érosion des peintures et vernis des bâtiments ou par leur utilisation comme engrais sous forme de nanoparticules.

Pour mieux évaluer l’impact de ce relargage massif du dioxyde de titane sur les êtres vivants et mesurer l’exposition réelle des animaux et humains, des scientifiques d’INRAE, de l’AP-HP, du synchrotron SOLEIL et du CNRS ont étudié la présence de dioxyde de titane dans le lait humain et d’animaux et dans le lait infantile, le lait étant le reflet de l’exposition maternelle et la nourriture essentielle et irremplaçable des nouveau-nés sur laquelle repose leur développement et leur santé.

Nanoparticules Détectées dans la Majorité des Laits

Les techniques d’analyse en spectrométrie effectuées au synchrotron SOLEIL et à l’hôpital Lariboisière à Paris, non destructives, ont permis de caractériser le dioxyde de titane, de doser le titane total, de détecter les particules individuelles de titane et de déterminer leur taille à l’échelle du nanomètre. La taille est importante car les particules d’une taille inférieure à 100 nm sont classifiées comme nanoparticules et sont massivement manufacturées pour leurs propriétés physico-chimiques différentes des particules plus grandes.

L’analyse des échantillons révèle la présence de nanoparticules de titane dans 100 % des laits animaux (frais ou en poudre, issus de vaches, d’ânesses ou de chèvres, en agriculture biologique ou conventionnelle) et dans 83 % des laits infantiles analysés (issus du commerce, du 1er au 3e âge, en agriculture biologique ou conventionnelle).

Le Dioxyde de Titane Passe la Glande Mammaire

Les particules de dioxyde de titane ont été détectées dans les laits maternels des 10 femmes volontaires vivant à Paris ou en proche banlieue, à des taux variables, certaines femmes présentant jusqu’à 15 fois plus de particules que d’autres. Cela constitue une preuve que le dioxyde de titane peut passer la barrière de la glande mammaire.

Grâce à cette technique d’analyse récente, 6 millions à 3,9 milliards de particules de titane ont été détectées par litre de lait infantile, et de 16 à 348 millions de particules de titane par litre dans les laits animaux.

Autres Sources de Titane et Exposition Continue

Cet état des lieux de la contamination actuelle des laits reflète le niveau d’exposition des nouveaux-nés et des mères, mais également des consommateurs adultes de lait. De précédents travaux pilotés par INRAE avaient mis en évidence que des nanoparticules de dioxyde de titane consommé via les aliments pendant la grossesse étaient retrouvées dans le placenta. Cette nouvelle étude montre que la naissance ne présente pas un arrêt de l’exposition, avec une détection de particules de titane dans le lait malgré l’interdiction du E171 dans l’alimentation, ce qui suppose l’existence d’une contamination par d’autres voies que la voie alimentaire.

La caractérisation des particules dans le lait telle que réalisée dans cette étude (taille, % de moins de 100 nm, type de minerais, forme cristalline) devrait servir de base aux futures études pour évaluer la toxicité des cocktails de particules qui ont été identifiées selon l’espèce et le type de lait.

De prochains travaux auprès de femmes vivant en région parisienne (les zones urbaines étant connues pour avoir des taux d’exposition aux particules de titane plus importantes) permettront d’investiguer les effets des habitudes alimentaires, de l’utilisation de cosmétiques, de médicaments, et d’autres produits contenant du dioxyde de titane sur le niveau d’exposition.

Il s’agit d’un colorant blanc extrêmement répandu. De nombreuses études ont démontré le caractère cancérogène de ce colorant, raison de son interdiction d’utilisation en Europe dans les produits alimentaires.

La réglementation sur les additifs est très complexe. L’érythrosine ou E127 est un colorant alimentaire rouge autorisé uniquement pour colorer les cerises (ex : cerises confites, cakes aux cerises). On le suspecte lui aussi d’être cancérogène.

Interdiction et Réévaluation du Dioxyde de Titane

Interdit en Europe depuis 2022. Le dioxyde de titane est employé en tant que colorant blanc. Il se présente, au moins partiellement, sous forme nanométrique. Une étude de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), dite NanoGut, publiée en janvier 2017, montre que l’exposition chronique de rats au dioxyde de titane partiellement nanométrique par voie orale serait susceptible d’entraîner des lésions colorectales précancéreuses. D'autres études évoquent une génotoxicité.

Le 15 avril 2019, un nouvel avis de l’Anses vient souligner « le manque de données scientifiques » et précise que l’agence « ne dispose pas d'éléments nouveaux permettant de lever les incertitudes sur l'innocuité de l'additif E171 ». Les ministères de la Transition écologique et de l'Economie annoncent alors, après plusieurs mois de tergiversations, que le dioxyde de titane sera interdit dans les denrées alimentaires en France à partir du 1er janvier 2020 dans l'attente d'une position européenne.

Finalement, en mai 2021, l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (Efsa), a publié un avis qui confirme que le E171 n'est plus considéré comme sûr en tant qu'additif alimentaire, du fait notamment du risque de génotoxicité qui ne permet pas de définir un niveau sûr d'apport quotidien en cet additif. La Commission a donc proposé d’interdire le dioxyde de titane dans les aliments mis sur le marché européen à compter du 7 août 2022, proposition approuvée par les États membres.

Après plusieurs années de débats, l’Efsa a finalement revu sa position sur le dioxyde de titane, colorant blanc et opacifiant utilisé en alimentaire sous le code E171. Il n’est plus considéré comme sûr pour la santé et pourrait bientôt être interdit dans toute l’Union européenne.

En 2016, l’Agence européenne avait conclu que cet additif sous forme de nanomatériaux ne posait pas de problème de sécurité au vu des données disponibles, mais que des études complémentaires seraient nécessaires sur la repro-toxicité. Cet avis avait été remis en cause dès 2017 par l’Inrae. L’institut de recherche avait prouvé que le E171 pénétrait la paroi intestinale chez l’animal et induisait des lésions.

En 2020, les chercheurs français avaient aussi mis en avant que les nanoparticules du dioxyde de titane pouvaient traverser le placenta et atteindre les fœtus chez l’humain. Ces résultats avaient poussé de nombreux fabricants à revoir leurs formules afin de supprimer le colorant de leurs listes d’ingrédients.

Avec l'arrêté du 17 avril 2019 , les autorités françaises ont suspendu la commercialisation du E171 par principe de précaution. Suspension qui a été prolongée d’un an par l'arrêté du 21 décembre 2020 . La France est jusqu’à présent le seul pays à l'avoir fait dans l’Union européenne, mais la nouvelle évaluation de l’Efsa pourrait changer la donne.

Nouvelle Évaluation des Données depuis 2016

L'Agence européenne avait reçu en 2019 une déclaration de risque de l’Anses (France) mais avait conclu que les éléments n’invalidaient pas son précédent avis sur le dioxyde de titane. Toujours en 2019, elle avait été alertée par la NVWA (Pays-Bas) sur la nécessité de mener des études immuno-toxicologiques en plus des effets repro-toxiques.

Dans ce nouvel avis, l’Agence a étudié les données scientifiques sur le colorant et les nanomatériaux parues après 2016. « En tenant compte de toutes les études et données scientifiques disponibles, le groupe a conclu que le dioxyde de titane ne peut plus être considéré comme un additif alimentaire sûr . Un élément critique pour arriver à cette conclusion est que nous n'avons pas pu exclure les problèmes de génotoxicité qui pourraient survenir suite à la consommation de particules de dioxyde de titane. Après une ingestion orale, l'absorption des particules de dioxyde de titane est faible, mais elles sont susceptibles de s'accumuler dans l'organisme », explique Maged Younes, président du groupe scientifique de l’Efsa sur les additifs alimentaires et les arômes (groupe FAF).

Les experts ne se prononcent pas sur les autres usages du dioxyde de titane, qui est toujours employé dans les cosmétiques, peintures, médicaments, dentifrices…

Si l’Efsa n’a qu’une fonction consultative, cet avis va servir de base à la Commission européenne qui statuera sur son interdiction dans le domaine alimentaire dans les prochains mois. Dans le cas probable où elle suivrait les résultats de l’évaluation, l’utilisation et la commercialisation du dioxyde de titane seraient bannies de l’Union européenne, obligeant les fabricants à reformuler leurs produits.

Une étude de l’INRA (Institut National de Recherche Agronomique) publiée dans Scientific Reports en 2017 suggère un lien entre le dioxyde de titane, un additif alimentaire, et plusieurs maladies, dont le cancer du côlon chez le rat. Depuis, 25 nouvelles études ont été publiées au sujet de cet additif, avec des indications souvent similaires. Deux ans plus tard, où en sommes nous ?

Présent dans nos cosmétiques, nos peintures, mais aussi notre alimentation, le dioxyde de titane est depuis quelques temps sous les feux de la rampe. Dans l’agroalimentaire, on le surnomme « E171 », et on le retrouve notamment abondamment dans les confiseries pour enfants. D’origine minérale et parfaitement naturelle, on le retrouve sous forme de micro et nanoparticules dans nos aliments où il joue le rôle de pigment blanc. Il va notamment être utilisé pour nuancer d’autres pigments, ou pour rendre une surface bien brillante. Son utilité est essentiellement esthétique.

Impact sur le Système Immunitaire et Décisions Gouvernementales

Après exposition par voie orale pendant une semaine, des nanoparticules ont été retrouvées dans plusieurs tissus et organes comme le foie (signifiant que les nanoparticules passent bel et bien la paroi intestinale vers le sang), et les plaques de Peyer. Ces dernières font partie du système immunitaire associée à l’intestin, et sont donc directement impliquées dans la réponse immunitaire locale.

À cet endroit, les chercheurs ont relevé également une augmentation du nombre de cellules dendritiques (impliquées dans la réponse immunitaire) et la diminution des lymphocytes T régulateurs qui ont pour rôle de tamponner la réponse inflammatoire. Ce déséquilibre immunitaire persiste jusqu’à 100 jours après exposition. Des expositions de plus longue durée ont aussi été réalisées.

Ainsi, pour des expositions relativement courtes et à des concentrations similaires à celles que nous sommes susceptibles de rencontrer au quotidien, les chercheurs ont pu démontrer des effets non négligeables, in vivo, et surtout sur un modèle au système digestif assez proche de l’homme.

Suite à la parution de cette étude, le gouvernement a saisi l’ANSES (L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) afin de pousser les recherches pour déterminer une éventuelle toxicité chez les consommateurs. En avril 2017, l’agence publie un avis en réponse : bien que l’étude de l’INRA mette en lumière des effets jusqu’alors inconnus, l’institution estime qu’il faudra effectuer des études complémentaires pour déterminer si oui ou non la toxicité du dioxyde de titane mérite d’être réévaluée par l’EFSA (Autorité Européenne de Sécurité des Aliments).

Pourtant, le 4 juillet 2018, après avoir étudié quatre publications scientifiques, l’EFSA annonce que malgré les résultats de ces études, le statut du E171 ne mérite pas d’être réévalué. Néanmoins, sur base du principe de précaution, le gouvernement a interdit l’usage du E171 dans les aliments à partir de janvier 2020.

Dans un contexte de méfiance croissante vis-à-vis des additifs et produits phytosanitaires, le dioxyde de titane est une goutte d’eau supplémentaire dans un océan d’additifs agroalimentaires douteux. On estime que l’additif est utilisé par 252 marques alimentaires dans des milliers de produits. Selon Que Choisir, entre 4000 et 5000 produits seraient concernés.

Exemptions et Perspectives d'Avenir

Début 2022, en même temps qu’elle interdisait l’additif E171 dans l’alimentation, cf. Suite à l’avis de l’EFSA reconnaissant que l’innocuité du E171 ne pouvait être établie, cf. Pourquoi attendre trois ans ? Pour donner le temps aux laboratoires pharmaceutiques de déployer “tous les efforts possibles pour accélérer la recherche et le développement de solutions alternatives” permettant de remplacer cet excipient très courant dans les médicaments2Cf. considérants 14 à 18 et article 3 du Règlement européen 2022/63, Commission européenne, janvier 2022 : “La Commission s’engage à réexaminer, dans un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur du présent règlement*, la nécessité de maintenir le dioxyde de titane (E171) sur la liste de l’Union des additifs alimentaires pour une utilisation exclusive en tant que colorant dans les médicaments, ou de le retirer de cette liste”..

Il est vrai qu’une recette de blanquette de veau en conserve, de M&M’s ou de Têtes brûlées3Après la révélation par Agir pour l’Environnement de la présence de dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire dans ces trois produits contenant du E171, les marques ont retiré le E171 de leur recette avant même son interdiction formelle en 2020. Le hic ? Si l’on peut concevoir qu’un délai de plusieurs années soient octroyées aux laboratoires pour reformuler les médicaments, l’attentisme n’est toutefois plus de mise.

Les premières alertes sur le E171 dans les médicaments ont plus de quinze ans maintenant4Voir par exemple Titanium dioxide nanoparticles induce DNA damage and genetic instability in vivo in mice, Trouiller et al., Cancer Research, 69(22), 2009 ; Interaction Between Nano-Anatase TiO2 and Liver DNA from Mice In Vivo, Li, N et al., Nanoscale Res Lett., 5, 108, 2010 ; … et, dès 2017, Que Choisir plaidait pour son interdiction “si le moindre doute subsistait sur l’innocuité de ce composé”5Colorant E171 : Les médicaments aussi !, Que Choisir, 4 février 2017.

Dans le même temps, de moins en moins recherches indépendantes sont financées sur les risques liés à l’ingestion du TiO2, faute de financement public23L’INRAé, qui avait mené des recherches sur le E171*, a arrêté de financer des recherches sur cet additif… puisqu’il est interdit dans l’alimentation en France depuis 2020 et que le secteur des médicaments n’entre pas dans son champ d’expertise. Un projet a ensuite été financé en 2021 par l’association de patients Crohn RCH France. Un autre projet financé par la Fondation pour la recherche médicale (FRM) est encore en cours, mais il s’agit d’une exception qui confirme la règle : il n’y a quasiment plus de recherches financées en France sur ce sujet pourtant crucial.* Cf.

Exposition Professionnelle et Recommandations

L’exposition la plus forte au TiO2 nanométrique du salarié est celle liée à la manipulation de produits pulvérisés ou de suspension liquide lors de diverses activités professionnelles, comme des opérations de pulvérisations, de ponçages (vernis, peintures). Ces expositions ont été ou sont encore ignorées par les salariés concernés alors que ces professionnels devraient faire l’objet d’une sensibilisation et d’une surveillance ciblée.

Des efforts se sont développés notamment en 2014, à travers les données recueillies dans le cadre de la déclaration obligatoire R-nano. L’Anses a été chargée de définir une VTR (Valeur de Toxicologie de Référence) chronique par inhalation pour le TiO2-NP (exposition par voie respiratoire). Suite à une analyse approfondie de l’ensemble des données de toxicité disponibles, l’Agence en avril 2019 recommande une VTR chronique par inhalation pour la forme P25 du TiO2-NP de 0,12 µg.m-3.

Chez les personnes exposées par voie respiratoire, le dioxyde de titane sous forme nanoparticulaire (TiO2-NP ) peut engendrer une inflammation pulmonaire susceptible d’entraîner dans certains cas la cancérogénèse. L’Anses recommande des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) pour renforcer la prévention des risques pour les travailleurs et préconise une VLEP-8h de 0,80 microgramme par mètre cube sur une durée de 15 minutes.

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