Un trouble du comportement alimentaire (TCA) se caractérise par une perturbation du comportement en lien avec l’alimentaire, le poids et/ou l’apparence physique de la personne. Le trouble va affecter durablement la santé de la personne, son quotidien et ses relations personnelles et sociales.
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) reconnaît trois troubles alimentaires fréquemment diagnostiqués chez les adolescent·e·s et adultes : l’anorexie mentale (AM), la boulimie (B) et hyperphagie boulimique ou binge eating disorder (BED). Chacun de ces troubles peut avoir des présentations cliniques et des symptômes différents. D’autres troubles alimentaires sont à l’étude et ne sont pas encore inclus dans le DSM-5.
Le DSM 5 apporte plusieurs changements importants dans la classication des TCA (par rapport au DSM-4), à commencer par le nom : Eating Disorders devient Feeding and Eating Disorders qu’on peut traduire par Troubles de l’Alimentation et des Conduites Alimentaires. Le but est de regrouper les catégories enfants, adolescents et adultes afin de concevoir cette nosographie sur la vie entière en supprimant la référence à l’âge des sujets.
C’est aussi l’occasion de réduire le nombre trop important des troubles classés dans les Eating disorders Not Otherwise Specied (EDNOS) dont la proportion étaient souvent supérieure à 50% des cas cliniques conduisant à une demande de consultation. Ainsi, l’Anorexie Mentale et la Boulimie ont vu leurs critères évoluer sensiblement. L’Hyperphagie Boulimique a été validée. Très peu de patients restent « non spécifiés » pour le DSM-5. Le pourcentage d’anorexie mentale augmente et celui de boulimie reste stable chez l’adolescent comme chez l’adulte (2). Le DSM 5 introduit des catégories de sévérités (léger, modéré sévère extrême) pour les différents TCA.
Les taux de prévalence des TCA initialement mesurés par le DSM-IV ne correspondent pas forcément à ceux basés sur le DSM-V du fait des changements de critère diagnostic.
Anorexie Mentale
L’anorexie, qu’est ce que c’est ? L’anorexie mentale est un trouble des conduites alimentaires (TCA), c’est-à-dire une perturbation de la relation à l’alimentation. Elle se caractérise par une perte de poids intentionnelle.
Les personnes les plus concernées sont les jeunes filles, à l’adolescence, mais cela peut aussi toucher les jeunes hommes. L’anorexie, comme les autres TCA, peut avoir des conséquences importantes sur notre vie affective, familiale, sur les études, le travail et les relations amicales. Malgré ces difficultés, il est possible de se rétablir de ce trouble.
Les critères les plus utilisés pour l’anorexie mentale sont ceux du DSM-V dans le chapitre intitulé « troubles des conduites alimentaires et de l’ingestion d’aliments ». L’expression clinique de ces troubles dépasse parfois ce cadre critériologique. À noter que le critère d’aménorrhée a été supprimé pour l’anorexie mentale dans le DSM-V (1). Du fait de la prise de contraceptions oestroprogestatives, l’aménorrhée peut être absente.
Le critère refus de maintenir un poids minimum normal a été transformé dans le DSM-V par une notion de restriction calorique avec perte pondérale. Le DSM-V propose ainsi 3 critères :
- A. Restriction alimentaire, conduisant à un poids corporel significativement bas en fonction de l’âge, du sexe, de la trajectoire développementale ainsi que de la santé physique.
- B Peur intense devenir allant à que le poids de prendre du poids ou de grosse, ou comportements persistants l’encontre de la prise de poids, alors est significativement bas.
- C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou manque persistant de reconnaitre la gravité relative à la maigreur actuelle.
2 sous-types :
- Anorexie mentale restrictive.
- Anorexie mentale boulimique avec purge.
- Type Restrictif : pendant les trois derniers mois
- Type accès hyperphagiques/purgatif : Pendant les 3 derniers mois, la personne a présenté des accès récurrents de gloutonnerie et/ou à des comportements purgatifs.
Degrés de sévérité : Chez les adultes, la sévérité minimum est basé sur l’indice de masse corporel (IMC) réel et chez les enfants et les adolescents sur le percentile d’IMC.
Sévérité | IMC (kg/m2) |
---|---|
Léger | > ou = 17 |
Modéré | 16-16,99 |
Sévère | 15-15,99 |
Extrême | < 17 |
L’absence de règles depuis au moins 3 mois (aménorrhée) est un indicateur important en clinique, même s’il n’apparaît plus parmi les critères diagnostics de la maladie depuis la 5e édition du DSM, compte tenu de l’utilisation fréquente d’une contraception œstroprogestative qui crée des hémorragies de privation masquant l’aménorrhée. Le ralentissement de la croissance chez une jeune adolescente peut également être évocateur.
D’autres symptômes encore peuvent être associés à l’anorexie : obsessions alimentaires, hyperactivité, surinvestissement intellectuel…
L’anorexie mentale se caractérise par une peur intense de devenir gros, malgré une maigreur apparente et un poids en dessous de la normale (établi à partir de l’IMC). Les personnes souffrant d’anorexie mentale sont principalement des femmes. L’anorexie mentale se caractérise aussi par une altération de la perception du poids et de l’image du corps, proche de la dysmorphobie.
L‘anorexie mentale a un âge moyen de début des troubles vers 17 ans avec deux pics, un à 12 ans et l’autre à 18 ans, mais peut survenir aussi plus tardivement. L’anorexie mentale associe une dénutrition (restriction des apports alimentaires par rapport aux besoins de la personne), une peur de prendre du poids et une perception de son corps altérée, avec souvent des comportements compensatoires (hyperactivité physique, utilisation de médicaments …).
Les symptômes de l’anorexie mentale sont indiqués dans la Classification internationale des maladies (CIM-10, 2008), l’une des deux classifications de référence. Ils comprennent :
- Perte de poids intentionnelle, associée à la peur de grossir et d’avoir un corps flasque
- Maintien d’un poids faible, en dessous des normes pour l’âge et la taille
- Vomissements provoqués et utilisation de laxatifs (accélérant le transit intestinal), coupe-faims et diurétiques (augmentant la production d’urine)
- Dénutrition de gravité variable, s’accompagnant de perturbations des fonctions physiologiques, notamment un arrêt des règles pour les jeunes filles et les femmes
- Restriction des choix alimentaires (la personne supprime certains aliments)
- Pratique excessive d’exercices physiques.
L’anorexie peut apparaître seule, ou accompagnée d’épisodes de boulimie associés à une sensation de perte de contrôle, un profond sentiment de culpabilité et de l’angoisse.
Certains signes doivent nous alerter ou alerter notre entourage, et nous encourager à chercher l’aide de professionnels. Parmi ceux-ci :
- La perte de poids se poursuit au-delà d’un poids considéré comme un minimum pour l’âge et la taille de la personne
- Les préoccupations autour de la nourriture et/ou la forme du corps deviennent envahissantes, au point d’avoir des répercussions sur les relations sociales et familiales de la personne
- Les règles s’espacent ou disparaissent chez une jeune fille pour laquelle celles-ci étaient jusque-là régulières, ou bien une hyperpilosité apparaît
- La nourriture est l’occasion de conflits systématiques et violents avec l’entourage.
Boulimie Nerveuse
La boulimie, qu’est ce que c’est ? La boulimie est également un trouble des conduites alimentaires. Elle correspond à une envie irrésistible de manger beaucoup et vite, un comportement qu’on appelle hyperphagie.
Cette pulsion se manifeste dans des moments de crise, sans aucune sensation de faim ni sentiment de plaisir. La quantité de nourriture consommée est importante. Celle-ci peut être ingérée sans être mâchée. Ce trouble a des points communs avec l’anorexie, notamment la préoccupation excessive du poids et des formes du corps.
Le changement entre le DSM-IV-TR et le DSM-V est une modification de la fréquence des troubles, passée de 2 fois par semaine pendant 3 mois à 1 fois par semaine pendant 3 mois. Le DSM-V propose 5 critères :
- A. Survenue récurrente de crises de boulimie.
- B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments; jeûne; exercice physique excessif.
- C. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins 2 fois par semaine pendant 3 mois.
- D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
- E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale.
Degrés de sévérité :
- Léger : Une moyenne de 1 à 3 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Modéré : Une moyenne de 4 à 7 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Sévère : Une moyenne de 8 à 13 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Extrême : Une moyenne de 14 épisodes ou plus de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
Les patients (en grande majorité des femmes) affichent un poids normal ou sont parfois en sous-poids ou en surpoids.
La crise boulimique correspond à l’ingestion d’un volume alimentaire largement supérieur à la normale en un temps limité, de moins de 2 heures en général, de manière compulsive ou ritualisée. Le Dr Filsnoël souligne que les patients souffrant de boulimie sont généralement des personnes impulsives et émotives.
Les personnes boulimiques mettent souvent en place des comportements compensatoires pour neutraliser leur prise de poids : vomissements, prise de laxatifs ou de diurétiques, périodes de jeûne et exercices excessifs. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires surviennent au moins deux fois par semaine pendant trois mois, en moyenne. Elles peuvent en outre devenir pluriquotidiennes et parfois nocturnes.
Les troubles boulimiques peuvent être associés à d’autres types d’addictions, tels que l’alcool ou le cannabis.
On distingue, dans la CIM-10, deux types de boulimie, la boulimie tout court, et l’hyperphagie boulimique. La boulimie se manifeste par des crises de boulimie suivies de comportements visant à lutter contre la prise de poids : vomissements provoqués, utilisation de laxatifs, de diurétiques, jeûne, exercice physique intensif. Le poids de la personne est normal ou légèrement inférieur à la normale.
La crise de boulimie survient presque toujours en dehors des repas. Souvent, nous nous cachons et nous mangeons le plus vite possible car nous nous sentons coupable. Aussi il est utile que l’entourage soit attentif à tout comportement qui pourrait évoquer une boulimie, afin d’amener la personne à en parler.
Hyperphagie Boulimique
Dans la dernière version du DSM-5 publiée par l’American Psychiatric Association, en 2013, l’hyperphagie boulimique (binge eating disorder) est officiellement devenue un TCA à part entière. Le changement entre le DSM-IV-TR et le DSM-V vient de la fréquence des troubles, passée de 2 fois par semaine pendant 3 mois à 1 fois par semaine pendant 3 mois.
L’hyperphagie boulimique a un âge moyen de début des troubles à 21 ans, mais on en voit de plus en plus chez l’adolescent ou même après 50 ans. Elle se caractérise par des compulsions alimentaires (ingestion massive et rapide d’aliments, comme dans la boulimie) mais sans comportements compensatoires pour limiter la prise de poids.
Voici les 5 critères diagnostiques de ce trouble:
- A. Survenue récurrente de crise de boulimie (binge eating)., répondant aux deux caractéristiques suivantes :
- Absorption, en une période de temps limitée (p. ex., moins de 2 heures), d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des personnes absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances
- Sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise de boulimie (p. ex., sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange)
- B. Les crises de boulimie sont associées à trois des caractéristiques suivantes (ou plus) :
- Manger beaucoup plus rapidement que la normale.
- Manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale.
- Manger de grandes quantités de nourritures en l’absence d’une sensation physique de faim.
- Manger seul parce que l’on est gêné de la quantité de nourriture que l’on absorbe.
- Se sentir dégouté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir mangé.
- C. Le comportement boulimique est source d’une souffrance marquée.
- D. Le comportement boulimique survient, en moyenne, au moins 1 jours par semaine pendant 6 mois.
- E. Le comportement boulimique n’est pas associé au recours régulier à des comportements compensatoires inappropriés (p. ex., vomissements ou prise de purgatifs, jeûne, exercice physique excessif) et ne survient pas au cours d’une anorexie mentale ou d’une boulimie.
Le niveau de gravité peut être majoré afin de refléter les autres symptômes et le degré d’incapacité fonctionnelle.
- Léger : 1-3 accès hyperphagiques par semaine.
- Moyen : 4-7 accès hyperphagiques par semaine.
- Grave : 8-13 accès hyperphagiques par semaine.
- Extrême : > 14 accès hyperphagiques par semaine.
Le grignotage continu de petites quantités d’aliments toute la journée n’est pas considéré comme de l’hyperphagie boulimique. La prévalence chez les hommes et les femmes serait, selon le DSM-5, de 1,6 % et 0,8 % respectivement.
L’hyperphagie boulimique, ou accès d’hyperphagie, se présente sous la forme de crises de boulimie incontrôlées et récurrentes, sans comportements compensatoires. Généralement, une certaine restriction est observable, ce qui renforce les pulsions alimentaires.
L’individu va manger de grandes quantités de nourriture en l’absence de sensation de faim, jusqu’à ressentir une pénible distension abdominale. Il recherche cette sensation de distension même si elle est inconfortable. Il mange seul par gêne et va ensuite se sentir coupable et déprimé.
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