Citation sur le fromage et De Gaulle: Origine et Vérité

La citation, attribuée au Général de Gaulle ou à Winston Churchill selon les sources, est probablement fictive: « Comment voulez-vous gouverner un pays qui compte autant de fromages que de jours dans l'année ? ».

Après avoir vaillamment parcouru tout ce que nous avions à notre portée de dictionnaires et recueils de citations de de Gaulle ainsi que les bases de données en ligne auxquelles nous avons accès, nous ne sommes pas certains que cette phrase ait été effectivement prononcée par l’intéressé.

Variations et incertitudes de la citation

Comme le relève Marie-Vic Ozouf-Marignier, professeure à l’EHESS, dans la recension de l’ouvrage de Claire Delfosse La France fromagère (1850-1990) pour La Recherche, la variété des versions de la citation elle-même incite à la prudence : « Pourtant, les guides et sites internet à propos du fromage colportent à l’envi les paroles du Général de Gaulle : « Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromage ? ».

Il est frappant de constater les incertitudes de cette citation : le nombre des fromages y varie entre 246 et 600, 365 (autant que de jours) et 258 (nombre aussi mystérieux que 246) étant fréquemment prêtés à la déclaration du Général.

Ce constat d’une impuissance centralisatrice face aux 300 pays rivalise paradoxalement avec une autre phrase célèbre : « Un pays qui produit plus de 365 sortes de fromages, ne peut pas perdre la guerre ».

Si, apparemment, cette harangue fut prononcée en juin 1940, il est bien difficile de savoir si ce fut par la bouche de De Gaulle, de Churchill ou de l’un et de l’autre.

Une autre recension de l’ouvrage, lisible sur OpenEdition, évoque « une célèbre citation, probablement apocryphe ».

Dans un ouvrage consacré aux difficultés de la langue française et consultable sur Google Livres, Léon Karlson s’amuse lui aussi à recenser différentes versions de la citation, depuis sa première occurrence connue, dans Les mots du Général de Gaulle d’Ernest Mignon (1962) : « Il est vrai qu’il n’est pas facile de démêler le vrai du faux ! » L’exemple suivant illustre parfaitement la confusion généralisée et la même tendance inflationniste, que ce soit dans les publications écrites, les informations électroniques, voire les communications d’historiens du gaullisme !

Tout le monde, peu ou prou, a vaguement entendu, ou cru lire, l’un de ces bons mots dont feu le général avait le secret.

Quant à savoir ce qu’il a dit réellement, piochez dans le florilège suivant (classé dans l’ordre numérique croissant) […]. » Ledit florilège fait varier les sortes de fromages de 70 à 600, et demande qui « comment voulez-vous que les Français s’entendent », qui « comment gouverner », « comment diable gouverner »… sans indication précise de source, cela va sans dire.

En fait, si on se rapporte au livre d’Ernest Mignon (consultable sur Google Books), on s’aperçoit qu’aucune source ni date n’est précisée - à peine peut-on supposer qu’elle aurait été prononcée entre 1958 et 1962 (date de publication du livre), puisqu’elle est attribuée au « président de Gaulle »…

Si la citation semble surtout là pour illustrer une certaine idée de la France, mettant l’accent sur le terroir, le plus important est peut-être non ce qu’elle aurait pu signifier pour son auteur putatif, mais ce qu’on veut bien lui faire dire, ou vendre… et c’est bien souvent, au risque de vous étonner, du fromage.

Le nombre réel de fromages en France

L'affirmation est surtout très en-dessous de la réalité. Véronique Richez-Lerouge, journaliste et présidente de l'association, avance une estimation : il y aurait 500 « recettes », ou variétés de fromages.

« Il existe probablement plus de 50 tommes différentes, mais elles sont réalisées à peu près selon la même recette ».

Dans le détail, le nombre de variétés de fromages évolue, explique Véronique Richez-Lerouge. « L'ultra-concentration des fromageries et l'agriculture intensive ne favorisent pas la diversité ».

On a aussi posé la question du nombre de fromages en France à Arnaud Spérat-Csar, journaliste pour le magazine Profession fromager, qui a traité de ce sujet pour le site So Cheese.

En fait, tout dépend de ce que l'on compte : il existe des familles de fromages, que l'on peut détailler « en sous-familles, en fonction de la technologie, du terroir, du type de lait, etc. ».

On peut aussi considérer que le camembert d'un producteur n'est pas le même que celui de son voisin, et que chacun fait un fromage différent (et parfois même plusieurs) : le nombre de fromages différents se monte alors à des milliers.

Profession fromager édite ainsi depuis 15 ans le Guide des fromages au lait cru, référence en la matière, dont l'édition 2018 recense 2 380 fromages.

Pour finir, et obtenir un chiffre « officiel », on a demandé au Cniel (Centre national interprofessionnel de l'économie laitière) : il y aurait 1 200 fromages en France, toutes catégories confondues : au lait cru ou pasteurisé, fermiers ou industriels, affinés ou à tartiner, voire même d'appellation d'origine protégée (AOP) comme 45 d'entre eux.

C'est le chiffre qui est utilisé dans toute la communication de l'association, souvent repris par d'autres organismes.

Le fromage, une ressource pour les territoires

Le fromage est une ressource pour de nombreux territoires en France, mais tous ne rencontrent pas le même succès. Décryptage de la recette.

Le cliché est tellement ancré qu’il semble complètement naturel : la France est un pays de fromages.

Après des siècles de mise au ban par le corps médical et par l’Eglise, le fromage devient fréquentable au début du XIXe siècle.

Il est cependant déjà bien implanté dans plusieurs régions.

Dans le petit village aveyronnais de Roquefort, la Société civile des caves de Roquefort voit le jour en 1851.

Le "terroir" n’a en effet rien de naturel, comme l’explique le géographe Jean-Robert Pitte (cité par Sylvie Vabre), à propos des vins : "Au sein d’une région viticole, les données naturelles semblent expliquer la hiérarchie des terroirs.

Outre Roquefort, le Jura et la Franche-Comté se distinguent également par une implantation historique du fromage.

Dans Les Misérables (1862), roman de Victor Hugo, monseigneur Bienvenu, évêque de Digne, vante déjà à Jean Valjean les "fruitières" de Pontarlier, ces petits ateliers de transformation du lait en fromage.

Cent cinquante ans plus tard, le comté est (de loin !) le fromage AOP (appellation d’origine protégée) le plus vendu en France, avec 65 000 tonnes écoulées par an, contre seulement 30 000 en 1991.

Une croissance qui profite aux agriculteurs.

Comment le comté en est-il arrivé là ?

"Il est produit dans un territoire qui a un ADN collectif très ancien, qui a vu naître Pierre-Joseph Proudhon, les premières mutuelles ou encore la première caisse du Crédit agricole, rembobine Pierre-François Bernard, ancien directeur des fédérations départementales des coopératives laitières du Doubs et du Jura.

Concrètement, la force du comté est sa gouvernance, qui rassemble les trois grands acteurs de l’interprofession : les 2 500 producteurs de lait, les 250 transformateurs (essentiellement des coopératives) et la quinzaine d’affineurs, chargés de l’affinage et de la commercialisation.

Au sein du Comité interprofessionnel de gestion du comté (CIGC), ils s’accordent notamment sur trois piliers.

L’un d’entre eux, c’est le "plan de campagne".

Une entorse à la concurrence acceptée par Bercy et l’Europe à condition "que cette régulation s’inscrive dans une dynamique globale de croissance : les acteurs d’une filière n’ont pas le droit de se constituer une rente en bloquant l’arrivée de tout nouveau compétiteur", précise ainsi Valéry Elisseeff, directeur du CIGC.

Chaque année, 920 tonnes supplémentaires de comté sont donc produites et vendues.

Ce type de dispositif est aussi utilisé par les acteurs du beaufort, en Savoie.

Le comté, encore peu présent à l’export, pourrait prendre le risque d’augmenter rapidement les volumes.

"Mais vendre pour vendre n’a pas d’intérêt, tranche Valéry Elisseeff.

Deuxième pilier du comté, le dispositif de la "moyenne pondérée nationale", qui permet de savoir exactement à quel prix les affineurs ont commercialisé le fromage.

Chaque année, des négociations entre affineurs, transformateurs et producteurs ont alors lieu pour savoir comment se partagent les recettes.

"Il faut l’unanimité des trois collèges, précise Pierre-François Bernard.

Le troisième pilier est commun à toutes les AOP : il s’agit de l’existence d’un cahier des charges, qui fixe les conditions qu’un acteur doit absolument respecter pour pouvoir bénéficier de l’appellation.

La différence entre les fromages réside dans le caractère plus ou moins strict de ce cahier des charges.

Sans surprise, celui du comté est particulièrement exigeant.

"Là, on entre dans la partie "qu’est-ce qui fait qu’un fromage est bon ?", explique Daniel Ricard, géographe à l’université de Clermont-Ferrand et spécialiste du fromage.

Si le modèle du comté est le plus complet, et probablement le plus réussi, d’autres régions s’en tirent très bien, notamment en Savoie : beaufort, abondance, reblochon ont suivi pour la plupart la recette gagnante, entre interprofession bien organisée et cahier des charges rigoureux.

Localement, le laguiole (Aubrac), ou le roquefort (Aveyron) ont, eux aussi, su tirer leur épingle du jeu.

"Dans les années 1960, dans le Massif central, ceux qui avaient le savoir-faire fromager n’ont pas résisté collectivement et se sont laissés happer par le monde industriel", explique Daniel Ricard.

Là où les territoires n’avaient pas d’identité fromagère particulière, les industriels se lancent dans des fromages standards.

Sur les territoires plus "typiques", les industriels ont suivi la même logique.

"Ils ont fait en sorte que les cahiers des charges des AOP ne soient pas contraignants. Et ont industrialisé le processus au maximum, explique Daniel Ricard.

La technique traditionnelle de fabrication du cantal prend deux jours. Avec la nouvelle technique, le principal industriel du cantal l’a passée à une grosse demi-journée."

Un gain de productivité majeur qui a permis de faire des économies d’échelle, et de tirer les prix vers le bas, précipitant la faillite des petites coopératives.

"La stratégie était claire : standardiser le produit, en faire de gros volumes, et les vendre à faibles prix, et tant pis pour la qualité", décrypte Marc Pradeilles, ancien directeur de la Fromagerie des monts du Cantal, l’une des dernières à avoir résisté, après la fusion de plusieurs petites coopératives.

"Aujourd’hui, on se rend compte non seulement que les fromages industrialisés rémunèrent moins le producteur, mais aussi qu’ils se vendent de moins en moins bien", constate Daniel Ricard.

Mais les choses sont en train de changer.

"Oui, il y a eu des dérives, et nous n’avions pas assez codifié nos pratiques", concède Michel Lacoste, président du Comité interprofessionnel des fromages (CIF), l’organisation qui gère les AOP cantal et salers.

En 2007, le cahier des charges a été "durci", obligeant par exemple les industriels à repasser à la technologie longue pour fabriquer le cantal, de quoi remettre tous les acteurs sur un pied d’égalité.

"Les résultats sont déjà là, se réjouit Michel Lacoste. Le lait produit en AOP auvergnate est désormais payé 20 % de plus aux producteurs que le lait conventionnel.

"Les consommateurs ont toujours voulu un bon rapport qualité-prix, note Marc Pradeilles.

Si le nombre de fromages cités varie selon les transcriptions de cette célèbre citation, il n’en reste pas moins bien inférieur aux derniers chiffres du Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (Cniel) : 1 200 variétés de fromages sont à recenser dans l'Hexagone.

Les Français sont les plus gros consommateurs de fromage au monde, avec 26,5 kilogrammes mangés par personne chaque année.

En effet, 37 % des Français continuent à consommer quotidiennement du fromage d’après les chiffres du Salon du fromage et des produits laitiers.

Étroitement mêlé à l'histoire française et à sa tradition, le fromage est d'abord un produit du terroir qui génère depuis des centaines d’années travail et savoir-faire.

Lancé en 1905, le concept d’Appellation d’Origine passe par plusieurs étapes.

L’AOP permet de protéger des produits d’exception et de garantir au consommateur que toutes les étapes d’élaboration sont réalisées dans une zone géographique déterminée correspondant au terroir d’origine de l’aliment, selon un savoir-faire reconnu et un cahier des charges particulier, contrôlé par les pouvoirs publics et des organismes tiers indépendants.

En France, on dénombre 51 produit laitiers labélisés AOP : 46 fromages, 3 beurres et 2 crèmes.

La France, deuxième producteur européen de lait de vache après l'Allemagne, offre une diversité impressionnante de fromages.

Cette richesse fromagère contribue à la renommée internationale de la France, qui exporte 11 % de sa production.

En témoigne le Concours Mondial du Meilleur Fromager, initié en 2013 par Rodolphe le Meunier, Meilleur Ouvrier de France et Meilleur Fromager International 2007, qui se tient tous les deux ans en dans le cadre du Mondial du Fromage et des Produits Laitiers.

Fin 2020, venait s’ajouter aux soucis des Français face au Covid-19, la peur d’un hiver sans raclette.

En effet, le secteur craignait de ne pouvoir contenter la demande de fromage en pleine explosion (+15 %) et au regard de la croissance des ventes d’appareils à raclette de 300 à 400 % - témoin d'un besoin de reconnexion et de convivialité.

Consommée hiver comme été donc, la raclette a représenté à elle seule plus de 353 millions d’euros en 2021 (NielsenIQ).

Reblochon, Roquefort, Brie, Morbier, Mont d'Or… Trois Français sur quatre avouent consommer du fromage au lait cru au moins une fois par mois, selon une étude menée par le Cniel, et un Français sur deux, toutes les semaines.

Les plus gros producteurs sont, la Bourgogne-Franche-Comté avec 102 142 tonnes de fromages produites en 2019, l’Auvergne-Rhône-Alpes avec 45 611 tonnes et l’Occitanie avec 20 488 tonnes.

Avec plus de 300 variétés de fromages, la France détient un héritage gastronomique exceptionnel reconnu dans le monde entier.

De la Normandie aux Alpes, des Pyrénées au Jura, chaque région française possède ses spécialités fromagères qui racontent l’histoire de son terroir et de ses traditions.

Le fromage occupe une place centrale dans la culture française.

Il symbolise l’excellence gastronomique de notre pays et constitue un élément incontournable des repas quotidiens.

L’Appellation d’Origine Protégée (AOP) et l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) sont au cœur de la préservation de ce patrimoine.

La France compte aujourd’hui 45 fromages AOP, mais il existe environ 1000 « noms » de fromages différents en incluant les variations régionales et les appellations locales.

Toutefois, le nombre de fromages distincts (en tenant compte des différences significatives de fabrication et non juste de nom) est estimé entre 250 et 400.

La Normandie, terre d’élevage par excellence, est réputée pour ses fromages emblématiques.

Le Camembert de Normandie AOP, avec sa croûte fleurie et sa pâte crémeuse, incarne la finesse de la production normande.

Le Livarot, surnommé « Le Colonel » en raison des cinq bandes de raphia qui l’entourent, offre une personnalité affirmée.

Dans les Hauts-de-France, le Maroilles règne en maître.

Rendu célèbre dans le film Bienvenue chez les Ch’tis, ce fromage carré à la croûte rouge-orangé dévoile une pâte moelleuse aux arômes puissants.

Le Brie de Meaux AOP, « Roi des fromages et fromage des rois », est produit dans la région de Meaux en Seine-et-Marne.

Ce fromage à pâte molle et à croûte fleurie séduit par sa texture fondante et ses arômes subtils de crème et de noisette.

Le Munster, joyau des vallées vosgiennes, témoigne de l’histoire monastique de la région.

Sa fabrication traditionnelle et son affinage en cave lui confèrent son caractère unique.

Le Comté AOP, fleuron du massif jurassien, résulte d’un travail collectif ancestral.

L’Auvergne, terre volcanique aux pâturages généreux, produit des fromages de caractère.

Le Berry excelle dans la production de fromages de chèvre.

Le Périgord propose des fromages de chèvre délicats comme le Cabécou et le Rocamadour AOP.

Les Alpes produisent des fromages d’exception grâce à leurs alpages d’altitude.

Pour préserver les qualités organoleptiques des fromages, quelques règles s’imposent.

Conservez-les dans le bac à légumes du réfrigérateur, enveloppés dans du papier spécial fromage ou du papier sulfurisé.

Les accords entre fromages et vins relèvent d’un art subtil où la notion de terroir joue un rôle essentiel.

Les fromages de chèvre du Berry trouvent leur partenaire idéal dans les vins blancs de Loire : un Sancerre ou un Pouilly-Fumé sublimeront un Crottin de Chavignol.

Le Roquefort mérite qu’on dépasse l’accord classique avec le vin liquoreux.

Pour les fêtes ou pour épater vos invités, un plateau harmonieux propose 3 à 5 fromages différents, servis dans un ordre précis : des plus doux aux plus intenses.

N’oubliez pas, à l’approche des fêtes de fin d’année, les fromages d’exception constituent un cadeau original et gourmand pour les amateurs de gastronomie française.

Les marchés de Noël et les boutiques de producteurs proposent souvent de magnifiques coffrets de dégustation, composés de fromages affinés à point et parfois accompagnés de vins sélectionnés.

Le patrimoine fromager est une institution en France. La diversité des fromages français témoigne de la richesse de nos terroirs et de notre culture.

Fromage Région
Camembert de Normandie AOP Normandie
Livarot Normandie
Maroilles Hauts-de-France
Brie de Meaux AOP Seine-et-Marne
Munster Vosges
Comté AOP Massif Jurassien

TAG: #Fromage

En savoir plus sur le sujet: