L'Histoire et la Fabrication du Chocolat Bonnat: Un Voyage au Cœur de l'Excellence Chocolatière

Parfois, une envie de chocolat vous prend, aussi subite qu’une giboulée de printemps. Le chocolat, comme le café, le thé, fait partie de l’intime et de l’universel. S’il pouvait parler, il raconterait des crépuscules où il sanctifie des amours éternelles mais aussi l’histoire de l’humanité et la marche du monde.

On l’aura compris, le chocolat est bien plus qu’un petit carré sombre comme l’encre, fort comme le désir, dans lequel on croque une fois la nuit tombée sur Paname. Stéphane Bonnat, 50 ans, est l’un de ces passeurs qui vous emmène de la cabosse à peine cueillie sur le cacaoyer jusqu’au «Pavé rêve» (praliné aux noisettes) et à la tablette Cacao Cusco, Pérou. En France, ils ne sont qu’une poignée d’artisans à magnifier ainsi la fève de cacao, et Bonnat (30 salariés, 4 millions de chiffre d’affaires) fait figure de patriarche de la torréfaction et du conchage (affinage), des gestes aussi subtils que complexes pour sublimer le chocolat.

L'Esprit Bonnat: Une Saga Familiale Ancrée à Voiron

Pour comprendre la saga et l'esprit Bonnat, il faut aller se poser devant l'imposante maison fondatrice, en plein centre de Voiron (Isère), cité de 20 000 habitants qui s'étire en pente douce au milieu des collines du Dauphiné. Murs jaunes, volets verts, l'ancien relais de poste où Félix Bonnat, liquoriste devenu chocolatier, s'installa en 1884, fait face à l'église Saint-Bruno. Pousser la porte de chez Bonnat, c'est un peu comme si on se faisait une perf de montrachet en écoutant Motörhead et en lisant César Birotteau de Balzac : forcément déraisonnable, mais stratosphérique.

D'abord, il y a ces plafonds en caisson d'un rose léger au-dessus des présentoirs en bois recouverts de marbre et ces vitrines décorées de miroirs. Rien n'a bougé depuis cent trente ans. Il y a quelque chose de suranné mais aussi de terriblement vivant dans cette bonbonnière à l'odeur sucrée. Pour en saisir la petite musique, il faut aller se planquer dans le bureau contigu mi-musée mi-boudoir.

En loucedé, Nicole Bonnat veille au grain dans le bureau voisin : «Tiens, il y a une cliente qui n'a pas été raccompagnée», souffle-t-elle, un gros classeur sur ses genoux. Elle y compile les catalogues de Bonnat qui sont un livre ouvert de son histoire. L'édition 1901 propose le «moka fourré crème au beurre» ; celle de 1932 présente des vanneries et autres bibelots précieux garnis de chocolats ; à partir de 1960, Nicole, jeune mariée à Raymond Bonnat, a décliné les rois mages en couverture des catalogues. Infatigable glaneuse de souvenirs, elle a déniché une tablette de chocolat de 1903 dans l'armoire de sa belle-mère. L'antiquité figure en bonne place dans ce bureau, où l'on trouve aussi le dépôt, le 6 juillet 1900, de la marque «Plum-cake moscovite», un quatre-quarts rectangulaire aux cerises confites et raisins secs mouillé au rhum, qui obtint cette année-là une médaille d'argent à l'Exposition universelle de Paris.

L'Innovation des "Sept Grands Crus de Cacao"

En 1983, Raymond Bonnat crée les «sept grands crus de cacao» dans la perspective du centenaire de la chocolaterie. Amateur de vins, il sait l'importance des terroirs qui unissent la nature et les hommes jusqu'à leurs papilles et met en avant le cacao de Madagascar, «fruité, bien équilibré», de Ceylan, «rond et chaud», et le Chuao, «le romanée-conti des cacaos». «Les gens disaient : "C'est une idée géniale pour un centenaire, mais ce n'est que du chocolat." Mon père a néanmoins lancé le travail du "pure origine". Il a fait basculer le chocolat dans la gastronomie», raconte Stéphane Bonnat.

Plus tard, après des études de gestion et de marketing, le cacao est resté accroché à ses basques. Son père aimait voyager dans l'histoire avec le latin et le grec, Stéphane aura été le bourlingueur de la famille au sens propre pour remonter aux sources des cinquante crus de chocolat de Bonnat. Un jour, au Brésil, il prend une photo en voiture, vitre ouverte, et perd le capuchon de son appareil. Marche arrière, il le retrouve au pied d’un cacaoyer dont il reconnaît immédiatement la cabosse : un «maragnan lisse», variété préférée de son père que l’on croyait éteinte à cause d’une maladie. Stéphane Bonnat a permis la renaissance de ce cacao, tout comme il encourage la plantation de variétés anciennes, voire inconnues, comme en témoigne la multitude de photos de cabosses étalées sur son bureau par Elisa Montiel-Welti, jeune femme mexicaine qui fait aujourd’hui le lien entre les plantations et la chocolaterie de Voiron.

«Sans la diversité des cacaos, plus de 2 000, notre métier n'aurait aucune raison d'être», dit Stéphane Bonnat qui prône «la polyculture naturelle» pour favoriser la productivité des cacaoyers. «La proximité des bananiers apporte des phosphates, les grands arbres de l'ombre et les fleurs permettent la pollinisation.» Avant chaque récolte, le cérémonial se répète : ouvrir la cabosse et goûter le mucilage, cette pulpe blanche entourant les fèves. «C'est la signature du cacao, explique le chocolatier. On va retrouver des parfums de fruits rouges, de cuir, de miel, de bois, de mandarine, de menthe.»

Quand, affirme-t-il, le kilo de cacao se négocie à 3 dollars (2,82 euros), Stéphane Bonnat le paie jusqu'à sept fois plus cher aux producteurs. Le chocolatier revendique «l'implication de la famille Bonnat par rapport à ses semblables, une vision de ce qui est juste». Depuis 2007, il milite au Pérou pour le programme «Cacao contre coca» pour sortir les agriculteurs de l'emprise des narcotrafiquants.

La Fabrication: Un Art Méticuleux

A 10 000 kilomètres des terres du Piura Blanco péruvien, dans l'antre de Bonnat, les fèves séchées forment un camaïeu de bruns dans leur sac en toile de jute posé près du torréfacteur, sorte de grosse marmite sphérique, où elles seront chauffées pour exhaler leurs parfums. «J'ai appris à torréfier au nez en réglant la température à partir des arômes que l'on veut obtenir, explique Stéphane Bonnat. J'écoute aussi le bruit que fait la fève quand on la casse. A l'oreille, cela doit ressembler à un papier de papillote qui craque.»

Dans une pièce voisine, une odeur fauve de chocolat monte à côté des broyeurs où les fèves torréfiées sont réduites en des particules de 18 à 20 microns. Puis vient le conchage, brassage complexe du chocolat, qui va révéler tout son bouquet aromatique. «Imaginez que les molécules de cacao sont des cubes dont les arêtes sont l'astringence et l'acidité. Le conchage va gommer ces arêtes et arrondir le goût.» Toutes ces opérations prennent des dizaines d'heures quand il en faut seulement quatre pour faire un chocolat industriel, affirme Stéphane Bonnat, qui ne se résout pas à mécaniser la fabrication des œufs de Pâques car «on n'a pas la même finition qu'à la main, au pinceau».

L'Héritage Bonnat: Une Tradition de Goût et d'Excellence

La Maison Bonnat, de père en fils depuis 1884, implantée à Voiron dans l’Isère, fait aujourd’hui partie des derniers établissements en France où le chocolat est travaillé depuis la fève de cacao. Félix Bonnat qui était liquoriste de formation, acheta et fit venir dès le début de la chocolaterie des fèves de cacao sélectionnée parmi les meilleures de la planète afin de les torréfier et les transformer en tablettes et dominos de chocolat. La maison gagnant vite en renommée, dès le début du XXe siècle, elle commença à exporter une partie de sa production dans les comptoirs des colonies françaises.

Perpétuant la tradition, l’entreprise propose de nos jours, sous la houlette de Stéphane Bonnat, quatrième maître chocolatier de la famille, plus de 60 bouchées différentes pour réaliser des boîtes de chocolats assortis, une gamme de cacaos grands crus originaires d’Afrique (Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar), d’Amérique du Sud (Vénézuela, Équateur) et d’Asie (Sri Lanka) garantis 65 à 75 % de cacao, et le chocolat à la chartreuse associant ainsi ce chocolat à un autre savoir-faire voironnais.

Avec Bonnat, la chaîne est raccourcie puisque c’est un des seuls à travailler la fève de chocolat. Il se passe donc des couverturiers pour la simple et bonne raison qu’il souhaite sélectionner lui même les fèves, les torréfier et réaliser toutes les phases de transformation. Cette démarche assure ainsi à tous ses chocolats une perfection et une qualité égale et exceptionnelle. Oui, Stéphane Bonnat se rend dans les plantations, sélectionne les fèves. Il donne de sa personne, à tel point qu’il paye même ses fèves plus cher que le prix du marché car il a une entière considération pour les producteurs. Il fait aussi partie du programme RainForest Alliance gage de respect. Tous ses chocolats sont bios.

Lors du centenaire de la marque, en 1984 donc, la maison a bousculé les codes des tablettes de chocolat qui, historiquement, ont toujours été composées d’assemblage. Il a prit le contre pied de tous les chocolatiers en lançant sa gamme de Grands Crus d’Origine. Vous l’avez compris, cette gamme inscrit le pays d’origine au coeur de ses saveurs. Equateur, Venezuela, Ceylan, Madagascar, Trinité, Côte d’Ivoire..

Il existe une troisième gamme chez Bonnat, en plus des chocolats d’assemblage et les Grands Crus d’Origine : les Grands Crus d’Exception. Pour cette gamme, les fèves sont les reines stars. Stéphane Bonnat a choisi de se concentrer sur les fèves les plus rares pour en extraire le meilleur.

Les Produits Phares de la Maison Bonnat:

  • Les Grands Crus Historiques et les Grands Crus d’Exception
  • Les liqueurs et la confiserie
  • Le Chocolat à la Chartreuse

« Si vous êtes attentifs et si vous prenez le temps de le savourer, vous aurez la chance et la surprise de vivre les rencontres magiques et inattendues que déclenche le chocolat Bonnat. Il suffit pour cela de le goûter avec l’esprit d’enfance. »

Les Pâtisseries Bonnat: Un Univers de Saveurs

La boutique du Cours Senozan propose non seulement toute la gamme de tablettes et bonbons de chocolat Bonnat, mais aussi de délicieuses pâtisseries maison, dont certaines recettes ont été créées par Félix Bonnat et ses fils, aux temps de la fondation de l’entreprise.

La création la plus populaire de la chocolaterie Bonnat est la « krugette », fine écorce d’orange confite enrobée de chocolat, portant le nom de M. Krug, ami de la famille et fabricant du prestigieux champagne. Elle a été inventée en 1904 et ensuite reprise par toute la profession et popularisée sous l’appellation d’« orangette ».

L'Engagement de Stéphane Bonnat

Le jeune entrepreneur, qui prendra les rênes de la Maison une décennie plus tard, en a retenu une leçon : « Ne pas chercher à plaire aux clients car on se trompe toujours. Moi, je cherche à faire un produit que je trouve agréable à manger. Le chocolat est ce grand inconnu que tout le monde côtoie. On sait qu’il est fait de cacao et de sucre mais derrière, il y a tout un tas de détails techniques inconnus, même des professionnels… Et je suis stupéfait quand je vois que je suis quasiment le seul à me déplacer dans les plantations quatre fois par an. C’est le cœur du métier ! »

Bonnat Chocolatier Adresse : 8 Cours Senozan, 38500 Voiron

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