Des coquillettes aux spaghettis, les pâtes sèches sont aujourd’hui un produit de consommation mondiale. Pourtant, ce n’est qu’au 18e siècle qu’elles entrent véritablement dans les mœurs françaises.
Les pâtes et la gastronomie française au siècle des Lumières
Au siècle des Lumières, les pâtes sèches s’imposent dans les assiettes françaises, le plus souvent sous forme de gratins ou de potages. Si leur fabrication artisanale, mais rarement domestique, se généralise, leur consommation reste essentiellement réservée aux grandes villes et aux classes les plus aisées. L’essor d’un discours culinaire et médical favorable aux pâtes sèches, perçues comme goûtues, saines et pourtant rassasiantes, permet aux vermicelles et autres macaronis de connaître une ascension fulgurante.
Les discours médicaux anciens, qui reprennent les principes diététiques de Galien, vantaient déjà les mérites des pâtes sèches, comme l’observe Pierre-Antoine Dassaux :
"(Les pâtes) sont plutôt destinées à des estomacs chauds parce que ce sont des aliments considérés comme lourds. (…) Cuites en bouillon, on les donne plutôt à des jeunes en pleine croissance. D'ailleurs, on les trouve à la table de Louis XIII enfant, par exemple. Il y a très régulièrement (des pâtes) à la table du roi et pas uniquement les jours de maigre. Elles sont également proposées aux travailleurs de force."
Les pâtes ne tardent pas à entrer dans les cuisines bourgeoises, où les repas tendent à se simplifier. Ce produit a l’immense avantage de n’être pas saisonnier, d’être simple à préparer et toujours présent sur les étals d’épicerie. À partir du milieu du 19e, la consommation de ces "pâtes d’Italie" ne se limite donc plus aux milieux les plus privilégiés. Elle participe à la transformation générale du régime alimentaire induite par l’urbanisation, la progression du revenu moyen et plus généralement la baisse des prix relatifs des produits d’épicerie.
La fabrication de ce mets de plus en plus populaire quitte les ateliers de fabrication artisanale et entre de plein fouet dans les logiques marchandes et industrielles de la fin du siècle. Alors que la production devient plus massive et standardisée, le rationnement des pâtes alimentaires en 1917 relance la croissance de la demande et assure un niveau de profit considérable à cette industrie. Entre 1911 et 1920, la consommation de pâtes alimentaires est multipliée par trois.
Du mets d’accompagnement au plat unique
Ce succès industriel retentissant se poursuit et s’affirme durant les décennies suivantes, à la faveur d’innovations comme celles de l’industriel Jean Panzani. En songeant à remplacer les boîtes de fer dans lesquelles les pâtes étaient vendues jusqu’alors par de la cellophane, le géant industriel assure la qualité et la conservation du produit. De plus, le chef d'entreprise mise sur le charme d’un repas typiquement italien comme argument marketing majeur : en produisant et en vendant du fromage râpé, du vin ou des sauces tomate, Panzani impose les pâtes comme plat principal dans les habitudes françaises.
Selon Pierre-Antoine Dassaux, cette pratique alimentaire est "l’importation du modèle américain du spaghetti dinner, qui est lui-même une promotion des producteurs italiens aux États-Unis pour le nouveau format spaghetti, relativement récent dans les usages. L'idée de se contenter (des pâtes) comme plat principal n'était absolument pas la logique de la cuisine française où c'est un accompagnement de plats."
La sauce Bolognaise
Rien qu’avec son nom, elle évoque des plats généreux, des repas en famille, ou des moments réconfortants. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la sauce Bolognaise - ou ragù alla Bolognese - ne vient pas directement des recettes des grands-mères italiennes . La création de cette sauce remonte à la fin du XVIIIe siècle. Elle était alors réservée aux repas festifs tels que des mariages, les repas royaux… La bolognaise était composée de viande mijotée dans du lait ou du bouillon.
C’est en 1982 que la Chambre de Commerce de Bologne en a officiellement déposé la recette traditionnelle pour protéger son authenticité. Et contrairement à ce que vous pouvez penser, cette sauce n’est, à l’origine, pas à cuisiner avec des spaghettis. En effet c’est une pure invention étrangère !
La Bolognaise est l’incarnation même de la cuisine italienne : simple, généreuse et pleine de saveurs. Mais ce qui rend la Bolognaise si spéciale, c’est sa polyvalence. C’est un plat qui plaît à tout le monde : la Bolognaise a la réputation de plaire à tout le monde, petits et grands. Il détient un record étonnant : en 2020, à Bologne, un chef a préparé une Bolognaise pour… 10 000 personnes ! Chaque famille italienne a sa propre version du ragù.
Spaghetti alle vongole
La brise marine qui nous caresse le visage, la vue sur le bleu ou bien, plus intime, l’atmosphère pétillante chez la nonna à la maison à la veille de Noël… un des plats préférés des italiens, un incontournable, un symbole des vacances et de la bonne humeur. Je parle des spaghetti alle vongole (spaghetti aux palourdes), des pâtes parfumées, légères que j’adore et que je déguste avec encore plus de plaisir lorsque je vais en Italie.
Les vongole (palourdes) ont été pendant longtemps aliment du pauvre, celui qui habitait en bord de mer ainsi que vous pouvez l’imaginer (notamment sur l’Adriatique) qui allait les cueillir à la main (enfin avec un râteau spécial) et qui se nourrissait de sa cueillette. Elles étaient cuites de manière, très simple, juste sautées avec de l’ail et de l’huile (plus au sud avec du piment et au Nord avec du poivre).
L’association avec les pâtes, en particulier les spaghetti, le vermicelle ou les linguine, est beaucoup plus récente et date des années soixante. Où enfin, les italiens pouvaient profiter des congés payés et se régalaient au bord de mer de ce plat qui est devenu une icône italienne. Les régions plus emblématiques sont la Vénétie, les Marches et bien sûr le Latium (avec les telline ou les Arselle aussi en Sardaigne) et la Campanie (à Naples).
Pour réussir les spaghetti alle vongole, il est important de faire sauter peu de temps les vongole (après les avoir mises dans un bain d’eau salée au préalable au moins deux heures). Juste ce qui est nécessaire pour faire ouvrir le coquillage. On les jette dans la poêle, les laisser 2 minutes, on couvre et puis juste quelques minutes (vérifier !). Sinon vous pouvez ajouter quelques tomates cerises juste sautées avec un peu d’huile et d’ail puis ajoutées aux vongole.
Spaghetti all’assassina
Revenir là où l’on a grandi, après très longtemps, c’est réveiller un bagage d’émotions qu’on croyait, sinon oubliées, du moins ensevelies dans les couches stratifiées de la mémoire. Parmi les émotions, il y a celles générées par la nourriture. S’il est vrai que tous les goûts sont dans la nature, il est vrai aussi que certains sont bien plus percutants que d’autres. Permettez-moi donc de plaider la cause de Bari et de remercier un vieux copain, barese de souche, qui m’a fait découvrir une recette de ma ville natale, d’une simplicité - faussement - désarmante : les spaghetti all’assassina (à la tueuse !).
Il n’y a aucun acte criminel à l’origine de ce plat. Simplement, au lieu d’être bouillies dans une casserole pleine d’eau, les pâtes sont torréfiées avec de la sauce tomate dans une poêle en fer, selon la méthode de la risottatura, c’est-à-dire qu’on traite les spaghetti comme si on devait faire un risotto. La recette semble récente. A la fin des années 1960, les patrons du restaurant Al Sorso Preferito reprennent une rôtisserie et trouvent la recette dans le menu des anciens propriétaires.
De fil en aiguille, l’assassina est devenue presque une religion dans la Bari gourmet. Plusieurs restaurants se disputent aujourd’hui la palme de la meilleure réalisation. Il existe même une académie gastronomique (et festive) gérée par des hommes exclusivement dédiée à ce sujet, et une contre-académie, exclusivement féminine.
Pour obtenir une vraie assassina à la façon de Bari, il faut des spaghetti de blé dur (et rien d’autre), de l’ail, deux ou trois piments frais (dans les Pouilles, ils sont très piquants mais vous pouvez aussi utiliser des piments doux), de la sauce tomates, de l’huile extra vierge d’olive. Dans une casserole, préparez d’abord la sauce, qui doit être un peu liquide. Quand l’ail sera doré, il faudra ajouter une louche de sauce. Sans attendre, il faut ajouter les spaghetti, les poser simplement secs dans la poêle.
Passée cette première phase, il faudra ajouter encore quelques louches de sauce, sans les noyer. Vous entendrez les pâtes « frire » dans la poêle. Cette « souffrance » ne durera que 8-9 minutes ( ne tenez absolument pas compte de ce qui est écrit sur le paquet de spaghetti, et qui est relatif à la cuisson dans l’eau). Ce sera à vous de juger quand retirer les pâtes de la poêle en fonction du degré de croquant et de brûlé souhaité. Si vous le voulez, vous pouvez retirer les gousses d’ail avant de servir.
Pour accompagner ce plat bien pimenté, vous avez une alternative : soit une bière artisanale (il y en a plusieurs qui sont produites à Bari), soit un vin rosé du Salento, pour contraster avec l’acidité de la tomate et le piquant du piment.
Le canular de l'arbre à spaghettis de la BBC
Même à l'heure où les fake news se répandent, les canulars du 1 er avril gardent leur saveur. Au registre des informations loufoques que les institutions et médias s'amusent chaque année à diffuser, on n'est pas en reste de l'autre côté de la Manche. Retour en 1957 avec l'incroyable histoire d'un canular pris au sérieux par nos voisins britanniques.
Les téléspectateurs de la BBC, massés devant leur poste ce 1er avril 1957, pensent avoir enfin découvert d'où viennent ces pâtes qu'ils connaissent encore assez mal. La « pasta » est alors loin d'être un aliment courant dans les années 1950, et les Britanniques les consomment essentiellement en conserve. Ainsi, comme les haricots plus habituels dans les assiettes anglaises, ces fameux spaghettis pousseraient sur des arbres !
L'idée du reportage est née dans l'esprit de l'un des cameramans de Panorama, Charles de Jaeger, dont on s'était moqué dans sa jeunesse. Alors qu'il était à l'école à Vienne, en Autriche, où il était né, l'un de ses professeurs l'avait tancé, lui et ses camarades : « Vous êtes tellement stupides que vous pensez sûrement que les spaghettis poussent sur des arbres ! »
Pour jouer les scènes, l'équipe de l'émission a méticuleusement fixé des brins de pâtes cuites sur des branches d'arbre, comme on décorerait un sapin de Noël. Et que dire des conditions météo en ce début de printemps 1957 : la douceur de l'air et l'extermination d'un champignon gênant dévorant les pâtes auraient conduit à une récolte exceptionnelle de spaghettis, raconte avec emphase la voix off.
La BCC, qui ne s'attendait pas à autant de réactions enflammées, reçoit des centaines d'appels intrigués. Beaucoup demandent où se procurer un tel « spaghetti-tree ». Parmi les dupés, on retrouve même… le directeur général de la chaîne, Ian Jacob. En voyant le reportage sur sa propre antenne, il s'est tourné vers sa femme en s'exclamant : « Je ne savais pas que les spaghettis poussaient sur des arbres ! »
En 2004, le producteur de l'émission, David Wheeler, estimait que cet arbre à spaghettis devait permettre aux gens de « faire attention à ne pas croire tout ce qu'ils voient à la télévision ».
Les spaghetti Bordelaise
Les spaghetti Bordelaise sont une recette américaine de la Nouvelle-Orléans. Ce plat est un parfait exemple de la façon dont les cultures des immigrants ont fusionné. Au XIX, à la Nouvelle-Orléans et dans le sud de la Louisiane en général, de nombreux italiens et français s’installèrent, créant ainsi la cuisine créole (avec aussi des influences espagnoles, africaines et indiennes).
La version la plus connue des spaghetti Bordelaise est toujours à la carte du restaurant Mosca à Waggaman. C’est une version revisitée à la française des célèbres spaghetti aglio e olio italiens, avec du beurre et le retrait des gousses d’ail quand elles changent de couleur. Le terme « bordelaise » fait référence dans la cuisine française à une sauce réalisée avec du vin rouge de Bordeaux.
Les spaghetti Bordelaise sont servis seuls ou en accompagnement d’huîtres gratinées piquantes, de crevettes ou de poulet à la grande.
Les spaghettis aux boulettes de viande de Peter Clemenza
Sans aucun doute, la trilogie « Le Parrain » est l’une des séries les plus populaires de l’histoire du cinéma : des acteurs excellents, une atmosphère unique et une histoire captivante. Cependant, ceci n’est pas une critique du film, mais bien la recette d’un plat que l’on peut voir dans le premier volet : les spaghettis aux boulettes de viande de Peter Clemenza.
Quand vous pensez aux pâtes, vous pensez à l’Italie ? Ce n’est pas étonnant, après tout l’Italie est connue pour ses pâtes et sa sauce tomate. Cependant, lorsqu’il s’agit du plat de pâtes de Peter Clemenza dans “Le Parrain”, la situation se complique un peu. Il s’avère que dans sa forme traditionnelle et authentiquement italienne, ce plat est servi sans viande. Les boulettes de viande sont un plat d’accompagnement dont les origines se trouvent aux États-Unis, où il est devenu très populaire. Tellement que c’est le type de plat de spaghetti que l’on voit le plus souvent dans les films et les séries télévisées.
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