Les spaghettis en guise de couvre-chef ont suscité l'étonnement des Allemandes de l’Est. Ce 27 mai 1965, Élisabeth II est en visite officielle à Berlin, une première pour un souverain britannique depuis George V, cinquante-deux ans plus tôt.
Outre la portée historique de l’événement, les gazetiers de l’époque ont retenu un détail : l’étonnant chapeau que portait la jeune reine, jaune poussin et composé de centaines de petits rubans coupés dans une pièce d’organza, ressemblant à un plat de pâtes renversé sur la tête de Sa Majesté.
Bien inspirée, Simone Mirman, la modiste qui en est la créatrice, l’a d’ailleurs baptisé « chapeau spaghetti ». Un sobriquet qui le fera directement entrer dans l’Histoire.
Les Chapeaux d'Élisabeth II : Plus qu'un Simple Accessoire
Bibis, cloches, turbans, canotiers… En soixante-dix ans de règne, Élisabeth II a porté des centaines de milliers de chapeaux. Le journaliste et auteur Thomas Pernette a eu la lourde tâche d’en sélectionner une cinquantaine pour les répertorier dans un superbe livre richement documenté, Elizabeth II, les chapeaux de la couronne (éditions EPA, septembre 2021).
Agrémenté de photos d’archives et d'illustrations soignées (signées Jason Raish), l’ouvrage retrace l’extraordinaire destin de la souveraine par le prisme original de cet accessoire, qui est devenu, au fil du temps, sa marque de fabrique.
Un Symbole de Pouvoir
Au-delà de leurs qualités esthétiques, les chapeaux de la reine incarnent son pouvoir. Ils sont un « substitut de la couronne », selon les mots de l’historien Robert Lacey cité par Thomas Pernette, qui remplacent, au quotidien, les tiares et autres diadèmes.
Le premier critère d’un parfait couvre-chef royal ? Être vu de loin. Pour cela, il est invariablement coloré et agrémenté de nœuds, de pampilles ou de fleurs (voire les trois en même temps).
Le 1er février 1961, en voyage au Pakistan pour rencontrer le président Muhammad Ayub, Élisabeth II arbore par exemple un chapeau aux reflets mordorés, composé de pétales et de plumes. On peut difficilement faire plus voyant. Le 27 octobre 1980, c’est chapeautée d’un flamboyant bouquet de coquelicots en soie que Sa Majesté entame sa première visite d’État au Maroc.
L'Évolution des Chapeaux au Fil du Temps
« Élisabeth II n’a jamais été une fashion victim », assure pourtant Thomas Pernette. Contrairement à sa sœur cadette Margaret qui lançait les modes, elle s’est toujours contentée de les suivre de loin.
Malgré tout, en feuilletant cette formidable chronologie de couvre-chefs, on s’aperçoit que tous sont le miroir d’un moment ou d’une époque. « Les bérets succèdent aux pillbox, les bretons chassent les turbans », écrit l’auteur. Les formes changent également - ces dernières années, la reine ne porte d’ailleurs que des variations d’un même modèle -, tout comme les matières.
Aujourd’hui, plus de fourrures ou de plumes d’oiseaux rares, les chapeaux de Sa Majesté répondent aux nouvelles problématiques écologiques.
Le Chapeau Spaghetti : Un Coup de Maître à Berlin
Le 27 mai 1965, Elizabeth II est en visite d’État en Allemagne de l’Ouest. C’était la première fois depuis 52 ans qu’un souverain britannique se rendait en Allemagne. L’occasion pour la souveraine d’arborer la création de sa modiste.
Composé de petits rubans découpés dans une pièce d’organza jaune, la création sera saluée par une presse enthousiaste. Le voyage sera un formidable succès, suscitant un accueil chaleureux des deux côtés de la frontière, plusieurs centaines de badauds tentant d’apercevoir die Königin lors de sa visite à la Porte de Brandebourg.
En matière de chapeau, le monde retiendra surtout l’incroyable invention de Simone Mirman, baptisée « chapeau spaghetti », que porte la souveraine à Berlin le 27 mai 1965.
Sophie Mirman, la fille de la modiste, s’en souvient encore : « Il était composé de petits rubans coupés dans une pièce d’organza. Cela prenait un temps fou et demandait une dextérité extrême. »
Ce 2 juillet 1965, le Marylebone Mercury, l’une des plus vieilles gazettes londoniennes, en est persuadé : avec ses bibis, Élisabeth II vient d’offrir à la République fédérale d’Allemagne une leçon de mode et d’optimiste. « Le goût exquis de Sa Majesté a donné aux modistes de ce pays un formidable encouragement », s’enflamme le titre.
Les Chapeaux et la Politique : Des Messages Subliminaux ?
Certains tentent même de décoder des messages politiques derrière les couvre-chefs d’Élisabeth II. Le 17 juin 2017, en pleine crise du Brexit, les commentateurs sont persuadés que la reine prend position en s’exhibant avec un chapeau bleu constellé de fleurs jaunes, qui rappelle étrangement le drapeau de l’Union européenne.
La polémique est telle qu’Angela Kelly, habilleuse attitrée de Sa Majesté, rétablira plus tard la vérité : « Il ne nous est jamais venu à l’esprit que les gens puissent penser que nous copions le drapeau européen. »
Plus récemment, c’est un chapeau d’une forme plus simple qui a suscité de nombreuses réactions. Le 17 juin 2017, un an après le referendum sur la sortie du Royaume de l’Union européenne, Elizabeth II ouvre la session du Parlement.
Pour l’occasion, elle est coiffée d’un chapeau bleu constellé de fleur jaune rappelant curieusement le drapeau de l’Union. Il n’en faut pas plus pour que les médias s’interrogent : faut-il y voir une prise de position de sa Majesté contre le Brexit ?
En 2019, la styliste de Buckingham répondra à la polémique affirmant avoir conçu le chapeau sans aucune consigne ni arrière-pensées politiques. Pour autant, les interrogations n’ont pas cessé et bien des analystes sont persuadés que la reine a fait passer un avis personnel sur la question.
Une manière habile de respecter son devoir de réserve constitutionnel et dont elle ne dérogerait sous aucun prétexte.
Les Règles d'Or des Chapeaux Royaux
Depuis la fin des années 1940, une véritable armada de modistes s'est occupée des couvre-chefs royaux - impossible pour la reine de sortir tête nue, question de rang et d'habitude, héritée de l'avant-guerre où les femmes sortaient chapeautées.
Les bibis de Sa Majesté doivent répondre à plusieurs impératifs très stricts : permettre à la reine d'être repérée de loin - d'où les couleurs vives associées à sa tenue -, être ni trop hauts ni trop larges - pour ne pas la gêner dans sa voiture -, et surtout ne pas cacher son visage, tout en évitant autant que possible de frôler le ridicule, cela va s'en dire…
Les essayages se font toujours sous l'autorité de l'habilleuse de la souveraine, chargée de sa garde-robe, qui juge de l'effet souhaité et de l'harmonie d'ensemble avec la tenue principale.
Le Recyclage : Une Priorité Royale
Dernière consigne : limiter le gaspillage en recyclant autant que possible ses vêtements, qui ont une espérance de vie d'environ vingt-cinq ans - chez les Windsor, on ne badine pas avec les petites économies…
« Après deux ou trois sorties, une pièce sera devenue familière aux médias et au public, explique son habilleuse Angela Kelly, citée dans l'ouvrage de Thomas Pernette. Alors nous chercherons soit des moyens de la modifier, soit elle deviendra quelque chose qui se porte en privé, à Balmoral ou à Sandringham. »
Tableau Récapitulatif des Chapeaux Emblématiques d'Élisabeth II
Date | Événement | Description |
---|---|---|
27 mai 1965 | Visite d'État à Berlin | Chapeau spaghetti jaune poussin composé de rubans d'organza |
1er février 1961 | Voyage au Pakistan | Chapeau mordoré composé de pétales et de plumes |
27 octobre 1980 | Visite d'État au Maroc | Chapeau orné d'un bouquet de coquelicots en soie |
17 juin 2017 | Crise du Brexit | Chapeau bleu constellé de fleurs jaunes |
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