Cancer du Côlon et Consommation de Viande Rouge: Analyse des Risques et Recommandations

En octobre 2015, 22 chercheurs venus de dix pays différents se sont réunis au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC ; Lyon, France) pour évaluer la cancérogénicité de la consommation de la viande rouge et de la viande transformée. Le terme « viande rouge » désigne le tissu musculaire non transformé des mammifères (comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval ou la chèvre), même haché ou congelé, et consommé généralement cuit. Le terme « produits carnés transformés (ou viande transformée) » fait référence à tout type de viande ayant été transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison ou d’autres procédés visant à en améliorer la saveur ou à en faciliter la conservation.

Évaluation de la Cancérogénicité

Le directeur du CIRC (centre international de recherche sur le cancer), Dr Christopher Wild a déclaré : « Ces résultats confirment en outre les recommandations de santé publique actuelles appelant à limiter la consommation de viande. » Pour l’évaluation, une plus grande importance a été accordée aux études de cohorte prospectives réalisées dans la population générale. Les études cas-témoins de haute qualité, menées dans la population générale, ont apporté quant à elles des indications complémentaires. La grande majorité des données épidémiologiques portait sur le cancer colorectal.

Viande Rouge et Cancer Colorectal

Les données sur l’association entre consommation de viande rouge et cancer colorectal provenaient de 14 études de cohortes. Des associations positives ont été observées pour une forte consommation de viande rouge par rapport à une faible consommation dans la moitié de ces études, y compris une cohorte de dix pays européens couvrant un large éventail de consommation de viande ainsi que d’autres grandes cohortes en Suède et en Australie5-7.

Viande Transformée et Cancer Colorectal

Des associations positives entre cancer colorectal et consommation de viande transformée étaient rapportées dans 12 des 18 études de cohorte ayant fourni des données pertinentes, notamment des études en Europe, au Japon et aux Etats-Unis5, 8-11. Les données de six des neuf études cas-témoins informatives disponibles soutenaient aussi une association positive.

Classification par le CIRC

La majorité des experts du Groupe de Travail a conclu que les indications étaient suffisantes pour confirmer la cancérogénicité de la consommation de viandes transformées chez l’homme, sur la base de la grande quantité de données et des associations cohérentes entre cancer colorectal et consommation de viande transformée dans toutes les études issues de différentes populations, laissant peu de place au hasard, à des biais et autres facteurs de confusion. Le hasard, les biais et facteurs de confusion ne pouvaient être éliminés avec le même niveau de confiance pour les données sur la consommation de viande rouge, car aucune association claire n’avait été observée dans plusieurs études de haute qualité et les facteurs de confusion résiduels associés à d’autres risques liés à l’alimentation et au mode de vie étaient difficiles à exclure.

Le Groupe de Travail a classé la consommation de viande transformée comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) sur la base d’indications suffisantes pour le cancer colorectal. Le Groupe de Travail a classé la consommation de viande rouge comme « probablement cancérogène pour l’homme » (groupe 2A). En procédant à cette évaluation, le Groupe de Travail a pris en considération toutes les données pertinentes, y compris les nombreuses données épidémiologiques montrant une association positive entre la consommation de viande rouge et le cancer colorectal et les fortes indications mécanistiques.

Mécanismes de Cancérogénicité

Les indications mécanistiques de cancérogénicité ont été jugées fortes pour la viande rouge et modérées pour la viande transformée. Les indications mécanistiques sont principalement disponibles pour le système digestif. Une méta-analyse publiée en 2013 a révélé une association modeste mais statistiquement significative entre la consommation de viande rouge ou transformée et la survenue d’adénomes (lésions pré-néoplasiques) colorectaux, association relevée de façon constante entre les différentes études16. Concernant la génotoxicité et le stress oxydatif, les indications étaient modérées pour la consommation de viande rouge ou transformée.

Composants et Processus Chimiques

De nombreuses études mécanistiques sont disponibles pour plusieurs composants de la viande (CNO, fer héminique et AAH). La consommation de viande rouge et de viande transformée chez l’homme induit la formation de CNO dans le côlon. Dans deux études d’intervention19,20, une consommation élevée de viande rouge (300 ou 420 g par jour) augmentait la concentration d’adduits à l’ADN vraisemblablement dérivés de CNO dans des colonocytes exfoliés ou des biopsies rectales. La consommation de viande rouge bien cuite augmente la mutagénicité bactérienne de l’urine humaine. Dans trois études d’intervention chez l’homme, les modifications des marqueurs du stress oxydatif (que ce soit dans l’urine, les fèces ou le sang) ont été associées à la consommation de viande rouge ou de viande transformée18.

Le fer héminique intervient dans la formation des CNO et des produits d’oxydation des lipides dans le tube digestif de l’homme comme dans celui des rongeurs. La viande chauffée à haute température contient des AAH. Les AAH sont génotoxiques et l’étendue de la conversion des AAH en métabolites génotoxiques est supérieure chez l’homme par rapport aux rongeurs. La viande fumée ou cuite sur une surface chauffée ou au contact d’une flamme contient des HAP.

Critiques et Contradictions

Il est important de noter que certaines études ont été exclues de l'analyse du CIRC, notamment des essais cliniques contrôlés et randomisés (ECR) qui réduisaient spécifiquement la viande rouge dans le cadre d’une série d’interventions diététiques visant à prévenir le cancer. Ces études n'ont pas montré d'effet significatif sur la récurrence des tumeurs ou le risque de cancer colorectal, ce qui a soulevé des questions sur la portée et la qualité des preuves utilisées par le CIRC.

Recommandations Nutritionnelles et Alternatives

Dans le même temps, la viande rouge a une valeur nutritive. La viande rouge comme blanche apporte du zinc et des protéines bien assimilables par l’organisme. Il est possible de remplacer la viande par d’autres sources de protéines tels que les œufs ou le poisson. Il est toutefois nécessaire de prendre quelques précautions car les apports en fer et vitamine B12 ne seront pas couverts. De plus, il faut consommer plus de poissons, œufs ou légumineuses pour espérer assimiler la même quantité de protéines. Elles sont le plus souvent composées de protéines de soja, de pois, de lupin ou de blé.

Ainsi, pour diminuer les risques de surconsommation et obéir à tous nos besoins, il est recommandé de varier et de diversifier les sources de protéines en alternant, viande, volaille, œufs, poisson, coquillages et crustacés.

En 2019, Santé publique France a publié les nouvelles recommandations nutritionnelles destinées à la population adulte française [9]. Elles ont pour objectif d’aider les adultes à faire de meilleurs choix alimentaires et à adopter un mode de vie plus actif. Ces recommandations sont concordantes avec celles de l’INCa. Pour s’informer et se faire accompagnerEn cas de consommation excessive de charcuteries ou de viandes rouges, il est recommandé de réduire autant que possible la taille des portions et la fréquence de consommation, de privilégier la volaille et en alternant dans la semaine avec du poisson, des œufs et des légumes secs.

Plus généralement, plusieurs outils déployés par Santé publique France sont disponibles pour faciliter la mise en pratique des recommandations nutritionnelles : le site mangerbouger.fr, avec notamment « La fabrique à menus », propose des idées de menus de saison variés pour manger équilibré toute la semaine en accord avec les repères nutritionnels.

Consommation de viandes rouges et charcuteries en FranceEn France, par rapport aux repères établis par Santé publique France, 32 % des 18-54 ans mangent trop de viandes rouges (plus de 500 g/semaine) et 63 % mangent trop de charcuteries (plus de 150 g/semaine). [10]En 2014, la moyenne de consommation de viandes rouges chez les adultes de 18 à 79 ans vivant en France est de 47 g/jour soit 329 g par semaine. Elle est plus importante chez les hommes (428 g/semaine) que chez les femmes (239 g/semaine). La consommation moyenne de charcuteries est de 27 g/jour soit 189 g par semaine, 239 g chez les hommes et 146 g chez les femmes. [11]

Des différences socioéconomiques et régionales existent. La consommation de viandes rouges est plus importante chez les personnes ayant un faible niveau d’étude.

Type de Viande Consommation Recommandée (France) Pourcentage Dépassant la Recommandation (18-54 ans)
Viandes Rouges Moins de 500g/semaine 32%
Charcuteries Moins de 150g/semaine 63%

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