Boucherie 91: Explication du Cannibalisme et de l'Anthropophagie

Une recherche consacrée à un objet aussi atypique que le cannibalisme ne peut faire l’économie d’un travail de mise à plat des connaissances disponibles. Appréhender tout ce qui a été écrit sur ce thème, même en se limitant à la production occidentale, constituerait une tâche titanesque. En effet, le traitement populaire et semi-scientifique de l’anthropophagie est ancien et d’une ampleur considérable, à la différence de son traitement scientifique - conséquent, certes, mais dans l’ensemble assez récent.

Il s’agit là d’autant de sources documentaires à part entière, qui disent toute l’intensité et la pérennité de l’intérêt occidental pour la question et témoignent de sa place toujours importante dans l’imaginaire collectif. C’est pourquoi il faudra, dans un premier temps, déconstruire cette notion afin d’en offrir une définition qui soit à même de rencontrer sa complexité et de donner un cadre, si souple soit-il, à l’enquête. En dépit de cet état de fait, rares sont ceux qui se sont interrogés sur ce qu’on entend exactement par le terme « cannibalisme ».

Ensuite, même si ma démarche est d’abord celle d’un historien, il importe d’ouvrir les perspectives afin d’échapper au cloisonnement disciplinaire dans lequel est généralement enfermée l’anthropophagie. Encore faut-il déterminer les termes d’un délicat échange entre disciplines - histoire, anthropologie, archéologie - aux méthodes et préoccupations divergentes - en échappant à la tentation de la simple récupération d’interprétations et de conclusions abouties.

En effet, les méthodes d’enquête et d’interprétation de l’anthropologie et de l’archéologie stimulent la réflexion, plus encore que leurs résultats : leur appréhension du cannibalisme ne se fait pas sans peine ni sans controverses, amenant à des remises en cause méthodologiques considérables et difficiles. C’est dans cette optique qu’une investigation aux sources du discours scientifique à propos du cannibalisme s’est imposée. En particulier, la question de la critique documentaire en anthropologie et celle de l’interprétation de la trace en archéologie feront, dans les pages qui suivent, l’objet de toute mon attention.

Cet exercice permettra de mettre en évidence, d’une part, la place encore instable du cannibalisme parmi les thématiques de recherche légitimes dans ces domaines et, d’autre part, la nécessité d’approches nouvelles et ouvertes. Enfin, je proposerai une brève présentation de l’état de la bibliographie historique et littéraire disponible.

Définir l’indicible

Afin d’aborder la problématique délicate de la définition, il convient de procéder par étapes, en vidant une à une les diverses questions que soulève la réflexion : exercice ardu et frustrant, mais crucial pour la suite. Que représente donc aujourd’hui le « cannibalisme » pour l’homme de la rue ? Il y verra un concept distant plus qu’une menace, le percevra comme un fantasme peut-être, ou encore comme l’expression même de la sauvagerie. Dans tous les cas, ce cannibalisme au sens commun est affaire de chair humaine, crue ou cuite, incorporée par un être humain. Le cannibale d’aujourd’hui est un homme comme les autres qui ne mange pas comme les autres, tout en accomplissant des gestes familiers : préparation, cuisson, découpe, mastication, déglutition, digestion ; il est proche mais différent.

Son succès comme produit culturel occidental est constant, au travers de la littérature et du cinéma entre autres, même si les vampires au teint pâle l’ont supplanté ces dernières années. Si ses contextes d’action sont variés, entre jungle végétale des « sauvages » et jungle urbaine des psychopathes, le mangeur d’hommes de l’imaginaire collectif contemporain est donc avant tout un effrayant - mais fascinant - mangeur de viande humaine. Avec eux, les mangeurs d’hommes ont quitté les registres de l’horreur - plus ou moins décalée -, du thriller et du roman d’aventures pour entrer dans l’univers du romantisme, voire de l’érotisme.

La terminologie, tout d’abord, pose problème. Le sens commun ne suffit toutefois pas à définir l’objet de cette étude. Curieusement, les spécialistes de la question s’attardent en général assez peu sur cet aspect des choses, pourtant révélateur. Attelons-nous à cette tâche en explorant d’abord le lexique disponible : d’un point de vue général, on considérera ici que le cannibale est un anthropophage, et que tous deux sont des mangeurs d’hommes. Le cannibale est par ailleurs un allélophage : l’allélophagie est la manducation du semblable, tandis que l’anthropophagie est la manducation de l’homme - l’étymologie des termes est explicite.

Le terme « cannibalisme », pour sa part, n’a pas ce genre de valeur étymologique : il renvoie d’abord à un contexte historique précis - celui des premiers contacts entre les explorateurs occidentaux et les indigènes peuplant à l’extrême fin du xve siècle les îles des Caraïbes. Les « Cariba » à la féroce réputation devinrent en quelques années les cannibales. Cette dénomination s’attacha rapidement à toute peuplade censée manger ses semblables, puis par extension à tout groupe dont la « sauvagerie » permettait de les assimiler à des mangeurs d’hommes. Pour insatisfaisant et connoté qu’il soit, « cannibalisme » reste le vocable le plus communément employé dans la littérature tant profane que scientifique pour désigner les phénomènes qui m’occupent : le terme est donc incontournable, qu’on le veuille ou non.

Cette synonymie n’est pas unanimement partagée par la littérature scientifique ; elle est pourtant pragmatique : insurmontable défi, en effet, que d’offrir deux définitions disjoignant parfaitement anthropophagie et cannibalisme - par exemple en tant que pratique pour l’un et en tant que préjugé pour l’autre - en excluant tout risque de recoupements et d’ambiguïtés. Le terme « anthropophagie » devra être compris, dans cette étude, comme un synonyme de « cannibalisme ». L’usage exclusif du terme « anthropophagie » pourrait dès lors sembler plus pertinent, car il a pour lui sa valeur étymologique. Ce mot, toutefois, ne contient pas en lui la définition, plus complexe qu’il n’y paraît, de ses deux constituants : « homme » et « manger ». En outre, l’anthropophage n’est pas nécessairement un homme : tout animal mangeant un homme est un anthropophage mais n’est pas cannibale pour autant - la limitation de l’usage du terme à l’homme, comme on le fait ici, est arbitraire.

Sur quelle base déterminera-t-on alors que deux êtres sont semblables - qu’ils sont, en l’occurrence, tous deux « humains » ? Avançons par exemple, en guise de critères, l’anthropomorphisme et la maîtrise de la raison et du langage - un choix qui se justifie dans la tradition culturelle occidentale : il faut alors accepter de pousser l’enquête au-delà des limites communes de l’humanité, parmi les êtres hybrides qui peuplent l’imaginaire ancien. La notion même « d’homme » est, dans la perspective historique adoptée, plus floue qu’il n’y paraît : en admettant, comme je le fais, que l’essence même du cannibalisme est l’allélophagie, ou manducation du semblable, c’est alors la notion de « semblable » qu’il s’avère crucial de définir afin de délimiter l’approche. La nature des anthropophages doit donc être définie avec souplesse, tout comme celle des objets de leurs repas : humains et quasi humains s’y côtoient.

Ce choix contraint en effet à un ratissage ample des données et autorise des confrontations à même de révéler des liens structuraux entre des « consommations » en apparence différentes. Ma perspective, on l’aura compris, est plus anthropologique et historique que basée, par exemple, sur l’une ou l’autre définition philosophique ou morale plus fermée de l’humain. Il s’agit là d’un postulat de départ assumé, dont la confrontation à la documentation historique disponible prouvera, je crois, l’opportunité. La place du cannibalisme dans toute culture est complexe - et il n’y a pas d’exception européenne sur ce point : il faut donc s’efforcer de poser des questions qui laissent de l’espace pour des réponses inattendues.

On peut répondre à cette question en énumérant ce qui constitue, plus ou moins durablement, un être humain : chair évidemment, sous forme de muscles, de peau, de graisse, de matières cérébrales, mais aussi sang, os et de multiples fluides corporels tels que le sperme et l’urine, ou encore cheveux, ongles et pourquoi pas aussi peaux mortes et crottes de nez ? Poursuivons notre recherche d’une définition des termes de l’enquête : comment appréhender la matérialité de cet « homme » qui se fait « manger » ? Ce n’est en effet pas - seulement - une certaine idée de l’humain qui est mangée, mais bien des matières on ne peut plus prosaïques. Sur quelle base, en effet, limiterait-on l’homme à ses constituants et/ou produits « nobles » ?

La diversité des manifestations concrètes du cannibalisme ainsi offerte n’est toutefois qu’une idée abstraite dont la prise en considération rend impraticable une recherche telle que la mienne : la tétée est cannibale et le futur de l’exploration spatiale se bâtit sur le recyclage non moins anthropophagique des émissions corporelles des spationautes, pour ne citer que deux exemples - exacts mais confinant néanmoins à l’absurde. L’anthropophagie se rapproche dès lors du quotidien de chacun.

Appliquer aveuglément à la documentation ancienne un canevas d’analyse théorique et anachronique ne semble pas pertinent. Il faut dès lors prendre d’emblée en considération le fait que le cannibalisme n’est pas seulement agi (dans la réalité ou ailleurs) mais aussi - et surtout - pensé. Je ne parlerai donc de cannibalisme que pour des pratiques, des croyances, des fantasmes dont le caractère anthropophage apparaît plus ou moins consciemment à leurs protagonistes (mangeurs, mangés, témoins ou narrateurs) - pour autant qu’il soit possible d’en juger.

Ainsi, la consommation du lait maternel est sans ambiguïté en adéquation avec la norme : même s’il s’agit matériellement - voire psychologiquement - d’une forme d’anthropophagie, elle n’est pas, et n’a jamais été, considérée comme telle culturellement. Dans l’ensemble - on le verra concrètement au travers de ce travail -, le cannibalisme est étroitement lié à l’idée de transgression de la norme alimentaire. Ma perspective historique et anthropologique dicte ainsi les limites à imposer à l’étude - sans fermer la porte à d’inévitables exceptions à la règle.

Au contraire, plus on observe celui-ci, plus il échappe à la compréhension. Il n’est donc pas de définition préétablie stricte du phénomène à étudier ici. Tant et si bien qu’on s’interroge : dans quelle discipline chercher l’expertise qui permettra d’appréhender cet objet ? Le cannibalisme appartient-il à l’histoire de l’alimentation, à l’anthropologie des coutumes alimentaires, à la linguistique ou à un autre champ de recherche ? Il est difficile de trancher : de multiples buts et significations s’attachent aux multiples formes de la pratique - réelle ou non - du cannibalisme, et les exceptions ou contradictions abondent dans tous les contextes. Il en résulte qu’aucune discipline ne devrait pouvoir s’emparer seule de l’anthropophagie en la confinant dans ses propres cadres d’analyse.

D’autant que la notion de transgression s’applique au-delà de l’aliment au sens strict : il est ainsi significatif que la perception de l’anthropophagie par les observateurs extérieurs soit étroitement dépendante du détournement des gestes, paroles et usages associés à l’alimentation « normale ». Il me semble que la notion de transgression de la norme alimentaire peut servir d’élément pivot autour duquel s’articuleraient diverses approches. Quand on affirme, en effet, que le cannibale « mange » de l’homme, il importe de garder à l’esprit que « manger » n’est pas qu’une ingestion : il faut admettre que la simple application à l’humain de traitements, de gestes ou de paroles assimilables à des pratiques de cuisine ou d’alimentation peut être porteuse d’ambiguïtés qui la rapprochent de l’anthropophagie aux yeux - et dans les récits - de certains observateurs. Les échos plus ou moins nets de tels rapprochements peuplent l’ethnographie ancienne et moderne. Il est crucial d’y être attentif afin d’éviter des conclusions hâtives à la lecture de descriptions où l’observation directe le dispute aux déductions hasardeuses et aux fantasmes : plusieurs exemples le démontreront dans les pages qui suivent.

La réalité concrète de l’anthropophagie s’emmêle dans les fils d’un imaginaire extrêmement riche. La définition du cannibalisme est également instable par la faute d’une hésitation permanente entre réalité et fiction. Récits réalistes et fictions se confondent à tel point dans la documentation qu’on ne peut espérer étudier un aspect sans envisager l’autre. Dans bien des cas, on ne parvient d’ailleurs pas à les distinguer, ou seulement à grand peine. C’est pourquoi les problématiques que j’aborderai par la suite ne seront pas subdivisées a priori selon une dichotomie réel/imaginaire : l’un des objectifs essentiels de mon analyse consistera précisément à décoder les modalités des rapports entre ces deux registres principaux et d’autres, tel celui de la métaphore.

Faute de l’existence préalable d’une véritable préoccupation scientifique à propos de ce que l’on entend par « cannibalisme », il a fallu adopter une approche très analytique et refusant tout cloisonnement a priori de l’objet en question. La synthèse de ces quelques éléments de définition est malaisée à plus d’un titre. L’approche traditionnelle du thème s’en trouve bousculée surtout en marge du phénomène, là où l’on est communément tenté d’abandonner le vocable « cannibalisme » sans prendre conscience qu’il ne s’agit que d’un choix arbitraire et générateur de pertes de sens.

Il en est ainsi du cadre préalable dans lequel s’inscrit l’enquête : dans la pratique, cependant, on n’accordera ici que peu d’espace aux manifestations les plus allusives ou métaphoriques du cannibalisme, tant il importe d’appréhender avant tout le cœur du problème, lui-même si méconnu. Tentons néanmoins une synthèse des divers éléments rassemblés ci-dessus : on considérera donc, en théorie, le cannibalisme/l’anthropophagie comme le traitement à caractère alimentaire, partiel ou complet (de toute forme de « cuisine » à l’ingestion), réel, imaginaire ou métaphorique, d’un humain (dans l’acception la plus large du terme) ou d’un ou plusieurs de ses constituants/produits de tous types par un humain, quelles que soient les motivations du ou des protagoniste(s) et le contexte de ce traitement.

Fragments de typologie

En écho au peu d’attention accordé par la littérature scientifique à la question d’une définition satisfaisante du cannibalisme, aucune mise en ordre de ses...

Barbaque: Une Comédie sur le Cannibalisme

Et si on mangeait notre prochain? Surtout des végans qui, après tout, sont des herbivores ? Barbaque, comédie appétissante dans laquelle Fabrice Eboué se dirige face à Marina Foïs, évoque cette question avec un humour féroce et une façon originale d’envisager le goût des autres. Ainsi, un couple de bouchers endetté jusqu’au cou se rend compte du profit qu'il peut tirer du corps d’un activiste végan tué accidentellement.

De là à se transformer en tueurs afin de répondre à la demande d'une clientèle friande de chair humaine, il n’y a qu’un pas… que ce duo franchit à grand renfort de hachoir et autres armes tranchantes. Il s’est même offert Christophe Hondelatte pour une parodie hilarante de Faites entrer l’accusé ! Dire que Fabrice Eboué est ennemi du politiquement correct est en-dessous de la réalité. Pour 20 Minutes, Fabrice Eboué est revenu sur sa conception du rire.

Comment avez-vous créé votre personnage de boucher cannibale ?

C’est un homme ordinaire malmené par sa femme qui le méprise. Il fait partie de ces bouchers aux méthodes artisanales qui n’ont jamais tué un animal de leur vie et ne comprend pas pourquoi les vegans les traitent d’assassins. Il aime son métier. Son seul souhait est de satisfaire sa clientèle avec ce qu’il a surnommé du « porc d’Iran », parce que le porc est une viande rare dans ce pays.

Le rôle de l’épouse, vous l'avez écrit exprès pour Marina Foïs ?

Disons que j’ai fortement pensé à elle. Marina Foïs est une Rolls. On est devenus d’autant plus vite complices qu’on est tous deux fans d’émissions de faits divers. Elle a tout de suite compris l’esprit du film. L’idée que son personnage trouve de nouveau son mari séduisant lorsqu’il devient un prédateur nous amusait tous les deux. C’est une façon de jouer avec les codes masculins qu’on nous assène dès l’enfance. Nous aimions aussi le fait que cette femme frustrée soit accro à la chair humaine, qu’elle regarde les gens avec appétit.

Pourquoi avez-vous rendu la viande aussi appétissante ?

Les clients ignorent que ce boucher sert de la chair humaine et pas du cochon, si bien qu'ils se régalent sans arrière-pensée. Je voulais que les spectateurs comprennent à quel point cette viande est exceptionnelle. J’ai donc soigné le moment où je m’en fais un steak. On l’a fait cuire dans du beurre et filmé avec un éclairage alléchant. Il fallait que le public ait l’eau à la bouche, qu’il ait envie d’en manger aussi. J’ai d’ailleurs lu dans des livres anciens que la chair humaine a la consistance du porc et un goût qui s’en rapproche.

Vous n’y allez pas de main morte, vous n’avez pas peur des polémiques ?

Je n’ai jamais eu peur et il faut reconnaître que je n’ai jamais trop souffert des réactions à mon humour. Les vegans qui ont vu mon film ont, pour la plupart, compris que je n’avais aucune malveillance à leur égard. Certains ont travaillé sur le film et ne se sont plaints que d’avoir dû tourner dans une boucherie. Je me lâche sur l’humour noir mais je ne suis pas méchant. Je me moque de tout le monde de la même façon. Barbaque s’en prend aux extrémistes pas aux gens qui ont des convictions. Ce sont eux que je vise dans tous les domaines et pas seulement le véganisme.

Vous ne vous interdisez rien ?

Je refuse de m’autocensurer. Je ne coupe que ce qui ne me semble pas drôle, ou ce qui ralentit l’action. Ce sont mes seules limites. Comme Barbaque est à la fois une histoire d’amour au romantisme un peu différent et un film de genre, je devais être rigoureux. J’ai voulu garder l’équilibre entre les deux mais je ne me suis jamais censuré et personne ne m’a jamais demandé de le faire.

Vous n’êtes donc pas d’accord avec les comiques qui prétendent qu’on ne peut plus rire de rien ?

Ce type de déclaration est souvent une façon de dissimuler sa propre paresse ou de trouver une excuse pour ne plus prendre de risques. Il est pourtant plus que temps de se secouer. Les spectateurs, surtout jeunes, ont pris l’habitude de regarder les plates-formes. Il faut réagir si on ne veut pas qu’elles bouffent le ciné. Il faut offrir des contenus différents pour les attirer dans les salles. Pour faire revenir les gens au cinéma, il faut les étonner ou les choquer.

C’est pour cela que « Tout simplement noir », film auquel vous avez participé, a cartonné au box-office ?

Absolument. Cette réflexion originale offrait quelque chose de nouveau puisque chacun de nous jouait avec son image en abordant le sujet du racisme. Le public n’avait pas d’équivalent sur les plateformes et a donc eu envie de revenir en salle pour rire ensemble.

Un Cas Réel de Cannibalisme: L'Affaire de Nouilhan

«Ce sont des morceaux de chair humaine qui ont été retrouvés dans l'assiette» près du corps d'un vieil homme. Cette confirmation a été apportée lundi par le procureur, Chantal Firmigier-Michel, qui dirige l'enquête sur le crime commis le 15 novembre à Nouilhan, un petit village des Hautes-Pyrénées dont Jérémy R., un ancien soldat, est suspecté.

Toutes les investigations ont conforté les déclarations de l'ancien militaire qui dit avoir mangé le coeur et la langue d'un vieil homme dans les Pyrénées, mais le mystère reste entier sur ce qui a fait basculer le caporal sans reproche dans le cannibalisme. Le meurtrier présumé lui-même n'est pas d'un grand secours.

Les enquêteurs n'ont pas pu l'entendre depuis le 15 novembre : il est est interné en psychiatrie dans une unité spécialisée à Cadillac (Gironde) parce qu'il est «dans un état psychiatrique tel qu'il nécessite des soins, mais aussi (parce) qu'il présente incontestablement une grande dangerosité», a estimé Chantal Firmigier-Michel.

L'ancien soldat a-t-il ingéré la chair ?

Les explications dont les gendarmes disposent de sa part consistent donc dans ses déclarations faites immédiatement après les faits et son arrestation, dans la nuit du 14 au 15 novembre. Jérémy R., 26 ans, leur avait posément rapporté s'être introduit chez Léopold Pédèbidau, 90 ans, à Nouilhan. Il «lui avait fracassé le crâne avec un outil métallique, avait improvisé un bûcher pour le brûler, avait prélevé son coeur et sa langue avec un Opinel et les avait mangés», déclarait-il. Il obéissait alors, disait-il, «à un message d'origine supérieure».

Après l'autopsie qui a confirmé l'extraction d'une partie du cÅ?ur et de la langue de la victime, une nouvelle analyse a corroboré que le morceau de viande retrouvé dans une assiette de haricots près de la dépouille était bien de la chair humaine, a indiqué le procureur. Reste à vérifier que Jérémy R. a bien consommé cette chair. Une trace qui ressemble à une morsure sur la viande achèverait d'accréditer sa version, même si ces analyses sont toujours en cours.

En revanche, ils n'ont toujours «aucune explication» à son acte, a dit la magistrate. Les enquêteurs n'ont jamais vraiment douté de la véracité des déclarations du meurtrier. Jérémy R. a quitté fin octobre le Régiment d'infanterie chars de marine (RICM) de Poitiers après y avoir servi pendant cinq ans, y compris en Afghanistan. Il n'avait posé «aucun problème», dit son ancien commandement. Il a refusé une prolongation de contrat et une offre de reconversion.

C'est a priori le hasard qui l'a conduit à Nouilhan. Il a ensuite erré plusieurs jours, sans manger et peut-être sans dormir, entre Pau et Tarbes où il est né.

«Rien en l'état ne permet de faire le lien entre son passage à l'armée et l'acte. Rien n'est exclu, mais rien n'est établi. Il va falloir travailler sur sa personnalité dès que cela sera possible», a-t-elle dit. L'enquête, pour l'instant, n'a décelé aucun élément déclencheur, a dit le procureur. Pour l'heure, Jérémy R. est entre les mains des médecins, et la justice ne détient même pas un diagnostic psychiatrique.

Il appartiendra alors au juge d'instruction de déterminer la responsabilité pénale de l'ancien soldat au moment des faits, mais aussi d'envisager la faisabilité de sa mise en examen. Le procureur devait clore lundi l'enquête de flagrance et transmettre le dossier au pôle de l'instruction de Pau où le parquet devrait ouvrir une information judiciaire, probablement pour homicide volontaire (sur Léopold Pédèbidau) et tentative d'homicide volontaire, sur un autre homme agressé la même nuit. «Pour qu'il soit mis en examen, il faut que son état permette qu'il le soit et il faut qu'il comprenne qu'on le met en examen», a dit le procureur, «ça peut prendre du temps»

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