Depuis une semaine, des gangs armés ont pris le contrôle de pans entiers d’Haïti, y compris de la capitale Port-au-Prince, pour contester le maintien au pouvoir du Premier ministre impopulaire Ariel Henry. Désemparé, le gouvernement a décrété dimanche l’état d’urgence et un couvre-feu.
Jimmy Chérizier, alias « Barbecue » : Chef de Gang et Révolutionnaire Autoproclamé
Derrière ces attaques violentes se cache notamment Jimmy Chérizier, plus connu sous le nom de « Barbecue », considéré comme le chef de gangs le plus puissant de Port-au-Prince. Dans une vidéo diffusée jeudi sur les réseaux sociaux, il a revendiqué « tout ce qui se passe dans les rues ». Il a également affirmé que « tous les groupes armés vont agir pour obtenir le départ du Premier ministre » et « utiliser toutes les stratégies pour aboutir à cet objectif ». Mardi, il a menacé d’une « guerre civile » sanglante si Ariel Henry restait au pouvoir.
Cet ancien policier haïtien de 46 ans est à la tête de « la famille G9 », une alliance criminelle de neuf des bandes les plus puissantes de la capitale. Avec les milliers d’hommes à son service, il contrôle une large moitié de la ville et mène régulièrement des attaques violentes. « Barbecue », en tant que liaison entre les gangs de la capitale et les fonctionnaires, a tiré profit de ce chaos pour étendre son contrôle territorial.
Jimmy Chérizier se présente de son côté comme un révolutionnaire et le défenseur de la population d’Haïti, dont l’ambition est de renverser l’échiquier politique, qu’il accuse de corruption et d’avoir plongé le pays dans une pauvreté profonde. « Mon objectif est d’éliminer, arrêter les politiciens corrompus » pour mettre fin à l’insécurité à Haïti, expliquait-il l’année dernière au Figaro.
Un Passé Controversé
Avant de devenir l’un des plus influents mafieux d’Haïti, Jimmy Chérizier a passé une quinzaine d’années dans les rangs d’une unité d’élite chargée de la lutte contre les gangs. Mais entre 2017 et 2018, il est accusé de violations des droits humains après avoir participé à des exécutions sommaires de civils lors d’opérations antigang. Il aurait notamment pris part au massacre de La Saline, le pire qu’ait connu Haïti en plus de dix ans, lors duquel plus de 70 personnes ont été tuées, rappelle Courrier International. Il a été révoqué de la police un mois après ce drame.
À partir de là, Jimmy Chérizier va progressivement s’imposer comme chef de gang et étendre son influence dans plusieurs quartiers de Port-au-Prince. En juin 2020, dans une vidéo YouTube, il annonce la création de « la famille G9 » et ses alliés, qu’il présente comme une manière de rétablir la paix dans la capitale haïtienne. Selon Courrier International, il a bénéficié ces années-là d’un soutien matériel, logistique et financier de hauts fonctionnaires du gouvernement Moïse pour mener des assassinats ciblés.
Ses gangs « kidnappent, volent, tuent, sèment la terreur, imposent leurs lois, en toute impunité », décrivait la chaîne La 1ère en 2021. Les attaques signées Jimmy Chérizier se manifestent souvent par de violents incendies et des victimes brûlés vives. C’est ce qu’il lui vaudrait son surnom de « Barbecue » selon plusieurs observateurs haïtiens. Ce que conteste le principal intéressé, qui a expliqué au Figaro que cela lui viendrait de son adolescence, lorsqu’il vendait de la viande grillée dans les rues de Port-au-Prince.
Renverser Ariel Henry « au prix du sang »
En juillet 2021, l’assassinat du président Moïse a plongé Haïti dans une grave crise sécuritaire, les gangs criminels en ont profité pour prendre le contrôle d’une grande partie du pays et y imposer un climat de terreur. Selon l’ONU, plus de 8 400 personnes ont été victimes en 2023 de la violence des gangs, incluant morts, blessés et enlèvements, « soit une augmentation de 122 % par rapport à 2022 ».
Dès la nomination du Premier ministre comme président par intérim en juillet 2021, Jimmy Chérizier a appelé à sa destitution et à un soulèvement armé de la population. « Au prix du sang, nous allons déloger Ariel Henry de la Primature, et, après les clés du pays seront remises à une nouvelle classe d’hommes et de femmes de la société civile, qui auront à jouer la carte de la bonne gouvernance, susceptible à sortir le pays du bourbier dans lequel il patauge depuis bien des lustres », avait-il déclaré lors d’une conférence de presse en novembre 2021, rappelle La 1ère.
Fin février 2024, alors qu’Ariel Henry aurait dû quitter le pouvoir au début du mois, « Barbecue » a annoncé une union de tous les gangs de la capitale pour renverser le gouvernement. « Si Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide », a-t-il menacé mardi lors d’une interview à la presse, équipé d’un gilet pare-balles et portant une arme et entouré d’hommes cagoulés.
Ariel Henry, en déplacement au Kenya au moment des attaques, a atterri mardi à Porto Rico, a affirmé auprès de l’AFP la porte-parole du gouverneur d’Haïti.
Tableau Récapitulatif de la Crise en Haïti
Événement | Date | Conséquences |
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Assassinat du Président Jovenel Moïse | Juillet 2021 | Crise sécuritaire et montée en puissance des gangs |
Appel de Jimmy Chérizier à la destitution d'Ariel Henry | Juillet 2021 | Instabilité politique accrue |
Menace de guerre civile par "Barbecue" | Mars 2024 | Escalade de la violence et incertitude |
État d'urgence décrété par le gouvernement | Mars 2024 | Couvre-feu et tentative de reprise en main de la situation |
« Barbecue », qui n'a peur de rien, a appelé mardi les Haïtiens à aller de l'avant: "nous sommes conscients que les hommes armés ont commis des actes nuisibles mais (...) la société doit leur pardonner et s'unir pour repenser une nouvelle Haïti". Le Conseil de sécurité des Nations unies tient mercredi 6 mars une réunion en urgence sur l'escalade des violences en Haïti.
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