Le mouvement #BalanceTonPorc a émergé dans la foulée de l'affaire Weinstein, marquant un tournant dans la libération de la parole des femmes victimes de harcèlement et d'agressions sexuelles.
Origine et Lancement
L'expression "Balance ton porc" a été créée par Sandra Muller le 13 octobre 2017, en réaction aux révélations concernant Harvey Weinstein, producteur de cinéma accusé de harcèlement et d'agressions sexuelles. Elle a publié le tweet : « #balancetonporc !! toi aussi raconte en donnant le nom et les détails d’un harcèlement sexuel que tu as connu dans ton boulot. Je vous attends. » C'est le lancement du hashtag #balancetonporc qui rencontrera un immense succès sur les réseaux sociaux.
Objectif du Mouvement
L’objectif est de combattre le harcèlement sexuel.
Réactions et Débats
De nombreuses personnes s’approprient Balance ton porc et le hashtag associé pour dénoncer des agressions sexuelles subies. Le mot-dièse #balancetonporc devient viral en France : il est repris 200 000 fois en quelques jours et 930 000 fois en un an.
Par-delà la libération de la parole féminine sur les harcèlements et les agression sexuelles, le mouvement #MeToo, né de l’affaire Weinstein, a plus largement permis de poser la question de la place des femmes et du rapport hommes-femmes.
Dépôt de Marque et Protection de l'Expression
Héloïse Nahmani a déposé le 3 novembre 2017 la marque française Balance ton porc ! Le signe désigne une gamme très large (et hétéroclite) de produits et services, notamment des lessives, lubrifiants, produits de l’imprimerie, sacs, vêtements, jouets et des services d’organisation de conférences ou encore de location de noms de domaine. Sandra Muller initie une action via son avocat pour empêcher l’enregistrement d’une telle marque. Son but est de protéger l’esprit du mouvement.
Suite aux démarches de Sandra Muller et des échanges concernant la cession de la marque, Héloïse Nahmani a retiré son dépôt, le 22 mars 2018. Or, la marque « #balancetonporc » a bien été déposée, le 23 mars 2018, au nom de… Sandra Muller, et non de l’association.
Implications Juridiques
La Cour de cassation s'est prononcée, le 11 mai 2022, sur deux affaires emblématiques du mouvement #Metoo et #Balancetonporc dans lesquelles deux femmes accusaient respectivement l'ancien patron de la chaîne Equidia et un ancien ministre de harcèlement et d'agression sexuelle. Dans ces deux affaires, la Cour de cassation se prononce aux visas de l'article 10 de la Convention EDH (liberté d'expression) et de l'article 29, al. 1er de la loi de 1881 sur la liberté de la presse (diffamation). Elle était tenue de trouver un juste équilibre entre, d'un côté, le droit pour une victime d'exposer le harcèlement ou l'agression dont elle estime avoir fait l'objet (et de contribuer ainsi au débat d'intérêt général sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes) et, de l'autre, le droit pour toute personne de ne pas être diffamée.
La Cour rappelle qu'en matière de diffamation, le juge examine 4 critères afin de constater la bonne foi :
- Si l'auteur des propos s'est exprimé dans un but légitime ;
- S'il était dénué d'animosité personnelle ;
- S'il s'est appuyé sur une enquête sérieuse ;
- S'il a conservé prudence et mesure dans l'expression.
Dans ce cadre, le juge est tenu de vérifier si les propos litigieux s'inscrivent dans un débat d'intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante. Si ces deux conditions sont réunies, il doit apprécier moins strictement ces 4 critères, notamment l'absence d'animosité personnelle et la prudence dans l'expression.
Affaire Sandra Muller
En l’espèce, le 13 octobre 2017, la journaliste française Sandra M. « Tu as de gros seins. Tu es mon type de femme. Suite à cette publication et à sa médiatisation, Monsieur B. a assigné Madame M.
Le 31 mars 2021, la Cour d’appel a retenu le caractère diffamatoire des propos de Madame M., et le bénéfice de la bonne foi. Par ailleurs, la Cour conclut que le prononcé d’une condamnation à l’encontre de Madame M. En conséquence, la Cour d’appel a infirmé la décision rendue par le tribunal en toutes ses dispositions et a débouté Monsieur B.
La Cour d’appel considère que, même si les termes « balance » et « porc » peuvent sembler violents, ils restent suffisamment prudents, ayant pour objectif d’englober un certain nombre de comportement attentatoire et d’ouvrir le débat entre les internautes. Aussi, la Cour retient que les propos de Madame M. s’inscrivent dans un débat d’intérêt général, à savoir celui de la libéralisation de la parole des femmes victimes d’agressions ou de harcèlement sexuel.
Le Rôle des Hommes
Une question cruciale revient dans plusieurs messages: comment ne pas rester spectateur, sans pour autant voler la parole aux femmes? «On peut soutenir mais jamais mener le combat à la place», relève un internaute. «Le hashtag confirme ce que je sais déjà sur le caractère lubrique», explique ce même internaute au Figaro. «Ce qui m'étonne, c'est plus la dimension de domination, d'humiliation. On voit souvent que le “porc” use de son statut, menace, rabaisse, use de force. Ça, je ne pensais pas que c'était si répandu.»
Le fait que les hommes puissent s'emparer du sujet apparaît de plus en plus comme l'un des enjeux de la lutte contre le harcèlement sexuel. «Les hommes peuvent se conforter dans l'idée que ça n'existe pas, car ils ne sont pas victimes de manière massive. C'est donc important de se soucier de ce qu'ils peuvent faire. C'est très sain, car cela leur évite de réagir d'une mauvaise manière.»
TAG: #Porc