L'état actuel de l'autosuffisance alimentaire au Japon

L'autosuffisance alimentaire est un objectif très difficile à atteindre. Au Japon, ce sont les œufs qui viennent à manquer depuis quelques mois. Plusieurs chaînes de restaurants ont dû retirer de leur carte les plats contenant des œufs.

Pénurie d'œufs et augmentation des prix

Le Japon connaît une pénurie d’œufs et une augmentation de leur prix. Dans certains supermarchés, les rayons restent vides, et dans ceux où l’on en trouve, les prix ont doublé depuis l’an dernier. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.

Causes de la pénurie d'œufs

  • Grippe aviaire: Cette année a contraint les éleveurs japonais à tuer près de quatorze millions de volailles, soit dix pour cent de poules pondeuses.
  • Prix du maïs: Le prix du maïs, essentiel pour nourrir les poules, a flambé à cause de la guerre en Ukraine (environ le double du prix d’il y a deux ou trois ans), et cette hausse se reflète forcément sur le prix des œufs.

Le Japon est un très grand consommateur d’œufs (le deuxième pays au monde avec 340 œufs par personne et par an, après le Mexique) et cette pénurie a non seulement un impact dans les foyers, mais aussi sur les restaurants, les cantines scolaires et les entreprises agro-alimentaires. Car les produits fabriqués à base d’œuf sont nombreux : mayonnaise, biscuits, glaces et autres pâtisseries, pâté de poisson, certaines saucisses et jambons industriels, panure pour les fritures… Si cela continue, non seulement la pénurie d’œufs va s’aggraver, mais avec des conséquences bien plus graves.

Pour que les œufs continuent d’être des “bons élèves des coûts de la vie” comme on dit au Japon, une subvention d’Etat est accordée aux éleveurs. Mais il ne faut pas oublier que des prix aussi attractifs ne sont possibles que grâce à une grande productivité. Ainsi, plus de 99 % des poules pondeuses sont élevées en cage, sans fenêtre, avec 126 poules par mètre carré, et des cages entassées sur quatre ou cinq étages. Des conditions loin d’être idéales pour éviter les épidémies de grippe aviaire.

Pour combler le manque, des entreprises importent des œufs en poudre ou liquides. Mais alors que des pénuries similaires ont touché Taïwan l’année dernière et la Corée du Sud il y a cinq ans, l’importation pourrait donc ne plus suffire pour régler ce genre de problèmes dans le futur.

La pénurie actuelle pourrait être l’occasion pour les consommateurs japonais de réfléchir aux véritables raisons derrière la faiblesse du prix des œufs dans leur pays, et se rendre compte que le Japon est en réalité très en retard en matière de bien-être animal. Ainsi, un changement du mode de consommation pourrait s’amorcer.

Pénurie de riz en 2024

Des rayons parfois vides, une hausse des prix majeure et des consommateurs esseulés : depuis l’été 2024, le Japon connaît une importante pénurie de riz, malgré le taux d’autosuffisance initial de près de 100% de l’État. Dans un pays où cette céréale est non seulement un aliment de base mais aussi une partie intégrante de la culture, cette crise perturbe la vie quotidienne de millions de personnes et soulève des questions cruciales sur les politiques agricoles et la sécurité alimentaire du Japon.

En plein mois d’août 2024, plusieurs enseignes alimentaires, à commencer par les supermarchés Ito-Yokado, limitaient les achats à un paquet de riz par famille, alors que les prix de la céréale s’envolaient.

Le taux d’autosuffisance en riz du Japon, proche de 100 %, en 2023, reflète sa forte dépendance à la production nationale. Cependant, cette rigidité a contribué à la crise de l’offre en limitant la capacité d’importer ou de redistribuer rapidement du riz pour répondre aux besoins des consommateurs.

Selon le ministère de l’agriculture, les stocks du secteur privé étaient tombés à 1,56 million de tonnes en juin 2024, le niveau le plus bas depuis le début de ces statistiques en 1999 et en baisse de 20 % par rapport à 2023, rapporte le Monde. En parallèle, l’indice des prix à la consommation du riz a enregistré une hausse de 48 % en septembre 2024 par rapport à la même période en 2023, soit la plus forte hausse en 31 ans, note le ministère japonais de l’Agriculture, des Forêts et de la Pêche (MAFF).

Facteurs contribuant à la pénurie de riz

  • Conditions climatiques difficiles: Des températures considérablement supérieures aux normales de saison et un fort déficit pluviométrique ont contribué à des mauvaises récoltes chez les agriculteurs.
  • Déclin des stocks: Le vieillissement de la population des agriculteurs, dont les terres trouvent difficilement repreneur, et une politique visant à réduire les surfaces agricoles ont également contribué au déclin des stocks.
  • Augmentation de la demande: Le retour des touristes après la pandémie de Covid-19 a entraîné une augmentation de la demande de riz.

L’impact économique de la crise a été évident dans tous les secteurs, notamment dans la restauration et l’hôtellerie. Elle a également engendré des difficultés financières pour les familles à plus faibles revenus, privées d’un aliment de base implanté dans la tradition culinaire. En moyenne, un japonais consommait environ 50,9 kilogrammes par an de riz en 2022, soit l’équivalent d’environ deux bols de riz par jour.

Alors que le riz devenait de plus en plus cher et rare tout au long de l’été 2024, de nombreux consommateurs se sont tournés vers des produits à base de blé comme le pain et les nouilles. Cette tendance générale, antérieure à la pénurie de riz de 2024, est particulièrement évidente dans les zones urbaines, où les céréales importées comme le blé sont de plus en plus utilisées en cuisine.

Alors que le gouvernement était resté jusque-là attentiste face à la crise, il annonce en février dernier le déblocage de 212 000 tonnes de riz issues de ses réserves d’urgence pour libérer les marchés de la pression engendrée. Depuis lors, l’Etat est contraint de poursuivre sa démarche devant une hausse des prix qui persiste.

Depuis la constitution des stocks nationaux en 1995, le Japon n’avait jusqu’ici puisé dans ses réserves que pour faire face aux années de disette, c’est-à-dire à une forte baisse de la production, et non à une forte augmentation de la demande. Un tournant majeur dans la politique alimentaire du pays, alors que le gouvernement japonais privilégie depuis la fin de la guerre la protection des producteurs nationaux de riz en limitant l’offre disponible pour assurer la sécurité alimentaire et préserver les moyens de subsistance du milieu rural.

A travers le pays, des voix s’élèvent pour exiger une politique alimentaire plus favorable aux consommateurs, en accord avec l’esprit de la Loi fondamentale révisée de mai 2024 sur l’alimentation, l’agriculture et les zones rurales, qui accorde la plus haute priorité à la sécurité alimentaire et appelle à la mise en place d’un système d’approvisionnement alimentaire en cas d’urgence.

“La crise du riz a révélé des problèmes plus profonds dans les politiques de sécurité alimentaire du pays”, souligne Masayoshi Honma.

Politiques agricoles et indications géographiques

Dans le cadre de la préparation du dossier d’inscription pour la marque collective à nom géographique, le Hatcho miso, qui a débuté en 2006, le conseil municipal et la chambre de commerce de la ville d’Okazaki ont reconnu la valeur historique et culturelle du Hatcho miso. Les deux fabricants d’Okazaki (Kakukyū et Maruya), qui n’étaient jusque-là que des concurrents de longue date pour le droit de posséder la marque, se sont associés pour la première fois afin de créer la Coopérative du Hatcho miso (Katō, op. cit. : 35). La même année, leurs caves ont servi de décor à la série télévisée matinale de la chaîne NHK, ce qui a donné lieu à une importante promotion de leurs produits. Depuis, ils ont chacun travaillé sur des projets innovants visant à produire un miso de haute qualité à partir de soja cultivé localement.

Le ministère japonais de l’agriculture, de la forêt et des pêches (MAFF) a soumis à consultation publique un projet de réforme du dispositif d’enregistrement des indications géographiques japonaises. Les principales dispositions visent à simplifier les dossiers de demande et à assouplir les critères afin favoriser le dépôt d’IG de produits transformés.

Bien que la démarche de développement des indications géographiques soit récente au Japon, elle s’est imposée comme l’un des principaux piliers de la politique de développement des exportations agricoles et agroalimentaires du MAFF, qui cible quelques productions emblématiques à forte valeur ajoutée (notamment thé, riz, alcools, bœuf de Kobe).

La protection des indications géographiques fait l’objet d’un chapitre de l’accord de partenariat économique conclu en 2019 entre l’Union européenne et le Japon. A ce jour, plus de 250 indications européennes, dont 66 françaises, ont ainsi été incluses et bénéficient d’une reconnaissance et d’une protection au Japon.

Impact économique et mesures gouvernementales

L’inflation sur les produits alimentaires poursuit sa progression au Japon, pour atteindre 4,4% en juillet après 3,7% en juin - soit un niveau très supérieur aux autres produits (l’inflation « core », hors produits alimentaires frais, atteint +2,2% en juin). Confrontées à de fortes hausses des coûts de production (+9,6% au 2e trimestre), de nombreuses entreprises déclarent ne plus pouvoir compenser en diminuant leurs marges et prévoient d’augmenter les prix à la consommation.

Sur le 2e trimestre 2022, la progression des salaires ne compense pas l’inflation et les salaires réels enregistrent une diminution de 1,2%. Dans ce contexte, le gouvernement a annoncé qu’il n’entendait pas revoir à la hausse le prix du blé importé lors de la révision semestrielle d’octobre, en dépit d’une hausse des cours sur la période de référence qui aurait pu conduire à relever le prix d’achat de 20% en appliquant le mode de calcul habituel.

Les producteurs agricoles bénéficient de leur côté de mesures de soutien d’urgence afin de faire face aux prix des carburants (fonds de compensation, aide à la modernisation des équipements de pêche) et aux surcoûts en matière d’alimentation animale et d’engrais (prise en charge de 70% du surcoût, conditionnée à un engagement des bénéficiaires à mettre en œuvre des pratiques plus économes en engrais, avec un objectif de diminution de 20%).

Le Premier Ministre Fumio Kishida a annoncé le 29 mars un plan de soutien d’un montant d’un trillion de yens (7,7 Md€) pour les secteurs les plus affectés, dont l’agriculture, la pisciculture, la sylviculture et l’alimentation font partie.

Afin de faire face à la hausse des cours du blé et aux difficultés d’approvisionnement liées au conflit ukrainien, le Ministère de l’Agriculture, de l’alimentation et des Affaires rurales (MAFRA) a indiqué qu’il entendait porter les réserves de blé publiques à 14 000 T, contre 8 400 T en 2021.

Tableau récapitulatif des défis et mesures

Défi Mesures gouvernementales
Pénurie d'œufs Subventions aux éleveurs, importations d'œufs en poudre et liquides
Pénurie de riz Déblocage des réserves d'urgence, soutien aux producteurs
Inflation des produits alimentaires Maintien du prix du blé importé, aides aux foyers modestes, soutiens aux producteurs agricoles

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