Arthrose : Compléments Alimentaires Efficaces ou Illusions ?

Environ une personne sur cinq prend des compléments alimentaires pour soulager ses douleurs articulaires. De fait, les rayons des pharmacies sont garnis d’emballages promettant un « confort articulaire », faute de pouvoir alléguer un impact sur l’arthrose. Mais ces compléments n’ont pas fait leurs preuves et s’accompagnent de certains risques à connaître.

Les Stars du Moment : Collagène et Acide Hyaluronique

Le collagène et l’acide hyaluronique sont omniprésents. C’est un vrai phénomène de mode. Or, rien n’a permis de démontrer qu’ingérer ces composants par la bouche est utile. On voit mal, en effet, comment ils pourraient cibler spécifiquement les articulations ou résister au processus de digestion.

D’ailleurs, on retrouve la présence de collagène dans un certain nombre de produits cosmétiques. Certains sur les réseaux sociaux, n’hésitent pas à parler de « produit miracle ». Mais derrière toutes ces promesses, qu’en est-il réellement ? On revient sur le sujet dans ce nouveau Canal Détox. Le collagène est la protéine la plus abondante du corps humain. Il s’agit du composé majoritaire des tissus conjonctifs dont la peau, les os, les ligaments, les tendons et le cartilage.

Le collagène est caractérisé par une structure particulière en triple hélice, à l’origine des propriétés mécaniques spécifiques de ces tissus (élasticité, robustesse…). Le terme « collagène » est utilisé dans le langage courant, mais il s’agit en réalité d’une vaste famille qui regroupe plusieurs « types » de collagènes.

Les connaissances sur le sujet ont augmenté de façon exponentielle au cours des dernières décennies. Alors que dans les années 1970, la communauté scientifique ne parlait que de quatre types de collagènes génétiquement distincts, il est aujourd’hui admis que le grand ensemble qu’on désigne par ce terme comprend en fait jusqu’à 28 types qui diffèrent les uns des autres par leur composition moléculaire, par leur organisation au sein de l’organisme mais aussi par leurs propriétés.

Cette propension à utiliser le mot collagène de manière générique se retrouve dans le langage marketing utilisé pour promouvoir les compléments alimentaires, mais aussi parfois dans certains travaux scientifiques portant sur les effets du collagène sur la santé, qui omettent de définir le type ou la provenance du collagène considéré.

Il en résulte un certain degré de confusion : de quoi parle-t-on réellement lorsque que l’on dit que « le collagène a des effets bénéfiques » sur un problème de santé spécifique ? Fait-on référence à un type de collagène en particulier ? Tous les compléments alimentaires sur le marché ont-ils les mêmes effets ? Ces questions sont souvent laissées sans réponse, que ce soit dans la littérature scientifique ou dans les articles plus « médiatiques » qui s’intéressent au sujet.

Des Limites Méthodologiques

Au-delà de ces considérations lexicales, et même lorsque les travaux scientifiques prennent la peine de décrire les produits à base de collagènes qui ont été étudiés, d’autres problèmes se posent. Tout d’abord, comme évoqué précédemment, le collagène est une protéine que le corps n’est pas capable d’assimiler sous cette forme. Lorsqu’il est ingéré, il est dégradé - ou « découpé » - en acides aminés.

Ces acides aminés peuvent alors être utilisés par l’organisme pour construire des protéines. Ils peuvent certes intervenir dans la construction de collagène mais aussi de nombreuses autres protéines. Plusieurs études ont toutefois été conduites sur différents compléments alimentaires à base de collagène, mais on constate qu’elles ont souvent des limites méthodologiques.

Ainsi, si les données scientifiques disponibles soulignent généralement que les produits à base collagène sont sûrs et qu’ils peuvent avoir des effets bénéfiques pour limiter la douleur, en particulier dans le cadre de certaines pathologies comme l’arthrose, il existe une grande hétérogénéité en ce qui concerne la conception et le design des études, avec des échantillons de participants souvent très faibles, sans prendre en compte de potentiels facteurs de confusion et/ou sans comparaison des effets du produit à base de collagène avec ceux d’un placebo.

La plupart des études ne concluent pas non plus sur la question des doses efficaces (quelle dose de produit faut-il prendre et à quelle fréquence pour observer un effet bénéfique ?), ni sur celle de la période de traitement. Et comme le suivi à long terme des participants à ce type d’études est rarement effectué, il est également difficile de savoir si les éventuels effets bénéfiques qui peuvent être observés perdurent dans le temps, notamment si l’on cesse de prendre le produit.

On peut enfin ajouter que les messages marketing utilisés pour promouvoir les compléments alimentaires à base de collagène ne ciblent pas toujours uniquement les personnes qui souffrent d’arthrose ou de pathologies spécifiques. Ils sont parfois simplement décrits comme des produits qui permettent de « lutter contre les douleurs articulaires » et prévenir les troubles de santé, sans plus de précisions. Or en l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe pas à ce jour de données robustes indiquant un quelconque bénéfice de la supplémentation en collagène pour prévenir l’apparition de maladies articulaires.

Et sur la peau ?

Le collagène a été largement commercialisé pour ses prétendus avantages en matière de réduction des rides, de rajeunissement de la peau, voire même d’inversion du vieillissement de la peau. Pourtant, en ce qui concerne les bénéfices pour la peau - mais aussi pour les cheveux - les résultats sont encore moins clairs.

Bien que certaines études aient suggéré que la supplémentation en collagène peut améliorer certaines propriétés de la peau telles que l’élasticité et l’hydratation, les messages promus dans les médias et sur les réseaux sociaux sur les effets dermatologiques du collagène vont souvent beaucoup trop loin. Les données disponibles dans la littérature sont actuellement limitées et les effets possibles de ce produit sur la peau n’ont pas encore été entièrement élucidés ni compris.

En conclusion, face à l’engouement médiatique et commercial autour des compléments alimentaires à base de collagène, une approche prudente et sceptique est recommandée. Les données scientifiques actuelles, limitées et souvent contradictoires, ne permettent pas de soutenir les affirmations relatives aux bienfaits du collagène sur les douleurs articulaires, la santé de la peau ou la qualité des cheveux. Les études jusqu’à présent souffrent de limitations méthodologiques significatives, et les résultats « prometteurs » doivent être interprétés avec prudence, d’autant qu’ils sont souvent utilisés comme arguments marketing pour vendre ces produits.

Par conséquent, il est conseillé de rester vigilants et de ne pas considérer les suppléments de collagène comme une solution miracle pour ces problèmes de santé. Il est impératif de réaliser des recherches supplémentaires, plus rigoureuses et systématiques, pour éclaircir les effets réels du collagène et déterminer si, et dans quelle mesure, il peut être bénéfique. En attendant, les individus devraient s’appuyer sur des approches éprouvées et scientifiquement validées pour la gestion de l’arthrose, des problèmes cutanés et autres conditions de santé.

Des collagènes « végétaux » ?

La grande majorité des collagènes que l’on trouve actuellement sur le marché sont obtenus à partir de matières premières d’origine animale. Seuls ces types de collagènes se retrouvent généralement dans les compléments alimentaires et font l’objet de recherches cliniques.

Les compléments alimentaires à base de collagène sont fabriqués à partir de collagène animal. Il est possible d’acheter des produits à base de plantes qui contiennent les nutriments nécessaires à la fabrication du collagène, comme la vitamine C et le zinc, mais ils ne contiennent pas eux-mêmes de collagène.

Les Médicaments Déclassés

Les anti-arthrosiques d’action lente ont fait l’objet d’une vague de déremboursement en 2015, faute d’une efficacité suffisante. Aussi proposés comme compléments alimentaires, ils comportent les mêmes problèmes.

La Glucosamine

La glucosamine est une substance produite par l’organisme, est impliquée dans l’entretien du cartilage. La supplémentation est à déconseiller aux personnes souffrant de diabète de type 2 ou d’obésité, car elle est susceptible d’augmenter la résistance à l’insuline. Ce conseil s’applique aussi aux personnes allergiques aux crustacés.

Jusqu'à récemment, de nombreux compléments alimentaires étaient commercialisés pour soulager les douleurs liées à l’arthrose, soit en prévenant la dégénérescence des cartilages (c’est le cas de la glucosamine, de la chondroïtine sulfate et du SAM-e), soit en diminuant la fabrication de substances liées à l’inflammation (les insaponifiables d’huiles d’avocat et de soja, les acides gras oméga-3 et oméga-6 ainsi que le méthyl sulfonyl méthane ou MSM). La glucosamine est une substance produite par l’organisme qui joue un rôle dans le maintien des cartilages en bon état.

Certaines études cliniques indiquent que, dans le cadre du traitement de l’arthrose, la glucosamine contribue à freiner l’évolution de la maladie. Cependant, des doutes subsistent sur la dose optimale. Depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant de la glucosamine de prétendre favoriser la mobilité des articulations, ou réduire le processus de destruction des cartilages, ou être bénéfique à la santé des surfaces articulaires, des cartilages, des ligaments ou des os.

La glucosamine pourrait augmenter la résistance de l’organisme à l’insuline. Elle est donc fortement déconseillée aux personnes souffrant de diabète de type 2 ou d’obésité. Ses éventuels effets indésirables sont les aigreurs d’estomac et les diarrhées.

La ChondroĂŻtine

S’il s’agit d’un constituant du cartilage, rien ne prouve qu’une supplémentation permette d’améliorer la qualité du cartilage touché par l’arthrose. Elle est déconseillée en cas d’hémophilie ou de traitement anticoagulant. Les compléments alimentaires sont souvent riches en sodium. Prudence, donc, si vous devez suivre un régime pauvre en sel.

À l’instar de la glucosamine, la chondroïtine sulfate est un constituant essentiel du cartilage dont il assure la structure et l’élasticité. Des études cliniques indiquent qu’il contribue à ralentir la progression de l’arthrose. Cependant, depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant de la chondroïtine de prétendre soutenir la mobilité des articulations, aider à garder les genoux et autres articulations souples et flexibles, ou être un composant important du métabolisme des articulations ou de la bonne santé des articulations.

La chondroïtine sulfate est déconseillée aux personnes hémophiles ou recevant un traitement anticoagulant. Il est préférable de l’utiliser sous contrôle médical. Du fait de leur teneur élevée en sodium, certains produits à base de chondroïtine sulfate ne doivent pas être employés en cas de régime sans sel.

La SAM-e (S-adénosyl-L-méthionine)

Cette substance, naturellement produite par l’organisme, est indispensable au bon fonctionnement du système nerveux et du foie. Elle a été largement étudiée et a démontré une certaine efficacité contre la progression de l’arthrose. Une forme en comprimés, récemment mise au point, est utilisée comme médicament contre l’arthrose dans plusieurs pays européens. Elle est devenue un complément alimentaire très populaire outre-Atlantique.

Depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant de la S-adénosyl-L-méthionine (SAM-e) de prétendre contribuer à maintenir la santé ou la mobilité des articulations. La SAM-e est contre-indiquée chez les personnes souffrant de troubles bipolaires, de maladie de Parkinson ou qui prennent des médicaments contre la dépression.

En 2019, l’Agence nationale de sécurité sanitaire a alerté sur leurs effets indésirables fréquents, qui peuvent être bénins (troubles digestifs, éruptions cutanées) ou graves (hépatites, lésions hémorragiques de la peau). En outre, depuis 2012, ces produits n’ont plus le droit d’alléguer un effet sur la mobilité ou la souplesse des articulations.

Les Insaponifiables d’Huiles d’Avocat ou de Soja

Le plus souvent, ce type de complément entraîne des effets indésirables modérés. Toutefois, des effets plus sévères sur le foie (hépatite cytolytique, jaunisse, cholestase) ou sur la coagulation peuvent survenir. Il ne faut donc pas les prendre en cas de maladie du foie, de calculs biliaires ou de troubles sévères de la coagulation.

Ceux qui devraient rester en cuisine

Les Acides Gras Oméga 3 et l’Acide Gamma-Linolénique

Suspectés d’avoir une action anti-inflammatoire, ces composants sont naturellement présents dans l’alimentation. Depuis 2012, les fabricants de compléments n’ont plus le droit de dire qu’ils contribuent à améliorer la mobilité des articulations. Au vu du risque d’effet anticoagulant, mieux vaut augmenter ses apports en huiles végétales (colza, noix, lin) ou en poissons gras (saumon, thon, sardine).

Les acides gras oméga-3 issus des poissons et l’acide gamma-linolénique (un acide gras oméga-6) sont parfois proposés dans le traitement des maladies inflammatoires comme l’arthrose ou la polyarthrite rhumatoïde. Il semblerait qu’une alimentation riche en ce type d’acides gras puisse réduire la production, par l’organisme, de certaines substances responsables des symptômes d’inflammation, les prostaglandines inflammatoires.

Depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant des acides gras oméga-3 des huiles de poisson ou de l’acide gamma-linolénique (GLA) de prétendre contribuer à améliorer la mobilité des articulations.

Le Curcuma

Cette épice, notamment présente dans le curry, est souvent associée à la pipérine (elle-même issue du poivre noir) qui aiderait à mieux l’assimiler. Ni cela ni son effet prétendument anti-inflammatoire ne sont établis. Attention également aux interactions avec les fluidifiants sanguins. Enfin, il ne faut pas dépasser un dosage quotidien de 153 mg pour une personne de 60 kg.

Le Méthyl Sulfonyle Méthane (MSM)

Le MSM est une substance naturelle contenant du soufre. Deux essais cliniques de bonne qualité méthodologique semblent justifier son intérêt dans le soulagement des douleurs liées à l’arthrose. Des études restent à faire pour mieux définir les conditions de son usage.

Depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant du méthyl sulfonyle méthane (MSM) de prétendre participer au maintien de la santé et du bon fonctionnement des articulations, des tendons, des ligaments ou des os.

Les Promesses Illusoires de la Phytothérapie

L’Harpagophytum

Aussi appelée griffe du diable, cette plante aurait une action anti-inflammatoire, qui reste non établie. Elle est déconseillée en cas de reflux ou d’ulcère gastrique, de calculs biliaires ou de maladie cardiovasculaire, car elle risque d’interagir avec les anticoagulants.

Le Saule Blanc et la Reine-des-Prés

Ces plantes contiennent des dérivés salicylés, qu’on trouve aussi dans l’aspirine. Aussi, leur prise est déconseillée dans plusieurs cas : ulcère digestif, allergie aux anti-inflammatoires ou aux médicaments de la famille des salicylates, risque d’hémorragie, goutte, asthme ou maladie rénale. Il existe aussi un risque d’interaction avec les AINS, l’aspirine et les fluidifiants sanguins.

Le Cassis et le FrĂŞne

Leurs prétendues vertus anti-inflammatoires les rendent populaires, mais ces plantes ont aussi un effet diurétique. Prudence, donc, si vous prenez déjà des médicaments diurétiques. Le frêne est aussi déconseillé si vous prenez les médicaments suivants : antiagrégants plaquettaires, antihypertenseurs (dont diurétiques), antidiabétiques.

L’Ortie Dioïque (ou Grande Ortie)

Cette plante est à éviter en cas de maladie rénale ou cardiaque.

Silicium et PrĂŞle

De nombreux compléments alimentaires à base de silicium ou de prêle sont vendus dans les pharmacies et les magasins de diététique. Depuis 2012, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant du silicium de prétendre contribuer à la santé normale des os ou des articulations.

Huile de Krill

En 2014, les autorités sanitaires européennes ont interdit aux compléments alimentaires contenant de l'huile de krill (source de caroténoïdes) de prétendre contribuer à la santé normale des articulations.

Résumé des compléments alimentaires et leurs restrictions
Complément Alimentaire Restrictions et Mises en Garde
Glucosamine Déconseillée en cas de diabète de type 2 ou d’obésité. Peut augmenter la résistance à l’insuline. Interdiction d'alléguer favoriser la mobilité articulaire depuis 2012.
Chondroïtine Sulfate Déconseillée en cas d’hémophilie ou de traitement anticoagulant. Prudence en cas de régime sans sel. Interdiction d'alléguer soutenir la mobilité articulaire depuis 2012.
SAM-e Contre-indiquée en cas de troubles bipolaires, maladie de Parkinson ou prise d’antidépresseurs. Interdiction d'alléguer contribuer à la santé ou mobilité articulaire depuis 2012.
Acides Gras Oméga-3 Risque d’effet anticoagulant. Interdiction d'alléguer améliorer la mobilité articulaire depuis 2012.
MSM Interdiction d'alléguer participer au maintien de la santé articulaire depuis 2012.
Silicium Interdiction d'alléguer contribuer à la santé des os ou des articulations depuis 2012.
Huile de Krill Interdiction d'alléguer contribuer à la santé normale des articulations depuis 2014.
Harpagophytum Déconseillé en cas de reflux, ulcère, calculs biliaires ou maladie cardiovasculaire.
Saule Blanc et Reine-des-Prés Déconseillés en cas d’ulcère, allergie aux salicylates, risque d’hémorragie, goutte, asthme ou maladie rénale.
Cassis et Frêne Prudence en cas de prise de diurétiques, antiagrégants plaquettaires, antihypertenseurs ou antidiabétiques.
Ortie Dioïque À éviter en cas de maladie rénale ou cardiaque.

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