L'industrie alimentaire met des aliments à la disposition des consommateurs tout au long de l'année. L'agriculteur qui apporte ses produits une ou deux fois par semaine au marché local est aujourd'hui une exception : la collecte à la ferme des récoltes et des animaux par les industries qui vont les transformer est devenue la règle.
Logistique et Transport
L'organisation du transport de ces produits lourds, peu coûteux et très dispersés, demande une logistique routière d'autant plus élaborée que les produits biologiques sont fragiles. Dès le moment de la récolte, les végétaux commencent en effet à subir une dégradation plus ou moins rapide selon les espèces : pour les petits pois, par exemple, l'intervalle de temps entre la cueillette au champ et la mise en conserve à l'usine ne doit pas dépasser la dizaine d'heures ; les betteraves, de leur côté, peuvent supporter une attente plus longue, mais leur volume et leur poids empêchent des déplacements sur de longues distances.
De tous les produits de l'agriculture, le lait est, de loin, celui qui pose le problème le plus difficile. La dispersion des troupeaux et leur petite taille, la multiplicité des traites chaque jour, l'extrême fragilité hygiénique du lait imposent une chaîne du froid qui commence dans des tanks réfrigérés à la ferme, où des camions-citernes, également réfrigérés, viennent s'approvisionner tous les deux ou trois jours.
Stockage et Conservation
La céramique est née du besoin d'enfermer les grains dans des récipients clos : c'est la première fonction du stockage que de mettre les produits à l'abri de l'air, en particulier de l'oxygène qui favorise les réactions enzymatiques et le développement des parasites (insectes ou champignons). Pratiqué par l'agriculteur qui entrepose ses grains dans des cellules ou son fourrage dans des silos, le stockage est devenu une véritable fonction économique, exercée par des organisations spécialisées, largement subventionnées par les pouvoirs publics.
Méthode de gestion des excédents agricoles, le stockage met en œuvre des investissements coûteux et des techniques adaptées aux différents produits. Le froid est indispensable pour stocker de la viande. Les industriels pratiquent en général un double stockage. D'abord en matières premières, pour constituer un volant de sécurité de plusieurs semaines ; en produits finis ensuite, pour répondre aux commandes urgentes. Les réserves constituées par les grossistes, les commerçants, les consommateurs représentent un volume de stockage de plusieurs mois. En Suisse, un stock alimentaire de survie pour deux mois est imposé systématiquement dans tous les foyers.
Les méthodes modernes de gestion des usines agroalimentaires préconisent des stocks aussi faibles que possible ou même un niveau « zéro stock ».
Transformation des Produits
Certains produits alimentaires sont traités en usine sans subir de véritables transformations, mais simplement pour être soumis à des conditionnements qui facilitent leur commercialisation : c'est le cas, par exemple, des œufs, des fruits ou des légumes. En revanche, beaucoup de produits sont profondément transformés soit par des traitements physiques (broyage, séchage, action du froid ou de la chaleur), soit par des traitements chimiques (ajout de sucre ou de sel, d'acide citrique, d'additifs divers), soit par des traitements biologiques, dont le plus élaboré est la fermentation.
Ces techniques ont été mises au point de manière plutôt empirique en reproduisant à une plus grande échelle des méthodes utilisées autrefois dans les familles ou dans des ateliers artisanaux. Le passage d'une fabrication discontinue à une production continue a été un progrès considérable, relayé depuis peu par l'automatisation de beaucoup d'opérations.
Innovations et Tendances
Deux nouvelles tendances apparaissent aujourd'hui qui vont modifier profondément les technologies de l'industrie alimentaire. La première découle des progrès de la biotechnologie qui, à long terme, peut remettre en cause les méthodes de fabrication les plus classiques. L'autre tient à l'intégration de l'acte culinaire dans l'industrie alimentaire.
Paradoxalement, ces deux tendances agissent en des directions opposées, la biotechnologie ouvrant des perspectives vers de nouveaux produits alors que la préparation de plats cuisinés aboutit au contraire à diffuser des plats traditionnels, le consommateur se trouvant en pays de connaissance devant les surgelés du supermarché.
Emballage et Conditionnement
Envelopper l'aliment pour éviter les souillures et le contact de l'air au cours des transports et de la commercialisation est un acte universel. Autrefois, les Japonais enfermaient le poisson frais dans des feuilles de bambou. Par la suite, une puissante industrie de l'emballage s'est développée pour fournir à l'industrie alimentaire tous les matériaux possibles et les machines automatiques correspondantes.
Parfois, l'introduction de nouveaux emballages s'est traduite par un échec et un retour au produit traditionnel, comme en Allemagne, où, pour des eaux minérales, la pression des consommateurs a imposé le maintien de la bouteille de verre. Les nouveaux matériaux plastiques et les nouvelles machines bouleversent certaines techniques. Par exemple, la brique en carton plastifié et des machines combinant un remplissage stérile et un traitement à ultra haute température (U.H.T.) ont permis, la création du lait stérilisé et, par la suite, la mise sur le marché de soupes, de jus de fruits conservant leur arôme initial.
La cuisson sous vide, qui connaît une croissance extraordinaire pour préparer des plats cuisinés individuels de qualité, est une technique qui repose sur des emballages plastiques souples, où le produit est cuit dans un sac fermé par thermoformage. Par l'extension régulière de sa gamme, le matériau plastique va bouleverser des pans entiers de l'industrie alimentaire. Déjà, dans certains pays, la boîte de conserve métallique a été détrônée par l'emballage souple plastique stérile.
Distribution et Vente
Depuis 1985, en France, la majorité (54 %) des ventes alimentaires au détail se fait dans les grandes surfaces, qui augmentent régulièrement leur part de marché. Inexistantes en France avant les années 1970, les grandes surfaces (hypermarchés de plus de 2 500 m2 et supermarchés, de moindre superficie) ont su répondre aux besoins d'une population récemment urbanisée, disposant d'une voiture et d'un pouvoir d'achat croissant grâce au travail féminin.
Ces nouveaux consommateurs veulent en peu de temps trouver une gamme aussi large que possible de produits pour la semaine. La part des produits alimentaires est majoritaire dans le chiffre d'affaires des grandes surfaces et ces chaînes ont constitué des centrales d'achat qui sont des partenaires incontournables autant que redoutables pour les industriels de l'agroalimentaire. Être référencé par les centrales d'achats est indispensable pour lancer un nouveau produit.
À côté de ces points de vente traditionnels ou modernes, on voit se développer une distribution alimentaire dans tous les lieux où passe un large public : distribution murale automatique, distribution ambulante dans les salles de spectacle ou les transports publics, rayons alimentaires dans les stations-service.
Techniques et Procédés Industriels
La plupart des techniques utilisées correspondent à des méthodes traditionnelles appliquées autrefois dans les familles ou dans des ateliers artisanaux. Les traitements thermiques, soit par la chaleur soit par le froid, sont à la base d'importants procédés industriels comme par exemple l'appertisation, traitement des denrées par la chaleur dans des récipients hermétiquement clos, sur laquelle repose l'industrie de la conserve.
Mais, le plus souvent, les processus appliqués par l'industrie combinent plusieurs techniques, dites « opérations unitaires » : le chauffage, la réfrigération, le séchage. À ces traitements classiques s'ajoutent aussi des méthodes plus récentes comme la surgélation, la lyophilisation, l'ionisation, qui font appel à des procédés d'ordre physique. Enfin, l'utilisation de produits chimiques, qu'on appelle les additifs, est maintenant banale et généralisée à l'ensemble des industries alimentaires.
Traitements Thermiques
Traditionnellement, dans les pays méditerranéens, les raisins, les figues, les dattes, les abricots sont séchés au soleil, ce qui permet une longue conservation et un transport lointain de ces produits. De même, le poisson pêché dans le fleuve Sénégal, qui constitue la base alimentaire protéique des populations de la région, est séché sur des claies pour fournir le « guedj ».
Le séchage est pratiqué industriellement dans des enceintes où un courant d'air chaud est envoyé sur les produits à traiter : maïs dans son séchoir, saucissons dans leur étuve. Le traitement par la chaleur aboutit souvent à combiner une opération de séchage avec une véritable cuisson, par exemple pour la biscuiterie, qui est, à cet égard, une grande consommatrice d'énergie.
En dehors des conserves, beaucoup d'autres produits subissent des traitements à température élevée ; l'apparition d'emballages résistants en matière plastique a permis le traitement thermique et la conservation en longue durée du lait stérilisé et de beaucoup d'autres liquides : jus de fruits, soupes, compotes, café liquide, etc.
Dans une large mesure, les traitements des aliments par la chaleur étaient autrefois réalisés dans les familles au foyer. Si les traitements par la chaleur permettent de stabiliser un produit et de le conserver ultérieurement sans précautions particulières, les traitements par le froid ne sont pas limités dans le temps.
Traitements par le Froid
Les différents traitements par le froid se distinguent par le niveau de température qu'il faut atteindre : la réfrigération est un abaissement de température qui n'atteint pas zéro degré mais reste dans ce que les spécialistes nomment le froid positif, autour de 3 ou 4 °C. Pour la congélation, la température doit être plus basse : − 20 °C pour les glaces, − 18 °C pour les poissons et plats cuisinés, − 10 °C pour les viandes.
Pour la conservation d'un très grand nombre de denrées, le froid représente une méthode irremplaçable, qu'il s'agisse de fruits et légumes, de carcasses ou de morceaux de viandes, de poissons et de crustacés, de produits laitiers frais.
Additifs
Les additifs sont des substances introduites au cours de la préparation des aliments pour améliorer les qualités organoleptiques ou faciliter la fabrication. Le sel est le plus ancien et chimiquement le plus simple des additifs. D'autres produits sont utilisés depuis des siècles, comme le salpêtre (nitrate de sodium ou de potassium) ; oxydant énergique incorporé à la viande de porc, il contribue à la formation du pigment rose, stable, des salaisons.
L'acide ascorbique, sous forme de sel de sodium, ou vitamine C, est également utilisé comme antioxydant en charcuterie et pour beaucoup d'autres produits : laits concentrés et en poudre, bières, sodas, etc. Les produits gélifiants sont le plus souvent des macromolécules de polysaccharides, les carraghénates, extraits d'algues, la caroube ou le ghar, issus de graines de légumineuses.
Les arômes, naturels ou artificiels, les colorants, les exhausteurs de goût, comme le glutamate, très utilisé dans la cuisine chinoise, font partie des additifs classiques. Parmi les additifs autorisés en France, il faut signaler les édulcorants de synthèse, de type aspartame, qui ont l'avantage d'apporter un goût sucré sans les calories nutritionnelles correspondantes.
La législation des additifs est extrêmement rigoureuse en France, où a été adoptée une politique de liste positive : ne sont autorisés que les produits figurant explicitement sur cette liste et pour un usage précis. Au contraire, certains pays anglo-saxons ont adopté une position de liste négative, où figurent les produits interdits, ce qui permet une bien plus grande liberté.
Recherche et Développement
Dans les groupes agroalimentaires multinationaux, la recherche, portant à la fois sur des produits nouveaux et sur des technologies nouvelles, est très active. Dans chaque branche industrielle, il existe des techniques avancées spécifiques comme, par exemple, la stimulation électrique des carcasses de bovins, qui accélère la transformation du muscle en viande.
Cependant, on assiste, pour l'ensemble de l'industrie alimentaire, à l'introduction de nouvelles techniques qui portent sur l'automatisation des procédés et la gestion de la production (productique). Toutes les industries alimentaires, en général grosses consommatrices de main-d'œuvre, déploient des efforts d'investissements pour remplacer les fastidieuses tâches répétitives manuelles par des machines automatiques fonctionnant en continu. Les cadences des chaînes d'embouteillage d'eau minérale atteignent 35 000 bouteilles par heure.
Parmi les techniques qui ont soulevé beaucoup d'espoir, il faut citer la lyophilisation, consistant en une dessiccation par congélation brutale à basse température (−60 °C) suivie d'une évaporation sous vide qui, par sublimation, élimine l'eau contenue dans la substance tout en conservant l'arôme et la saveur. Utilisée largement pour le café depuis trente ans, la lyophilisation a été pratiquée pour des fruits rouges, des champignons, des crevettes, mais son développement a été freiné par l'accroissement du prix de l'énergie.
Autre technique d'avenir, l'ultrafiltration utilise des membranes semi-perméables pour opérer un tamisage à basse énergie. L'ultrafiltration a connu un développement spectaculaire dans l'industrie fromagère.
Biotechnologies
Les biotechnologies se définissent comme l'ensemble des techniques permettant de modifier les propriétés héréditaires des organismes vivants. Grâce aux progrès de la biologie moléculaire, il est possible d'agir directement sur les gènes qui, dans le noyau des cellules, transmettent l'hérédité.
Dates clés de l'agroalimentaire
Année | Événement |
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1804 | J. A. Chaptal présente à l'Académie des sciences un Mémoire sur le sucre de betterave. |
1810 | Nicolas Appert publie l'Art de conserver… |
1822 | Dubrunfaut découvre l'hydrolyse de l'amidon par les enzymes du malt. |
1860 | F. Carré crée le premier compresseur frigorifique à ammoniac. |
1865 | Brevet sur la pasteurisation du vin, de L. Pasteur. |
1869 | Brevet de fabrication de la margarine, de H. Mège-Mouriès. |
1876 | Ch. Tellier effectue le transport frigorifique de la viande depuis l'Amérique du Sud. |
1893 | Fabrication des boîtes de conserve étamées, par les Forges de Basse-Indre. |
1893 | Création de l'École des industries agricoles. |
1930 | Brevet de traitement des aliments par irradiation, de Wurst. |
1948 | Première usine de café soluble en France. |
1950 | Apparition du procédé de surgélation. |
1964 | Brevet de fabrication du fromage par ultrafiltration, de Maubois, Mocquot, Vassal. |
1974 | Introduction des automates programmables sur des chaînes agroalimentaires. |
1980 | Procédé et appareils de cuisson Cryovac-Pralus pour la cuisine sous vide. |
1988 | Légalisation des édulcorants intenses (saccharine, acesulfame, aspartame). |
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