Une sonde nasogastrique est un long tube flexible inséré par le nez jusqu’à l’estomac. Elle sert à administrer des nutriments, des médicaments, ou à aspirer le contenu gastrique. L’infirmier(e) joue un rôle central dans la gestion des sondes nasogastriques. Toutefois, l’emploi de la sonde nasogastrique comporte des risques.
Cadre légal
La mise en place de sondes nasogastriques est une tâche qui doit être exclusivement réalisée par du personnel qualifié.
Art R.4311-7 : « L’infirmier […] est habilité à pratiquer les actes suivants soit en application d’une prescription médicale qui, sauf urgence, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, soit en application d’un protocole […] : pose de sondes gastriques en vue de tubage, d’aspiration, de lavage ou d’alimentation.
Indications de la sonde nasogastrique
- Apport nutritionnel insuffisant : la sonde nasogastrique est souvent utilisée pour fournir une alimentation et une hydratation adéquates aux patients qui ne peuvent pas manger ou boire suffisamment.
- Troubles de la déglutition et/ou de la mastication : les patients qui ont des difficultés à avaler ou à mâcher peuvent bénéficier de l’utilisation d’une sonde nasogastrique.
- Chirurgies ou traumatismes maxillo-faciaux ou ORL : après une chirurgie ou un traumatisme au niveau de la face, de la mâchoire ou de la région ORL (oto-rhino-laryngologie), un patient peut avoir du mal à manger ou à boire normalement.
- Recherche de bacilles alcoolo-résistants (tuberculose) : dans certains cas, la sonde nasogastrique peut être utilisée pour recueillir des échantillons pour la détection de la tuberculose.
- Traitement d’une hémorragie digestive : en cas d’hémorragie digestive, une sonde nasogastrique peut être utilisée pour aspirer le sang de l’estomac.
- Traitement d’un iléus : l’iléus est une obstruction du tube digestif qui empêche le passage des aliments et des liquides.
- Administration de produits de contrastes ou d’antidotes comme le charbon activé : une sonde nasogastrique peut être utilisée pour administrer des produits de contraste utilisés dans certaines procédures d’imagerie.
Types de sondes nasogastriques
Les sondes nasogastriques se déclinent en plusieurs types, chacun ayant ses propres caractéristiques et utilisations. Certaines sont fabriquées en polyuréthane ou en silicone pour une flexibilité et une durabilité optimales. Elles peuvent être lestées ou non, le lestage aidant à faciliter l’insertion et le maintien de la sonde en place dans l’estomac. Certaines sondes sont fournies avec un mandrin, un guide rigide qui facilite l’insertion. Les sondes varient également en taille, généralement de CH 8 à 12, pour répondre aux besoins spécifiques du patient.
- Sondes d’alimentation:
- Sondes en silicone : ces sondes sont généralement utilisées pour des périodes de sondage de longue durée, jusqu’à 4 semaines. Le silicone est un matériau flexible et durable.
- Sondes en polyuréthane de type Freka® (avec mandrin) : ces sondes sont destinées à des sondages de très longue durée, c’est-à-dire au-delà de 30 jours. Le polyuréthane est un matériau encore plus résistant, ce qui permet à ces sondes de rester en place pendant des périodes plus longues.
- Sonde d’aspiration: Sonde Salem® en PVC (avec prise d’air) : ces sondes, conçues pour une utilisation de courte durée (environ 3 à 4 jours), se déclinent en deux modèles.
- Sonde de lavage gastrique: Tube de Faucher® : ce type de sonde est spécifiquement utilisé pour le lavage gastrique, une procédure qui consiste à rincer l’estomac pour en éliminer le contenu.
- Sonde pour les urgences gastro-intestinales: La sonde de Sengstaken-Blakemore® est principalement utilisée en situation d’urgence pour contrôler les hémorragies gastro-œsophagiennes, souvent dues à des varices œsophagiennes.
Procédure d'insertion de la sonde nasogastrique
Prérequis
Avant de procéder à l’insertion de la sonde nasogastrique, il est important de prendre en compte plusieurs prérequis pour assurer la qualité du soin.
- Hygiène de base : respectez toujours les principes d’hygiène de base lors de la pose d’une sonde nasogastrique comme l’hygiène des mains.
- Le patient doit effectuer un soin du nez, qui peut inclure le mouchage et l’instillation de sérum physiologique, pour son confort et pour éviter l’obstruction de la sonde par des sécrétions nasales.
- Le patient doit être installé en position assise ou demi-assise. Si cette position n’est pas possible, le patient peut être placé en décubitus latéral.
- Estimez la longueur de la sonde à insérer en mesurant la distance entre la bouche, l’oreille et le creux épigastrique du patient (entre 50 et 65 cm en général). Marquez cette mesure sur la sonde avec un feutre indélébile.
- Si la sonde est équipée d’un mandrin, vérifiez sa fonctionnalité avant l’insertion. Puis lubrifiez la sonde. Le lubrifiant utilisé doit être compatible avec la sonde.
Insertion
- Après avoir enfilé les gants, insérez la sonde horizontalement en maintenant la tête du patient inclinée vers l’avant.
- Si vous rencontrez un obstacle, n’insistez pas et changez de narine.
- Faites déglutir le patient lorsque la sonde est sentie au fond de la gorge en continuant de l’insérer.
- Lors de l’insertion d’une sonde d’alimentation intestinale, le mandrin ne doit pas être visible à l’extrémité de la sonde.
- Après l’insertion, retirez le mandrin (si présent) après avoir obtenu une confirmation radiographique du bon positionnement de la sonde.
- La sonde nasogastrique doit être fixée immédiatement après insertion, avant de confirmer sa position. Pour cela, préparez la peau (la laver et la sécher) avant d’appliquer le ruban adhésif imperméable à la base du nez. Appliquez une bande de ruban élastique de 4 cm sur le nez, la partie inférieure de la bande étant fendue.
Documentation
Après la pose de la sonde nasogastrique, il est crucial de documenter tous les détails pertinents dans le dossier du patient. Cela inclut la date et l’heure de la pose, le repère utilisé, le type de sonde et sa charrière, ainsi que toute complication rencontrée et la méthode utilisée pour vérifier le bon positionnement de la sonde. Si la sonde est utilisée pour l’aspiration, notez également le réglage de l’aspiration (doux ou fort, selon la prescription) et documentez les caractéristiques du contenu aspiré, y compris la quantité, la couleur, l’aspect et la qualité.
Vérification du positionnement de la sonde
Pour vérifier le positionnement de la sonde, une seringue de 60 ml est utilisée pour injecter de l’air dans celle-ci. Ensuite, l’estomac est ausculté à l’aide d’un stéthoscope placé deux doigts en dessous de l’appendice xyphoïde. La vérification du positionnement de la sonde peut également être effectuée par l’aspiration du liquide gastrique. L’aspiration du liquide gastrique consiste à retirer le contenu de l’estomac à l’aide d’une sonde pour vérifier que celle-ci est correctement positionnée avant d’administrer des médicaments, de la nourriture ou de l’hydratation.
Une autre technique consiste à mesurer le pH du liquide aspiré. Un pH acide confirme la position gastrique de la sonde, alors qu’un pH alcalin ne permet pas de déterminer la position de la sonde (tube digestif ou poumon). Si la sonde est en aval du pylore, le pH attendu est alcalin. La mesure du pH du liquide d’aspiration peut s’avérer délicate, surtout si la sonde est molle ou si l’aspiration est faible.
Complications et leur gestion
Selon une étude, environ 10% des sondes nasogastriques étaient mal positionnées. Les méthodes d’aspiration gastrique et de mesure du pH du liquide aspiré ont montré une sensibilité et une spécificité limitées. L’insufflation d’air s’est révélée sensible, mais peu spécifique. L’association de ces trois tests n’a pas amélioré leur efficacité. Deux complications graves n’ont été détectées que par tomodensitométrie. Des études montrent que 2% des sondes nasogastriques sont mal placées dans les voies respiratoires, avec un risque d’erreurs ultérieures chez le même patient de 13% à 32%. Ces erreurs peuvent entraîner une mortalité de 4,3%, voire de plus de 20% en cas d’erreurs répétées.
Risques consécutifs à la pose et leur prévention
| Risques | Prévention | Conduite à tenir |
|---|---|---|
| Absence de coopération du patient ou agitation | Expliquer le soin. Présence de deux personnes pendant la pose pour le confort du patient et du soignant. | Si le patient est agité, identifier la cause de son agitation et rechercher une solution en collaboration avec le médecin. |
| Douleur | Introduire doucement la sonde, sans forcer. | Surveiller la disparition de la douleur. |
| Enroulement de la sonde | Placer la sonde en silicone au réfrigérateur avant la pose. | Vérifier l’absence de la sonde dans la bouche. Retirer et reposer la sonde. |
| Hémorragie nasale extériorisée par la bouche | En fonction du contexte, vérifier le bilan d’hémostase, lubrifier la sonde, introduire la sonde doucement. | Retirer la sonde, comprimer la narine, appeler le médecin. |
| Obstruction des orifices dans lesquels on introduit la sonde | Nettoyer la narine avec du sérum physiologique. | Ôter la sonde, la désobstruer et la reposer. |
| Régurgitation | Poser la sonde (d’alimentation) 4 à 6 heures après le dernier repas. | Installer le patient en position latérale de sécurité s’il vomit. |
| Toux, larmoiements | Position demi-assise, faire déglutir avec un peu d’eau si possible. | Retirer la sonde, la réintroduire, vérifier le positionnement de la sonde avant chaque utilisation. |
| Positionnement de la sonde dans l’arbre trachéo-bronchique | En cas de difficulté de pose et d’utilisation d’un mandrin, pose par un médecin. | Effectuer un test injection d’air avant chaque utilisation (“Whoosh test”). Vérifier l’emplacement par contrôle radiologique après la pose. |
Risques secondaires à la pose et leur prévention
| Risques | Prévention | Conduite à tenir |
|---|---|---|
| Arrachement de la sonde | Expliquer, écouter, fixer correctement la sonde. | Vérifier la fixation. Anticiper les réactions d’un patient agité. |
| Déplacement secondaire | Fixer correctement la sonde. Marquer un repère. Vérifier la position par rapport aux transmissions et au repère du marqueur. | Remplacer le sparadrap chaque fois que nécessaire et systématiquement s’il est souillé, détaché, inconfortable ou retiré accidentellement. Remettre la sonde en place ou l’enlever et la poser de nouveau 4 à 6h après la nutrition. |
| Obstruction de la sonde | Rincer la sonde en prévention d’une obstruction après chaque administration de médicament et entre chaque médicament et avant/après une solution nutritive avec un volume entre 5 et 10 ml d’après la HAS4, de 20 ml d’après les Hôpitaux universitaires de Genève5 et entre 20 à 60 ml selon un groupe expert en nutrition. | Tenter d’obtenir une prescription du volume journalier à administrer en fonction de l’état clinique du patient pour les bilans entrés/ sorties. Ne jamais utiliser le mandrin. Effectuer des manœuvres de désobstruction. Différents produits peuvent être utilisés pour déboucher la sonde, mais aucun n’a fait la preuve de sa supériorité. Les Hôpitaux universitaires de Genève recommandent de ne pas insister et d’appeler un médecin. |
| Douleur | Vérifier l’état de la narine. Réaliser des soins de nez. Fixer la sonde en douceur. | Signaler l’apparition de douleur. Administrer des antalgiques sur prescription. |
| Reflux gastro-oesophagien ou inhalation | Installer le patient en position demi-assise pendant la nutrition. Arrêter l’alimentation avant les soins de nursing pour éviter les fausses routes. | Informer le médecin si RGO et administration des médicaments prescrits. |
| Infection | Observer l’état local. Réaliser les soins locaux quotidiens. | Informer le médecin, administrer les traitements prescrits. |
| Ulcération | Surveiller l’apparition d’escarres au niveau des ailes du nez et limiter la compression de la sonde sur la paroi du nez. Mobiliser la sonde une fois par jour. Changer la sonde de narine en cas d’apparition d’érythème et de douleur. | |
| Déséquilibre de la volémie et des électrolytes (pour sonde d’aspiration) | Bilan sanguin prescrit. Changer la sonde en fonction de l’évaluation de l’infirmière, avec l’accord du médecin. Préparer le patient pour son retour à domicile en l’éduquant sur les soins nécessaires. Surveiller la perméabilité du tube Salem®. Sa prise d’air doit rester ouverte pour éviter l’érosion de la muqueuse gastrique. Administrer les médicaments par la sonde de manière appropriée, en privilégiant les formes liquides lorsque cela est possible. |
En somme, l’insertion d’une sonde nasogastrique est une procédure médicale essentielle pour diverses indications. Il est crucial que les étudiants en soins infirmiers et les infirmier(e)s en exercice maîtrisent cette procédure, ses complications potentielles et les soins appropriés.
TAG:
