Qui n’a jamais été surpris et perdu en lisant la liste des ingrédients sur les emballages des produits alimentaires ? On découvre un E509 sur un bocal de cornichons, un E224 sur un pot de moutarde, un E338 sur une canette de cola… Derrière ces codes mystérieux se cachent des additifs alimentaires.
Les additifs alimentaires sont des substances ajoutées intentionnellement aux aliments pour exercer certaines fonctions technologiques spécifiques, telles que la coloration ou la conservation des aliments.
Réglementation des additifs alimentaires
Dès 1905, une loi réglemente, en France, les ingrédients utilisés pour jouer une fonction spécifique. En 1910, un arrêté est publié qui répertorie les colorants et les matières végétales colorantes autorisés dans les confiseries et les sucreries. En 1912, un arrêté fixe les règles vis-à-vis des additifs alimentaires utilisés pour la coloration et la conservation des denrées alimentaires et des boissons.
Depuis lors, pour être autorisés, ces ingrédients particuliers doivent être scientifiquement évalués de façon à s’assurer que l’ingrédient est sûr. Dès les années 1960, la réglementation de ce secteur fait l’objet de convergences entre États membres. Aujourd’hui la réglementation sur les additifs alimentaires est totalement harmonisée dans l’Union européenne.
La réglementation européenne impose que les additifs alimentaires soient indiqués dans la liste des ingrédients. Pour qu’un additif alimentaire soit utilisable dans l’Union européenne, il doit disposer d’une autorisation, systématiquement fondé sur une évaluation préalable des risques liés à son utilisation. L’emploi des additifs alimentaires est autorisé par catégories de denrées alimentaires précises.
L’autorisation est assortie à des conditions qui doivent être respectées par les opérateurs. Ces conditions d’utilisation sont déterminées à partir de la Dose journalière admissible (DJA). Selon l’Efsa, la DJA représente la quantité d'une substance qu’une personne peut consommer quotidiennement pendant toute la durée d’une vie sans risque pour sa santé. Les DJA sont habituellement exprimées en milligrammes par kilogramme de poids corporel par jour (mg/kg pc/jour).
La DJA peut s’appliquer à un additif spécifique ou à un groupe d’additifs ayant des propriétés similaires. Dans d'autres cas, par exemple pour des substances qui sont déjà présentes dans l'organisme, pour des composants ordinaires du régime alimentaire ou des composants pour lesquels les études animales n'ont pas révélé d’effet indésirable, il n’est pas nécessaire de fixer une DJA. On parle de DJA non spécifiée.
Près d’un tiers des additifs alimentaires autorisés ont une DJA non spécifiée, comme l’acide acétique (contenu dans le vinaigre), l’acide ascorbique, les lécithines, la gomme arabique et les mono et diglycérides d’acides gras.
Les conditions d’autorisation des additifs alimentaires sont revues en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques expertisées par les Agences d’évaluation (Anses/EFSA), des données de consommation et d’utilisation. Environ 320 additifs alimentaires sont aujourd’hui autorisés dans les denrées alimentaires en Europe. La liste des additifs autorisés figure à l’annexe II du règlement 1333/2008.
Utilisation des additifs alimentaires
Chimiques ou naturelles, ces substances ne sont pas consommées comme aliments en tant que telles, mais ajoutées à certaines denrées pour prolonger leur durée de vie (conservateurs), pour les rendre plus appétissantes en jouant sur leur couleur (colorants, antioxydants), pour rehausser leur saveur (exhausteurs de goût), ou encore pour améliorer leur texture (émulsifiants, stabilisants, gélifiants…).
On trouve des additifs alimentaires dans presque tous les aliments industriels et transformés : gâteaux, biscuits sucrés ou salés, plats préparés, glaces, viennoiseries et pâtisseries industrielles, desserts surgelés, boissons sucrées, bonbons, chewing-gums, dentifrices, décorations de pâtisseries… En général, plus l’aliment est transformé ou préparé, plus il contient d’additifs.
Une étude parue le 4 octobre 2021 dans la revue Science Reports et repérée par nos confrères de Que Choisir, indique que les Français ingurgitent 4 kg d’additifs alimentaires par an. Les chercheurs ont étudié l’exposition aux additifs de quelque 106 489 Français participant à la cohorte NutriNet-Santé, via des questionnaires sur leurs habitudes alimentaires. Les scientifiques ont en outre analysé la composition de milliers de produits en laboratoire.
Verdict : nous consommons en moyenne 155,5 mg d’additifs par jour et par kg de poids corporel. Soit 9,33 grammes d’additifs par jour pour un Français de 60 kg, ou près de 11,7 g pour un Français de 75 kg. Les personnes consommant beaucoup d’aliments ultra-transformés en ingurgiteraient encore davantage : 25g par jour, soit près de 10 kg par an en moyenne ! Ce serait le cas pour 5% de la population étudiée.
Selon le règlement européen, « un additif alimentaire ne peut être autorisé que si son utilisation ne pose pas de problème de sécurité quant à la santé du consommateur… » Tous font l’objet d’une évaluation de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) et sont identifiés par un code fixé au niveau européen, qui se compose de la lettre « E », suivie d’un numéro permettant d’identifier facilement la catégorie (E 100 pour les colorants, E 200 pour les conservateurs, E 300 pour les agents antioxygène…), explique la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Dangers potentiels de certains additifs
Bien que très présents dans les aliments, certains additifs sont jugés préoccupants pour la santé, et un effet cocktail de ces substances est largement suspecté. En effet, des études scientifiques démontrent les effets néfastes de certains additifs sur la santé humaine. Mais tous ne sont pas à mettre dans le même panier. Certains additifs autorisés ne présentent pas de risques connus (à condition de respecter un dosage quotidien), tandis que certains sont régulièrement montrés du doigt par les scientifiques.
Selon une étude publiée dans le British Medical Journal en septembre 2023, les additifs, et plus particulièrement les émulsifiants, seraient associés à un risque accru de maladies cardiovasculaires. "Cinq émulsifiants individuels et deux groupes d'additifs alimentaires largement utilisés dans les aliments industriels" ont été mis en cause. "Cette association était spécifiquement observée pour les apports en E460 (cellulose microcristalline, cellulose en poudre) et E466 (carboxyméthylcellulose)", précisent les chercheurs. D'autres émulsifiants ont également été associés à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires : E471, E472 et E339.
Focus sur quelques additifs spécifiques
- Dioxyde de titane (E171) : Utilisé comme colorant blanchissant et opacifiant, on le trouve surtout dans les bonbons, les biscuits, les chewing-gums, les glaces, les produits transformés à base de pomme de terre, certaines charcuteries. Son utilisation a été suspendue en 2020 en attendant une nouvelle évaluation de l’EFSA, qui a confirmé qu'il peut avoir des effets négatifs sur la santé des consommateurs et « ne peut plus être considéré comme sûr en tant qu’additif alimentaire ». Depuis 2022, son utilisation n’est plus autorisée dans l’Union européenne.
- Carboxyméthylcellulose (CMC) - E466 : Un gel d’origine synthétique utilisé afin d’améliorer la texture de certains aliments. Il est, notamment, utilisé dans certains beurres alimentaires, les glaces, les chewing-gums, les boissons sucrées, les barres chocolatées, les sauces, les produits de boulangeries industrielles, les crèmes desserts, les vinaigrettes, etc. Deux émulsifiants utilisés par l’industrie agroalimentaire - le carboxyméthyl cellulose (E466) et le polysorbate 80 (E433), pourraient favoriser les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique. Le E466 et le E433 sont interdits dans les produits labellisés bios.
- Nitrates et nitrites (E249 à E252) : Ajoutés aux viandes pour les conserver plus longtemps, préserver leur couleur rouge et limiter la prolifération de bactéries nuisibles. La Ligue nationale contre le cancer suspecte qu'ils provoquent des mutations de l’ADN au contact de la muqueuse digestive. Bien que l'EFSA a conclu que les faibles niveaux sont réglementés dans l’alimentation, ne sont pas préoccupants pour la santé, l’ANSES a été saisie pour donner un nouvel avis sur leurs risques.
- Autres additifs : Certains colorants alimentaires (E102, 104, 110, 112, E124, E129) peuvent avoir des effets indésirables sur la capacité d’attention des enfants. Le colorant alimentaire E150d est suspecté d’être cancérogène. Le disulfite de sodium (E223) présente un risque d’intolérance ou d’allergie. Le E320 a été classé « cancérogène possible pour les humains » par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
- Glutamate monosodique ou glutamate de sodium (E621) : Un additif autorisé et souvent utilisé comme exhausteur de goût par les industriels. Des études ont démontré qu'il agissait sur le cerveau en induisant une résistance à la leptine et qu'il perturberait également le pancréas, avec pour conséquences de favoriser l'apparition d'un diabète de type 2. Il créerait aussi une forte dépendance.
Additifs considérés comme inoffensifs
Heureusement, certains additifs alimentaires sont inoffensifs, à condition de respecter un dosage quotidien (AJR). C’est le cas d’antioxydants comme l’acide ascorbique (E300, mais aussi E301, E302, ainsi que E306 (vitamine E) ou E322 (œuf, soja) qui évitent aux bactéries de proliférer.
Parmi les colorants, les E100 (curcuma), E101 (œufs, lait ou levures) E140 (chlorophylle), E153 (charbon végétal médicinal), E160a (carotte), E160b (rocou), E160d (tomate), E161b (luzerne ou ortie) et E162 (betterave), E163 (fruits, légumes), E170 (carbonate de calcium) sont sans danger. Enfin, parmi les conservateurs, les E200, E20.
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