Depuis la nuit des temps, l'homme a cherché à se protéger et à se vêtir. Le filage et le tissage, tout comme la fabrication du feutre, sont des techniques ancestrales utilisées pour fournir à l'homme les tissus dont il a besoin. Ces techniques sont largement montrées et expliquées lors des Journées Mérovingiennes.
Le Filage : Transformation des Fibres Textiles
Le filage au fuseau est la plus ancienne méthode permettant de transformer les fibres textiles en un fil solide. Depuis l’aube des temps, l’homme utilise à la fois des matières végétales et animales : la tige de certaines plantes, par exemple comme le lin ou l’ortie, et la laine et les poils fournis par les animaux.
La préparation de ces matières textiles est très importante pour permettre un meilleur filage et garantir une plus grande solidité du fil fabriqué. Par exemple, les tiges de lin ou d’ortie, après avoir été arrachées, doivent être rouies et brisées pour en obtenir les fibres. Par contre, les poils et la laine des animaux doivent simplement être lavés. On peut ensuite carder, peigner et enfin filer les diverses fibres.
Le principe est de transformer les fibres ou les mèches en fil, en faisant tourner le fuseau entre ses doigts. Pour filer, on a simplement besoin d’un fuseau. Le fuseau est constitué d’une tige de bois d’environ 25 cm de long. Une fusaïole de pierre (ou d’os), percée en son milieu, est enfilée à son extrémité. La fusaïole, par son poids, va aider à maintenir le fuseau vertical et augmente son mouvement d’inertie lors de la rotation. Toute la difficulté réside dans la réalisation d’un fil de grosseur uniforme.
Le Tissage : Entrelacement des Fils
Le tissage est la façon de croiser des fils : les fils de chaîne et les fils de trame pour former un ensemble solide. Les fils de chaîne doivent être tendus, divisés en deux (ou plusieurs) nappes de fils parallèles entre lesquels sont insérés des fils de trame, leur emprisonnement donne le tissu. L’armure Serge ou Sergé consiste à séparer la chaîne de la même manière que la toile mais nécessite 4 cadres et la séparation de la foule selon l’ordre suivant : 1 et 2, puis 2 et 3, puis 3 et 4, puis 4 et 1… On obtient alors un léger motif en diagonale.
Les Métiers à Tisser
Le métier à tisser vertical apparaît dès le Néolithique. Le métier vertical à deux barres est constitué de deux montants verticaux supportant deux barres horizontales, une au sommet et une dans la partie basse du métier. Les fils de chaîne sont tendus entre ces deux barres. L’écartement des barres assure leur tension. La chaîne est constituée d’un fil continu, évitant ainsi la confection d’une lisière de départ, obligatoire sur d’autres types de métier à tisser. Le fil de trame est passé entre les nappes de fils puis tassé vers le bas.
Le métier vertical à pesons est constitué de deux montants verticaux en bois au sommet desquels est placée une barre perpendiculaire, l’ensouple. Sur l’ensouple sont accrochés les fils de chaîne parallèles, lestés par des pesons, que l’on appelle aussi poids de tisserand. Ces pesons peuvent être de simples pierres ou bien être façonnés en terre cuite, en plâtre ou à l’aide d’un calcaire tendre. Sur un site archéologique, ces pesons sont souvent les seuls témoins d’un métier à tisser disparu. Sur ce type de métier, les fils de chaîne sont fixés un à un et maintenus ensemble par une bande de tissage appelée lisière. Les fils sont ensuite tendus en bas du métier à l’aide de pesons. L’ordre dans lequel ils sont fixés aux barres de lices définit le motif du tissage.
Le Tissage aux Tablettes (ou Plaquettes)
C’est un métier spécialement conçu pour des galons, ou des lisières, non pour de grandes largeurs. On utilise des plaquettes de bois (ou d’os) carrées perforées à chaque angle. On passe un fil de chaîne à chaque angle des plaquettes (soit 4 fils par plaquette). On installe le nombre voulu de plaquettes (ex: 10 plaquettes = 40 fils de chaîne). Une fois les fils de chaîne en place, les plaquettes sont disposées parallèlement et tournées d’un ¼ à chaque passage du fil de trame qui se fait à l’aide d’une navette. Ainsi, on se retrouve toujours avec deux fils en haut, deux fils en bas, mais ce ne sont plus les mêmes.
Méthode : passer la navette dans cet écart pour bloquer la torsion, et tasser. Tourner à nouveau les plaquettes….. Après un bon entraînement, il est possible de tourner telle ou telle plaquette dans un sens, ou dans l’autre… pour obtenir des motifs plus complexes.
Le Tissage à la Grille
Le tissage à l’aide d’une grille est d’une utilisation simple. Il permet aussi de tisser des galons. La grille de tissage pouvait être en bois ou en os et comportait une alternance de fentes et de perforations.
L'Expérimentation : March'Alp et la Traversée des Alpes en Armure
Des chevaliers des temps modernes vont marcher dans les pas de François Ier quand il a franchi les Alpes en 1515, pour se rendre en Italie. Le 6 juillet, une petite armée de scientifiques et d’amateurs va passer le col de Mary (Hautes-Alpes), en armure d’époque, pour mesurer la performance réalisée par ces hommes, il y a 500 ans.
Avant de triompher des mercenaires suisses à Marignan les 13 et 14 septembre 1515, François Ier et ses milliers d’hommes ont dû franchir les Alpes. Un épisode moins connu que le fameux « 1515 ? Marignan ! » de nos leçons d’histoire, mais déjà considéré comme un exploit, à l’époque. 500 ans plus tard, un historien, un athlète de haut niveau et toute une petite armée vont renouveler l’expérience, avec un équipement similaire. Et tout ça, dans une démarche scientifique.
Stéphane Gal, enseignant-chercheur à l’université de Grenoble est à l’origine de ce projet. Au cours de ses recherches sur la Renaissance, l’historien est interpellé par une formule de François Ier dans une lettre à sa mère Louise de Savoie. Le jeune homme de 20 ans, « qui était pourtant un athlète de 2 m de haut », se plaint des conditions de marche : « Il nous fâche fort de porter le harnois parmi ces montagnes », c’est-à-dire d’être en armure.
Des Armures Sur-Mesure
« En tant qu’historien, j’ai travaillé sur les mots, sur les documents iconographiques, où l’on voit ce franchissement des Alpes, sculptés dans le marbre. Je me suis demandé comment mesurer cette difficulté d’être en montagne, en armure, à 2 000 m d’altitude », nous raconte Stéphane Gal.
Pour avoir des réponses, l’archéologie expérimentale prend le relais de l’histoire : « C’est aller au-delà des mots et des images, et essayer d’expérimenter soi-même, grâce à un équipement reconstitué. C’est faire de l’histoire avec son corps. »
Pour s’équiper correctement, nos chevaliers modernes ont fait appel à un artisan spécialisé, Georges Jolliot. Batteur d’armures en Ariège, il travaille à l’ancienne. « Une armure d’homme à cheval complète, avec les vêtements qui vont dessous et les accessoires, ça revient à 10 000 € pièce, détaille Stéphane Gal. Pour l’armure d’homme à pied, c’est 6 000 €. C’était la condition pour avoir du matériel fiable, pas des armures en fer-blanc industrielles. Sous les lourdes armures, les chevaliers des temps modernes portent aussi une tenue d’époque. L’armure du chevalier à pied pèse 17 kg.
Un Col à 2 641 m d’Altitude
Le chevalier Gal sera le seul homme en armure à pied lors de cette expédition, qui partira le 6 juillet prochain de Maljasset, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Nos braves chevaliers ne referont pas exactement le même itinéraire que François Ier, qui passait par le col de Vars et le col de Larche - il est aujourd’hui goudronné. « On a choisi un itinéraire parallèle de 28 km. On partira de Maljasset, on franchira le col de Mary qui est à 2 641 m d’altitude, et on dormira à la belle étoile en Italie de l’autre côté. Le lendemain, on franchira le col dans l’autre sens pour retourner à Maljasset », décrit Stéphane Gal.
Il s’entraîne depuis sept mois pour se familiariser avec son équipement. « Je porte régulièrement cette armure de 17 kg, je marche en montagne avec. En fait, c’est tout à fait faisable. Ça n’est pas que c’est facile, hein ! Mais on y arrive… »
Le plus pénible ? « Le casque de 2 kg, qui pèse lourd sur la tête et fait transpirer. » Le centre de gravité du corps se déplace alors un peu : « On n’a pas tout à fait le même équilibre et cette difficulté est décuplée pour mes collègues à cheval, surtout quand ils descendent de monture. Georges Jolliot, batteur d’armures, a confectionné les armures, comme à l’époque et sur mesure.
Pain, Viande Séchée, Fromage Sec et Vin
Pour que l’expérience soit vraiment complète, les hommes devront aussi porter leur ration de survie : du pain, de la viande séchée, du fromage sec, comme à l’époque, et de l’eau pour mettre dans le vin. « L’armée, lorsqu’elle se déplace, c’est comme une ville entière en mouvement, avec des dizaines de milliers d’hommes, des femmes et des enfants qui suivent derrière, des animaux, mulets, ânes, chevaux… »
À l’époque, on ne sait pas gérer la logistique en haute montagne : « L’armée se déplace d’étape en étape, se rendant dans des lieux où on a stocké du grain, du pain, du foin, du vin pour ravitailler les troupes et les animaux. On fait des bonds de 20 à 30 km. »
Mais une fois les troupes arrivées en haute montagne, à environ 2 000 m d’altitude après Guillestre (Hautes-Alpes), il n’y a plus de stock possible, souligne l’historien. « Les hommes devaient être autonomes. Alors François Ier a fait crier dans toute son armée que chacun devait emporter des vivres pour trois jours. Une difficulté supplémentaire. »
L’objectif scientifique principal de ce projet un peu fou est d’abord de vérifier les dires de François Ier puis de voir « si c’est possible de se déplacer en armure en montagne, voir ce que ça implique pour le corps, la transpiration, l’effort, la nécessité de poser certaines parties de l’armure pendant la traversée, précise Stéphane Gal. Il y a 500 ans, cette traversée des Alpes était déjà considérée comme une performance.
Les chevaliers ont déjà subi des batteries de tests, avec et sans armure sous l’œil de 68 caméras, 13 ordinateurs afin de pouvoir mesurer le plus finement possible les contraintes de l’armure pour chacun des expérimentateurs. Au total, une soixantaine de personnes sont mobilisées directement pour le projet - y compris un généreux mécène australo-irlandais, Cameron O’Reilly, passionné par le chevalier Bayard (qui a pris part à cette traversée avec François Ier). Une trentaine de personnes marcheront réellement, dont des militaires de la 27e Brigade d’infanterie de montagne, « pour montrer l’actualité de ces troupes aujourd’hui. Ils seront une dizaine, en tenue de combat, lourdement chargés, ajoute Stéphane Gal. Un médecin nous accompagnera pour des observations médicales : cardiaques, tension, température, parce que ça chauffe les armures. »
Parmi les trois cavaliers en armure, on retrouvera aussi Patrick Ceria, champion de cyclisme paralympique, instigateur du projet aux côtés de Stéphane Gal. « Ça sera intéressant de faire le parallèle entre l’athlète d’aujourd’hui et le chevalier de 1515, entraîné depuis l’enfance. »
L’expérience sera restituée sous forme d’article universitaire, mais également dans un livre et un documentaire à destination du grand public.
L'Armure à travers l'Histoire : Des Gaulois aux Samouraïs
Les Gaulois empruntèrent leur costume aux Romains après la conquête, les peuples italiens avaient adopté, longtemps auparavant, la plupart des vêtements fabriqués dans la Gaule : la linna ou lenne (couverture), la saie, le bardocuculle. Il en fut de même sous les empereurs. Les modes gauloises pénétrèrent alors jusque dans les armées romaines, et l’on y vit à la tête des légions des chefs vêtus comme Indutiomar ou Vercingétorix.
Pendant le séjour que fit en Gaule Antonin, fils et successeur de Sévère (211), cet empereur se prit de passion pour un vêtement du pays, appelé caracalle, espèce de tunique à capuchon, formée de plusieurs bandes d’étoffe cousues ensemble. La caracalle telle que les Gaulois la portaient, courte et dégagée, de manière à ne pas gêner ni les mouvements du corps ni la marche, convenait bien à la vie militaire ; pour l’accommoder aux habitudes civiles, Antonin la fit fabriquer ample et traînante.
Les Samouraïs sont des icônes de la culture japonaise. Ces membres de la classe guerrière qui ont dirigé le Japon pendant près de 700 ans, n’existent plus aujourd’hui mais restent dans les mémoires et continuent d’inspirer les artistes. Ce qui les rend si particuliers encore aujourd’hui, c’est la particularité de leur armure.
Le Pain en Armure : Un Retour aux Céréales Anciennes
Plus vieux que les pyramides, ce grand blé en armure arbore des barbes bien taillées ainsi que des couleurs étonnamment lumineuses, rouge cuivré, blanc, bleu, jaune gris ou noir. Il ne se laisse battre ni par le fléau des paysans d’antan, ni par une moissonneuse batteuse. Nécessitant un décorticage après la récolte pour accéder aux grains, ce genre de plantes a été nommé épeautre ou blé vêtu. Et dans son cas, l’aboutissement esthétique paraît si évident que le terme vêtu lui sied parfaitement.
C’est une espèce qui descend directement de Triticum sauvages. L’engrain et la “famille” des blés tendre et dur ont des ancêtres communs, mais le petit épeautre n’est pas un ancêtre des blés comme cela a longtemps été dit. Il a presque disparu de nos champs au courant du XXème siècle. L’engrain noir donne un pain doré avec une mie orangée.
Tableau Récapitulatif des Variétés de Blé Anciennes
Variété de Blé | Caractéristiques | Utilisation |
---|---|---|
Poulard | Proche des blés durs, taux de protéines élevé. | Boulangerie |
Épeautre | Nécessite un décorticage, aspect esthétique. | Alimentation |
Engrain | Donne un pain doré avec une mie orangée. | Boulangerie |
Khorasan | Proche du blé dur, appelé également "kamut". | Pâtes, semoules |
Nous n’attribuons pas pour autant à la culture matérielle une place qui donnerait aux seuls objets l’exclusivité de la vérité historique, en disqualifiant du même coup les mots, notamment ceux de François Ier, considérés comme inopérants parce que forcément subjectifs et trompeurs. Il s’agit pour nous de concilier au contraire toutes les approches, en voyant comment les textes de l’époque, l’iconographie et les objets se répondent. À ce titre, le milieu dans lequel se déroule l’expérimentation peut aider à en affiner la pertinence.
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