Caché sous la confiture de nos tartines ou en noisette sur une pomme de terre brûlante, le beurre fait partie de notre culture et de notre quotidien. Mais comment notre motte préférée obtenue à partir du lait est-elle devenue la matière grasse la plus populaire du monde ?
Les origines du beurre
Le beurre est vraisemblablement apparu en même temps que la domestication des animaux, entre 5000 et 10 000 ans avant JC. Commence alors pour le beurre un voyage à travers le temps et les continents ! Dans les Indes et au Tibet, il sert d’aliment et de combustible dans les lampes primitives mais protège aussi la peau des agressions du froid. Précieux, il a également une place importante lors des cérémonies religieuses.
L'évolution du beurre en France
En France, il fait son entrée dans notre histoire par la petite porte puisqu’au moyen âge, cantonné dans les régions pauvres de Bretagne, de Normandie ou des Flandres, il est le « gras » des gens simples. Il faut attendre le XVème siècle pour que notre motte favorite acquiert ses lettres de noblesse, grâce à l’amélioration de sa durée de conservation qui jusqu’à lors limitait son transport vers d’autres régions. Du sel et un emballage de feuilles plus tard, le beurre commence son tour de France, direction nos tartines du petit déjeuner ! Ensuite, tout va très vite pour lui : grâce à la pasteurisation, sa conservation améliore encore sa salubrité, sa qualité et sa saveur et l’apparition de l’écrémeuse en 1879 lui permet de définitivement se démocratiser sur nos tables et dans nos coeurs.
En 1924, une loi française réglemente sa dénomination et sa composition ; le beurre devient alors, après le lait, le 2ème produit alimentaire bénéficiant d’une protection juridique ! Dans les années 60, sa production industrielle casse la baratte, se généralise et marginalise la production fermière.
La tartine de pain : reine du petit-déjeuner
Aussi sûr que le pain au chocolat et la chocolatine ont leurs détracteurs et leurs partisans. Mais certains ont tranché la question et ont préféré jeter leur dévolu sur la tartine. La «tartine de pain» est devenue la reine du petit-déjeuner. L’origine de la tartine est peu claire. La «tartine» vient du terme «tarte» qui serait probablement une déformation de «tourte», lui-même issu du latin médiéval torta, tarta, turta, tourta. Le mot, attesté depuis la fin du IXe siècle, était alors employé au sens de «pain rond» et «tarte». Toutefois, et ainsi que le note l’Académie française, la «tartine est généralement définie par l’aliment dont elle est couverte: beurre, confiture, chocolat, etc. On trouve ‘‘tartine de pain’’ chez de bons auteurs comme Loti, Zola, Balzac, etc. Pour l’anecdote, le mot «compagnon» vient du bas latin companio formé du latin cum «avec» et de panis «pain». Il signifie littéralement «celui qui partage le pain avec». Mais était-il question d’une tartine (de pain)? Le mystère demeure...
Pourquoi la tartine tombe-t-elle toujours du côté beurré ?
Il est 6 heures du matin, vous vous réveillez, préparez votre café, faites griller votre tartine, appliquez le beurre et… c’est le drame : votre tartine tombe du mauvais côté. Ah, la tartine qui tombe du côté où vous venez tout juste d’étaler du beurre ou de la confiture… C’est arrivé à tout le monde plus d’une fois, et c’est excessivement agaçant, je vous l’accorde. Mais si ce phénomène se produit, c’est qu’il y a une bonne raison. Est-ce le poids du beurre ou de la confiture ? La taille de la tartine ? Le type de pain ?… C’est ce qu’ont tenté de comprendre des chercheurs et scientifiques, et la réponse risque de vous surprendre…
Si votre tartine a encore terminé sa chute sur le côté beurré, c’est principalement dû à sa rotation limitée. En effet, lorsqu’une tartine tombe, elle ne reste pas dans la même position, elle se met à tourner. En moyenne, une tartine met 0,7 seconde pour faire un tour complet. Avec la hauteur moyenne d’une table (75 cm), il faut en général 0,39 seconde à une tartine pour toucher le sol. Il lui faudrait donc quelques dixièmes de secondes supplémentaires pour pouvoir effectuer un dernier demi-tour et atterrir sur le bon côté !
Des expériences (sérieuses) sur les tartines de beurre et de confiture ont été réalisées
Le physicien britannique Robert Matthews a mené des expériences on ne peut plus sérieuses entre 1995 et 2001. Cet homme a réussi à prouver que, dans 62 % des cas, la tartine tombe effectivement du côté beurré. Et attention, c’est du sérieux ! Après 9 821 chutes de tartines beurrées, le résultat est sans appel : 6 101 tartines beurrées ou confiturées sont tombées du mauvais côté. Matthews a même décroché un Ig-Nobel de physique pour récompenser ses recherches insolites ! Il a également prouvé que le poids du beurre ou de la confiture n’a que peu d’influence sur la rotation de la tartine de pain.
Un chercheur a en effet démontré que votre tartine n'a le temps de faire qu'un demi-tour dans les airs avant de toucher le sol. Le physicien britannique Robert Matthews, membre de la Royal Astronomical Society et de la Royal Statistical Society, a très sérieusement analysé le phénomène dans deux études, datant de 1995 et 2001. Ce scientifique de l'université d'Aston, à Birmingham, a d'abord établi que la hauteur de la table était le principal facteur à l'origine du retournement de la tartine. Selon ses calculs, un toast standard fait un tour complet sur lui-même en 0,7 seconde. Mais d'une hauteur de 75 centimètres (la taille moyenne d'une table), elle met seulement 0,39 seconde pour atteindre le sol. Elle n'a donc pas le temps de faire un tour complet. La malédiction de la tartine n'est donc pas due au hasard.
Statistiques de l'expérience de Robert Matthews
Nombre total de chutes | Nombre de chutes du côté beurré | Pourcentage de chutes du côté beurré |
---|---|---|
9 821 | 6 101 | 62% |
«La statistique veut que le phénomène soit essentiellement aléatoire, avec une répartition 50/50 des résultats possibles. Mais nous montrons que les toasts ont une tendance inhérente à atterrir côté beurre, écrit Robert Matthews dans l'introduction de ses travaux. De plus, nous montrons que ce résultat est finalement attribuable aux valeurs des constantes fondamentales.
En 2001, Robert Matthews veut définitivement prouver sa théorie et fait appel à des centaines d'écoliers britanniques pour obtenir des résultats empiriques. Après des milliers de tests, il détermine la statistique tant attendue: le côté beurré se retrouve face contre terre dans 62% des cas.
Notons quand même que l'expérience de Robert Matthews n'est pas sans faille. Pour produire ses statistiques, il a simplifié les paramètres. Les écoliers ne devaient pas tenter de rattraper la tartine, au risque de modifier sa trajectoire en la touchant. Dans la réalité, la situation peut être plus complexe.
Solutions pour éviter la chute du mauvais côté
Pour régler ce problème, il faudrait des tables de 2,50 mètres de hauteur ! C’est en effet le seul moyen de lui laisser le temps de faire un tour complet durant sa chute. Utiliser des tartines ou des toasts de formes différentes ou plus petits serait aussi une bonne solution pour réduire les chances de voir sa tartine tomber du mauvais côté !
La meilleure solution serait de construire des tables beaucoup plus hautes, d'au moins 2,5 mètres. La tartine aurait ainsi le temps d'effectuer un tour complet et d'atterrir plus souvent du côté non-beurré. D'ailleurs, lors de son expérience, Robert Matthews a également procédé à 2.000 lancers de tartines à 2,4 mètres de haut. Autre solution: réduire la taille des tartines. Plus la tartine sera petite, plus elle tournera vite et plus elle aura de chances de tomber du bon côté.
L'évolution du petit-déjeuner
1er repas de la journée, le petit-déjeuner couvre environ 1/4 de nos besoins nutritionnels quotidiens et, en rompant le jeûne de la nuit et en faisant le plein de glucides, vitamines et minéraux, permet d’attaquer la journée dans de bonnes conditions. Jusqu’à la Révolution française, seuls 2 repas/jour étaient consommés, le 1er vers midi et le 2ème entre 17 et 18h. C’est une autre révolution, industrielle cette fois-ci, qui va faire évoluer les habitudes alimentaires des Français. Cette pratique avait préalablement été adoptée par les bourgeois au 18ème siècle, son attrait reposant alors sur la consommation de nouveaux breuvages exotiques comme le café et le chocolat.
Si l’on remonte encore un peu plus loin, des premières formes de petit déjeuner apparaissent dès la Renaissance où les plus aisés aimaient tremper du pain beurré dans du lait. Ce n’est finalement qu’après la Seconde Guerre mondiale que le petit-déjeuner tel que nous le connaissons aujourd’hui devient incontournable. Un autre élément phare de la gastronomie française est aussi présent autour de la table matinale : les viennoiseries.
Les céréales au petit-déjeuner
Avec les corn-flakes actuels, on est assez loin des céréales dégustées par nos ancêtres de la fin du Paléolithique/début du Néolithique, il y a environ 12 000 ans au Proche-Orient où il s'agissait du blé et de l'orge principalement : "La première utilisation des céréales a simplement consisté à faire griller ses grains et les consommer tels quels, sauf que ce n'était pas évident du point de vue de la digestion." C'est ainsi que très vite, explique Eric Birlouez, "l'idée est venue à nos ancêtres préhistoriques de les écraser, de les mettre dans l'eau, de les faire bouillir et d'en faire des galettes pour s'alimenter".
L'invention des Corn Flakes
C'est une invention totalement due au hasard. Une trouvaille des frères John et Will Kellogg. Un d'entre eux a préparé une bouillie de blé qui a finalement été oubliée. Le lendemain, cette bouillie avait durci. Ils ont eu l'idée d'en faire une galette en l'étalant avec un rouleau à pâtisserie. Dure et friable, ils se sont servis de cette galette pour en faire des pétales de blé avant de passer ces dernières au four et de les servir aux patients de l'hôpital des adventistes. Leur recommandation : les manger avec du lait.
Au début du XXe siècle, les deux frères créent une entreprise, mais ils se fâchent sur un point précis : l'adjonction de sucre, puisque pour John, il faut respecter les principes alimentaires initiaux, ne pas ajouter d'excitants. Comme beaucoup d'autres médecins américains du début du XIXᵉ siècle, il considère le sucre comme un véritable poison. D'ailleurs, John est un adepte du végétarisme et se méfie beaucoup de tous les produits excitants. Là où son frère, Will, lui veut ajouter du sucre pour les céréales plus attractives.
La démocratisation du petit-déjeuner
Le fait de prendre un repas du matin organisé autour de boissons chaudes dont les matières premières sont d'origine tropicale, que cela soit du thé, du café, du cacao, était réservé au classes les plus aisées : "Le café, le thé, le cacao sont arrivés à peu près simultanément, alors qu'ils sont originaires de trois continents totalement différents. Ils sont consommables en Europe à partir de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIᵉ siècle notamment en Angleterre. Mais ils sont encore l'apanage des plus riches, puisque ce sont des denrées rares. Si elles deviennent une pratique quotidienne, c'est d'abord chez les plus puissants au début du XVIIIᵉ siècle, avant de s'étendre beaucoup plus massivement au XIXᵉ siècle à l'ensemble de la population d'Europe occidentale, urbaine dans un premier temps et régionale. C'est quelque chose qui est relativement récent dans le temps long".
C'est au XIXᵉ siècle que l'accessibilité aux trois boissons se démocratise et va jouer un rôle essentiel dans le petit-déjeuner tel que nous le connaissons en Occident. Le mouvement est d'abord né dans la grande bourgeoisie et dans l'aristocratie européenne pour ensuite ruisseler et se diffuser dans d'autres catégories socioprofessionnelles : "Au XIXᵉ siècle, les bourgeois des villes adoptent la tasse de chocolat et le café à la crème. C'est à cette époque-là que l'adjectif 'petit' va apparaître à Paris, au début du XIXᵉ siècle. Une démocratisation qui s'est également faite par l'utilisation du café, du thé et du chocolat à l'école, à l'usine, à la caserne où on se met à imposer un repas relativement tôt pour bien commencer la journée de travail. C'est au XIXe siècle que le repas tripartite est progressivement adopté dans les mœurs. Un temps qui précède l'âge d'or des céréales industrielles qui apparaissent massivement dans les supermarchés à partir des années 1970-1980".
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