Sur une planète qui produit assez pour nourrir toute sa population, 783 millions de personnes ne mangent pas à leur faim chaque jour. Après des décennies de baisse, l’insécurité alimentaire s’est aggravée depuis 2014, sous l’effet de la multiplication des conflits armés, des phénomènes climatiques extrêmes et des crises économiques à répétition.
Qu'est-ce que la faim ?
Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la faim est définie comme une « sensation physique inconfortable ou douloureuse causée par une consommation insuffisante d’énergie alimentaire ». La faim devient chronique lorsqu’une personne ne consomme pas une quantité suffisante de calories sur une base régulière, pour mener une vie normale, active et saine.
Prévalence de la sous-alimentation
La prévalence de la sous-alimentation est un indicateur permettant de mesurer la faim dans le monde. En valeur absolue, le premier continent touché par la faim est l’Asie, comptabilisant 424,5 millions de personnes sous-alimentées, avec 9,1% de prévalence de la sous-alimentation. C’est en Afrique que la prévalence de la sous-alimentation est la plus élevée, atteignant presque 20% de la population, soit 278 millions de personnes.
Un autre indicateur permettant de mesurer l’accès à une alimentation de qualité et en quantité suffisante est la sécurité alimentaire. Sont dites en insécurité alimentaire modérée les personnes ayant réduit leur consommation alimentaire en quantité et/ou en qualité, et n’étant pas certaines de pouvoir se procurer de la nourriture. Les personnes en situation d’insécurité alimentaire grave passent une journée ou plus sans pouvoir se nourrir.
Évolution de la faim dans le monde
Si l’évolution de la faim dans le monde entre 2005 et 2021 montre une diminution progressive de 2005 jusqu’en 2017, la crise du COVID-19 a été fatale pour les pays disposant de peu de moyens. Bien que ce graphique prouve qu’une diminution de la faim est possible, les prévisions n’en restent pas moins mauvaises. La pandémie de COVID-19 et la guerre en Ukraine ont effacé à elles-seules la diminution de la sous-alimentation dans le monde obtenue les quinze années précédentes.
Les Causes de la Faim dans le Monde
Pour les acteurs au plus près du terrain, ONG et associations, le constat est sans appel : le changement climatique a été, et continue d’être, avec les conflits armés, le manque d’accès à l’eau et les crises économiques, une des causes principales de la sous-alimentation dans le monde. Les conflits sont directement responsables de plus de la moitié des crises alimentaires aigües, qui menacent à court terme la vie et les moyens de subsistance de 258 millions de personnes dans le monde.
En 2021, un article de l’ONU décrit la première famine climatique de l’Histoire survenue dans le sud de l’île de Madagascar, durant laquelle « quatre années consécutives de sécheresse ont anéanti les récoltes et entravé l’accès des populations à la nourriture dans le sud », plongeant ainsi les populations dans une famine et une détresse sans précédent. Inondations, incendies, sécheresses, tempêtes, sont autant de phénomènes météorologiques à l’origine de l’incapacité à produire ou de la destruction des ressources alimentaires, et des infrastructures.
La multiplication de ces évènements augmente donc directement le taux d’insécurité alimentaire. Au cours des dix dernières années, près de la moitié des interventions d’urgence et de relèvement du Programme alimentaire mondial (WFP) ont été menées en réponse à des catastrophes liées au climat, pour un coût de 23 milliards USD.
Vulnérabilité des Pays Face au Changement Climatique
Ce travail repose sur l’Initiative d’Adaptation Mondiale menée par l’Université américaine Notre Dame, la ND-GAIN (Notre Dame Global Adaptation Initiative). Ce travail est basé sur des données collectées sur 20 ans, couvrant 180 pays, réparties en 45 indicateurs, dont 36 sont attribués à la vulnérabilité et 9 au niveau de préparation des pays, ces derniers prenant compte des critères économique, sociaux et de gouvernance des différents pays. Il permet ainsi d’attribuer un score à chaque pays et d’effectuer un classement global.
En 2021, c’est la Norvège qui est en tête de classement, c’est-à-dire la moins vulnérable, suivie de près par la Finlande et la Suisse. La France se positionne en seizième place. On retrouve en fin du tableau principalement des pays africains très vulnérables : le Tchad en dernière position, puis la République Centrafricaine et l’Érythrée. Les chercheurs de l’Université de Notre Dame ont calculé que les populations vivant dans les pays les moins développés avaient, chaque année, dix fois plus de chance d’être affectées par des catastrophes climatiques que celles vivant dans les pays développés.
Objectifs de Développement Durable et Solutions
« Faim Zéro » d’ici à 2030, c’est l’objectif numéro 2 des dix-sept Objectifs de Développement Durable adoptés en 2015 par les États membres de l’Organisation des Nations Unies, dans le cadre du Programme de Développement Durable. Malgré une tendance décroissante de la sous-alimentation depuis les quinze dernières années, cet objectif a été compromis par le Covid-19 et la guerre en Ukraine, et les prévisions ne sont pas en faveur de l’atteinte de cet objectif.
D’après le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié cette année, si nous maintenons les politiques actuelles relatives à l’environnement et aux sujets climatiques, nous arriverons en 2100 à une augmentation de la température globale de 3,2°C en moyenne.
Si des objectifs internationaux ambitieux ont été fixés tant pour la lutte contre la faim que contre le changement climatique, force est de constater que nous sommes loin d’agir de manière suffisante pour atteindre ces objectifs dans le temps imparti. De fait, ces défis sont tous deux révélateurs d’une injustice sociale évidente, où les pays du monde ont des niveaux de vulnérabilité et de préparation extrêmement différents selon leur localisation géographique, leur niveau de développement économique et social, et leur indépendance vis-à-vis des autres pays du monde. Une inégalité d’autant plus injuste que les effets du dérèglement climatique sont causés en large majorité par les activités des pays riches.
Si le constat et les prévisions ne sont pas optimistes, une lueur d’espoir persiste. Car parmi les éléments reliant ces deux défis planétaires historiques, un point positif est qu’ils présentent des solutions communes, complémentaires, qui se croisent. Les solutions de décarbonation et de durabilité du système agricole tels que l’agroécologie, la permaculture ou la pérennisation de l’agriculture biologique permettraient, si elles étaient implémentées à l’échelle mondiale, de décarboner la production agricole tout en augmentant la disponibilité alimentaire et la résilience du système sur le long-terme.
Car si l’agriculture est aujourd’hui un secteur majeur d’émission de gaz à effet de serre, dont les émissions de méthane liées à l’élevage sont difficiles à décarboner, il est un des secteurs présentant le potentiel de séquestration carbone le plus important. La multiplication des acteurs du secteur, l’implication des collectivités à l’échelle territoriale, l’accompagnement des agriculteurs vers de nouvelles pratiques, sont autant de moyens dont dispose le secteur pour sortir d’un modèle existant, monopolisé par une poignée d’acteurs qui a certes permis aux pays riches de s’alimenter en abondance pour moins cher, mais qui n’a jusqu’ici pas permis aux pays moins développés d’en tirer profit.
Si la science, la technique et la technologie peuvent permettre d’actionner certains leviers, les solutions devront inéluctablement s’appuyer sur la collaboration, l’accompagnement et l’entraide afin de reconstruire un modèle durable, fondé sur l’égalité et le partage.
Le Rôle des Femmes
Les femmes représentent jusqu’à la moitié des productrices alimentaires dans les pays en développement et plus de la moitié de la main d’œuvre agricole mondiale. Elles occupent souvent les emplois les moins rémunérés et les moins protégés socialement, et n’ont qu’un accès restreint aux ressources telles que les crédits. Souvent porteuses de solutions agroécologiques, qui allient sécurité alimentaire accrue et lutte contre la crise climatique, les femmes sont malheureusement trop peu soutenues.
Tableau : Prévalence de la sous-alimentation dans le monde (2019-2021)
| Continent | Nombre de personnes sous-alimentées (millions) | Prévalence de la sous-alimentation (%) |
|---|---|---|
| Asie | 424.5 | 9.1 |
| Afrique | 278 | 20 |
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