Lorsque j’ai demandé à Hélène, une amie proche, de passer une après-midi chez sa mère pour regarder la fabrication des gaufres dunkerquoises, je ne m’attendais pas à tant de savoir-faire. Originaire de cette ville portuaire du nord de la France, Solange a dû réaliser des milliers et des milliers de gaufres depuis son enfance. Cette recette, qui se transmet de mère en fille dans la famille Vandamme, est le fruit d’un travail long et méticuleux.
Mais croyez-moi, la patience est largement récompensée lorsque l’on déguste ces gaufres craquantes au goût de caramel, de beurre et de cannelle, rappelant légèrement les speculoos. Derrière les apparences, un climat rude et des paysages épurés, se cache une population empreinte de savoir-vivre et de gaieté. C’est exactement ce que j’ai ressentie en regardant Solange pétrir les pâtons de gaufre. Pour ma part, je vais commander sur Internet le moule à gaufre dunkerquoise, unique en son genre.
Arrivées avec un peu de retard, Solange nous attend de pieds fermes. Le gaufrier est sorti, les pâtons reposent au réfrigérateur et une belle plaque de marbre repose sur le plan de travail. Curieuse de tout savoir sur cette recette, je me suis prêtée au jeu de l’interview avec Solange :
Interview de Solange sur la fabrication des gaufres dunkerquoises
Lilo : « Depuis combien de temps réalisez-vous ces gaufres ? »
Solange : Depuis que je suis enfant. J’aidais ma mère à réaliser les petites boules de pâte. Et puis avec le temps, j’ai appris en regardant. Ma mère m’a ensuite légué son moule à gaufre et c’est ainsi que j’ai repris le relais dans la famille.
Lilo : « J’imagine que votre mère a été également « formée » par votre grand-mère ? »
Solange : Tout à fait… la réalisation de la pâte était la même mais le matériel était différent à l’époque de ma grand-mère. Elle les faisait dans un gaufrier en fonte que l’on pouvait incorporer au poêle à bois. Il avait un long manche pour ne pas se brûler. Le problème, c’est qu’il était difficile de réguler la cuisson avec cette méthode.
Lilo : Pourquoi ? »
Solange : En fait, c’est la température de cuisson qui apporte des modifications de goût selon les gaufres. Comme tu as pu le constater, il y a beaucoup de beurre et de sucre vergeoise. A quelques secondes de cuisson près, les gaufres dégagent ainsi une saveur différente, obtenue par une caramélisation plus ou moins prolongée. Et puis, chose qui ne s’explique pas, ma belle-soeur, qui utilise pourtant les mêmes ingrédients, réalise des gaufres qui ont un goût différent des miennes !
Lilo : « Justement, entrons dans le vif du sujet… comment faîtes-vous ces gaufres ? Je ne vous cache pas que j’ai été étonnée que vous acceptiez de la délivrer. Certaines recettes traditionnelles se gardent jalousement ! »
Solange : Au contraire, je suis ravie de te présenter cette recette. Si on n’enseigne pas la tradition culinaire, elle ne peut pas perdurer et en ce qui concerne les gaufres dunkerquoises, ce serait bien dommage ! On commence ? En fait j’ai déjà préparé la pâte la veille pour qu’elle repose. C’est une étape essentielle, sans quoi, il serait impossible de la travailler. Placée au réfrigérateur, la pâte se durcie puisqu’elle est composée de beaucoup de beurre.
La Recette des Gaufres Dunkerquoises
Ingrédients :
- - 1 kg de farine blanche
- - 1 kg de vergeoise blonde nature (surtout ne pas prendre de la vergeoise brune, le goût serait radicalement différent)
- - 500 g de beurre fondu (un beurre de qualité car il ne faut pas qu’il rende du petit lait)
- - 4 oeufs
- - 1 cuillère à soupe de cannelle en poudre
- - ¾ d’un verre d’eau (petit verre à moutarde)
- - ¾ d’un verre de rhum ambré
Je mélange bien aux doigts la farine et le sucre vergeoise, et je fais ensuite un puit dans lequel je rajoute les oeufs, l’eau, le rhum et la cannelle. Je travaille bien cette préparation et j’incorpore le beurre petit à petit. Après avoir reposée au moins 12 h, la pâte est roulée en pâtons cylindriques. Cette fois-ci, ils font 2 cm de diamètre car je souhaite faire des petites gaufres. Mais on peut aller jusqu’à 3 cm de diamètre. Je les farine légèrement et je les dispose de nouveau au réfrigérateur au moins 1 heure. Ceci est très important pour pouvoir bien les travailler après.
Je rabats ensuite rapidement le gaufrier sur les morceaux de pâte. Comme tu peux le voir, la grille est très fine. Je les dispose ensuite sur une plaque en marbre. Ce dispositif est également une étape essentielle à la réussite de cette recette. Le marbre permet de refroidir directement les gaufres et de les mettre bien à plat. Quand je les ressors de l’appareil à gaufre, tu peux t’apercevoir qu’elles sont molles. Elles se conservent un bon mois, à condition de bien refermer la boite. A la maison, nous sommes vraiment amateurs de ces gaufres, on ne les garde généralement pas aussi longtemps !
Lilo : « L’appareil que vous utilisez est quasiment neuf. Vous n’aviez pas hérité de celui de votre mère ? »
Solange : Effectivement, mais le pauvre a tellement servi qu’il ne fonctionne plus, j’ai dû en racheter un autre, plus actuel.
Lilo : « Où peut-on trouver alors un appareil à gaufre avec ce moule spécifique ? »
Solange : Les appareils à gaufre, on en trouve partout mais la grille permettant de faire ces gaufres sèches se trouvent uniquement dans le nord de la France.
Je suis repartie de chez Solange les cinq sens en éveil : l’odeur subtile d’un biscuit aux senteurs de cannelle et de rhum, le goût du sucre caramélisé dans ma bouche, le bruit amusant de ces gaufres craquant sous la dent, leurs couleurs blondes, noisettes parfois brunes, et leur originale texture en nid d’abeilles (1).
Et je l’avoue, tandis que je rédige ce billet, je termine les gaufres que Solange m’a donné en repartant de chez elle. Je la remercie pour son accueil et la transmission de son savoir-faire. J’espère que cela vous aura donné envie de voyager peut-être dans le nord de la France et qui sait, de vous lancer dans la réalisation de ce délicieux biscuit.
(1) Le mot « gaufre », emprunté au francique, signifie gâteau de cire d’abeille.
TAG: #Crepe