Le reportage remonte aux origines des radios libres en Alsace, à la fin des années 1970. La libéralisation des ondes FM au début des années 1980 s’est traduite par des concentrations dans ce secteur et par un basculement d’un mode associatif et militant à une logique commerciale. Aborder les débuts dans la clandestinité des radios libres et leur évolution est l’occasion de questionner les notions de liberté et de contrôle de l’information. On peut se demander quels sont les enjeux politiques et économiques de l’information en France à travers l’histoire des radios libres.
Le monopole d'État et les radios périphériques
L’ordonnance du 26 mars 1945 instaure un monopole d’État sur les stations de radios en France en le justifiant ainsi: le radio répond "à un besoin d’intérêt général (...) qui doit être assuré et contrôlé par l’administration (notion de service public)". Les radios privées qui veulent émettre sur le sol français le feront depuis des émetteurs hors des frontières nationales, comme Europe 1 en Sarre ou RTL au Luxembourg. Ces stations périphériques connaissent des succès d’audience importants dans les années 1960, du fait d’une liberté de ton plus importante que sur les stations d’Etat, contrôlées par l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française). C’est notamment le cas lors de mai 68, valant même à RTL d’être qualifiée de “Radio émeute” par le Premier ministre Georges Pompidou, de par sa couverture de la crise sociale au plus près près des événements.
L'émergence des radios libres
Le paysage radiophonique français va être bouleversé dans la décennie suivante par l’arrivée des radios libres. Les progrès techniques comme le développement de la modulation de fréquences et la baisse du coût des émetteurs permettent à des amateurs passionnés et souvent militants d’émettre de façon illégale sur les ondes, depuis leur logement très souvent, grâce à des antennes et émetteurs démontables. La région Grand Est a vu naître certaines de ces radios libres parmi les plus illustres.
Exemples de radios libres
- Radio Verte Fessenheim, née le 13 mai 1977 (future radio Dreyeckland), pour lutter contre l’implantation de la centrale nucléaire de Fessenheim.
- Lorraine Cœur d’Acier, née en 1979 à Longwy pour donner un écho aux luttes syndicalistes menées contre les fermetures d’usines sidérurgiques.
Ces différentes radios se structurent en une fédération nationale des radios libres non commerciales en 1978 pour trouver des parades aux intimidations, brouillages et interdictions des autorités. Même le Parti socialiste va émettre en toute clandestinité sur Radio Riposte, créée pour dénoncer le monopole étatique sur les ondes. Le 28 juin 1979, François Mitterrand s’y exprime pour « attirer l’attention de l’opinion publique sur la situation scandaleuse de l’information ». Cela lui vaudra d’être inculpé pour violation du monopole de radiodiffusion.
La libéralisation des ondes FM
François Mitterrand élu président, la libéralisation des ondes FM intervient sous le gouvernement Mauroy le 9 novembre 1981 et va permettre l’expression d’une liberté de parole jusqu’alors muselée par le pouvoir. Des centaines de stations vont voir le jour, comme la radio associative et militante Radio Bienvenue sur les ondes strasbourgeoises ou des stations de radio confessionnelles comme la radio chrétienne Radio Arc en Ciel ou Radio Cathédrale FM, lancée par l’évêché de Strasbourg en 1984.
Concentration et commercialisation
Ce vent de liberté et de créativité que les ondes ont connu va s’estomper en raison des difficultés financières de nombreuses radios à l’audience confidentielle, et du fait de mission de la Haute autorité de la communication audiovisuelle, chargée à partir de 1982 de délivrer « les autorisations en matière de service locaux de radiodiffusion sonore par voie hertzienne ». Le but est de limiter le trafic intense sur les fréquences, obligeant à des regroupements pour conserver l’autorisation d’émettre. On peut citer l’exemple de Radio Kléber, née en 1981, qui a dû fusionner avec Radio + Schiltigheim en 1983 puis avec la radio commerciale Radio contact, et qui disparaît finalement en 1987. De nombreuses autres radios privées locales vont disparaître, fusionner ou être rachetées par des groupes privés aux logiques commerciales. C’est ainsi que Radio Star devient Nostalgie, ou que Canal 15 professionnalise ses équipes en créant Top Music.
L'héritage des radios libres
Pour retrouver aujourd’hui en partie l’état d’esprit présent sur ces radios libres, il faut se tourner vers les webradios (Alsace-Musique par exemple). Le sujet montre dans un premier temps, à travers l’histoire de Radio Dreyeckland, le sort qu’ont connu de nombreuses radios libres, à savoir le passage d’un statut associatif et indépendant à celui de radios commerciales et professionnelles. La clandestinité et l’aspect « artisanal » de ces radios libres à leur début sont illustrés par des archives de l’Ina où l’on voit les militants de Radio Verte Fessenheim installer des émetteurs dans la forêt et essayer d’échapper à la répression des forces de l’ordre françaises et allemandes. Des images sont filmées dans les locaux de radio Dreyeckland en 2011 et la voix off du journaliste évoque une radio passée du statut associatif au 100% commercial. Cela est une réalité, mais il aurait été juste de préciser que l’héritage de Radio verte Fessenheim n’a pas disparu et se maintient sur les ondes de Radio Dreyeckland libre, qui émet dans la région de Colmar et qui a conservé son statut associatif.
Un contre-exemple : Radio Bienvenue
Un contre-exemple à cet appauvrissement des radios associatives est évoqué à la fin du reportage, en donnant la parole à des bénévoles de Radio Bienvenue, une radio strasbourgeoise qui fut une des premières radios libres. Malgré des difficultés financières récurrentes, cette station de radio a su maintenir son indépendance et reste un lieu d’expression des minorités, ce qui la caractérise depuis ses débuts.
Le sujet étant diffusé sur France 3 Alsace en 2011, bien avant la création de la région Grand Est, il n’est fait mention que de stations de radios alsaciennes. On peut imaginer faire travailler les élèves sur des stations de radios en Lorraine ou en Champagne-Ardennes pour avoir quelques points de comparaison avec la situation alsacienne.
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