Quelle viande pollue le plus l'environnement ?

La question de l'impact environnemental de la consommation de viande est un sujet de débat croissant. Alors, peut-on consommer de la viande tout en étant écolo ? Aucun des scénarios visant la neutralité carbone n’envisage un monde sans viande, rappellent des chercheurs. Pour autant, les scénarios les plus efficaces impliquent de réduire considérablement notre consommation de viande.

La production de viande n’est pas sans impact sur l’environnement, son bilan carbone est même lourd. Dans un rapport publié en 2023, l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé que ce secteur émettait environ 6,2 milliards de tonnes d’émissions d’équivalent CO2 (Gt éq-CO2) par an, soit 12 % du total des émissions liées aux activités humaines, et près de 40 % de l’ensemble des émissions liées aux activités agroalimentaires.

Retraçons l’empreinte du steak, du poulet ou de la côte de porc qui se retrouvent dans nos assiettes. Dans le détail, c’est la production bovine (viande et lait) qui génère le plus d’émissions : avec 3,8 Gt éq-CO2 par an, elle représente 62 % du total des émissions dues à la production animale. Ce sont d’abord les ruminants (bovin, ovin, caprin) qui émettent le plus de gaz à effet de serre, parce que les bœufs, agneaux, moutons, chèvres… ont un système de digestion particulier, qui produit du méthane (CH4), un gaz à effet de serre qui a un pouvoir de réchauffement global 28 fois supérieur au CO2. Après quoi viennent le porc et la volaille, dont l’impact environnemental pèse surtout du fait de leur alimentation. Car la production de végétaux destinée à nourrir les animaux a un impact environnemental non-négligeable.

Selon le rapport, 60 % des émissions totales du secteur proviennent d’émissions directes, notamment de méthane. Ce gaz, au pouvoir réchauffant près de 30 fois supérieur à celui du CO2, est principalement émis par les ruminants - boeufs, mais aussi agneaux, moutons et chèvres - en raison de leur système digestif particulier. Pour le porc et la volaille, c’est surtout leur alimentation qui a un impact, en raison de l’épandage d’engrais azotés et de pesticides sur les cultures.

"On a besoin de produire beaucoup de céréales, protéagineux, oléagineux, parce qu’on a beaucoup d’animaux à nourrir. Et la production animale provoque également d’autres dégâts sur l’environnement, comme la pollution de l’eau et des sols - liée aux déjections animales, aux engrais azotés et aux pesticides - ou la surconsommation d’eau. Mais aussi la déforestation."

"Sur l’ensemble des surfaces agricoles en France et à l’étranger nécessaires à notre alimentation, les trois quarts sont dédiés à l’alimentation animale", explique Carine Barbier, économiste de l’environnement au Cired (Centre international de recherche sur l’environnement et le développement).

Selon l’ADEME, 1 kg de bœuf rejette 28 kg de CO2e (équivalent CO2) dans l’atmosphère. En comparaison, 1 kg de canard en rejette 8 kg, soit 3,5 fois moins. Quant à la volaille, elle pèse 4,56 kg de CO2 par kg de viande produite.

Le méthane est le 2e gaz à effet de serre le plus répandu après le dioxyde de carbone (CO2). Le rejet de méthane par les bovins serait marginal dans l’atmosphère si ces derniers n’étaient pas si nombreux à l’échelle terrestre. Cette augmentation du nombre d’individus se couple automatiquement avec une hausse significative des besoins en nourriture.

Environ trois millions de tonnes de tourteaux de soja sont importées chaque année en France, principalement du Brésil. Si une partie de ces céréales est cultivée en Europe, une large portion d’entre elles provient directement des grands pays producteurs de soja et de maïs, principalement en Amérique latine. Dans la région du Cerrado, au Brésil, 50 % de la végétation naturelle a disparu depuis 1970. D’après WWF, "si le rythme de déforestation et de conversion devait se poursuivre à la vitesse constatée en 2004, soit 2 à 3 millions d’hectares par an, le Cerrado serait voué à disparaître dans les 30 ans à venir".

Produire 1 kg de bœuf exige environ 7 kg de céréales pour nourrir l’animal. Enfin, au-delà de ses rejets directs de gaz à effet de serre, la production de viande a des effets indirects sur l’environnement.

Voici un tableau comparatif basé sur les chiffres de l'ADEME, qui prend en compte uniquement l’élevage en France :

Type de Viande Émissions de CO2eq par kg de viande nette
Bœuf 28 kg
Canard 8 kg
Volaille 4,56 kg

Viande la plus consommée dans le monde, la plus rapide à produire et la moins émettrice de CO2, le poulet semble être la solution pour pouvoir continuer à manger de la viande et limiter son impact sur le climat. Dévoré sur tous les continents, le poulet pourrait être une solution du strict point de vue climatique, s’il venait à remplacer le bœuf… Ce qui n’est pas anodin, quand on sait que l’élevage représente de l’ordre de 10 à 20 % des émissions humaines de gaz à effet de serre, selon les sources.

Le poulet, meilleur que les autres viandes sur le CO2

Mais pour avoir des poulets, il faut produire les grains qui les nourrissent, ce qui implique de grandes surfaces cultivées, des engrais de synthèse, des pesticides… Et ça a des conséquences sur la biodiversité, la qualité de l’eau ou la déforestation. Sans compter le bien-être animal.

En moyenne, le poulet génère « moins d’un kilo » d’équivalent CO2 par kg produit, selon l’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), contre près de 2 kg pour le porc et 30 kg pour le bœuf. D’autres estimations diffèrent, parfois de beaucoup, mais confirment des ordres de grandeur largement en faveur du poulet.

Les vaches sont pénalisées par leurs rots chargés de méthane, un gaz très réchauffant. Contrairement à une idée reçue, le transport n’alourdit l’empreinte carbone des aliments que marginalement. Les protéines végétales sont généralement meilleures en termes de carbone, mais le poulet fait aussi bien voire légèrement mieux que le riz, selon les estimations, en raison du méthane qui se dégage des rizières. Surtout si les volailles sont élevées intensivement.

Sa production ne cesse d’augmenter et devrait atteindre plus de 103 millions de tonnes annuelles (hors pattes) en 2024, selon le ministère américain de l’Agriculture. « On a tellement insisté sur les émissions des ruminants que beaucoup de gens pensent que substituer le poulet au bœuf suffit mais c’est la consommation totale de viande qu’il faut réduire », pointe Lucile Rogissart, chercheuse à l’Institut de l’économie pour le climat.

Cette consommation a fortement augmenté de l’après-guerre à la fin des années 90, quand elle a atteint un pic de 94 kg par habitant. Depuis, elle connaît une évolution à la baisse, avec une exception toutefois pour la volaille qui représente 32,8 % de la consommation en 2020. Sur la décennie 2010, la baisse de la consommation globale de viande en France s’accompagne d’une augmentation de la part de produits carnés d’origine biologique qui passe de 8 % à 18 % entre 2013 et 2020.

On estime ainsi qu’entre une alimentation « classique » et un régime moins carné, les émissions de gaz à effet de serre passent de 1,6 tonne à 1 tonne de CO2 équivalent par an et par habitant. Ceci est lié au fait que la production de viandes et laitages est plus émettrice de gaz à effet de serre que celle des fruits et légumes.

D’après l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO), dans un rapport de 2013, le secteur de l’élevage serait à l’origine de 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), dont 9,3 % pour les bovins.

Au-delà du réchauffement climatique, l’élevage est une source d’émissions de polluants atmosphériques (ammoniac, particules) et de pollution de l’eau (nitrates issus des effluents). Par ailleurs la production d’aliments pour les animaux mobilise non seulement des surfaces agricoles, mais aussi des ressources en eau. Elle peut également recourir aux pesticides, eux-mêmes à l’origine de pollutions de l’eau, du sol et de l’air.

Enfin, le Programme national nutrition santé 2019-2023 recommande au consommateur des régimes limitant la viande rouge (- de 500 g/semaine) , les produits laitiers (2/jour) et la charcuterie (- de 150g /semaine) et augmentant la part de légumineuses et légumes secs (au moins 2 fois par semaine) et de fruits et légumes (5 par jour), naturellement riches en fibres. Ces recommandations intègrent pour la première fois le développement durable et les modes de production en conseillant de privilégier des aliments de saison, provenant de producteurs locaux et si possible « bio ».

Près de 85 kg par an et par habitant. C’est le poids de la consommation de viande des Français, d’après des données publiées par FranceAgriMer en 2021. Une consommation qui, après avoir légèrement baissé depuis la fin des années 1990, a tendance à se stabiliser, voire à repartir à la hausse.

Pour des raisons liées à la fois à la santé et à l’environnement, beaucoup choisissent de se tourner vers des viandes issues d’agriculture biologique. Mais d’après une étude publiée dans Nature Communications en 2020, la production de viande bio n’émettrait pas moins de gaz à effet de serre que la production conventionnelle. Car les animaux d’élevages biologiques vivent plus longtemps et émettent donc davantage de gaz à effet de serre.

Réduire sa consommation est justement l’une des solutions pour limiter l’empreinte carbone de la production de viande. D’autant que la France en consomme plus que nécessaire. "125 g de viande par jour" déclare à National Geographic Béatrice Morio, directrice de recherche à l’Inrae et vice-présidente de la Société Française de Nutrition (SFN). "Or, de nombreux scénarios et prospectives indiquent qu’une consommation de viande deux fois moins élevée pourrait contribuer à faciliter l’atteinte des objectifs climatiques et le respect des limites planétaires".

Une diminution qui peut être compensée par des apports protéiques végétaux issus de céréales, légumineuses et oléagineux, également source de fibres, de vitamines et de minéraux. Autre solution : se tourner vers les alternatives végétales à la viande, beaucoup moins polluantes. Selon une étude réalisée par HappyVore, un steak végétal émet 31 fois moins de CO2 qu’un steak de boeuf.

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