Le porc, animal omniprésent dans l'histoire humaine, suscite des attitudes variées selon les cultures et les religions. De sa consommation sans tabou dans certaines civilisations antiques à son interdiction stricte dans le judaïsme et l'islam, en passant par son image ambivalente dans le christianisme, le porc est un sujet riche en significations.
Le Porc et les Civilisations Antiques
Dès le Néolithique, on rencontre des représentations de sangliers, souvent sur des objets associés à la chasse. Dans le monde grec, comme plus tard chez les Romains, les Germains et les Gaulois, le porc ne subit pas de tabou : il est à la fois un animal consommé et sacrifié, notamment en l'honneur de Déméter ou de Cérès. En Égypte antique, le cochon est consommé par les fermiers sédentaires de la vallée du Nil jusqu'au milieu du IIe millénaire avant J.C. Sa consommation semble ensuite abandonnée, afin de le réserver au culte d'Osiris.
Le sacrifice sanglant d'un cochon disparaît cependant au fil du temps, au profit de l'offrande de viande cuite.
L'Interdit Judaïque sur le Porc et ses Causes
L'interdit judaïque touche le porc sous toutes ses formes (viande, cuir, animal vivant…).
Voici des extraits du Deutéronome et du Lévitique qui illustrent cet interdit :
« 7. Toutefois, parmi les ruminants et parmi les animaux à sabot fourchu et fendu, vous ne pourrez manger ceux-ci : le chameau, le lièvre et le daman, qui ruminent mais n'ont pas le sabot fourchu ; vous les tiendrez pour impurs. 8. Ni le porc, qui a bien le sabot fourchu et fendu mais qui ne rumine pas : vous le tiendrez pour impur. Vous ne mangerez pas de leur chair et ne toucherez pas à leurs cadavres. (Deutéronome, XIV, 7-8) »
« Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. (Lévitique, XI, 7) »
Cet interdit peut s'expliquer par plusieurs raisons:
- Certaines sont d'ordre hygiénique : le porc aurait une alimentation impure, se nourrissant de déchets, voire de ses propres excréments.
- D'autres raisons sont d'ordre plus symbolique et social. Historiquement, le fait que le porc ait été un animal sacrificiel chez les Cananéens, prédécesseurs des Hébreux en Palestine, aurait pu pousser à l'interdit.
- Dans un domaine plus symbolique, Salomon Reinach propose une explication totémique: le porc serait le totem des ancêtres des Hébreux, et serait donc devenu tabou.
Pastoureau note également le tabou qui existe quant au sang dans les sociétés sémitiques, sensible aux rites de mise à mort rituelle des animaux. Les Hébreux auraient ainsi cherché à distinguer leur religion des cultes concurrents, et, en insistant sur l'impureté du porc, se démarquer comme des champions de la pureté.
Le Porc dans les Sociétés Chrétiennes
Un animal négatif
Dans le christianisme (sauf dans quelques courants protestants d’origine américaine), un verset du Nouveau Testament suggère que l'interdit alimentaire juif est levé.
« Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme (Mathieu XV, 11) ».
Toutefois, le même Mathieu rapporte une anecdote dans laquelle Jésus enferme des démons dans des pourceaux, ce qui témoigne des considérations négatives sur le porc dans le Nouveau Testament. C'est également dans Mathieu (VII, 6) que se trouve l'expression « jeter des perles aux pourceaux », qui signifie alors « dilapider inconsidérément ses biens spirituels ».
Au Moyen Âge, prédicateurs et théologiens ont considéré le cochon comme un attribut du diable ; comme lui, le diable grogne et se vautre dans l'ordure. Cette image du porc lié à l'enfer existe déjà sur quelques chapiteaux romans, mais prend son essor essentiellement à la période gothique. Le porc est aussi parfois associé aux Juifs et à la Synagogue. Il peut personnifier plusieurs vices, comme la saleté, la gloutonnerie et la colère. Plus tardivement, entre le XVe siècle et le XVIIe siècle, le porc a été associé, après le bouc, l'âne et le chien, à la luxure.
Ces connotations négatives peuvent s'expliquer par la couleur sombre du pelage du porc, ainsi que par certains traits comportementaux, particulièrement sa goinfrerie, son aptitude à se nourrir d'ordures et de charognes. Les créatures omnivores (le corbeau, le renard, l'ours, voire l'être humain) sont ainsi souvent considérées comme impures.
Un « gentil petit cochon » ?
Toutefois, l'image d'un bon cochon émerge aussi quelquefois dans l'iconographie des saints. Dans l'iconographie de saint Antoine, le cochon apparaît à partir du XIIIe siècle comme un compagnon du saint, sans doute sous l'influence de l'ordre des Antonins, spécialisés dans l'élevage des cochons, qui fournissaient de la viande aux indigents et un lard passant pour bénéfique aux malades. Saint Blaise est aussi parfois représenté accompagné d'un pourceau.
Le cochon prend aussi, au fil du temps, des connotations plus positives, liées à la fécondité et à la prospérité, en raison notamment de la grande fécondité de la truie et de son cycle de gestation : trois mois, trois semaines et trois jours, un chiffre déjà mentionné par Aristote, et que les hommes du Moyen Âge ont relevé comme un cycle arithmétiquement parfait. L'idée ancienne que la possession d'un cochon garantit de la pauvreté a entraîné la naissance, au XVIIIe siècle en Angleterre, des tirelires en forme de cochon, ou piggy banks.
Un lien a également été établi entre enfants et cochons, sensible dans la légende de saint Nicolas (le boucher jette les enfants au saloir comme de vulgaires pourceaux) puis à partir de la fin du XIXe siècle dans la littérature pour jeunesse, les jouets, les manèges, puis le cinéma. Le cochon est alors représenté comme un porcelet rose, joyeux et dynamique, largement humanisé (bipédie, parole, activités, etc.).
L'Interdiction du Porc en Islam
La pratique de lIslam est réglementée par une série de prescriptions qui englobent la vie du croyant. Leur but est avant tout de permettre à la communauté de vivre en harmonie tout en célébrant lunicité de Dieu (Tawhid). Certains de ces interdits sont référencés ou inspirées du Coran, dautres puisent leur source dans la tradition prophétique (Sunnat Annabi').
Voici un verset du Coran qui interdit clairement la consommation de porc :
« 3. Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d'Allah, la bête étouffée, la bête assommée ou morte d'une chute ou morte d'un coup de corne, et celle qu'une bête féroce a dévorée - sauf celle que vous égorgez avant qu'elle ne soit morte -. (Vous sont interdits aussi la bête) qu'on a immolée sur les pierres dressées, Si quelqu'un est contraint par la faim, sans inclination vers le péché... »
Sur le plan hygiénique, la plupart des dictionnaires anciens ou modernes qualifient le porc comme étant un animal malsain, mangeant tout et nimporte quoi, et même ses propres excréments. La tradition musulmane najoute rien à cette définition, elle considère le porc comme étant un animal impur « Najass » ou « Fisq ». Dans ce cas, la prohibition de consommer sa viande peut s'inscrire donc dans une logique de prévention sanitaire.
Sur le plan spirituel « Ruhani », la tradition musulmane enseigne que le cur du croyant doit en toute circonstance rester pur (on parle alors de « Safa Al Kalb »), afin de pouvoir maintenir par la prière, le lien permanent avec son créateur. Il est à signaler par exemple que des recherches scientifiques sont arrivées récemment à la conclusion quune partie des aliments consommés par lhomme ont une réelle influence sur son corps et son esprit.
Animaux Purs et Impurs selon Lévitique 11
Lévitique 11 détaille les animaux purs et impurs. En général, les animaux impurs sont des animaux de type vidangeur ou nettoyeur car ils mangent des déchets dans l'environnement découlant des activités des êtres vivants.
Voici un résumé des animaux considérés comme impurs selon Lévitique 11 :
- Le daman, qui rumine, mais qui n’a pas la corne fendue.
- Le lièvre, qui rumine, mais qui n’a pas la corne fendue.
- Le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas.
- Tous ceux qui n’ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux.
- L’aigle, l’orfraie, l’aigle de mer, le milan, l’autour, le corbeau, l’autruche, le hibou, la mouette, l’épervier, le chat-huant, le plongeon, la chouette, le cygne, le pélican, le cormoran, la cigogne, le héron, la huppe et la chauve-souris.
- Tout reptile qui vole et qui marche sur quatre pieds (sauf ceux qui ont des jambes au-dessus de leurs pieds, pour sauter sur la terre).
Le Porc dans le Monde Océanien
L'élevage des porcs apparaît anciennement en Océanie, associé notamment dans les îles Fidji aux poteries lapita. Dans le nord du Vanuatu, à Malekula notamment, l'incisive supérieure des cochons était cassée pour permettre à l'inférieure de pousser en spirale, formant parfois deux ou trois cercles. Nourri à la main, le verrat devenait « une réserve d'« âme masculine » et cette substance devait passer au sacrificateur de l'animal lorsque celui-ci était tué.
Dans certaines sociétés, les porcs et les enfants peuvent être élevés ensemble. Dans la chaîne de montagnes au centre de la Nouvelle-Guinée, les habitants célèbrent tous les vingt ans une « fête du Cochon », qui peut durer plusieurs années.
Expressions Populaires
De nombreuses expressions populaires mettent en scène le cochon :
- Jeter des perles aux pourceaux : Signifie fournir quelque chose de précieux à quelqu'un qui ne saura pas en tirer profit.
- Le temps de cochon : désigne une météo maussade.
- Cochon qui s’en dédit : une expression signifiant le côté ferme dans la conclusion d’un marché.
- Dans le cochon, tout est bon sauf le cri : Expression qui indique que toutes les parties et morceaux du cochon ont une utilité, culinaire ou autre.
- Ne pas avoir gardé les cochons ensemble : Se dit quand deux personnes ne se connaissent pas de longue date.
- Quand les cochons voleront : Expression anglo-américaine désignant un évènement qui n’arrivera jamais.
- Être copains comme cochons : Être très amis.
- Manger comme un cochon : Manger de manière sale, en dehors des règles communes.
- C'est cochon : se dit d'une nourriture (un dessert bien souvent) excellente, que l'on mangerait jusqu'à n'en être plus capable.
- Un gros cochon ou Un vieux cochon : Désigne une personne perverse.
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