Le Mangalica: Une Race de Porc Hongroise d'Exception

Connaissez vous le cochon Mangalica, ce cochon laineux originaire d’Europe de l’Est ? Il s’agit de l’une des races de porc les plus vieilles d’Europe ! Après avoir été menacée de disparaître, cette race est aussi l’une des plus prisées des grands chefs. Pourquoi ? La qualité de son élevage et de sa viande expliquent cet engouement qui n’a rien d’une mode. Enquête !

Une race ancienne et autochtone

Apparue vers 1830 dans l’Empire Austro-Hongrois, la race Magalica (prononcer « managalitza ») est l’une des plus anciennes en Europe. Elle est issue d’un croisement entre des porcs classiques de la région danubienne depuis le Moyen Âge (les races Szalonta et Bakony) et des cochons Sumadija, de souche méditerranéenne, offerts à l’époque par un prince serbe à l’archiduc Joseph Anton Johann. D’abord réservée au cercle rapproché des Habsbourg, la race fut peu à peu popularisée, et officiellement reconnue en 1927.

Des caractéristiques physiques propres

Pour commencer, ce cochon à l’allure vive, trapu et massif, plus petit que le porc classique, est caractérisé par sa rusticité qui lui permet une grande résistance au froid et aux maladies, son calme et sa sociabilité. Ensuite, ce qui le distingue de tous les autres cochons : son pelage blond, épais et abondant, long et frisé en hiver, plus rigide et brillant aux beaux jours. On l’appelle aussi « cochon à poil frisé ».

Le cochon Mangalica : une race en voie d'extinction

A son apogée entre 1850 et 1950, le porc Mangalica est menacé d’extinction à partir des années 1970 avec l’industrialisation des méthodes agricoles et le développement des pratiques d’élevages intensifs. C’est donc la lenteur de sa croissance, synonyme de faible rentabilité, qui est à l’origine de son éviction progressive, à l’instar d’autres races porcines réputées à croissance lente, tel le cochon noir de Bigorre. Au début des années 1990, seuls 160 cochons laineux étaient recensés en Hongrie… C’est l’association, en 1991, d’un chef d’entreprise espagnol, à la recherche de cochons gras capables de fournir des jambons haute couture, et d’un ingénieur agronome hongrois qui sauva la race de la disparition. Le cheptel hongrois comptait 7000 têtes en 2010, et plus de 25000 aujourd’hui ! En 2004, le parlement hongrois classa la race au Patrimoine National Gastronomique.

Le cochon Mangalica : un élevage aux antipodes de la production intensive

L’élevage de porc Mangalica requiert du temps et de l’espace. En effet, les cochons laineux sont élevés au moins 24 mois en plein air, et ce depuis leur naissance, quand les standards industriels ne dépassent pas les 5 mois (et une vie en bâtiments) ! Même le Noir de Bigorre, si réputé, n’est élevé qu’au moins 12 mois… Par ailleurs, pour que ces cochons puissent gambader à loisir, ils ne sont que 10 à 15 par hectare au maximum. Ensuite, les femelles sont peu prolifiques : leurs portées se composent de 4 à 8 porcelets, contre une quinzaine pour les races plus communes. Enfin, vous ne rencontrerez pas un cochon Mangalica avec un anneau au groin : il peut ainsi fouiller le sol à sa guise ! Le bien-être animal est donc ici à son apogée. Ainsi, son style de vie qui allie lenteur et alimentation naturelle ne permet pas des élevages autres qu’artisanaux, ce qui explique son coût supérieur à celui des autres types d’élevages porcins plus traditionnels.

Une alimentation vertueuse pour les cochons Mangalica

Les cochons Mangalica passent leurs journées entre pâtures et sous-bois, à manger des végétaux, fouiller le sol à la recherches de glands et de châtaignes, croquer des racines, et entrecoupent leur emploi du temps de quelques siestes. Par ailleurs, en complément de cette alimentation sauvage, les cochons Mangalica sont nourris 2 fois par jour avec des légumes et des céréales germées (idéales pour le développement des enzymes, vitamines et autres antioxydants) ou fermentées (pour leurs vertus macrobiotiques). Ainsi, cette alimentation permet à l’éleveur d’éviter toute intervention médicamenteuse.

La graisse : LA particularité du cochon Mangalica

En hongrois, Mangalica signifie « viande de cochon avec beaucoup de lard » ! Visuellement, la viande est rougeâtre, et veinée de sillons de graisse blanche et crémeuse, qui, une fois dans la poêle, fond délicatement et se répand dans toute la viande… Les températures à partir desquelles le gras fond sont inférieures aux autres races de porc, en raison de la quantité d’acides gras insaturés : ainsi, les qualités organoleptiques de la viande sont plus développées !

Cuisiner le cochon Mangalica

Avant tout, le secret d’une cuisson réussie, c’est de suivre quelques recommandations propres au cochon Mangalica. De par sa graisse, il n’est bien sûr pas utile d’employer une quelconque matière grasse à la cuisson. Le gras fond à 32 %, très rapidement donc, et se substitue complètement au beurre ou à l’huile ! Une petite astuce : le gras que vous n’utiliserez pas pourra très bien être transformé en saindoux ! Vous avez juste à le faire fondre à 140°C, et à le verser ensuite dans un petit bocal en verre… et le laisser refroidir. Il s’utilise ensuite comme n’importe quel autre gras de cuisson. A vos fourneaux !

Les différents modes de cuisson

Quant au type de cuisson, optez toujours pour une cuisson rosée, voire saignante. Ainsi, trop cuire la viande et à feu trop vif sècherait la viande, et lui ôterait une partie de sa saveur, ce qui serait dommage… Alors une cuisson douce pour un résultat rosé, et vous aurez une viande à la tendreté et au juteux inégalable !

En ce qui concerne les morceaux de viande et leur cuisson, optez pour une cuisson à la poêle pour les côtes, ou les saucisses. Salez toujours APRES la cuisson, pour ne pas assécher la viande. Quant au grill ou au barbecue, cette cuisson conviendra parfaitement pour les côtes, les travers, la poitrine… Très gras, ces morceaux resteront moelleux car la graisse va les protéger en fondant !

En ce qui concerne les cuissons longues et lentes (pour les viandes à rôtir, mijoter ou braiser), elles conviennent pour les morceaux plus gros, d’autant plus s’ils sont pourvus d’un os. La cuisson au four conviendra bien aux rôtis et autres grosses pièces de viande tels les quarts de porcelet, ou les cochons de lait par exemple. La cocotte sera aussi une très bonne alternative pour la cuisson des côtes ou du filet mignon, qui conserva alors beaucoup de fondant. Enfin, utilisez un faitout pour les viandes à bouillir, tels l’échine, la poitrine, le travers ou le lard, qui donnera beaucoup d’onctuosité au plat !

La charcuterie

Quant au jambon, la quantité et la qualité de gras lui permettent une maturation et un affinage longs et lents… Et le résultat ? Un fondant et très particulier dans le palais ! On parle parfois de « Pata Negra version France ». Toute la charcuterie de Mangalica, qu’il s’agisse de la coppa, de la ventrèche, du lomo est une découverte gustative ! En ce qui concerne le lard, coupé en cube dans la soupe ou tranché en fines lamelles sur des œufs brouillés, il est à tomber.

Le gras du cochon Mangalica : un allié de notre santé !

Le gras n’est pas toujours un ennemi… Car comme il y a bon et mauvais cholestérol, il y a bon et mauvais gras. Le gras de Mangalica a tout pour plaire, consommé avec modération bien sûr. Il contient par exemple plus de graisses insaturées que son équivalent en beurre ! Riche en Omégas 3 (2 voire 3 fois plus que certains poissons) et Omégas 6, mais aussi en antioxydants naturels, le gras de Mangalica a des vertus pour le cœur. Quant au jambon, il contient des acides mono-insaturés, de la vitamine B, du fer et du zinc en quantité : il est donc bon pour notre organisme, facilite la digestion et régule le bon cholestérol au détriment du mauvais !

Les trois différents types de Mangalica

Il existe trois types de cochons laineux, tous présents dans notre élevage:

  • Les blonds: Ce sont les cochons qui profitent le mieux de l’engraissement et qui font les plus gros spécimens à terme.
  • Les hirondelles: Dos noir, ventre et queue blanche, ce sont les plus énergiques, les plus sportifs, mais aussi les plus petits et lent à engraisser.
  • Les roux: En terme de comportement et de prise de poids, ils sont entre les blonds et les hirondelles.

Les qualités du cochon laineux

  • Sa robustesse: Le cochon laineux résiste aussi bien aux températures très basses qu’aux fortes chaleurs, ce qui en fait un animal plus facile à élever.
  • Son gras, bon pour la santé: Son gras est bon pour la santé, à la manière d’une graisse de canard, car très riche en oméga 3, 6 et acides gras polyinsaturés (contrairement à ses cousins les porcs roses).
  • Sa viande est très réputée car elle est extrêmement persillée et son gras au goût inimitable ravira tous les gourmets. C’est un gras qui ne caille pas, c’est à dire qu’il ne devient pas dur lorsqu’il est réfrigéré.
  • Son comportement: C’est un animal très peu agressif, ce qui est important avec les verrats, qui peuvent être très dangereux, car ils ont de grandes défenses.

Les inconvénients du cochon laineux

  • Son épanouissement: C’est un animal qui ne s’épanouit vraiment qu’en extérieur.

L'élevage du Mangalica en France

L'élevage du Mangalica, un porc laineux originaire de Hongrie, se développe en France sous l'oeil vigilant de Thomas Dunoyer. Au bord d'une petite route qui mène à la Ferme du Mont, exploitation située à La-Celle-en-Morvan, un parc de plusieurs hectares s'étend. Il s'agit de la demeure actuelle d'une cinquantaine de porcs Mangalica, une race d'origine hongroise. Le seul qui les déloge de l'ombre des arbres sous lesquels ils sont étendus, c'est Thomas Dunoyer.

Exploitant d'une quarantaine d'années, il est avant tout un passionné."On a notre propre langage", sourit-il, après avoir attiré ses cochons à grand renfort de cris... et de nourriture. Tout en leur lançant des seaux de grain, il raconte que ce sont des animaux très dociles. L'un des facteurs qui a motivé son choix d'élever cette race plutôt qu'une autre. "J'ai des enfants, qui sont pour certains très intéressés par l'activité agricole. Alors je ne voulais pas prendre des bêtes agressives. C'est au terme de maints voyages en Europe, pour déterminer quels cochons il veut élever, que Thomas Dunoyer découvre cette race de porcs. Les terres agricoles qu'il a récupérées dans le centre de la Bourgogne lui permettent de profiter de la renommée du jambon du Morvan.

"Mais il reste très peu d'éleveurs de cochons dans le coin", s'attriste-t-il. L'occasion, pour lui, de relancer un secteur en perte de vitesse.Peu connu dans l'hexagone, le "Manga", comme le surnomme l'éleveur morvandiau, a été sauvé de la disparition par Peter Thöt. Il s'agit du détenteur du herd-book hongrois, c'est-à-dire le registre généalogique d'une espèce ou race d'animaux. Le pays d'Europe de l'Est compte désormais plus de 200 élevages.

Le développement du Mangalica en France s'effectue main dans la main avec l'éleveur hongrois. C'est avec lui que Thomas Dunoyer va officiellement signer un partenariat pour gérer le herd-book français mercredi 23 juin, en compagnie d'ambassadeurs de la Hongrie. L'aboutissement d'une partie d'un travail démarré cinq ans plus tôt. "Quand je me suis lancé dans ce projet, mon premier objectif était de réaliser un état des lieux du Mangalica en France", raconte-t-il. "Très peu de spécimens y sont élevés, et ce ne sont pas des "pure race" mais des croisements. L'exploitation de Thomas Dunoyer comporte plus de 90 têtes. Cette entreprise semble pour l'instant bien engagée.

L'association Mangalica France, dont le siège se situe à la Ferme du Mont, est attachée à deux autres exploitations bourguignonnes qui élèvent ces "pata negra hongrois", en référence au prestigieux porc espagnol. Environ 150 bêtes se situent sur ces trois sites agricoles, dont 90 à La-Celle-en-Morvan. "Papa, on y va !", s'écrient deux des enfants de Thomas Dunoyer. "Vous livrez bien Joy Astrid !", leur répond-il, tandis que lui et son associé Cyril profitent d'une pause bien méritée à l'ombre. Joy Astrid, c'est l'une des deux chefs du restaurant "Chez Camille" situé à Arnay-le-Duc, en Côte-d'Or. Celui-ci fait partie des quelques établissements à bénéficier de la viande de Mangalica produite dans le Morvan.

"Je ne livre que des restaurants étoilés", plaisante l'éleveur. Parmi ses prestigieux clients, il compte notamment le restaurant Bernard Loiseau à Saulieu, ou Maison Doucet à Charolles. Plus que son aspect laineux, la principale caractéristique du Mangalica est son gras. Là où un porc classique dispose d'une épaisseur de gras de trois ou quatre centimètres sous ses poils, la race hongroise en possède pas moins de sept centimètres. Une caractéristique qui fait partie intégrante de l'identité de sa viande. "Aussi, la viande est très rouge, ça n'a rien à avoir avec ce qu'on a l'habitude de manger", précise Thomas Dunoyer.

Cette différence de tarif est dûe à la difficulté inhérente à l'élevage de porcs Mangalica. Pour un porc blanc, il faut compter 6 mois entre la naissance et l'abattage, tandis que le laineux hongrois a besoin de 24 mois pour être envoyé à l'abattoir. Cette période s'effectue intégralement en extérieur, car ces cochons ne supportent pas la vie en intérieur. A cela s'ajoutent 24 mois supplémentaires d'affinage pour le jambon.

La production actuelle de la Ferme du Mont ne permet pas à son propriétaire de vendre aux particuliers. Il n'en vit d'ailleurs pas encore, à cause de l'investissement d'argent qu'il a dû injecter dans ce projet. Mais avant tout, Thomas Dunoyer cherche à faire reconnaître cette race si particulière en France.

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