Histoire de la Pizza à Vaux-le-Pénil : Un Procès Historique sur l'Incinération des Déchets

L'histoire de Vaux-le-Pénil est riche, comme l’illustrent les transformations successives subies par le château, édifié pour la première fois au Moyen Âge. La Révolution et la Grande Guerre ont également laissé leurs traces dans cette commune. À l’origine bourgade agricole, dont l’activité est basée sur la polyculture (maraîchers, jardiniers, vignerons…), Vaux-le-Pénil s’urbanise dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Le mouvement s’accélère dans les années 70, au rythme du développement démographique de l’Île-de-France. L’agriculture disparaît.

Une bataille judiciaire d’une quinzaine d’années pour un procès historique en matière d’incinération des déchets a marqué la commune. Tout commence en 1974 lorsque le syndicat intercommunal de groupement d’urbanisme de l’agglomération Melunaise (SIGUAM) est autorisé à construire une usine d’incinération des ordures ménagères (UIOM) à Vaux-le-Pénil, d’une capacité de 32 000 tonnes par an. À l’époque en France, l’incinération est en plein essor et se développera sans discontinuer jusqu’aux années 2000/2010.

Les Premières Inquiétudes et la Création d'une Association

L’usine fonctionne jusqu’à la fin des années 1990, période où les populations locales vont retrouver des poussières dans leurs jardins et sur les toits, et commencer à douter des conditions de fonctionnement de l’installation. En 1999, il est projeté de créer une nouvelle usine en remplacement. Pascale Coffinet, alors membre de la commission environnement de la Commune de Maincy, qui en deviendra plus tard la Maire, fonde en 2003 « l’association des victimes de l’incinération et de leur environnement », et se lance dans la bataille judiciaire. À la suite d’analyses de sang et sur des oeufs locaux, les résultats sont édifiants et confirment les rejets anormalement élevés de l’installation.

Évolution Administrative et Premières Enquêtes

Entre temps, le SIGUAM change de nom. En effet, le SIGUAM qui était l’entité publique exploitante et responsable du traitement des déchets, a été dissoute suite à la loi du 12 juillet 1999 (dite loi Chevènement), laquelle a réformé les intercommunalités et a entraîné le regroupement de nombreuses collectivités territoriales.

Après des années de procédure judiciaire et de mobilisation, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu une première décision le 6 mars 2018, prononçant une condamnation de la Communauté d’agglomération Melun Val de Seine.

Première Infraction : Non-Conformité aux Arrêtés Préfectoraux

Première infraction : exploitation ou poursuite d’une installation classée non conforme aux arrêtés préfectoraux. À l’époque, la réglementation applicable aux incinérateurs est l’arrêté ministériel du 25 janvier 1991. Ce texte, prévoyant les valeurs limites d’émissions des rejets dans l’atmosphère, fût par la suite remplacé par l’arrêté du 20 septembre 2002, plus contraignant et aujourd’hui toujours en vigueur.

En effet, la lecture de l’arrêt permet de comprendre qu’un arrêté préfectoral du 14 janvier 1999 avait été adressé, à l’époque au SIGUAM, pour rappeler l’application de l’arrêté ministériel de 1991. Une première enquête de la DRIRE (services de contrôle déconcentrés de l’Etat) du 6 décembre 2000 concluait que « l’installation de Vaux-le-Pénil allait faire l’objet de travaux pour la rendre conforme » à l’arrêté ministériel de référence, tout en constatant d’ores et déjà que certains rejets gazeux n’étaient pas conforme à certaines valeurs limites d’émission.

Deux mises en demeure furent adressées par la Préfecture à l’exploitant les 5 septembre et 11 décembre 2001, suivies de rapports de la DRIRE des 7 janvier, 27 février et 12 mars 2002. L’exploitant fût à l’époque enjoint par la Préfecture de se mettre en conformité avec l’arrêté ministériel de 1991 dans un délai de trois mois, ce qui n’a pas été fait.

Deuxième Infraction : Mise en Danger Délibérée d’Autrui

C’est le grand apport de cette décision de justice, qui consacre l’application de cette infraction en matière environnementale et plus particulièrement dans le domaine des déchets. La Cour d’appel a rappelé que l’élément matériel (les faits de l’infraction) est bien constitué. Tout d’abord, elle a constaté l’existence d’une violation délibérée de l’obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement (premier critère), en l’occurrence un arrêté préfectoral. Malgré la connaissance de rejets anormalement élevés et les multiples mises en demeure, l’incinérateur restera en fonctionnement jusqu’à sa fermeture définitive, le 15 juin 2002.

La Faible Indemnisation des Préjudices

En appel, la décision a été largement confirmée mais amoindrie en particulier s’agissant de l’indemnisation des préjudices. Pour les 165 personnes s’étant constituées partie civile, 500€ de préjudice d’anxiété ont été versés pour chaque mois entre la période allant du 1er janvier au 15 juin 2002, soit 2 750€ par personne contre 21 000€ en première instance (la période 1999/2001 étant exclue puisque le SIGUAM exploitant a été dissous au 1er janvier 2002). D’autres préjudices ont été rejetés et non indemnisés, tels que l’exploitation d’un potager, ou la dépollution des sols et des toitures. Le préjudice d’anxiété d’avoir allaité un enfant est reconnu sur le principe mais, faute de l’avoir justifié, aucune partie civile ne s’est vue indemnisée.

La Commune de Maincy, également partie civile, faisait valoir une demande d’indemnisation au titre de la pollution de son territoire, de la mise en danger de ses administrés, et de la perte de jouissance pour l’empêchement d’utiliser certaines parties de son territoire. Par conséquent, ce procès illustre bien les difficultés de l’indemnisation des victimes en droit pénal de l’environnement. Court rayon géographique d’indemnisation, montants relativement faibles pour des évènements pouvant changer le cours d’une vie voire la détruire, non indemnisation de certains préjudices, caractère public de l’établissement condamné conduisant à une réduction de l’amende pénale… Il reste encore du chemin pour une réparation intégrale des dommages causés aux personnes dans le contexte de pollutions diffuses. En particulier, le lien de causalité entre pollution et le dommage fait figure de serpent de mer dans les procès environnementaux.

Une Base Juridique Durement Acquise pour d’Éventuels Contentieux Futurs

Tout d’abord, nous constatons que cette décision définitive, aucun pourvoi n’ayant été formé, est historique. L’affaire de l’incinérateur de Vaux-le-Pénil constitue une première, et un socle solide pour alimenter de futurs recours si une telle situation venait à se reproduire. Selon les avocats des parties civiles, c’est la première fois que les juges condamnent pénalement un incinérateur sur le délit de mise en danger délibérée d’autrui, du fait de l’exploitation non conforme d’une installation ayant exposé les populations à des polluants.

À cet égard, il convient de rappeler le précédent procès emblématique relatif à l’incinérateur de Gilly-sur-Isère dans les années 2000, qui n’avait pas abouti sur ce point, du fait d’une dissolution du syndicat de l’époque. On ne peut que se réjouir de la reconnaissance, enfin, d’un tel délit, qui confirme en l’espèce les conséquences néfastes sur la santé de l’exploitation de l’incinérateur de Vaux-le-Pénil, et les effets délétères des polluants concernés.

Ensuite, ce procès illustre bien la difficulté des citoyens et des victimes pour obtenir gain de cause, et les moyens et la persévérance sans faille dont elles doivent disposer pour obtenir réparation. En outre, l’accès à l’information environnementale demeure fragile : si les collectivités et exploitants sont tenus de réaliser des rapports annuels d’exploitation retraçant le (non) respect des valeurs limites d’émission et signalant les dépassements éventuels, une enquête récente réalisée par Rue89 Strasbourg montre les limites de l’auto-contrôle par les exploitants. En effet, ceux-ci peuvent masquer des dépassements de normes, dans des centaines de pages de tableaux et de données. Seuls des contrôles très réguliers et poussés de la part des services déconcentrés de l’Etat (DREAL) peuvent être de nature à mettre au jour de telles pratiques.

Cette affaire a donc pu aboutir après une mobilisation puissante des associations locales et de certains élus locaux, dans une situation devenue ubuesque d’une usine fonctionnant illégalement durant plusieurs mois, faisant de ce dossier un véritable scandale, sans doute non représentatif des pratiques du secteur. Lors des nombreuses réunions publiques et concertations auxquelles Zero Waste France participe, nous constatons pourtant encore souvent des éléments de langage stéréotypés de la part des exploitants, lesquels affirmant à répétition qu’ils « respectent les normes », sans aller plus loin dans le dévoilement des impacts du traitement des déchets (quelles émissions précises, quels impacts, etc.).

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