Le Château de Martainville: Histoire et Évolution d'une Demeure Seigneuriale

Le Château de Martainville, situé à Martainville-Épreville en Seine-Maritime, est un symbole de l'histoire de la grande bourgeoisie rouennaise. Transformé en Musée des Traditions et Arts Normands, il abrite une importante collection de mobilier du « Haut-Normand » retraçant l’évolution du XVe au XIXe siècle. Ce lieu chargé d'histoire offre un aperçu fascinant de la vie quotidienne et des traditions normandes à travers les siècles.

Construction et Premières Transformations

Jacques Le Pelletier, fils d’une riche famille de commerçants originaires de Provence, acquiert en 1481 le fief de Martainville, alors composé de 25 hectares. En 1485, il décide la construction du château de Martainville. Initialement construit en briques cuites sur place et en pierres des carrières de Vernon, le château est flanqué de quatre tours et d’un pont-levis, typique des châteaux forts de l'époque.

Au début du XVIe siècle, Jacques Le Pelletier décide d'arrêter définitivement les activités marchandes de la famille et de transformer sa demeure campagnarde en château. Peu après sa construction, une intervention d’envergure fut menée sur le logis, la travée centrale de la façade principale étant alors entièrement refaite : à l’entrée primitive, on substitua un large portail à deux vantaux muni d’un pont basculant, et aux fenêtres des niveaux supérieurs le chevet d’une chapelle et une tourelle d’escalier.

Finalement, l’intervention aura permis d’obtenir une travée monumentalisant l’accès au logis, accentuant l’axe de symétrie de l’élévation antérieure et renforçant les références à la tradition des châteaux forts : le pont-à-bascule remplace le pont-levis, les consoles décoratives des tours et de la tourelle d’escalier évoquent les mâchicoulis des tours de défense et la chapelle au-dessus de l’entrée reprend une disposition de bon nombre d’édifices antérieurs : le château de Mehun-sur-Yèvre et l’hôtel Jacques-Cœur à Bourges pour ne citer qu’eux.

Les données historiques invitent à voir une campagne de remaniement opérée par Jacques Le Pelletier lui-même. En effet, un événement majeur semble s’être produit dans sa vie autour de 1500 : Richard Le Pelletier, son frère cadet, meurt en 1499, et Jacques, qui hérite de tous ses biens, décide d'arrêter définitivement les activités marchandes de la famille. C'est sans doute à ce moment que Jacques décide de transformer sa demeure campagnarde « en forme de château ».

Évolution Architecturale et Influence

Le château présente un plan absolument symétrique, avec un large couloir traversant placé au milieu du corps et qui précède un escalier situé dans une tour hors-œuvre en façade arrière. Cette disposition permet une partition claire du corps de logis, avec les salles et les offices regroupés au rez-de-chaussée et les chambres aux étages. Toutes les pièces sont indépendantes les unes des autres, salles comprises.

Martainville a inspiré le plan de Chenonceau, construit par Thomas Bohier, général des Finances de Normandie, qui était en contact plus ou moins direct avec Jacques Le Pelletier au moment de la construction. En Normandie, plus d’une dizaine d’édifices du 16e siècle, tels Auffay, Tilly et Bailleul, se sont plus ou moins inspirés de Martainville. Mais si le plan de Martainville a fait florès, c'est parce qu'il répondait aux exigences de certains nobles du début du 16e siècle de posséder une résidence à la campagne susceptible d'accueillir de nombreux convives, de disposer de chambres indépendantes les unes des autres et d'où il était possible de sortir et de rejoindre le vaste jardin d'agrément situé à proximité.

Successions et Transformations Ultérieures

Jacques le Pelletier décède en 1510, sans héritier direct, le château est légué à son neveu Jacques qui est nommé Vicomte de l’Eau. Peu enclin à continuer le commerce, il va par contre transformer radicalement le château, en effet il fait combler les fossés, construire une enceinte défensive, élargir les fenêtres et élever les toitures, supprime le pont-levis et le remplace par un portail d’inspiration flamande.

En 1571, Richard de Martainville, obtient de Catherine de Médicis et du jeune roi Charles IX de pouvoir commuer son nom de Le Pelletier en celui de la terre de Martainville. Au XVIIe siècle, Louis, le nouveau seigneur de Martainville qui vit à la cour de Versailles, tire d'importants revenus de cette vaste exploitation agricole. C'est pendant cette période que les communs sont agrandis et que l'intérieur des appartements est à nouveau transformé, notamment au premier étage. Il fait également aménager des jardins à la française.

En 1757, le dernier des Martainville décède sans succession possible. Le château passe de main en main et de famille en famille. Comme souvent cette instabilité va provoquer une forte dégradation du château.

Acquisition par l'État et Transformation en Musée

En 1905, un marchand de bestiaux achète le château qui est déjà fortement dégradé et projette de détruire le château. L'État l'achète en 1906 in extremis. Le château est destiné à devenir après sa rénovation, à partir de 1955, un lycée agricole. Il est confié au conseil général de la Seine-Inférieure (devenue Seine-Maritime) qui y installe finalement, à partir de 1962, un musée des Traditions et Arts normands.

Le 21e siècle voit la restauration progressive de l'édifice, sous la houlette de l'administration des Monuments historiques. A partir de 2011, la façade postérieure, à l'est, est mise en valeur par l'aménagement d'un jardin, inspiré des jardins de la Renaissance.

Le Musée des Traditions et Arts Normands

Au dernier étage du château retrace l’histoire du textile, des costumes Normands avec des tableaux, bijoux, coiffes du XIXe. Les communs présentent une exceptionnelle collection de machines et outils agricoles. Les meubles et les objets de la vie quotidienne des Normands du XVIIIe aux XIXe siècles.

Aujourd'hui, le château abrite le musée des Traditions et Arts normands, les pièces ont très peu bougé depuis leur aménagement. Au rez-de-chaussée, on trouve le vestibule, la cuisine et deux salles de réception. Le premier étage compte la chapelle et des chambres ; le niveau du dessus sert de logis aux domestiques.

Structure du Château

À l'origine, l'entrée se faisait uniquement par le nord, dans une basse-cour axée est-ouest, où se dressent encore les anciens bâtiments de dépendance adossés aux murs de clôture nord et sud. Si les bâtiments furent reconstruits ou modifiés, la disposition générale reste primitive. Le colombier de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, situé à l'extrémité occidentale de l'enclos, atteste par sa place l'étendue de la basse-cour.

Celle-ci commandait, à l'est, une seconde cour plus petite et grossièrement carrée (42 × 40 m), fermée de hauts murs crénelés, cantonnée de quatre tourelles et occupée en son centre par le château. Le logis de plan massé rectangulaire, couvert d'un toit en pavillon, est cantonné aux quatre coins de grosses tours aux toitures coniques. Le sommet des tours était muni de consoles, aujourd'hui disparues mais dont subsistent encore les pierres, sciées, qui évoquaient les mâchicoulis des châteaux forts.

Construit en briques cuites sur place et en pierres blanches venues des carrières de Vernon, on relève sur l'appareillage une savante inclusion décorative de briques vernissées noires disposées en cœur, en croix, en losanges.

Tableau récapitulatif des Propriétaires et Transformations

Période Propriétaire Transformations Principales
1481-1510 Jacques Le Pelletier Construction du château initial
Début XVIe siècle Jacques Le Pelletier (neveu) Comblement des fossés, construction d’une enceinte défensive, élargissement des fenêtres
1571 Richard de Martainville Changement de nom de la famille
XVIIe siècle Louis de Martainville Aménagement des jardins à la française, agrandissement des communs
1906 État Français Transformation en Musée des Traditions et Arts Normands

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