De nombreux historiens s’écharpent sur la date de naissance de la pizza. Dans les années 700 chez les Grecs ? Au XVIe siècle à Naples ? La pizza fascine par son histoire millénaire.
Cousine de la fouace des Etrusques, de la pita grecque ou encore du lahmacun des Assyriens, la pizza fait partie de la grande famille des pains méditerranéens recouverts d’ingrédients divers. Elle est cependant la seule à s’être exportée dans le monde entier.
Le mot « pizza » apparaît pour la première fois en 997 à Gaète. Son étymologie reste discutée et pourrait provenir du latin « pinsere » (pétrir), du grec « pitta » ou du vieux-germanique « bizzo » (morceau).
Il faut attendre 1524 pour qu'apparaissent les premières recettes de pizza, dans le Manoscritto Lucano, un recueil de recettes de Lagonegro (seigneurie du Royaume de Naples, situé à 183 km au sud-est de la capitale) écrit en langue vernaculaire. Dans cet ouvrage, les quatre recettes de pizza sont des tourtes sucrées au fromage agrémentées d'eau de rose, de pignons de pin, de lait d'amande, de noix, de bourrache, de saindoux, de musc ou de cannelle.
La pizza n’a pas un inventeur unique. Elle s’est développée à Naples au XVIIIe siècle sous l’impulsion de la culture populaire napolitaine. C’est à Naples, au XVIIIe siècle, que la pizza moderne a vu le jour. Je trouve fascinant que ce plat emblématique soit né dans les quartiers populaires napolitains. Les habitants cherchaient une nourriture économique et rassasiante. Les Napolitains ont transformé un simple pain plat en chef-d’œuvre culinaire. Ils y ajoutaient initialement de l’huile d’olive, de l’ail et du saindoux.
Saviez-vous que la tomate a changé le destin de la pizza ? Importée d’Amérique au XVIe siècle, elle était d’abord considérée comme toxique en Europe. J’ai appris que les premières pizzas à la tomate sont apparues vers la fin du XVIIIe siècle. Cette innovation a donné naissance à la pizza « rouge » que nous connaissons aujourd’hui.
Au cours du 18e siècle, on la consomme sur place dans des établissements spécialisés qui approvisionnent également les vendeurs de rue appelés lazzari ou lazzaroni. Peu à peu elle se démocratise, vendue dans la rue par des marchands ambulants qui transportent leurs propres fours afin de maintenir les pizzas chaudes. Avec le temps les ingrédients comment à varier. Mais la pizza reste le plat des pauvres.
La pizza a gravi les échelons sociaux à une vitesse impressionnante. Je trouve remarquable ce parcours. Des échoppes de rue aux restaurants élégants, la pizza est devenue un symbole d’identité italienne. Les pizzaioli napolitains ont développé un véritable art. Leur savoir-faire se transmettait de génération en génération.
En juin 1889, la reine Margherita de Savoie visite Naples. Le pizzaiolo Raffaele Esposito reçoit l’honneur de préparer ses spécialités pour la souveraine. J’imagine l’excitation d’Esposito face à cette opportunité unique. Sa pizzeria « Pietro e basta così » était déjà réputée à Naples. Mais servir la reine ? Quelle consécration !
Il faut attendre 1889 pour qu’elle acquière ses lettres de noblesse : lors d’un déplacement d’Umberto Ier à Naples pour rallier les Napolitains récalcitrants à l’unité italienne, sa femme Margherita s’enthousiasme pour une pizza qui porte les couleurs du drapeau italien : rouge (la tomate), blanc (la mozzarella), et vert (le basilic). Selon la tradition, Raffaele Esposito aurait créé cette pizza en 1889 pour honorer la reine Margherita de Savoie, en utilisant les couleurs du drapeau italien (tomate rouge, mozzarella blanche, basilic vert).
La pizza aux couleurs nationales était un coup de génie. Rouge comme la tomate, blanc comme la mozzarella, vert comme le basilic frais. Je trouve touchante cette expression de patriotisme à travers la cuisine. Esposito a créé bien plus qu’un plat : un symbole national. La reine aurait tellement apprécié cette création qu’elle lui envoya une lettre de remerciement.
L’histoire de la pizza Margherita est-elle authentique ? Certains historiens émettent des doutes. Des recherches montrent que des pizzas similaires existaient avant 1889. La combinaison tomate-mozzarella-basilic n’était pas nouvelle. Mais j’aime penser que l’anecdote contient une part de vérité. Les grands mythes culinaires embellissent souvent la réalité.
Dans les années 30, la pizza fait son trou dans le quartier italien de Marseille et dans Little Italy à New York. Les Américains refusent les saveurs trop fortes comme l’ail qui, pensent-ils, pourrait exciter le corps. Ils adaptent alors la pizza en misant sur le fromage. A l’époque, la pizza se vend et se mange dans la rue, pliée en portefeuille. Il faut attendre les années 40 pour qu’elle devienne un plat principal. Et qu’elle s’installe à Chicago sous forme de pie, avec une série de couches d’ingrédients, notamment de la viande. Trop épaisse, elle ne peut plus être cuite rapidement au feu de bois. A Marseille, plutôt que de reproduire à l’identique la recette originelle, les pizzaïolos utilisent les produits locaux pour populariser une pizza 100 % locale, comme la classique moitié anchois - moitié fromage. Puis chaque communauté apporte sa sauce : les Arméniens, les Corses… créant une diversité à l’image de la ville.
Dans Pizza, Cultures et mondialisation (CNRS Editions, 2016), l’anthropologue Sylvie Sanchez relate les grands mouvements migratoires du 19ème siècle de la « botte » vers la France et les Etats-Unis. Près de 26 millions d’Italiens s’expatrient entre 1850 et 1900, exportant une part de leur culture à travers la pizza. Mais la véritable explosion de la pizza à l’international date en réalité des années 1960. Les Américains l’intègrent à leur american way of life comme un plat à manger sur le pouce, efficace et rapide. La France se l’approprie quant à elle en tant que spécialité régionale typique de la Provence.
La conquête mondiale de la pizza est une success story incroyable. La pizza a voyagé dans les valises des émigrants italiens. J’admire ces pizzaioli qui ont recréé un bout d’Italie loin de chez eux. Ils ont ouvert les premières pizzerias à New York, Chicago, Paris ou Marseille. Ces artisans ont adapté leurs recettes aux goûts locaux tout en préservant l’essence de la pizza napolitaine. L’Amérique est tombée amoureuse de la pizza dès les années 1900. En France, la pizza est arrivée par Marseille vers 1930. J’ai découvert que les premiers établissements étaient tenus par des immigrés napolitains. Ils proposaient des pizzas dans les quartiers populaires. Le succès fut immédiat ! Aujourd’hui, vous trouvez des pizzerias dans le moindre village français.
Chercheuse au CNRS et auteure de Pizza, Cultures et Mondialisation (CNRS Editions, coll. Biblis), Sylvie Sanchez a étudié le parcours de ce plat parti de Naples, en Italie, et devenu un best-seller mondial. « C’est hors de son pays d’origine que la pizza a connu le succès », relève l’anthropologue. Succès en partie dû à ses multiples « statuts » - aliment exotique, produit anti-crise car économique, casse-croûte nomade, repas à partager -, et à une grande adaptabilité à toutes les cultures. Varier sa recette sans perdre pour autant son identité lui a permis sa large diffusion dans le monde. L’anthropologue explique que, en réaction à cette popularité en France et outre-Atlantique, les Italiens ont commencé à se construire une mémoire autour de la pizza.
Aujourd’hui, Américains et Français restent respectivement les premiers et deuxièmes consommateurs de pizzas, loin devant l’Italie (Gira Conseil). La pizza a conquis la planète tout en préservant son âme. Je trouve cette reconnaissance merveilleuse. Elle honore ces artisans qui pétrissent la pâte à la main et cuisent les pizzas dans des fours à bois. La tradition napolitaine reste vivante malgré la mondialisation. Des millions de pizzas sont consommées chaque jour dans le monde. Pourtant, rien n’égale une authentique pizza napolitaine dégustée dans les ruelles de sa ville natale.
Star incontestée à l’international, la pizza affiche sa singularité dans chaque pays et dans chaque région. Fast food, bistros branchés et tables gastronomiques rivalisent d’inventivité pour dresser leurs tables.
La pizza napolitaine est plus qu'une spécialité culinaire... c'est une institution qui est entrée au Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO le 7 décembre 2017. Afin de protéger ce met délicat, et l'art de le réaliser, les italiens ont réussi a faire inscrire la pizza au patrimoine immatériel de l'UNESCO. L'art du pizzaiolo napolitain est une pratique culinaire comprenant quatre étapes différentes relatives à la préparation de la pâte et à sa cuisson au feu de bois en faisant tourner la pizza dans le four. Les savoir-faire techniques sont également enseignés à Naples dans des écoles et les apprentis peuvent apprendre cet art dans les familles napolitaines. Cependant, les connaissances et les savoir-faire sont essentiellement transmis dans la « bottega », où les jeunes apprentis observent leur maître au travail et apprennent l'ensemble des étapes et des éléments clés de l'art.
Bien qu'il soit difficile de déterminer la véritable histoire de l’origine de la pizza, il n’y a aucun doute sur l’existence d’un grand nombre de types de pizza. Chaque pays possède sa recette et ses spécialités.
Quelques variantes de pizza à travers le monde:
- Pizza romaine: Plus fine et croustillante que la napolitaine, servie « al taglio » (en tranches) et « a portafoglio » (repliée).
- Sfincione palermitain (Sicile): Pizza à pâte levée, comme une focaccia, garnie de caciocavallo, anchois et tomates.
- Pizza new-yorkaise: Grande et ronde, avec une croûte plus fine, riche en sauce tomate et fromage, souvent garnie de « pepperoni ».
- Pizza napolitaine: Pâte fine au centre et bombée sur les bords (cornicione), moelleux et légers, avec sauce tomate San Marzano, mozzarella fior di latte, huile d’olive et basilic.
- Pizza californienne: Fraîche et végétale, avec pesto de roquette et fromage de chèvre, base fine et moelleuse.
- Pizza Chicago deep-dish: Epaisse et gourmande, avec fromage sous la sauce tomate, pâte souvent faite avec de la semoule de maïs.
- Pizza grecque: Avec feta, olives Kalamata, oignon rouge, tomates, poivrons, ail, origan et huile d’olive.
- Pizza Detroit: Carrée et semblable à une focaccia, fromage directement sur la base et sauce ajoutée ensuite.
- Pizza Buffalo style: Avec sauce Buffalo, fromage et morceaux de blanc de poulet.
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