La consommation de la viande de cochon est proscrite dans plusieurs religions, notamment chez les musulmans, les juifs et les chrétiens d’Éthiopie. Mais pourquoi a-t-on à un moment de l’histoire décrété que cette viande était impure ?
Interdiction du Porc dans le Judaïsme
Pour les Juifs, cette interdiction est fondée sur deux passages de l’Ancien Testament :
- Livre du Lévitique 11:7-8 : « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts : vous les regarderez comme impurs. »
- Livre du Deutéronome 14:8 : « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. »
Ces textes interdisent de manger du porc car il ne rumine pas, bien qu'il ait la corne fendue. La liste des animaux purs que l’Eternel donna à Israël établit une séparation entre lui et les nations païennes. Dieu enseigne par là à son peuple qu’il vit dans un monde dégénéré où il ne faut pas suivre ses tendances naturelles et sa propre sagesse, mais obéir aux ordonnances que l’Eternel a données.
Le texte interdit de manger quatre espèces de quadrupèdes parce qu’ils n’ont pas l’une des deux caractéristiques voulues. Vous tiendrez aussi pour impur le porc, qui a bien le sabot fendu, mais qui ne rumine pas. Vous ne mangerez pas la viande de ces animaux, vous ne toucherez même pas leurs cadavres ; vous les tiendrez pour impurs (Lévitique 11.4-8).
Autres Interdits Alimentaires dans le Lévitique et le Deutéronome
Outre le porc, d'autres animaux sont interdits :
- Lévitique 11 : 10-12 : « Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n’ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux et tout ce qui est vivant dans les eaux, soit dans les mers, soit dans les rivières. »
- Deutéronome 14 : 8-10 : « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts. »
La présente classification est fondée sur des critères extérieurs faciles à observer. Les animaux interdits remuent les mâchoires mais sans mastiquer de nourriture, où ils mâchent longuement avant d’avaler. Le porc était déjà considéré comme impur dans l’antiquité par beaucoup de peuples, comme les Égyptiens, Arabes, Phéniciens, Syriens, parce qu’il se complaît dans la bourbe, se repaît d’ordures et que sa chair mal cuite transmet des maladies.
Interdiction du Porc dans l'Islam
« Les musulmans ne mangent pas de porc parce que le Coran l’interdit à cinq reprises», explique Önder Günes, porte-parole de la Fédération d’organisations islamiques de Suisse (FOIS). Selon Malek Chebel, pour les Musulmans l’interdit de manger du porc est le plus massif et le plus ancien.
Le verset 173 de la sourate 2 est particulièrement clair à ce sujet: « Certes, il vous est interdit la chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre qu’Allah ».
Un autre verset (XVI, 115) introduit une exception à cet interdit : « Il vous a été interdit la bête morte, le sang, la chair du porc et tout ce qui a été immolé à un autre Dieu qu’Allah.
Un autre verset du Coran (Sourate 5 La table servie (Al-Maidah), verset 3) détaille : « Les animaux morts, le sang, la chair du porc, tout ce qui a été tué sous l’invocation d’un autre nom que celui d ‘Allah, les animaux suffoqués, assommés, tués par quelque chute ou d’un coup de corne ; ceux qui ont été entamés par une bête féroce, à moins que vous ne les ayez purifiés par une saignée ; ce qui a été immolé aux autels des idoles ; tout cela vous est défendu. »
Raisons Historiques et Culturelles
Pendant longtemps, on a cru que les religions avaient interdit la consommation du cochon pour une raison sanitaire. Sa viande se conserve mal dans la chaleur et surtout, elle peut donner des parasites et des maladies lorsqu’elle est mal cuite.
Une des hypothèses, c’est qu’à un certain moment, un certain groupe de population décide de se distinguer des autres et adopte des lois qui vont le différencier de tous les autres. Et parmi ces règles, puisque les autres mangent du cochon, eh bien nous, on n’en mange pas."
La mauvaise réputation du cochon est en fait antérieure à l’islam et au judaïsme. Elle remonte à l’Égypte ancienne, il y a 4 000 ans. Les Égyptiens ont construit un discours mythologique autour des animaux. Et dans leur mythologie, le cochon a plutôt une mauvaise image. L’animal, réputé vorace et agressif, aurait mangé l'œil du dieu Horus, ce qui lui aurait valu une ostracisation du monde des temples et des rituels.
Les archéologues se basent en fait sur des fouilles très précises réalisées dans la région. Dans les sites philistins, ils ont retrouvé beaucoup d’os de porc. Au contraire, les sites israélites de la même période et distants parfois de seulement quelques kilomètres n’en comportent quasiment pas. Pour Max Price, "cela suggère, qu’il y a là un changement de regard sur le porc, qu’il y a un choix conscient, ou au moins certaines différences culturelles qui existent entre ces deux peuples très proches géographiquement.
L’interdiction de manger du porc est en tout cas écrite explicitement plus tard dans le Lévitique, l’un des livres de la Torah, rédigé entre le 8ᵉ et 7ᵉ siècle avant J.-C. Ce tabou du cochon sera repris par les musulmans et inscrit dans le Coran.
Le Christianisme et le Porc
Toutefois, les chrétiens ne sont pas tenus par les préceptes alimentaires de l’Ancien Testament. Dans la « Nouvelle Alliance », plusieurs passages dictent les principes en vigueur. Les évangiles apportent notamment un autre regard sur ce qui est pur et ce qui ne l’est pas : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de sa bouche, voilà ce qui souille l'homme. » (Matthieu 15:11). Ou encore : « Il n'est rien d'extérieur à l'homme qui, pénétrant en lui, peut le souiller, mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui souille l'homme. » (Marc 7:15).
Dans l’évangile selon Saint Luc 11 : 22 : « Jésus dit ensuite à ses disciples : C’est pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni de votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie est plus que la nourriture. ».
Saint Paul abolit le respect des interdits alimentaires de l’Ancien Testament, de même pour les juifs nouvellement convertis au christianisme et pourtant toujours très attachés à ces préceptes, leur préférant une meilleure entente au sein de la communauté chrétienne (Romains 14, 1-23).
La consommation du porc est même devenue, au fil du temps, une dimension importante de l’identité chrétienne par opposition aux autres religions. À l’époque moderne, lorsque les chrétiens d’origine juive ou musulmane furent soupçonnés d'être restés secrètement fidèles à leur religion antérieure, l’Inquisition fit même de l'interdit concernant la consommation du porc un critère pour repérer les déviances.
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