Viande Rouge et Cancer : Quels sont les Risques ?

En octobre 2015, 22 chercheurs de dix pays se sont réunis au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) à Lyon, France, pour évaluer la cancérogénicité de la consommation de viande rouge et de viande transformée. L'annonce du CIRC est un événement historique, car pour la première fois, une organisation mondiale de la santé a déclaré qu'un composant majeur de tous les régimes alimentaires humains au cours de l'histoire était probablement cancérogène.

Définitions et Consommation

Le terme « viande rouge » désigne le tissu musculaire non transformé des mammifères (comme le bœuf, le veau, le porc, l’agneau, le mouton, le cheval ou la chèvre), même haché ou congelé, et consommé généralement cuit. Le terme « produits carnés transformés (ou viande transformée) » fait référence à tout type de viande ayant été transformée par salaison, maturation, fermentation, fumaison ou d’autres procédés visant à en améliorer la saveur ou à en faciliter la conservation.

Le pourcentage de la population qui consomme de la viande rouge dans le monde varie selon les pays, de moins de 5 % à 100 % et de moins de 2 % à 65 % en ce qui concerne la viande transformée. Pour ceux qui en consomment, l’apport moyen de viande rouge est d’environ 50 à 100 g par personne et par jour, avec une consommation maximale atteignant plus de 200 g par personne et par jour.

Évaluation de la Cancérogénicité

Pour l’évaluation, une plus grande importance a été accordée aux études de cohorte prospectives réalisées dans la population générale. Les études cas-témoins de haute qualité, menées dans la population générale, ont apporté quant à elles des indications complémentaires. La grande majorité des données épidémiologiques portait sur le cancer colorectal.

Les données sur l’association entre consommation de viande rouge et cancer colorectal provenaient de 14 études de cohortes. Des associations positives ont été observées pour une forte consommation de viande rouge par rapport à une faible consommation dans la moitié de ces études, y compris une cohorte de dix pays européens couvrant un large éventail de consommation de viande ainsi que d’autres grandes cohortes en Suède et en Australie. Des associations positives entre cancer colorectal et consommation de viande transformée étaient rapportées dans 12 des 18 études de cohorte ayant fourni des données pertinentes, notamment des études en Europe, au Japon et aux Etats-Unis. Les données de six des neuf études cas-témoins informatives disponibles soutenaient aussi une association positive.

Des données sont également disponibles pour plus de 15 autres types de cancer. La majorité des experts du Groupe de Travail a conclu que les indications étaient suffisantes pour confirmer la cancérogénicité de la consommation de viandes transformées chez l’homme, sur la base de la grande quantité de données et des associations cohérentes entre cancer colorectal et consommation de viande transformée dans toutes les études issues de différentes populations, laissant peu de place au hasard, à des biais et autres facteurs de confusion.

Le hasard, les biais et facteurs de confusion ne pouvaient être éliminés avec le même niveau de confiance pour les données sur la consommation de viande rouge, car aucune association claire n’avait été observée dans plusieurs études de haute qualité et les facteurs de confusion résiduels associés à d’autres risques liés à l’alimentation et au mode de vie étaient difficiles à exclure.

Les indications issues des expérimentations animales étaient insuffisantes pour confirmer la cancérogénicité de la consommation de la viande rouge et de la viande transformée. Les indications mécanistiques de cancérogénicité ont été jugées fortes pour la viande rouge et modérées pour la viande transformée. Les indications mécanistiques sont principalement disponibles pour le système digestif.

Classement du CIRC

En conclusion, le Groupe de Travail a classé la consommation de viande transformée comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) sur la base d’indications suffisantes pour le cancer colorectal. Le Groupe de Travail a classé la consommation de viande rouge comme « probablement cancérogène pour l’homme » (groupe 2A). En procédant à cette évaluation, le Groupe de Travail a pris en considération toutes les données pertinentes, y compris les nombreuses données épidémiologiques montrant une association positive entre la consommation de viande rouge et le cancer colorectal et les fortes indications mécanistiques.

Mécanismes Impliqués

Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation du risque de cancer associée à une consommation excessive de viandes rouges et charcuteries. En premier lieu, l’excès de fer héminique (fer contenu dans l’hème, structure chimique trouvée notamment dans l’hémoglobine, qui est très abondant dans les viandes rouges) génère un stress oxydant qui oxyde les graisses (lipides), formant des composés génotoxiques (c’est-à-dire toxiques pour l’ADN). De même, les sels nitrités présents dans certaines charcuteries entraînent, au cours de la digestion, la formation de composés N-nitrosés qui sont génotoxiques.

Par ailleurs, le chauffage excessif au cours de la cuisson peut lui aussi mener à l’oxydation des lipides et à la formation de composés génotoxiques. La viande chauffée à haute température contient des AAH. Les AAH sont génotoxiques et l’étendue de la conversion des AAH en métabolites génotoxiques est supérieure chez l’homme par rapport aux rongeurs. La viande fumée ou cuite sur une surface chauffée ou au contact d’une flamme contient des HAP.

La consommation de viande rouge et de viande transformée chez l’homme induit la formation de CNO dans le côlon. Dans deux études d’intervention, une consommation élevée de viande rouge (300 ou 420 g par jour) augmentait la concentration d’adduits à l’ADN vraisemblablement dérivés de CNO dans des colonocytes exfoliés ou des biopsies rectales. Le fer héminique intervient dans la formation des CNO et des produits d’oxydation des lipides dans le tube digestif de l’homme comme dans celui des rongeurs. Les effets du fer héminique peuvent être supprimés expérimentalement par le calcium, ce qui étaye sa contribution dans les mécanismes cancérogènes.

Autres Études et Analyses

Une méta-analyse publiée en 2013 a révélé une association modeste mais statistiquement significative entre la consommation de viande rouge ou transformée et la survenue d’adénomes (lésions pré-néoplasiques) colorectaux, association relevée de façon constante entre les différentes études. Concernant la génotoxicité et le stress oxydatif, les indications étaient modérées pour la consommation de viande rouge ou transformée.

La consommation de viande rouge bien cuite augmente la mutagénicité bactérienne de l’urine humaine. Dans trois études d’intervention chez l’homme, les modifications des marqueurs du stress oxydatif (que ce soit dans l’urine, les fèces ou le sang) ont été associées à la consommation de viande rouge ou de viande transformée.

Une étude prospective a inclus 61476 hommes et femmes de la cohorte française NutriNet-Santé (2009-2015) âgés de 35 ans ou plus qui avaient complété au minimum trois enregistrements alimentaires de 24 h au cours de la 1ère année de suivi. 1609 cas de cancers primaires incidents ont été diagnostiqués au cours du suivi dont 544 cancers du sein et 222 cancers de la prostate. L’apport en viande rouge était associé à une augmentation du risque de cancer tous sites confondus et de cancer du sein. Aucune association n’a été observée entre l’apport en viande rouge et le risque de cancer de la prostate. Cette large étude de cohorte suggère que l’implication de la viande rouge dans la cancérogenèse pourrait concerner plusieurs localisations de cancer (autres que côlon-rectum), en particulier le cancer du sein.

Recommandations et Prévention

Le directeur du CIRC (centre international de recherche sur le cancer), Dr Christopher Wild a déclaré : « Ces résultats confirment en outre les recommandations de santé publique actuelles appelant à limiter la consommation de viande. » En 2019, Santé publique France a publié les nouvelles recommandations nutritionnelles destinées à la population adulte française, qui sont concordantes avec celles de l’INCa.

En cas de consommation excessive de charcuteries ou de viandes rouges, il est recommandé de réduire autant que possible la taille des portions et la fréquence de consommation, de privilégier la volaille et en alternant dans la semaine avec du poisson, des œufs et des légumes secs.

Plus généralement, plusieurs outils déployés par Santé publique France sont disponibles pour faciliter la mise en pratique des recommandations nutritionnelles : le site mangerbouger.fr, avec notamment « La fabrique à menus », propose des idées de menus de saison variés pour manger équilibré toute la semaine en accord avec les repères nutritionnels. Le Nutri-Score, logo à 5 couleurs apposé sur la face avant des emballages, informe les consommateurs sur la qualité nutritionnelle des produits.

Pour diminuer encore les risques, la préparation de la viande prend toute son importance. Ainsi, pour diminuer les risques de surconsommation et obéir à tous nos besoins, il est recommandé de varier et de diversifier les sources de protéines en alternant, viande, volaille, œufs, poisson, coquillages et crustacés.

Consommation en France

En France, par rapport aux repères établis par Santé publique France, 32 % des 18-54 ans mangent trop de viandes rouges (plus de 500 g/semaine) et 63 % mangent trop de charcuteries (plus de 150 g/semaine). En 2014, la moyenne de consommation de viandes rouges chez les adultes de 18 à 79 ans vivant en France est de 47 g/jour soit 329 g par semaine. Elle est plus importante chez les hommes (428 g/semaine) que chez les femmes (239 g/semaine). La consommation moyenne de charcuteries est de 27 g/jour soit 189 g par semaine, 239 g chez les hommes et 146 g chez les femmes.

Des différences socioéconomiques et régionales existent. La consommation de viandes rouges est plus importante chez les personnes ayant un faible niveau d’étude.

Controverses et Critiques

Dans cet article, elle s’intéresse aux conclusions du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) concernant les viandes rouges et transformées, un sujet qui suscite une vive controverse depuis 2015, année où le CIRC a livré les résultats de son évaluation. Pour étayer cette déclaration de 2015, le CIRC n’a publié qu’un résumé de deux pages de ses conclusions, dans la revue Lancet Oncology. Le groupe de travail n’ayant produit qu’un résumé de deux pages, son analyse n’a pas pu être vérifiée de manière indépendante à l’époque.

Plus surprenant encore, les conclusions du Lancet s’appuient fortement sur huit articles seulement, tous issus d’études épidémiologiques qui établissent un lien entre ce que les gens mangent, ou déclarent avoir mangé, et les cancers qu’ils développent plus tard dans leur vie.

Des dizaines d’articles avaient été rédigés et des politiques de lutte contre la viande rouge avaient été mises en place. D’après les entretiens menés avec sept membres du groupe de travail et des observateurs, des données importantes ont été purement et simplement exclues de la réflexion. Or, ces études exclues n’étaient pas mineures : elles comprenaient deux essais cliniques contrôlés et randomisés (ECR) qui réduisaient spécifiquement la viande rouge dans le cadre d’une série d’interventions diététiques visant à prévenir le cancer.

Plus troublant encore, comme l’a fait remarquer un participant, les nombreuses études épidémiologiques dont l’inclusion a été autorisée par le CIRC portaient également sur des centaines d’aliments autres que la viande. Il est donc juste de dire que le CIRC a appliqué deux poids, deux mesures, en privilégiant les données faibles par rapport aux données solides.

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