Le phénomène des cocottes est étudié à Nice dans les représentations de la femme à la Belle Époque à travers la littérature et la peinture. This phenomenon is studied at Nice among the exhibitions of women at the « Belle époque » through literature and painting.
La Femme Fatale dans la Littérature de l'Excès
Dans une littérature de l'excès, de l'exhibition et du voyeurisme, la femme idéale fin de siècle c'est la femme fatale, avatar décadent des Lilith, Dalila, Hérodiade ou Salomé. At the end of XIXth century into excess and scandal literature the ideal woman is a fatal woman, she is exhibited as a mortal peril. Avec la décadence latine déjà, où le pessimisme se teinte de mysticisme et où la quête du plaisir est désespérée, inséparable de la mort, la femme est à la fois le signe et la cause. Elle incarne la fatalité de l'empire de la chair et celle de la déchéance et de la mort.
Les Courtisanes Niçoises: Figures Clés des Romans
Dans certaines œuvres du tournant du siècle dont l’action se situe à Nice, les courtisanes jouent un rôle important. C’est selon les mots de Paul Margueritte dans son roman Jouir qui paraît en deux tomes à la fin de la Grande Guerre « une éclosion soudaine sur l'asphalte de femmes presque toujours jolies, parfois belles, et très jeunes qui attiraient l'attention à leur passage.» Certaines sont de banales locataires de maisons closes. On découvre avec Gabrielle Réval et Jean Lorrain, de vagues figures de « camp-volantes de la Riviera ».
Ce titre du roman de Réval qui paraît en 1908, même s’il ne se passe pas précisément à Nice, montre l'importance de ces femmes qu’elle qualifie de « pourriture des prostituées » : « C’étaient pour la plupart, écrit-elle, les grandes demi-mondaines d'Europe et d'Amérique, rivalisant entre elles de faste, d'appétit et de luxure. ». Elle fait aussi un terrible portrait des « anciennes ». Avec Margueritte dans Jouir une représentation qui se veut moralisatrice décrit les vieillards donnés en pâture aux jeunes femmes sans scrupules.
Le père Vulquin est « tombé, sans transition, sous l'emprise d'une petite roulure de café-concert, pareille à un caniche jaune ». Clotte est à l'affût d'un riche mariage avec un vieillard : « je ne veux épouser qu'un vieux » déclare-t-elle à Madeleine qui lui répond « l'avantage des vieux, c'est qu'ils ne font pas long feu ». Voilà résumées les intentions des jeunes femmes. Clotte cherche à attirer un comte d'un âge certain dont elle espère être rapidement la riche veuve sans doute joyeuse. Elle ne se contente pas d'argent, elle veut le mariage.
Margot: Un Degré Supplémentaire dans l'Image Romanesque
Un autre degré dans l'image romanesque de la femme fatale décrite toujours dans le contexte niçois est franchi avec le personnage de Margot, dans le Tome II de Jouir. Ce besoin de rendre l'image atemporelle se retrouve lorsqu'il évoque comme un spectacle de tous les temps la courtisane Aquilina chevauchant le vieux sénateur à quatre pattes dans La Venise Sauvée d'Ottway. La lubricité est au rendez-vous dans la scène où Soriaud se refuse à Margot, et Margueritte décrit longuement la danse lascive du tango, d'un rythme qui semblait selon ses propres termes un onanisme lent. La chute reste inévitable, et la morale sauve dans cet univers faussement bien pensant qui est celui de Margueritte et de ses contemporains.
Portraits Littéraires de Demi-Mondaines
C’est d'abord le transfert de la bien réelle Liane de Pougy en Viviane de Nalie dans Le Poison de la Riviera de Jean Lorrain dont l’action se situe à Nice et dans les environs. Elle a des caprices de diva, une chambre à coucher dont l’auteur fait une description ahurissante entre caverne d'Ali Baba et château de Mélusine, des amants en cascade, un luxe effréné et une grande pauvreté d'âme. C'est aussi le portrait de celle qu'on nomme la « reine des cocottes » dans Le Royaume de Printemps de Réval « grande demi-mondaine qui fait énormément de chichi ».
C’est Mme Anthos, Mimosa, décrite par les yeux naïfs de Rosette. Elle est présentée comme une jeune femme distinguée, bien faite. Elle joue gros jeu, est couverte de bijoux, de fourrures et d'aigrettes. Elle se dit princesse et s'invente une vie extraordinaire. Les demi-mondaines sont même parfois le personnage principal de certaines fictions littéraires.
Odette est l'exemple théâtral de la demi-mondaine vieillissante. Elle a mené une vie décousue à Vienne, du temps de sa jeunesse. C'était l'époque de son triomphe, elle avait des archiducs à ses pieds. Condamnée à vieillir dans la solitude et la pauvreté elle commence à expier sur cette terre ses péchés de chair. Mme Elzen dans le roman de Sienkiewicz séjourne au très huppé Hôtel de Paris de Monte-Carlo, au tout début du siècle. Elle est, selon les mots mêmes de l’auteur, « belle, riche et mondaine ».
Polonaise, elle vit séparée de son mari avec ses deux fils. Elle a trente cinq ans, ce qui pour l'époque n'est plus de première jeunesse pour une femme. Elle brille dans les dîners mondains et son passé à Varsovie reste douteux « pourtant toujours reçue par les femmes et ses salons recherchés par les hommes distingués ». Elle diffère en cela d'Odette que les honnêtes dames semblent ne pas reconnaître dans la rue pour ne pas la saluer. Le peintre Swirski la courtise mais on dit d'elle qu'elle a « quatre amants par année, un pour chaque saison ».
Elle a le cœur sec, aucun intérêt pour la vie intellectuelle, la littérature ou les beaux-arts. Elle est très différente là encore d'Odette. Mme Elzen est une « femme trompeuse et vaine », manifestant sous des apparences aristocratiques un fond vulgaire et frustre. En 1913 Colette donne dans L’Entrave une certaine épaisseur psychologique à son personnage de May qui se nomme dans la réalité Lily de Rême et qui partage le premier rôle avec la narratrice, Renée Nérée.
Colette la présente comme une jeune femme qui brûle la chandelle par les deux bouts et collectionne les amants dans une ambiance d’oisiveté. Elle affirme haut et fort :« On déjeune quand on veut, on pieute quand on veut, et l’heure c’est pour les larbins et les chefs de gare » Elle se place ainsi dans le camp des nantis. Colette remarque que les May sont légion et animent les hôtels et les lieux de mondanité. Elle est décrite comme une force tourbillonnante qui influence la narratrice pour mener une vie vouée aux apparences : « Elle m’a appris qu’on peut dîner sans faim, parler sans rien dire, rire par habitude, boire par respect humain, et vivre auprès d’un homme dans la plus servile condition, avec toutes les apparences d’une indépendance effrénée. »
May vit dans un univers limité au vocabulaire restreint ce qui ne semble pas la gêner mais manifeste le caractère superficiel et inutile de sa vie. Le thème de la débauche dans une image de la ville de Nice axée sur les mœurs moralement très discutables de ses hivernants s’illustre surtout dans les nouvelles de Jean Lorrain au regard singulier et marginal d’inspiration décadente.
Mariska Zisco n'est qu'un portrait furtif. On dit d'elle qu'elle est juive, hongroise ou tzigane, encore une aristocrate étrangère, slave divorcée, comme Mme Elzen et Vera. C'était moins une courtisane qu'une aventurière cosmopolite. Elle drainait Berlin, Vienne, les villes d'eaux comme Odette. Effrénée dépensière, elle vivait pour la galerie. Elle a une spécificité, elle danse comme une damnée.
La princesse Vera ruinée, plus toute jeune mais encore jolie, bas-bleu et philosophe, est décrite comme la dernière des aventurières, une vraie roulure de villes d'eaux. Elle exerce le dur métier de plaire. L'expression en cours à Nice à son sujet est qu'elle ressemblait à un portrait, car elle apparaît dans des tenues extravagantes de Muse de la Malmaison. L'argent et les hommes lui ont toujours filé entre les doigts. Elle donne une image décadente. Elle a été offerte nue, sur un plateau d'argent porté par des domestiques, au cours d'un souper à la Trimalcion, avec des perles fines aux endroits intéressants. Comme les autres courtisanes, elles est aujourd'hui, une triste aventurière à la beauté finie. C'est elle qui se fait l'organisatrice des orgies du prince Noronsoff, dont elle est la favorite.
La présence des demi-mondaines est donc semble-t-il beaucoup plus nette dans les romans que sur scène même si les deux seules oeuvres, la pièce de théâtre de Sardou, Odette et la revue de Paze, Oh niçois qui mal y pense qu’il nous a été donné de consulter ne permettent pas de statistique. Elles sont un thème récurrent des romans de cette fin de siècle qui ont Nice pour cadre, romans moralisateurs réalistes à la manière de Margueritte ou de Theuriet ou plutôt inscrits dans la mouvance décadente, à la manière de Lorrain. Le regard des femmes écrivains Colette ou de Réval n’est pas plus indulgent mais seulement plus tardivement exprimé. La grande différence réside dans la dimension humaine que les femmes leur ajoutent.
Représentations Picturales: La Couleur Rousse et l'Art de Toulouse-Lautrec et Chéret
Le roux, une couleur de cheveux qui n’est pas soulignée dans les descriptions littéraires semble en revanche une constante des portraits picturaux de demi-mondaine. Ce n’est guère étonnant ni spécifique à Nice. Cette teinte fascine les artistes parisiens de la fin du XIX°siècle. C’est pour l’essentiel à des femmes modestes que s’associe volontiers la couleur. Les repasseuses de Degas par exemple sont souvent rousses. Mais surtout, la teinte est liée dans l’imaginaire bourgeois aux femmes de mauvaise vie.
Toulouse-Lautrec fait de nombreuses affiches avec la vedette de music-hall Jeanne Avril qui offrent dans une magistrale simplification influencée par les estampes japonaises une harmonie très nouvelle, d’oranger et de jaunes purs. En voici un bel exemple avec cette célèbrissime lithographie intitulée Divan Japonais datée de 1892-93. Elle est directement inspirée du tableau de Degas l’orchestre de l’Opéra : avec un même cadrage avant-gardiste qui coupe la tête des artistes, ici Yvette Guilbert reconnaissable à ses seuls gants noirs. Au premier plan les deux spectateurs Jane Avril dont la chevelure flamboyante explose littéralement en compagnie du critique Edouard Dujardin.
Beaucoup plus significative encore, dans une alliance plus originale de couleur d’absinthe et de chevelure rousse, dans l’ambiance encanaillée des cabarets parisiens, une huile sur toile de 1892 de Lautrec toujours intitulée « Au Moulin Rouge », dont voici un détail. Toulouse Lautrec chantre de la couleur forte et du contraste appuyé peint cette belle rousse en noir, Carmen Gaudin qui n’était pas un modèle professionnel.
Jules Chéret fut plusieurs fois inspiré par Arlette Dorgère artiste du Casino de Paris. Il en fait ce portrait en 1904 dans un pastel sur toile. La pose altière et désinvolte n’a plus rien à voir avec celle des filles rousses plus vulgaires que peint Lautrec. Le ton est donné par le bleu qui remplace le vert ; on troque une couleur froide pour une autre et l’ambiance en est changée : le bleu du fond ici évoque le bleu d’un ciel qui met en valeur l’aspect solaire de la femme.
On ne s’encanaille pas dans cette imagerie méridionale comme dans celle des cafés-concerts parisiens chers à Lautrec. Chéret qui évoque selon le critique d'art Camille Mauclair, Tiepolo ou Watteau est aussi ce peintre décorateur, inclassable parfois qui renvoie au symbolisme avec cette image de femme fatale, type féminin à la fois immatériel et envoûtant.
Chéret évoque un univers festif complètement artificiel aux personnages aériens et imaginaires, Pierrot, Colombine, Arlequin, le Masque, qui font penser à la fête baroque italienne et même vénitienne et à un univers mental riche en couleurs pétillantes. C’est ainsi que la villégiature devait apparaître aux hivernants nantis de la Belle Epoque. On notera la constante du chapeau jaune qui prolonge en le nuançant le roux flamboyant de la chevelure. On est loin des utilisations du jaune par Lautrec !
Cette vision de la femme s’exprime à Nice dans les décorations de la Préfecture de Nice, commande du préfet de Joly que Chéret achève en 1907. On peut voir ici Carnaval brûlé en effigie pastel sur toile. On est avec ces trois personnages Polichinelle Pierrot et Colombine de même origine dans une imagerie poétique décalée dans la tradition d’une commedia delle arte italienne de la fête de rue. Leriche, auteur de la décoration de la salle de bal de la Préfecture réalisée entre 1892 et 1896, peint sur les murs le thème de la danse sous forme de toiles marouflées en quatre visions bucoliques et quatre mondaines.
Conclusion
A Nice donc dans les représentations de la femme à la Belle Epoque se retrouvent deux aspects principaux qui marquent le divorce entre les regards littéraires et picturaux portés sur le sujet. C’est d’abord une image décadente post-baudelairienne dans laquelle la demi-mondaine, la femme de petite vertu et la vedette de music-hall illustrent la débauche triomphante. Ce regard est présent dans les œuvres littéraires quelles soient réalistes ou symbolistes voire décadentes. Ensuite c’est une autre vision, picturale celle-là, qu’illustre la décoration de la Préfecture avec surtout la cherette sur fond de Carnaval.
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