Sirop de Glucose-Fructose : Composition, Utilisation et Effets sur la Santé

Le fructose est une substance qui tient une part importante dans notre alimentation actuelle, notamment celle issue de l'industrie alimentaire (boissons sucrées, pâtisseries...). La consommation de fructose fait aujourd’hui l’objet d’une controverse en ce qui concerne ses effets sur la santé. Cet article présente un état des connaissances relatives aux effets du fructose sur le métabolisme humain.

Sources et Pouvoir Sucrant

On trouve ce sucre dans des aliments bruts, comme les fruits (7 g de fructose dans 100 g de pomme) ou le miel (39 g de fructose et 31 g de glucose dans 100 g de miel), leurs produits dérivés comme les jus, les confitures ou les sirops, mais aussi sous forme d’ajouts dans les produits alimentaires transformés. Le fructose a un pouvoir sucrant relatif d’environ 1,3. Il est supérieur à celui du saccharose, qui compose le sucre en poudre ou en morceaux, et qui correspond au standard de 1. Le glucose, quant à lui, a un pouvoir sucrant plus faible, de 0,7.

Utilisation Industrielle du Sirop de Glucose-Fructose

Le fructose est également utilisé dans les préparations alimentaires industrielles pour ses propriétés physico-chimiques. Ces sirops, ou HFCS (high fructose corn syrup) ont été développés aux États-Unis dans les années 1960. L’amidon extrait du maïs est hydrolysé en glucose par l’α-amylase, qui coupe les chaînes d’amidon en oligosaccharides, et la glucoamylase, qui découpe ces petites chaînes en molécules de glucose. Aux États-Unis, les teneurs en fructose des HFCS sont de 42 % (HFCS 42) ou 55 % (HFCS 55).

Historique de l'Utilisation des Édulcorants

C’est le miel, qui, le premier, a été utilisé comme édulcorant. La canne à sucre était connue dès la préhistoire en Asie et a ensuite voyagé avec l’Homme, notamment aux Antilles et en Amérique du Sud, au XVe siècle, lorsque le sucre devint une denrée coloniale à l’origine du commerce triangulaire. Initialement utilisé pour sucrer des boissons (café et thé), ce sucre fut introduit dans les préparations culinaires et sa consommation augmenta considérablement (de 1 500 % en Angleterre entre le XVIIIe et XIXe siècle). Aux Etats-Unis elle était de 90 g par jour et par personne en 1970. La consommation de saccharose commença à baisser dans les années 1970, alors que celle des HFCS augmentait.

Apport en Fructose dans l'Alimentation

En France l’apport en fructose moyen par personne est estimé à 42 g par jour. À partir d’une consommation moyenne en glucides simples de 100 g par jour, chez l’adulte, de laquelle on déduit 10 g de lactose, on considère que 50 % du sucre, soit 45 g, est naturellement présent dans les aliments et 50 %, soit 45 g également, correspond à des sucres ajoutés. Le sucre naturellement présent est estimé renfermer 50 % de fructose, soit 22 g. Le sucre ajouté est, pour 80 %, du saccharose, dont la moitié est du fructose, soit 18 g, et pour 20 % du sirop de glucose-fructose dont 20 % est du fructose, soit 2 g. La consommation de fructose se répartit en : 22 g présents dans les fruits et le miel, 18 g provenant du saccharose et 2 g provenant des sirops de glucose-fructose ajoutés industriellement aux aliments.

Métabolisme du Fructose

Fructose et glucose sont deux isomères : ces molécules ont la même formule brute, C6H12O6, mais présentent des configurations spatiales différentes. Le fructose est transporté dans l’entérocyte par diffusion facilitée à travers la membrane apicale, grâce à un transporteur spécifique du fructose, GLUT5. Une fois dans l’entérocyte, le fructose passe par diffusion facilitée vers les capillaires sanguins grâce à un autre transporteur, GLUT2. Comparée à celle du glucose, l’absorption intestinale du fructose apparaît relativement limitée, et est influencée par de nombreux facteurs. Une fois dans l’entérocyte, le fructose est en partie converti en lactate qui passe dans le sang portal. Après son absorption par l’intestin, le fructose présent dans le sang portal est entièrement prélevé par le foie en un seul passage. Les personnes déficientes en cette enzyme présentent du fructose dans les urines (fructosurie), indiquant qu’aucun autre organe que le foie n’intervient de façon notable dans le métabolisme du fructose. Après une ingestion de fructose on ne note qu’une très faible augmentation de sa concentration dans la circulation générale (quelques micromoles par litre).

Si le fructose et le glucose entrent dans l’hépatocyte grâce aux mêmes transporteurs GLUT2, la suite de leur métabolisme diffère totalement, car ils sont alors pris en charge par des enzymes spécifiques différentes. Le glucose-6-P est ensuite transformé en fructose-6-P, lequel est métabolisé en fructose-1,6-biP (fructose-1,6-biphosphate) par la phosphofructokinase, puis clivé en deux trioses-phosphates, dont l’un, le glycéraldéhyde-3-P, donnera le pyruvate, source d’acétyl-coA (et de citrate) et donc, via le cycle de Krebs et la chaîne respiratoire, d’ATP. La transformation du fructose en trioses-phosphates se produit indépendamment de l’insuline et se produit rapidement, à la fois grâce à la grande affinité de la fructokinase pour le fructose et à l’absence de rétrocontrôle négatif. Une partie des trioses-phosphates provenant du fructose est transformée en pyruvate et entre dans le cycle de Krebs, une autre partie est transformée en lactate. Il est à noter que la forte teneur en fructose-1P dans l’hépatocyte, qui suit une ingestion de fructose, peut agir sur le taux de glucose hépatique.

En effet le fructose-1P est un antagoniste d’une protéine régulant la glucokinase, enzyme qui catalyse la transformation du glucose en glucose-6P mais est également impliquée dans l’inhibition du relargage de glucose dans le sang, en cas d’hyperglycémie dans le sang portal. Ainsi activée par cette inhibition de sa protéine inhibitrice, la glucokinase retient davantage de glucose dans l’hépatocyte. Chez le sujet sain, après une ingestion de fructose, les taux plasmatiques de glucose et d’insuline ne changent que faiblement et le taux de fructose s’élève de 50 à 500 micromoles par litre de sang. Les études ayant utilisé du fructose marqué avec du 13C indiquent que la quasi-totalité d’une charge orale de fructose (1,33 mmol.kg-1.h-1 pendant 3 h) est métabolisée au niveau splanchnique (dans le foie essentiellement mais aussi l’intestin). Environ 50 % passent dans la circulation sanguine sous forme de glucose, 25 % sous forme de lactate et environ 15 % sont stockés sous forme de glycogène hépatique.

Effets Métaboliques du Fructose

Des données in vitro ont montré que le lactate (plutôt que les trioses-phosphates) est un précurseur lipogénique et que l’activation de la pyruvate-deshydrogénase par un régime riche en fructose est une étape essentielle de cette lipogénèse. On note aussi, dans le sang circulant, une disparition des acides gras non estérifiés, ce qui indique une inhibition de la lipolyse dans le tissu adipeux. L’administration de fructose, comme de glucose, augmente la dépense énergétique mais l’effet thermique du fructose est plus élevé que celui dû au glucose, qu’il s’agisse de fructose seul ou de fructose ajouté à un repas.

Index Glycémique et Thermogenèse

Au cours des deux dernières décennies, de nombreuses études ont démontré une relation entre, d’une part, une consommation élevée d’aliments riches en glucides à haut index glycémique (ou IG) ou une forte charge glycémique (CG=IG x quantité de glucides) et, d’autre part, le risque de diabète, d’obésité et de maladies cardiovasculaires. L’index glycémique du fructose est très bas comparé à celui du glucose. L’IG ou index glycémique est une mesure qui évalue le taux d’absorption du glucose contenu dans les aliments. Pour le mesurer on donne à une personne un aliment contenant 50 g de glucides et on mesure sa glycémie toutes les demi-heures pendant 3 h. La courbe de glycémie est alors comparée à celle obtenue avec un aliment de référence, généralement du glucose ou du pain blanc. Il existe une forte variabilité individuelle et cet IG dépend également du mode de préparation de l’aliment (cuisson, mise en purée, etc). L’augmentation de la thermogenèse due au fructose chez un sujet diabétique est la même que chez un sujet sain alors que celle qui suit l’ingestion de glucose est affaiblie.

Fructose et Performances Sportives

Les boissons énergétiques ont pour but d’éviter une baisse de glycémie et d’amener un supplément de glucose aux muscles fournissant un effort. Dans le cas d’un apport exogène de glucose seul, administré sous forme de boisson, le métabolisme musculaire du glucose ne dépasse pas 1,1 g/min, vraisemblablement à cause de la saturation des transporteurs au niveau intestinal. Mais si la boisson contient un mélange de glucose et fructose, l’oxydation des glucides par l’organisme peut augmenter de 40 %, ceci étant dû à la mise en jeu de transports et de métabolismes différents pour ces deux oses, hépatique pour le fructose et musculaire pour le glucose.

Effets sur l'Appétit et la Satiété

Par ailleurs, si les effets du fructose sur l’appétit restent controversés, celui-ci entraînerait une sensation de satiété inférieure à celle fournie par le glucose, notamment parce qu’il a un faible index glycémique et que l’hyperglycémie joue normalement un effet important dans la sensation de satiété. De plus, après une ingestion de plats contenant du fructose, la diminution du taux de ghréline, une hormone responsable d’une stimulation de l’appétit, est moins forte qu’après ingestion de glucose. L’élévation du taux de leptine (« hormone de la satiété ») est également moins forte. Le fructose serait donc moins efficace que le glucose pour arrêter la prise d’aliments. Il a même été montré que l’absorption de fortes quantités de fructose chez le rat entraînait une résistance hépatique à la leptine. Or comme cette hormone entraîne normalement un catabolisme des graisses hépatiques, l’ingestion de quantités importantes de fructose favorise la stéatose hépatique (voir plus loin).

Conséquences d'une Consommation Excessive de Fructose

Impact sur les Lipides Sanguins et la Stéatose Hépatique

Chez le sujet sain et le sujet diabétique, un régime riche en fructose, pendant plus d’une semaine, entraîne une augmentation du taux de triglycérides totaux et sous forme de VLDL. Cela s’explique par la forte synthèse de trioses-phosphates, précurseurs d’acides gras, qu’induit le fructose. Par ailleurs, ce sucre stimule l’expression du facteur de transcription SREBP-1c, inducteur de l’expression d’enzymes de la lipogénèse dans le foie (effet indépendant de l’insulinémie). Au-delà de ces modifications des taux de lipides sanguins, le fructose provoque le dépôt de graisses ectopiques, c’est-à-dire en dehors des adipocytes, notamment dans le foie (stéatose hépatique) et les muscles. Chez le rat, cet effet d’un régime riche en fructose est visible en une semaine.

Résistance à l'Insuline et Stress Hépatique

Chez l’homme, depuis les années 1960, on sait que la résistance à l’insuline est liée à une dyslipidémie. Les sujets résistants à l’insuline présentent des dépôts ectopiques de lipides qui peuvent fournir des dérivés métaboliques toxiques (diacyl-glycérol, acides gras-acylCoA, céramides) responsables d’une modification de la signalisation intracellulaire de l’insuline. Il a également été montré que le fructose entraîne, dans l’hépatocyte du rat, une réponse de stress impliquant l’activation de la kinase JNK.

Hyperuricémie et Hypertension

Une hyperuricémie est directement liée à l’apparition de maladies comme la goutte ou les calculs rénaux. Il a souvent été noté, dans des études portant sur des régimes riches en fructose, une élévation du taux d’acide urique dans le sang. Des études chez l’animal ont montré qu’un régime riche en fructose entraîne le développement d’une hypertension. Différents mécanismes ont été invoqués pour l’expliquer : l’insulinorésistance et l’hyperinsulinémie qui s’ensuit, une augmentation de l’activité du système nerveux orthosympathique possiblement lié à une hyperinsulinémie, tout comme une augmentation de la réabsorption de sodium par le rein (chez le rat une alimentation riche en fructose augmente la production des transporteurs du sodium et du chlore).

Une analyse portant sur 4500 personnes consommant spontanément une quantité importante de fructose (de l’ordre de 75 g de fructose par jour, équivalent à deux canettes et demi de soda) a montré une relation avec une valeur moyenne élevée de la pression sanguine. Cependant, dans une étude interventionnelle consistant, chez l’homme sain, en une suralimentation de 30 % des apports énergétiques sous forme de fructose, il n’a pas été observé d’hypertension. Une supplémentation de 30 % des besoins énergétiques, apportée sous forme de glucose ou fructose, à des femmes en surpoids, a abouti à la même prise de poids.

Syndrome Métabolique et Maladies Cardiovasculaires

Dès 2007, l’étude épidémiologique « Framingham Heart Study », réalisée sur plus de 6000 personnes, montrait que la consommation de plus d’une canette de boisson sucrée par jour était significativement associée à la prévalence (nombre de cas existants) du syndrome métabolique. Dans une étude suisse effectuée sur 74 enfants âgés de 6 à 14 ans, il a été montré que les enfants en surpoids avait un apport en fructose similaire à celui d’enfants de poids normal mais consommaient un pourcentage plus élevé de bonbons et de boisson sucrées. La relation entre prise de boissons sucrées et maladies coronaires a finalement été démontrée par l’étude Nurse Health Study portant sur 88 520 femmes, une grande partie de la relation reposant sur l’influence de la masse corporelle. Des études interventionnelles à court terme suggèrent néanmoins que des apports importants de fructose, sous forme de boissons sucrées, de jus ou de pâtisseries peuvent augmenter le risque de développer ce type de maladie.

Alternatives et Recommandations

Pour éviter le sirop de glucose-fructose, il est essentiel de lire attentivement les étiquettes des produits et de privilégier des alternatives plus naturelles. Le miel est une solution naturelle et nutritive. Consommer des fruits frais est le moyen idéal d’apporter à votre corps du fructose naturellement accompagné de fibres, de vitamines et de minéraux. Contrairement au sirop de glucose-fructose, le fructose contenu dans les fruits est associé à des fibres qui régulent son absorption. De plus, les fruits apportent des antioxydants, essentiels pour lutter contre le stress oxydatif et réduire les risques de maladies chroniques.

Tableau Comparatif : Glucose vs Fructose

Caractéristique Glucose Fructose
Pouvoir sucrant 0.7 1.3
Métabolisme Peut être métabolisé par toutes les cellules Presque exclusivement métabolisé par le foie
Impact sur l'insuline Stimule la sécrétion d'insuline Stimule faiblement la sécrétion d'insuline
Effet sur la satiété Augmente la sensation de satiété Moins efficace pour induire la satiété

TAG: #Sirop

En savoir plus sur le sujet: