Comment ne pas commencer l’année avec ce classique indémodable du Père Castor qui fête ses 75 ans ! Durant tout le mois de janvier où les galettes ont été reines, celle de cette histoire se distingue par son absence de saisonnalité et sa longévité.
Un Conte Intergénérationnel
Tous les mois de l’année, "Roule Galette" a la cote auprès des tout-petits et ça dure depuis trois quarts de siècles ! De quoi réunir plusieurs générations, bercées par la ritournelle audacieuse et téméraire de la galette en question, autour de cette lecture patrimoniale, adaptée d’un contre traditionnel russe.
L'Histoire de la Galette Fugitive
En 1950, deux vieux paysans vivent au bord de la forêt. L'un lit son journal, quand tout à coup, il dit : '- J’aimerais bien manger une galette - Je pourrais t’en faire une !" répond la vieille. Si seulement j’avais de la farine. - On va bien en trouver un peu. Monte au grenier, balaie le plancher, tu trouveras sûrement des grains de blé..."
Roule Galette met en scène un vieux et une vieille sans farine mais avec des idées. Quelques miettes de blé balayées sur le plancher du grenier suffisent pour que la vieille les transforme en farine et la farine en galette tandis que le vieux continue à lire son journal, contexte des années 1950 oblige. Comme la galette est trop chaude, le vieux suggère de la mettre à refroidir. La vieille pose la galette sur le rebord de la fenêtre et c’est là que tout arrive. Car la galette s’ennuie… et préfère courir !
Avec toute l’agilité qu’une galette peut convoquer, elle se laisse glisser au sol et se met à rouler, rouler, rouler… Et c’est parti pour un conte-randonnée chanté et ponctué de rencontres animalières. Et commence la randonnée de la galette, avec des rencontres successives. La galette use de tout son charme sucré et de sa petite chanson pour appâter le lapin, le loup et l’ours mais se garde bien de se laisser attraper. Même face à l’ours, elle se carapate à temps vers l’extrémité de la page de droite pour tomber nez à nez avec le renard…
D’abord avec un lapin : "Galette, galette, je vais te manger !" Elle lui répond : "Ecoute plutôt ma petite chanson : « Je suis la galette, la galette,Je suis faite avec le blé ramassé dans le grenier.On m’a mise à refroidir,Mais j’ai mieux aimé courir !Attrape-moi si tu peux ! » Puis le loup gris : "Hou, hou, Galette, galette, je vais te manger... Elle ressort sa chanson digne de The Voice avant de se sauver plus vite que le loup. Puis vient un gros ours. Et elle se sauve : "Attrape-moi si tu peux !"
La Rencontre Fatale avec le Renard
Or, tout le monde le sait, le renard est rusé depuis des siècles (même avant J.-C si l’on remonte aux fables d’Ésope) mais la galette, elle, l’ignore. Elle a échappé à leur convoitise. Mais voilà qu’elle rencontre le renard et là, on change de registre "Comme tu es ronde et belle … "
Le canidé flatte la miss qui oublie de se méfier lorsque le fourbe renard prétexte de ne pas l’entendre… Et HAM ! Ce qui devait arriver arriva. À vouloir jouer les divas sur le nez du renard, celui-ci n’en a fait qu’une bouchée. Après tout, n’est-ce pas la finalité d’une galette que d’être avalée ?
Faraude, sensible aux compliments, elle aime ses paroles enjôleuses, elle chante sa chanson. "- Rapproche-toi, ma belle … Oui, plus près … Je suis vieux et sourd, que chantes-tu ? Rapproche-toi encore !" Flattée, elle saute sur le nez de son nouveau groupie, le goupil:« Je suis la galette, la galette,Je suis faite avec le blé … Et grouitch !! Plus de son, plus d’image, il la croque, avalée tout rond. Fin de l’histoire !
Pourquoi (Re)lire ce Classique Jeunesse ?
Nulle morale à tirer de notre affaire, une galette est faite pour se faire boulotter. Elle a vécu une aventure avant l’issue finale. Le plaisir du texte et des images sont largement suffisants. Les dessins sont intemporels, même s'il traîne un fourneau à bois dans la cuisine. Le dessinateur Pierre Belvès avait une jolie façon de styliser les choses, les images restent assez contemporaines.
Les images sont cadrées dans des sortes de grands médaillons. Chaque rencontre avec un animal fait l’objet de deux doubles pages. Sur la première page de gauche, l’animal voit la galette et dit qu’il va la manger, puis sur la page d’en face, la galette file vers la droite. Un conte qui met en garde contre les séducteurs qui usent de la flatterie pour arriver à leur fin. C’est surtout une jolie ritournelle que l’enfant répète avec bonheur.
Un Succès Incontestable
Deux millions d’exemplaires ont été vendus depuis 1950 ce qui représente 50 000 livres chaque année !
Période | Nombre d'exemplaires vendus |
---|---|
Depuis 1950 | 2 millions |
Chaque année | 50 000 |
Ce qui est sûr, c’est que la ritournelle fait toujours son effet et s’ancre dans toutes les têtes pour une durée indéterminée. Quant à la chute, elle fait très souvent sursauter les enfants en apnée… Ce qui ne les empêche de réclamer : « encore, encore ! ».
L'Héritage du Père Castor
Les albums du Père Castor se transmettent de générations en générations. C'est grâce à ce rapport texte/image fort. Ces deux langages se parlent. La façon dont la narration de l’image est amenée renforce la portée émotionnelle du texte.
Tout le monde a lu ces petits livres cartonnés créés en 1931 par Paul Fauché. On ne le sait pas toujours, mais les éditions du Père Castor sont à l’origine des livres de jeunesse que l'on connaît aujourd'hui. L'éditeur faisait partie du mouvement d’éducation nouvelle, une sorte "d’auto pédagogie" qui voulait que l’enfant soit actif dans l’apprentissage de sa lecture. Il crée donc des livres pour qu'ils soient lus non par les parents, mais par les enfants eux-mêmes. Son idée forte ? Offrir aux enfants des lectures belles, intelligentes, éducatives, mais sans moralisme. Les albums devaient être des histoires sans lourdeur démonstrative. Il n'étaient pas chers, cartonnés, souvent reliés avec deux agrafes. C'était de la lecture novatrice bon marché, donc pour tous. En France, même s'il existait déjà des livres de jeunesse, ce fut un vrai décollage.
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