On sait que l'interdiction de manger du porc est un point commun entre le judaïsme et l'Islam, ce qui n'est pas le cas dans la religion chrétienne. Chers fidèles, en tant que rédacteur pour le blog « église roanne », je me penche aujourd’hui sur une question qui suscite souvent la curiosité : pourquoi les chrétiens mangent du porc.
Le Porc dans la Bible : Ancien et Nouveau Testament
Dans l'Ancien Testament, l'interdiction de manger du porc (Lévitique 11.7 ; Deutéronome 14.8), fait partie de la Loi mosaïque. Pour les Juifs, cette interdiction est fondée sur deux passages de l’Ancien Testament :
- Livre du Lévitique 11:7-8 « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. Vous ne mangerez pas de leur chair, et vous ne toucherez pas leurs corps morts : vous les regarderez comme impurs. »
- Livre du Deutéronome 14:8 : « Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue, mais qui ne rumine pas : vous le regarderez comme impur. »
Toutefois, Jésus a enseigné que la vraie sainteté aux yeux de Dieu va bien au-delà du contenu de son assiette, qu’elle concerne les desseins secrets de nos cœurs, et non ce qu’on mange ou ne mange pas. « Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui le souille.
Le Nouveau Testament, en particulier les écrits de Saint Paul, affirme que nous, chrétiens, ne sommes plus sous la Loi mosaïque et ses prescriptions cérémonielles. Il est crucial de comprendre que l’interdiction du porc dans l’Ancien Testament faisait partie des lois cérémonielles, distinctes des lois morales comme les Dix Commandements. Cette parole profonde a été interprétée comme une levée des restrictions alimentaires de l’Ancien Testament. En effet, Jésus nous invite à nous concentrer sur la pureté du cœur plutôt que sur des interdits alimentaires.
La bible précise bien que « le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit » (Romains 14:17).
L'Histoire et la Perception du Porc
L’histoire de la consommation du porc dans le christianisme est passionnante. Elle reflète l’évolution de notre compréhension théologique et de nos pratiques religieuses au fil des siècles. Il est fondamental de noter que le porc avait une mauvaise réputation dans l’Égypte ancienne, associé à des mythes négatifs. Cette perception a pu influencer les interdits alimentaires dans la région.
D’où vient à l’origine l’interdiction de manger du porc ? La consommation de la viande de cochon est proscrite dans plusieurs religions, notamment chez les musulmans, les juifs et les chrétiens d’Éthiopie. Mais pourquoi a-t-on à un moment de l’histoire décrété que cette viande était impure ?
Pendant longtemps, on a cru que les religions avaient interdit la consommation du cochon pour une raison sanitaire. Sa viande se conserve mal dans la chaleur et surtout, elle peut donner des parasites et des maladies lorsqu’elle est mal cuite. Mais en réalité, on n’en savait pas grand-chose dans l’Antiquité.
Les humains ont commencé à élever et à manger du porc il y a environ 9 000 ans. Pour les premières communautés sédentarisées, cette viande est une source de protéines facile d’accès. Le cochon produit beaucoup de graisse, sa viande peut se conserver et surtout, les cochons ont un cycle de croissance et de reproduction très rapide.
Le Porc au Moyen Âge : Entre Consommation Essentielle et Mauvaise Réputation
Pourtant, au Moyen Âge, le cochon occupait une place essentielle dans la consommation de viande. À cette époque, en effet, très peu de paysans élevaient des bovins pour la nourriture, car on les utilisait surtout pour les labours et la fumure des champs. Le porc était apprécié, car il était facile à nourrir. Mais cet avantage était aussi la cause des tabous concernant un animal qui n'hésitait pas à absorber des charognes, voire des excréments mélangés à du son.
La sale réputation du cochon était aggravée par les troubles qu'il provoquait dans son environnement. Les paysans se plaignaient des dégâts qu'il causait dans les forêts, en cherchant des faines sous les hêtres ou des glands sous les chênes. En ville, les porcs répandaient dans les rues les ordures qu'ils n'avaient pas pu avaler, allant même jusqu'à perturber les cimetières.
L'historien Michel Pastoureau raconte qu'au début du 13e siècle, Philippe Auguste dût construire un mur suffisamment haut, autour du cimetière des Innocents à Paris, pour empêcher les porcs d’aller y déterrer les cadavres. Ces animaux étaient aussi la cause de nombreux accidents.
En 1131, un cochon vagabond heurta le cheval du prince Philippe, le fils aîné du roi de France Louis VI le Gros. Philippe décéda à la suite de ses blessures. Pour éviter la répétition de ces événements tragiques, dès la fin du 12e siècle, toutes les villes d’Europe prirent des mesures pour limiter, ou pour interdire, la circulation des porcs dans les rues.
Le Porc et l'Église : Refus de l'Interdit Alimentaire Absolu
Malgré toutes ces références négatives, la consommation du porc n'a jamais été interdite par l'Église, car elle repose sur une doctrine et des pratiques caractérisées par le refus de tout interdit alimentaire absolu. La consommation du porc est même devenue, au fil du temps, une dimension importante de l’identité chrétienne par opposition aux autres religions.
À l’époque moderne, lorsque les chrétiens d’origine juive ou musulmane furent soupçonnés d'être restés secrètement fidèles à leur religion antérieure, l’Inquisition fit même de l'interdit concernant la consommation du porc un critère pour repérer les déviances.
Le christianisme met l’accent sur la pureté du cœur plutôt que sur les interdits alimentaires. Cette approche nous invite à une spiritualité plus intérieure, où nos actes et nos intentions priment sur des règles extérieures.
Le Porc dans d'Autres Religions : Judaïsme et Islam
« Les musulmans ne mangent pas de porc parce que le Coran l’interdit à cinq reprises», explique Önder Günes, porte-parole de la Fédération d’organisations islamiques de Suisse (FOIS). Le verset 173 de la sourate 2 est particulièrement clair à ce sujet: « Certes, il vous est interdit la chair d’une bête morte, le sang, la viande de porc et ce sur quoi on a invoqué un autre qu’Allah ».
Pour les Musulmans l’interdit de manger du porc est selon Malek Chebel le plus massif et le plus ancien. « Les animaux morts, le sang, la chair du porc, tout ce qui a été tué sous l’invocation d’un autre nom que celui d ‘Allah, les animaux suffoqués, assommés, tués par quelque chute ou d’un coup de corne ; ceux qui ont été entamés par une bête féroce, à moins que vous ne les ayez purifiés par une saignée ; ce qui a été immolé aux autels des idoles ; tout cela vous est défendu. (…)» (Sourate 5 La table servie (Al-Maidah), verset 3).
Cependant un autre verset (XVI, 115) introduit une exception à cet interdit : « Il vous a été interdit la bête morte, le sang, la chair du porc et tout ce qui a été immolé à un autre Dieu qu’Allah.
Conclusion
Au final, la consommation de porc chez les chrétiens s’inscrit dans une longue histoire théologique et culturelle. Elle reflète notre compréhension de la Nouvelle Alliance et de l’enseignement du Christ sur la pureté spirituelle.
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