Implantation d'un Cœur de Porc : Informations et Perspectives

Pour la première fois au monde, un patient a été greffé d'un cœur de porc génétiquement modifié. Opéré le 7 janvier dernier au Centre Médical de l'Université de Maryland (Baltimore, États-Unis), David Bennett se remet petit à petit de son opération.

Une avancée majeure dans le domaine de la transplantation

L'annonce a été faite lundi soir par l'école de médecine de l'université du Maryland. "C'est une avancée majeure dans le domaine de la transplantation", a salué ce mardi sur France Inter le docteur Julien Guihaire, chirurgien cardiaque à l'hôpital Marie Lannelongue, dans les Hauts-de-Seine. Des chirurgiens américains ont réussi à greffer sur un patient, un cœur issu d'un porc génétiquement modifié.

La xénotransplantation : une solution face à la pénurie d'organes

Les transplantations d’organes d’animaux sur des humains, appelées xénogreffes, pourraient offrir une solution à la pénurie chronique de dons d’organes. Plus de 100.000 Américains sont actuellement sur liste d’attente pour une greffe.

La xénotransplantation (transplantation d'organe d'une espèce à une autre) se présentait comme la seule option possible pour sauver la vie de David, qui souffrait d'arythmie cardiaque. Peu enclin à suivre les recommandations des médecins, ce patient n'aurait pas survécu à une greffe de coeur humain, qui requiert une discipline de santé sévère pour éviter tout rejet.

Comment l'opération a-t-elle été rendue possible ?

Le porc « donneur » n’est pas un banal porc : il s’agit d’un animal génétiquement modifié à ces fins. « 10 modifications génétiques uniques effectuées chez le porc donneur », résume l’école de médecine de l’université du Maryland. Ainsi, trois gènes habituellement responsables du rejet rapide des organes de porc par l’organisme humain ont été « supprimés » de l’animal et remplacés par six gènes humains qui doivent aider à « l’acceptation immunitaire » de l’organe animal par l’homme. Un des gènes a également été supprimé « pour empêcher une croissance excessive du tissu cardiaque du porc ».

Au moyen de la technique CRISPR-Cas9 (voir le Dossier de l'IEB sur cette technique), dix gènes du porc ont subi une modification génétique avant la transplantation : quatre d'entre eux furent inactivés, dont un pour limiter la croissance du coeur et 3 pour éviter une réaction de rejet chez l'homme, et six gènes humains ont été insérés dans le génome du porc pour faciliter la compatibilité entre l'organe et le corps du receveur.

Le porc en question, âgé d'un an, provenait d'une entreprise située en Virginie : Revivicor. C'est à ce jour la seule entreprise à élever des porcs de qualité clinique, dans un établissement de type médical. C'est à ce jour la seule entreprise à élever des porcs de qualité clinique, dans un établissement de type médical. Le processus s'avère d'ailleurs très coûteux. Revivicor espère à plus long terme pouvoir offrir des centaines d'organes porcins par an. De nombreuses autres entreprises élèvent des porcs génétiquement modifiés en vue de la xénotransplantation, mais sans établissement de type médical.

Pourquoi un cœur de porc ?

Une interrogation demeure néanmoins. Pourquoi un cœur de porc et non pas celui d'un autre animal ou même un cœur artificiel ? D'après le docteur Guihaire, "l'anatomie et la fonction du cœur de porc sont très proches de celles d'un cœur humain. Sa physiologie, sa contraction, ses battements sont très superposables donc, on peut imaginer substituer un cœur humain par celui d'un porc."

Le chirurgien cardiaque ajoute également que "pour se rapprocher le plus possible de la fonction du cœur humain, il n'y a pas mieux qu'un organe animal." Le cœur artificiel a également "beaucoup de contraintes". "Des contraintes tout d'abord en terme d'encombrement, ils sont souvent volumineux. Des contraintes aussi en terme de source d'énergie. Il faut toujours qu'il y ait un câble d'alimentation qui fournisse l'énergie à la pompe qui est à l'intérieur du corps. Enfin, il y a des risques d'infection et des problèmes de compatibilité sanguine, de risque d'hémorragie."

Les défis et les enjeux éthiques

Un premier point d'attention concerne la prise de risque, pour la santé du receveur mais aussi du reste de la population, avec ce genre de transplantation. Le Dr Syd Johnson, bioéthicienne à l'Upstate Medical University de New York, explique qu'on a freiné les essais impliquant des organes de primates en raison des risques graves de transmission de virus d'une espèce à l'autre.

On peut surtout se demander s'il est digne de l'homme de se voir greffer des organes entiers en provenance d'animaux. Dans l'affirmative, cela vaut-il pour n'importe quel organe (coeur, intestin, cerveau,…)?

L'implantation de valves cardiaques composées de tissus porcins est aujourd'hui largement pratiquée, mais n'est pas considérée comme une transplantation d'organes dès lors qu'il ne s'agit pas d'un organe entier et que les cellules du porc sont éliminées avant l'implantation. Autre enjeu éthique pointé par le Dr Johnson : utiliser des porcs comme des usines à organes n'entre-t-il pas en contradiction avec les bonnes pratiques actuellement promues en matière de bien-être animal ?

Ces porcs sont élevés exclusivement pour leurs organes et, contrairement à ceux élevés pour leur viande, modifiés génétiquement. Leur vie est courte, confinée en un espace isolé, intérieur, stérilisé.

Historique et perspectives

Le récit de la genèse de la première greffe d'un cœur de porc à un humain est une véritable épopée scientifique, celle du développement de la xenogreffe pour tenter d'agir contre la pénurie de greffons. Cette première greffe par l'équipe de chirurgiens du centre médical de l'université du Maryland est l'aboutissement d'une exceptionnelle mobilisation d'équipes de recherche. Le cœur greffé provient d'un élevage de porcs spécifiquement destinés à la greffe humaine.

Ces porcs sont élevés dans des conditions strictement stériles, sur plusieurs générations. Ils sont aussi modifiés génétiquement, grâce à une technique d’édition du génome, seule solution pour éviter un inévitable rejet. Le patient, âgé de 57 ans, était inéligible au don d’organes et toutes les solutions thérapeutiques avaient été épuisées pour le soigner. Il faut néanmoins préciser que le principe même de la xénogreffe continue de susciter le débat dans la communauté scientifique.

D’autres chercheurs, face à la pénurie de greffons, misent davantage sur les capacités des cellules souches ou d’autres types de thérapies. Face à la pénurie d'organes, accentuée par le vieillissement de la population selon le Prof., inciter davantage la population au don d'organes par une meilleure information, tout en respectant le choix personnel de chacun à cet égard. On observe par ailleurs de sérieux progrès dans l'impression 3D d'organes artificiels et la reconstitution de tissus à l'aide de cellules souches.

Un homme de 58 ans est devenu mi-septembre la deuxième personne au monde à se voir greffer un cœur de porc génétiquement modifié. Cette opération avait été réalisée pour la première fois en 2022 dans le même établissement, l’école de médecine de l’université du Maryland (Etats-Unis).David Bennett, le premier patient, était décédé environ deux mois après « à cause d’une multitude de facteurs, y compris son mauvais état de santé » avant la greffe, a indiqué l’université ce vendredi dans un communiqué.

La deuxième transplantation a eu lieu le 20 septembre sur Lawrence Faucette, ancien militaire à la retraite atteint d’une grave maladie du cœur. L’homme, très certainement condamné, avait été déclaré inéligible à recevoir une greffe de cœur humain. « Au moins, maintenant, j’ai de l’espoir et j’ai une chance », a-t-il déclaré avant l’opération, selon le communiqué. « Nous n’avons pas d’autres attentes que de passer davantage de temps ensemble », a de son côté déclaré son épouse.Lawrence Faucette respire actuellement seul et son nouveau cœur fonctionne très bien, sans assistance. Il prend des traitements immunosuppresseurs ainsi qu’une « nouvelle thérapie aux anticorps » pour éviter un rejet, selon le communiqué de l’université.

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