Gaspillage Alimentaire : Statistiques et Solutions

Chaque année, près d'un milliard de tonnes de nourriture est perdue ou gaspillée. Pour mettre ce chiffre en perspective, cela représente dix fois la masse de l'île de Manhattan. Et tandis qu’une partie démesurée de l’approvisionnement alimentaire mondial se perd entre sa production et sa consommation, près de 730 millions de personnes dans le monde sont sous-alimentées en 2023.

L'ampleur du Gaspillage Alimentaire

Le gaspillage alimentaire est d’abord un problme mondial qui est présent tout au long de la chaîne de production, mais il est surtout présent au sein des ménages, responsables de plus de la moitié des aliments jetés par habitant. Ainsi, le gaspillage a lieu à toutes les étapes de la chaîne alimentaire : 32% de la nourriture étant perdue lors de la production agricole, 10% lors de sa transformation, 13% lors de sa distribution et enfin un tiers lors de sa consommation, incluant la consommation ménagère, mais aussi celle de la restauration collective.

Ce sont les fruits et légumes qui sont le plus gaspillés avec un volume de déchets de 450 millions de tonnes chaque année. À l’étape de production, ils sont sélectionnés en fonction de leur aspect, de leur calibre ou de leur couleur ; ceux qui ne répondent pas aux « standards » du consommateur ou du distributeur sont jetés.

Avec respectivement 290 millions et 130 millions de tonnes de déchets alimentaires jetés chaque année, les services de restauration et les grandes et moyennes surfaces ont leur part de responsabilité dans le gaspillage alimentaire. Pour 121 kg d'aliments gaspillés chaque année par habitant de la Terre, 74 kg le sont au niveau du foyer.

Gaspillage Alimentaire en France

En France, près de 4 millions de tonnes de déchets alimentaires sont jetées par an par les ménages, soit 61 kg par personne, en comparaison avec la plupart des autres pays, ce chiffre est assez bas. Les Seychelles sont le pays ou les habitants gaspillent le plus de kilogrammes par personne, avec une moyenne de 183 kg par habitant. L’Inde, qui produit énormément de déchet, a un rapport cependant très faible par habitant, avec 55 kg par habitant.

Quand on interroge la population française sur les raisons de ce gaspillage alimentaire, près de la moitié des Français avouent jeter un produit car il a un mauvais goût ou une mauvaise odeur et 35% d’entre eux car il est abîmé. Mais cet amas de déchets alimentaires à un coût pour les ménages : près de la moitié de la population française perd entre 1 et 10 euros par mois à cause du gaspillage alimentaire. Un chiffre qui peut monter jusqu’à 50 euros pour 16% des Français.

En 2021, 8,8 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits en France, soit 129 kg par personne. Toutes les étapes de la chaîne alimentaire y contribuent :

  • 1,24 millions de tonnes pour la production primaire (14%)
  • 1,72 millions de tonnes dans la transformation (20%)
  • 633 000 tonnes dans la distribution (soit 7%)
  • 1,08 millions de tonnes dans la restauration (12%)
  • 4,08 millions de tonnes dans les ménages (47%)

Parmi ces déchets, 4,5 millions de tonnes sont non comestibles (os, épluchures…). Le gaspillage alimentaire représente donc près de 4,3 millions tonnes de déchets issues des parties comestibles des aliments (aliments non-consommés encore emballés, restes de repas, etc.).

Statistiques Clés du Gaspillage Alimentaire

Selon l’Ademe, le “gaspillage alimentaire est défini comme étant toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée”. En France, depuis 2013 et le lancement du pacte de lutte contre le gaspillage alimentaire, plusieurs mesures visent à limiter le gaspillage alimentaire.

Depuis 2022, le gaspillage alimentaire fait l’objet d’un suivi annuel pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. Ces chiffres sont disponibles sur la plateforme EUROSTAT. Ce suivi s’applique à l’ensemble des déchets alimentaires (qui représentent en 2021 pour la France 9,4 millions de tonnes) comprenant à la fois les aliments non comestibles (os, noyau…) et les aliments comestibles. C’est sur cette dernière catégorie, les aliments comestibles jetés, que l’on peut agir pour réduire le gaspillage alimentaire.

En France, en 2022, 9,4 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits ; parmi eux, 4 millions de tonnes étaient encore comestibles : produits abîmés, restes de repas, etc.

Chaque année, un Français jette 58 kilos de déchets alimentaires, dont 24 kilos de nourritures encore comestible.La valeur moyenne du gaspillage alimentaire s'élève à 100€ par habitant par an.

Selon l’étude du ministère de l’agriculture parue en 2022, les ménages seraient à l’origine de près de la moitié (46%) des déchets alimentaires. Viennent ensuite les industries agroalimentaires (20%), la production primaire (14%), la restauration (13%) et enfin la distribution (7%).

Conséquences du Gaspillage Alimentaire

Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation, le gaspillage alimentaire représente 9% des émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire mondial. C’est au niveau de la production agricole que le plus de CO2 est émis par le système alimentaire, elle est responsable de 40% du CO2 total émis. Sans surprise, la viande est l'aliment qui émet le plus de CO2 avec un record atteint par le steak de bœuf qui émet près de 130 kilogrammes de CO2 pour un kilo de viande produite.

Finalement, la gestion de ces déchets alimentaires constitue également un immense problème menaçant la préservation de la planète. En effet, 56% des déchets organiques - constitués majoritairement des déchets alimentaires - ne sont ni recyclés ni réutilisés. Plus de la moitié des aliments jetés sont donc mis dans des décharges ou incinérés pour produire de l'énergie.

Ainsi, le gaspillage alimentaire a des conséquences à la fois sociales, économiques et environnementales ce qui en fait un des Objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU qui prévoit une réduction de moitié du gaspillage alimentaire au niveau des consommateurs et du commerce de détail d'ici 2030.

  • L'impact environnemental : Le gaspillage alimentaire représente un prélèvement inutile de ressources naturelles (terres cultivables, eau, etc.), et des émissions de gaz à effet de serre qui pourraient être évitées. Ces dernières sont évaluées par l’Ademe à 3 % de l’ensemble des émissions nationales.
  • Les coûts cachés : Le gaspillage alimentaire génère des pertes économiques majeures. En France, le coût global est estimé à 16 milliards d'euros par an. À l'échelle internationale, ce chiffre grimpe à 750-1 000 milliards de dollars par an !
  • Inégalités et insécurité alimentaire : Sur le plan social, le gaspillage alimentaire aggrave les inégalités. Tandis que des millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, des milliards de personnes continuent de souffrir de la faim.

Solutions et Initiatives contre le Gaspillage Alimentaire

Initiatives Mondiales et Européennes

La Commission européenne a mis en place un cadre de surveillance des niveaux de déchets alimentaires des États membres, dont un des objectifs est de suivre l’évolution des niveaux de déchets alimentaires incluant les niveaux de gaspillage alimentaire sur leur territoire et de mesurer l’efficacité de leurs politiques de lutte contre le gaspillage alimentaire. Le premier exercice de rapportage des données de gaspillage alimentaire a été réalisé en 2022 sur la base des données de 2020.

De nombreuses initiatives ont été mises en place pour prévenir le gaspillage alimentaire. Parmi les plus connus, on retrouve l’entreprise danoise To Good To Go, fondée en 2015 par, en partie, la française Lucie Basch. L’entreprise a rencontré un vrai succès, avec plus de 121 millions de repas sauvés en 2023.

La réduction des pertes et gaspillage est un objectif central pour la FAO, puisqu’il concerne simultanément des problématiques de gestion des ressources, de réduction des émissions de CO2, de production agricole, de nutrition, d’innocuité et de qualité des aliments. L’initiative mondiale de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires, SAVE FOOD, a été initiée en 2011 par la FAO et la société Messe Düsseldorf GmbH.

La FAO a également lancé, en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et plusieurs partenaires, la campagne « Pensez. Mangez. Préservez - Dites non au gaspillage alimentaire », destinée à soutenir l’initiative SAVE FOOD sur le volet de la prévention et de la réduction du gaspillage alimentaire.

Législation Française

Le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, créé en 2013, est un engagement collectif visant à « s’engager concrètement contre les dérives de la société de surconsommation » et de « retrouver du pouvoir d’achat ». Dans plan de 2017-2020, le Pacte comporte 16 mesures issues de la réflexion menée avec les acteurs de la chaîne alimentaire et fondées sur l’engagement des acteurs de l’ensemble de la chaîne alimentaire.

La loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire (dite Loi Garot) dresse un cadre légal contre le gaspillage et permettra notamment de répondre à l’objectif fixé par le pacte national de 2013, sur la réduction de moitié du gaspillage alimentaire d’ici 2025.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, adoptée en février 2020, vise à renforcer les mesures existantes pour lutter contre le gaspillage alimentaire. La loi se fixe comme objectif de réduire le gaspillage alimentaire de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective d’ici 2025 et de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale d’ici 2030.

Les mesures nationales en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire se sont progressivement renforcées au cours des 10 dernières années, avec la signature du premier Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire réunissant l’ensemble des parties prenantes en 2013 (renouvelé pour deux périodes de 3 ans), la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en 2015, la loi Garot en 2016, la loi EGAlim en 2018, et enfin la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en 2020.

La loi a notamment introduit une hiérarchie des actions à mener en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, en donnant la priorité à la prévention, puis au don ou à la transformation. Viennent ensuite la valorisation en alimentation animale ou sous forme d’énergie. La destruction est envisagée en dernier recours.

Les distributeurs ayant une surface de vente de plus de 400 m², les opérateurs de la restauration collective préparant plus de 3 000 repas par jour, et les opérateurs de l’industrie agroalimentaire ayant un chiffre d’affaire supérieur à 50M€, et les grossistes (chiffre d’affaires supérieur à 50M€) doivent par ailleurs proposer des conventions de don à des associations d’aide alimentaire pour écouler leurs invendus.

Mesures Individuelles et Collectives

Alors que nous pouvons tous réduire le gaspillage alimentaire à notre échelle, en n’achetant seulement ce dont on a besoin et en servant des portions appropriées, la filière alimentaire a un rôle critique à jouer. La lutte contre le gaspillage alimentaire est essentielle pour atteindre la durabilité. Dans un classement des stratégies de réduction de déchets, établi par les Nations Unies, les actions préventives arrivent en tête.

Pour limiter le gaspillage alimentaire au niveau des ménages, les opérations de sensibilisation et d’éducation ont pourtant montré leur efficacité. Cela a notamment été le cas de la Zéro Gâchis Académie, une opération nationale menée par l’Ademe et trois associations de consommateurs (CSF, CLCV, Familles Rurales) en 2019. Les résultats sont sans appel. D’après le compte rendu de l’Ademe, les foyers ayant participé à l’opération ont réduit leur gaspillage alimentaire de 59%.

Réduire le gaspillage alimentaire est à la portée de tous. Voici une série d’actions que vous pouvez mettre en œuvre à titre individuel:

  • Planifier vos repas
  • Conserver correctement vos aliments
  • Cuisiner les restes
  • Comprendre les dates de péremption
  • Acheter des fruits et légumes « moches »
  • Pratiquer le « batch cooking »
  • Faire du compost
  • Utiliser des « doggy bags » au restaurant

Réglementation sur les Dates de Consommation

D’après la Commission européenne, jusqu’à 10% du gaspillage alimentaire serait lié à une mauvaise compréhension des dates de consommation qui sont indiquées sur les emballages. Les produits alimentaires pré-emballés doivent indiquer un délai pour la consommation : la date limite de consommation (DLC)ou la date de durabilité minimale (DDM).

  • La date limite de consommation (DLC) indique une limite impérative. Elle est signifiée par la mention « à consommer jusqu’au… » suivie du jour, du mois, et éventuellement de l’année. Une fois la DLC dépassée, les aliments concernés sont impropres à la consommation car ils présentent un caractère dangereux pour la santé.
  • La date de durabilité minimale (DDM) est apposée, présentée sous la forme « à consommer de préférence avant… ». Le dépassement de la DDM ne rend pas l'aliment dangereux pour la santé. Il peut en revanche avoir perdu son arôme ou sa consistance.

Tableau Récapitulatif du Gaspillage Alimentaire en France (2021)

Étape de la chaîne alimentaire Déchets alimentaires (millions de tonnes) % du total
Production primaire 1,24 14%
Transformation 1,72 20%
Distribution 0,633 7%
Restauration 1,08 12%
Ménages 4,08 47%

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