Le monde gaspillerait 30% de la nourriture produite chaque année. C’est en tout cas ce qu’affirmait l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) suite à leur étude de 2011. Où en est le gaspillage alimentaire en 2024, presque quatre ans après la mise en place de la loi anti-gaspillage ? On fait le point.
Définition et Ampleur du Gaspillage Alimentaire
Selon l’Ademe, le “gaspillage alimentaire est défini comme étant toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée”. En France, on estime que 20% de la nourriture est jetée et que le poids annuel du gaspillage alimentaire s’élève à 10 millions de tonnes par an. Cela représente un tas d’aliments équivalant à 1000 fois le poids de la Tour Eiffel. En d’autres termes, c’est aussi chaque année 10 millions de tonnes de nourriture gâchée, soit 16 milliards d’euros et 15 millions de tonnes équivalent CO2, soit 3% des émissions de gaz à effet de serre de l’activité nationale.
En 2021, 8,8 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits en France, soit 129 kg par personne. Parmi ces déchets, 4,5 millions de tonnes sont non comestibles (os, épluchures…). Le gaspillage alimentaire représente donc près de 4,3 millions tonnes de déchets issues des parties comestibles des aliments (aliments non-consommés encore emballés, restes de repas, etc.).
Étape de la chaîne alimentaire | Millions de tonnes | Pourcentage |
---|---|---|
Production primaire | 1,24 | 14% |
Transformation | 1,72 | 20% |
Distribution | 0,633 | 7% |
Restauration | 1,08 | 12% |
Ménages | 4,08 | 47% |
Toutes les étapes de la chaîne alimentaire y contribuent :
- 1,24 millions de tonnes pour la production primaire (14%)
- 1,72 millions de tonnes dans la transformation (20%)
- 633 000 tonnes dans la distribution (soit 7%)
- 1,08 millions de tonnes dans la restauration (12%)
- 4,08 millions de tonnes dans les ménages (47%)
Près de la moitié du gaspillage alimentaire se fait au niveau des ménages. Selon l’étude du ministère de l’agriculture parue en 2022, les ménages seraient à l’origine de près de la moitié (46%) des déchets alimentaires. Viennent ensuite les industries agroalimentaires (20%), la production primaire (14%), la restauration (13%) et enfin la distribution (7%).
La France se situe légèrement en deçà de la moyenne européenne (près de 60 millions de tonnes de déchets alimentaires sont produites au niveau européen, soit 131 kg par habitant).
Mesures Légales et Objectifs de Réduction
En France, depuis 2013 et le lancement du pacte de lutte contre le gaspillage alimentaire, plusieurs mesures visent à limiter le gaspillage alimentaire. La mesure la plus importante est la loi Agec, ou loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, promulguée en février 2020. Celle-ci a pour objectif de lutter contre les gâchis et la surconsommation inutile. Elle a notamment entraîné la création du label national anti-gaspillage alimentaire et prévoit de réduire de 50% les déchets alimentaires d’ici à 2025 ou 2030. Cette date limite varie selon les secteurs et la réduction se mesure par rapport aux niveaux de 2015.
La France s’est par ailleurs dotée d’un objectif global de réduction du gaspillage alimentaire de 50 % entre 2015 et 2025 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective d’ici 2025, et de 50 % entre 2015 et 2030 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
La loi a notamment introduit une hiérarchie des actions à mener en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, en donnant la priorité à la prévention, puis au don ou à la transformation. Viennent ensuite la valorisation en alimentation animale ou sous forme d’énergie. La destruction est envisagée en dernier recours.
Les distributeurs ayant une surface de vente de plus de 400 m², les opérateurs de la restauration collective préparant plus de 3 000 repas par jour, et les opérateurs de l’industrie agroalimentaire ayant un chiffre d’affaire supérieur à 50M€, et les grossistes (chiffre d’affaires supérieur à 50M€) doivent par ailleurs proposer des conventions de don à des associations d’aide alimentaire pour écouler leurs invendus. Il est en outre interdit, dans l’industrie agroalimentaire et la restauration collective, pour les grossistes et les distributeurs, de rendre impropres leurs denrées alimentaires invendues encore consommables.
Initiatives et Sensibilisation
Pour limiter le gaspillage alimentaire au niveau des ménages, les opérations de sensibilisation et d’éducation ont pourtant montré leur efficacité. Cela a notamment été le cas de la Zéro Gâchis Académie, une opération nationale menée par l’Ademe et trois associations de consommateurs (CSF, CLCV, Familles Rurales) en 2019. Cette initiative a accompagné 243 foyers pendant trois mois. Cela leur a permis de prendre conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire et de mettre en place certains gestes anti-gaspi dans leur quotidien.
D’après le compte rendu de l’Ademe, les foyers ayant participé à l’opération ont réduit leur gaspillage alimentaire de 59%. “Les foyers passent en moyenne de 25,5 à 10,4 kg gaspillés par an et par personne, soit 30 repas économisés”, explique l’agence. Et ce n’est pas tout, le changement amené par la Zéro Gâchis Académie semble durable.
Dates de Consommation : DLC et DDM
D’après la Commission européenne, jusqu’à 10% du gaspillage alimentaire serait lié à une mauvaise compréhension des dates de consommation qui sont indiquées sur les emballages. Les produits alimentaires pré-emballés doivent indiquer un délai pour la consommation : la date limite de consommation (DLC)ou la date de durabilité minimale (DDM).
La date limite de consommation (DLC) indique une limite impérative. Elle est signifiée par la mention « à consommer jusqu’au… » suivie du jour, du mois, et éventuellement de l’année. Elle s'applique à la majorité des produits à conserver au frais qui sont très périssables (viandes, les poissons, la charcuterie, les plats cuisinés, produits laitiers frais etc.). Une fois la DLC dépassée, les aliments concernés sont impropres à la consommation car ils présentent un caractère dangereux pour la santé.
Pour les produits alimentaires qui ne sont pas soumises à la mention DLC, une date de durabilité minimale (DDM) est apposée, présentée sous la forme « à consommer de préférence avant… ». Celle-ci concerne les produits secs, stérilisés et déshydratés (café, lait, jus de fruit, gâteaux secs, boîtes de conserve, pâtes, riz, sucre, farine, etc.). Le dépassement de la DDM ne rend pas l'aliment dangereux pour la santé. Il peut en revanche avoir perdu son arôme ou sa consistance. Les aliments dont la DDM est dépassée, contrairement à ceux dont la DLC est dépassée, peuvent être commercialisés et consommés.
Pour clarifier davantage cette possibilité de consommer des produits dont la DDM est dépassée, les opérateurs peuvent depuis 2022 ajouter sur l’emballage les mentions « pour une dégustation optimale… » ou « ce produit peut être consommé après cette date ».
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