10 millions de tonnes, 10 milliards de kilos : c’est le poids annuel du gaspillage alimentaire estimé chaque année en France. Un gâchis déconcertant qui a lieu à tous les étages, de la production à la consommation, en passant par la transformation, la distribution et la restauration.
Depuis 2009, France Nature Environnement se bat contre ce scandale aussi bien éthique qu’environnemental et économique. Mais qu’entend-on exactement par gaspillage alimentaire ? Quels sont les enjeux de ce gâchis dont nous sommes tous victimes et responsables ? Comment lutter efficacement contre ? Panorama du sujet et des actions de notre mouvement associatif.
Définition du Gaspillage Alimentaire
Selon la définition retenue dans le Pacte national « anti-gaspi’ » de 2013, le gaspillage alimentaire correspond à « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée, dégradée ».
Nuance importante : le gaspillage alimentaire est différent des « déchets alimentaires ». Ce dernier terme englobe le gaspillage alimentaire, par définition évitable, et les déchets considérés comme inévitables tels que les os, les coquilles d’œufs ou encore les peaux de bananes.
Le Gaspillage Alimentaire : Du Champ à l'Assiette
Si le consommateur est souvent le premier à être pointé du doigt, la question concerne en réalité l’ensemble des acteurs et filières de l’alimentation. Selon une étude de l’ADEME de 2016, 18% de la production alimentaire destinée à la consommation humaine serait gaspillée chaque année. Ce gâchis se répartit comme suit :
- 32% pour la production agricole ;
- 21% pour la transformation ;
- 14% pour la distribution ;
- 14% pour la restauration (collective et commerciale) ;
- 19% pour la consommation à domicile.
Ainsi, tous les secteurs d’activités sont concernés et génèrent du gaspillage à leur niveau pour différentes raisons : surproduction, critères de calibrage, rupture de la chaîne du froid, mauvaise gestion des stocks, inadéquation entre l’offre et la demande, etc. Mais chacun d’entre eux a un rôle à jouer et dispose aussi de marges de manœuvre considérables pour le réduire.
Les Enjeux du Gaspillage Alimentaire
Le Coût Environnemental
Le gaspillage alimentaire a des impacts très importants sur l’environnement. Cela se traduit par un gaspillage de ressources naturelles (eau, surface agricoles…) mais aussi des pollutions liées à la production des aliments (utilisation de pesticides, engrais chimiques…) et à leur destruction.
D’après l’ADEME, l’empreinte carbone annuelle du gaspillage alimentaire serait de près de 15,5 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an en France, ce qui n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’alimentation représente à elle seule 36% des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Mais l’impact environnemental du gaspillage alimentaire varie selon la nature des produits ainsi que les modes de production, de distribution et de consommation. Lutter contre ce scandale, c’est donc aussi favoriser le développement de systèmes d’alimentation plus durables pour tous.
Un Scandale Éthique et Social
La sécurité alimentaire de tous n’est pas assurée dans le monde alors même que nous produisons assez de denrées alimentaires pour combler les besoins énergétiques de chaque individu.
Ainsi, aujourd’hui, 1 personne sur 9 souffre de sous-alimentation chronique dans le monde, soit 795 millions d’individus. Et si ce fléau touche principalement les pays en développement, il n’en demeure pas moins une problématique prégnante dans nos pays industrialisés.
Par leurs actions de collecte et de redistribution de denrées à des populations fragiles, les associations d’aide alimentaire constituent ainsi des acteurs de premier plan de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Cependant, le don ne doit pas pour autant être considéré comme la première et seule mesure. Car une lutte à la source des gaspillages permettrait à la fois d’économiser des ressources mais aussi de réduire le prix des denrées et de favoriser leur qualité.
L'Aberration Économique
Jeter des aliments, c’est aussi jeter de l’argent. Une facture salée qui, à l’arrivée, est réglée par le consommateur. En effet, chaque acteur tend à reporter les coûts économiques de ce gaspillage dans sa vente, ce qui se traduit au final par une hausse des prix alimentaires. Et la note du gaspillage alimentaire ne se limite pas au prix de vente des produits : on la retrouve également dans les taxes ou redevances versées par le contribuable pour le service public de gestion des déchets.
Selon la FAO, les conséquences économiques directes du gaspillage de produits agricoles (à l’exclusion du poisson et des fruits de mer) sont estimées à 750 milliards de dollars par an dans le monde, soit l’équivalent du tiers de notre PIB national. En France, le coût du gaspillage de denrées du champ à la poubelle représenterait 16 milliards d’euros annuels, d’après l’ADEME, soit 240€ par an et par personne si l’on rapporte ce chiffre à l’ensemble de la population française.
Méthode Commune de Lutte Contre le Gaspillage
Acteur pionnier de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans l’Hexagone, le mouvement associatif France Nature Environnement accompagne de multiples acteurs dans une meilleure compréhension de ce gâchis et la mise en place d’actions pour le réduire. Et si les raisons sont bien différentes d’un secteur à l’autre, la méthode, éprouvée, reste la même :
- 1re phase : la mobilisation. L’adhésion et l’implication des acteurs concernés est en effet un ingrédient indispensable à la réussite d’une démarche de réduction du gaspillage alimentaire.
- 2e phase : l’observation. Observer finement ses pratiques et peser le gaspillage à chaque étape permet dans un premier temps de mieux comprendre les sources de gaspillages et leur ampleur.
- 3e phase : les solutions. Les principaux postes et raisons étant identifiés dans la phase d’observation, les acteurs imaginent et mettent en place des solutions adaptées à leur façon de gaspiller.
- 4e phase : calculer et recommencer. Nouvelles pesées, nouvelles mesures… les solutions mises en place permettent d’évaluer ses progrès. Le tout est de ne pas s’arrêter là mais de suivre et d’adapter sa démarche au fil du temps.
Outils et Actions Contre le Gaspillage Alimentaire
Ainsi, France Nature Environnement et ses associations membres multiplient les actions pour que le gaspillage alimentaire devienne une priorité à tous les niveaux de territoires. Plaidoyer auprès des acteurs institutionnels et économiques, sensibilisation, études, outils pédagogiques… Nos moyens pour lutter contre le gaspillage alimentaire sont nombreux et prennent des formes très variées, complémentaires les unes des autres.
Comment Agir à Votre Échelle ?
En France, chaque année près de 20% de la nourriture produite finit à la poubelle. En d’autres termes, c’est aussi chaque année 10 millions de tonnes de nourriture gâchée, soit 16 milliards d’euros et 15 millions de tonnes équivalent CO2, soit 3% des émissions de gaz à effet de serre de l’activité nationale.
Voici quelques conseils pour réduire le gaspillage alimentaire :
- Saviez-vous que les produits à Date de durabilité minimale (DDM) peuvent encore être consommés minimum 3 mois après la date indiquée ? En France, 20% du gaspillage alimentaire est dû à une mauvaise compréhension des dates de péremption, d’où l’intérêt de bien comprendre à quoi elles correspondent.
- Une bonne liste de course comme alliée anti gaspi c’est la base pour éviter les restes ! Pensez donc à lister les aliments dont vous avez besoin avant de vous rendre au supermarché, quitte à acheter de la nourriture en plus petite quantité.
- Que ce soit dans vos fonds de placards, dans votre frigo, ou dans votre congélateur, pensez à vérifier régulièrement vos réserves de nourriture pour éviter d’acheter certains produits en double.
- La congélation est une astuce anti gaspi très facile pour conserver les aliments quelques semaines ou mois de plus ! Fruits et légumes, plats cuisinés, viandes… trouvent aisément leur place au frigo.
- La cuisine anti gaspi connaît un grand succès depuis plusieurs années : consommer le produit dans son entièreté et réutiliser les restes pour en faire de nouvelles recettes, voici les fondements de cette cuisine pleine de bons sens.
- Connue pour ses bienfaits sur notre microbiote, la fermentation des légumes dans du sel était l’une des astuces anti gaspillage préférées de nos ancêtres.
- Certains restes alimentaires peuvent être réutilisés pour faire des produits ménagers maison !
- Panier anti gaspi de boulangerie, de primeur, de supermarché ou de restaurant, les Paniers Surprise ne manquent pas sur notre application ! L’occasion de manger un bon repas tout en évitant que la nourriture soit gaspillée.
Législation Française Contre le Gaspillage Alimentaire
De la loi Garot en 2016, et à la loi EGalim en 2018, jusqu'à la loi Climat et Résilience en 2021, la France a pris de nombreuses dispositions législatives pour lutter contre le gaspillage alimentaire.
Depuis le 11 février 2020, l’objectif national en France est de réduire le gaspillage alimentaire, d'ici 2025, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d'ici 2030, de 50% par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
Au fil des années, l'arsenal législatif français s'est renforcé. Désormais, l’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables s’applique aux industries agroalimentaires, aux grossistes, aux distributeurs et à la restauration collective.
Dès 2013, la France a mis en œuvre un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Renouvelé en 2017, il réunit l’ensemble des acteurs de la chaine alimentaire, dans le but de réduire de 50% le gaspillage alimentaire d’ici 2025 pour les secteurs de la distribution et de la restauration collective, et d’ici 2030 pour les autres secteurs.
Principales Lois et Décrets
- 11 février 2016 - La loi dite « Garot » établit une hiérarchie dans les actions pour la lutte contre le gaspillage alimentaire : favoriser la prévention du gaspillage, puis utiliser les invendus par le don ou la transformation, puis valoriser dans l’alimentation animale, et enfin utiliser les restes alimentaires à des fins de compost pour l’agriculture ou la valorisation énergétique (méthanisation). De plus, les pratiques de destruction d’aliments encore consommables sont interdites.
- 21 octobre 2019 - En application de la loi EGAlim, une ordonnance relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire est publiée au journal officiel. L’obligation de proposer une convention de don à une association d’aide alimentaire habilitée est étendue aux opérateurs de la restauration collective (> 3 000 repas préparés / jour), et aux opérateurs de l’industrie agroalimentaire (> 50M€ de chiffre d’affaire). L’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables est également étendue à ces acteurs.
- 10 février 2020 - La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC) précise la définition du gaspillage alimentaire et fixe des objectifs de réduction. Elle étend l’obligation de diagnostic anti-gaspillage aux industries agroalimentaires. Elle introduit un label national « anti-gaspillage alimentaire » pouvant être accordé à toute personne contribuant aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire.
- 20 octobre 2020 - Le décret n° 2020-1274 du 20 octobre 2020 relatif aux dons de denrées alimentaires est un texte d'application de l'ordonnance du 21 octobre 2019 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (loi AGEC).
- 22 août 2021 - Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets - Article 256.
Chiffres Clés du Gaspillage Alimentaire en France
En 2022, 9,4 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits en France (Eurostat, 2022) : parmi eux se trouvent des épluchures, des coquilles d’œufs ou des carcasses, mais également des produits comestibles, qui représentent 4 millions de tonnes. À l’origine de ces déchets se trouvent les ménages, mais aussi toute la chaine de production et d’acheminement des produits vers le consommateur.
En 2021, 8,8 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits en France, soit 129 kg par personne. Toutes les étapes de la chaîne alimentaire y contribuent :
- 1,24 millions de tonnes pour la production primaire (14%)
- 1,72 millions de tonnes dans la transformation (20%)
- 633 000 tonnes dans la distribution (soit 7%)
- 1,08 millions de tonnes dans la restauration (12%)
- 4,08 millions de tonnes dans les ménages (47%)
Parmi ces déchets, 4,5 millions de tonnes sont non comestibles (os, épluchures…). Le gaspillage alimentaire représente donc près de 4,3 millions tonnes de déchets issues des parties comestibles des aliments (aliments non-consommés encore emballés, restes de repas, etc.).
Répartition du gaspillage alimentaire en France en 2021
Étape de la chaîne alimentaire | Déchets alimentaires (kg/habitant) | Part du gaspillage |
---|---|---|
Production primaire | 18 | 76% |
Transformation et fabrication | 25 | 35% |
Distribution, commerces de détail | 9 | 78% |
Consommation hors domicile (restaurants, cantines) | 16 | 53% |
Consommation à domicile | 60 | 41% |
Dates de Consommation : DLC et DDM
D’après la Commission européenne, jusqu’à 10% du gaspillage alimentaire serait lié à une mauvaise compréhension des dates de consommation qui sont indiquées sur les emballages. Les produits alimentaires pré-emballés doivent indiquer un délai pour la consommation : la date limite de consommation (DLC)ou la date de durabilité minimale (DDM).
- La date limite de consommation (DLC) indique une limite impérative. Elle est signifiée par la mention « à consommer jusqu’au… ». Une fois la DLC dépassée, les aliments concernés sont impropres à la consommation car ils présentent un caractère dangereux pour la santé.
- Pour les produits alimentaires qui ne sont pas soumises à la mention DLC, une date de durabilité minimale (DDM) est apposée, présentée sous la forme « à consommer de préférence avant… ». Le dépassement de la DDM ne rend pas l'aliment dangereux pour la santé. Il peut en revanche avoir perdu son arôme ou sa consistance.
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