Il n’existe pas de consensus autour d’une définition commune du terme de gaspillage alimentaire au niveau mondial. Phénomène emblématique de notre société de consommation, le gaspillage pose question à plus d’un titre : vis-à-vis de l’environnement parce qu’il génère des impacts importants en termes de déchets et de consommation de matières premières, vis-à-vis des budgets des ménages du fait de son coût mais peut-être plus encore vis-à-vis des inégalités qu’il exacerbe : les uns gaspillent des aliments quand d’autres n’ont rien, ou si peu, à se mettre sous la dent.
Si le gaspillage est principalement le fait des ménages, il survient aussi tout au long des chaines de production et de distribution. Ces causes sont sociales mais aussi commerciales. Alors que nous nous préoccupons de savoir si la terre pourra nourrir tous ses habitants, nous ne réalisons pas que nos sociétés tolèrent d’énormes pertes par gaspillage que le consommateur paye à son insu. Le long de la chaîne, du champ à l’assiette, un tiers et souvent plus, des aliments finissent aux ordures dans les pays industrialisés et particulièrement dans la restauration collective.
Comprendre l'ampleur du gaspillage
La prise de conscience remonte à octobre 2012 avec la diffusion sur Canal + à une heure de grande écoute du documentaire de Tristram Stuart, Global gâchis qui aborde le scandale mondial du gaspillage alimentaire. Ce documentaire ainsi que le banquet des 5000 qui l'a accompagné ont agit sur l’opinion publique comme un lanceur d’alerte.
Dans Global gâchis, un documentaire d’Olivier Lemaire, diffusé par Canal+ le 17 octobre prochain à 20h50, Tristram Stuart, auteur du best-seller « Waste » [[Né en 1977, Tristram Stuart est anglais. Auteur et historien, il intervient régulièrement à la radio et à la télévision dans les débats sur l’environnement et le gaspillage alimentaire. Ses deux livres, The Bloodless Revolution et Waste ont été encensés par la critique, « une véritable contribution à l’histoire des idées humaines » (Daily Telegraph). Traduit en Italien, Waste a remporté plusieurs prix internationaux, mais n’a toujours pas été publié en France. Tristram Stuart est devenu en Angleterre un véritable leader d’opinion en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire. Il mène une campagne très active contre ce fléau, en organisant les « Feeding the 5 000 ».]] (la référence internationale en matière de gaspillage alimentaire), nous guide en Europe, au Costa Rica, au Pakistan, aux Etats-Unis ou encore au Japon pour découvrir des exemples affligeants de gaspillage, mais aussi de stimulantes innovations et des solutions pour tirer le meilleur parti de ce que nous produisons.
Tristram Stuart signe également la préface du manifeste de Bruno Lhoste : La Grande (sur-)Bouffe Pour en finir avec le gaspillage alimentaire qui vient de sortir aux éditions Rue de l’échiquier. A cette occasion, il rappelle le sens de sa démarche : « J’ai pris conscience de l’ampleur du gaspillage alimentaire lorsque j’ai nourri des cochons avec des déchets alimentaires récupérés auprès du boulanger local, sur les marchés et auprès d’un fermier qui jetait les pommes de terre n’ayant pas le calibre requis par les supermarchés. Cela permet de produire de la viande dans le respect de l’environnement, de ne pas épuiser les ressources naturelles et de faire des déchets eux-mêmes une ressource précieuse. Mais j’ai constaté que, pour l’essentiel, les déchets que je collectais étaient propres à la consommation humaine et n’auraient jamais dû être jetés. Les légumes et les fruits hors normes devraient être consommés et vendus sur les marchés. des organismes devraient veiller à ce que tout ce qui est propre à la consommation soit vendu ou donné à des organisations caritatives. Ce qui ne peut être retenu pour les hommes devrait être transformé en aliments pour le bétail. L’union européenne devrait ainsi lever l’interdiction d’utiliser les déchets de cuisine et de table pour nourrir les cochons, car c’est bien dans ce but que les hommes ont commencé à les domestiquer ! »
Chiffres clés et statistiques
Le premier réflexe serait de dire qu’il faudrait produire plus, alors qu’il suffirait de gaspiller moins comme le démontre ces quelques chiffres clés [[Sources : Enquête collecte 2007 ADEME. FAO, Global Food Losses and Food Waste, 2011. Urban Food Lab, « Pertes et gaspillages dans les métiers de la remise directe (restauration et distribution) ». Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche, de la Ruralité et de l’Aménagement du territoire, 2011. de proximité). - Dans les foyers français, selon l’ADEME, on jette 79 kg par personne et par an de déchets alimentaires. Soit près de 5300000 tonnes jetées en France chaque année. (os, épluchures, etc…), un changement de comportement est nécessaire pour les 20 kg restants (dont 7 kg d’aliments non déballés, non consommés).
Le gaspillage alimentaire c’est 10 millions de tonnes par an en France ! L’équivalent de 20 milliards de repas. Ces 30 dernières années, le gaspillage alimentaire a doublé en France. Et dans le même temps, l’obésité et le nombre de pauvres progressent encore et toujours !
Outre-Atlantique, 40 % de la nourriture produite se retrouve à la poubelle chaque année, ce qui émet autant de gaz à effet de serre que 37 millions de voitures. Dans le monde, ce sont 41 tonnes de nourriture qui sont jetées chaque seconde. Elle estime qu’un tiers de la part comestible des aliments destinés à la consommation humaine est perdu ou gaspillé dans le monde. Cela représente 41 tonnes de nourriture jetées par seconde. Aux États-Unis, où 40 % de la production finit à la poubelle, le gaspillage alimentaire contribue à 2,6 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, soit autant que 37 millions de voitures roulant toute l’année, selon un récent rapport du National Resource Defense Council (NRDC).
En France, l’impact carbone du gaspillage alimentaire est évalué à 15,3 millions de tonnes équivalent CO2 (MTeq). C’est 3 % de l’ensemble des émissions de CO2 du pays. Entre 90 et 140 kg de nourriture par habitant sont perdus chaque année sur l’ensemble de la chaîne, de la production à la consommation. Chaque Français jette lui-même à la poubelle entre 20 et 30 kg de denrées, dont 7 encore emballées. Soit une perte évaluée entre 12 et 20 milliards d’euros par an.
Initiatives et actions contre le gaspillage
Tristram Stuart vous donne rendez-vous le 13 octobre prochain à 13H sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris où seront servis gratuitement 5000 repas uniquement réalisés à partir de produits destinés à être jetés. Il explique : « J’ai toujours pensé qu’un gigantesque festin préparé à partir de denrées destinées à être jetées serait un moyen clair et amusant d’adresser un message concernant les énormes quantités de nourriture gaspillées. En illustrant de manière interactive et ludique cette problématique mondiale révoltante, on accélère la prise de conscience du public, des entreprises et des gouvernements.
Samedi 13 octobre : le banquet des 5000 « Feeding the 5000 » est une opération d’envergure, menée par Tristram Stuart. Partant du constat que le gaspillage peut être combattu à grande échelle, tristram et les membres de son organisation confectionnent des banquets ouverts au public et entièrement gratuits, pour 5 000 personnes. Exclusivement réalisés à partir de produits destinés à être jetés, ces banquets font prendre conscience de la quantité d’aliments consommables qui finissent pourtant au rebut. de semblables événements ont été organisés dans d’autres villes du Royaume-Uni et à l’étranger comme à berlin. 5 000 assiettes de curry seront servies dans une ambiance conviviale sur un parvis investi par différents stands proposant démonstrations de cuisine, trucs et astuces pour conserver au mieux ses aliments, présentations de différentes associations qui œuvrent au quotidien pour réduire le gaspillage alimentaire.
Avec sa nouvelle campagne « #ça suffit le gâchis », l’agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie espère faire évoluer les pratiques et les mentalités des ménages.
La loi Garot oblige les moyennes et grandes surfaces de plus de 400 mètres carrés à donner leurs invendus aux associations alimentaires. Un an et demi après sa mise en place, ces dons ont augmenté de plus de 10 %. Des entreprises ont même vu le jour pour "professionnaliser" la gestion de ces invendus. C’est le cas de Comerso et Phenix, deux entreprises qui prennent en charge la logistique et font l’intermédiaire entre les magasins et les associations.
De nombreuses initiatives voient également le jour comme Le Frigo Jaune, qui permet aux employés de récupérer les invendus de leur cantine. Il existe aussi des applications comme Too good to go qui permet aux consommateurs d'acheter à petits prix les invendus des commerçants de leur quartier.
L’impact sur l’aide alimentaire
La lutte contre le gaspillage alimentaire dans les grandes surfaces progresse au détriment, parfois, de l'aide alimentaire. Des dons collectés auprès des grandes surfaces, mars 2024. On trouve de plus en plus de rayons antigaspillages dans les supermarchés, avec par exemple des yaourts ou du jambon qui vont être périmés et sont vendus à prix cassés.
Un quart de ce que récupère la banque alimentaire de Paris - Île-de-France provient de la grande distribution. Mais entre 2022 et 2023, les quantités ont baissé de 10%, explique Candice Thomas responsable des approvisionnements. "Par exemple, dans les grandes et moyennes surfaces, on voit des rayons antigaspi. Ce sont potentiellement des approvisionnements que nous récupérions avant et qu'on n'a plus aujourd'hui. Après, on va avoir des industriels qui gèrent de mieux en mieux leurs stocks, ce qui fait qu'on a un approvisionnement en donations moins important, constate Candice Thomas.
Luc, bénévole depuis plusieurs années à la Croix Rouge, confirme que les ramasses deviennent de plus en plus compliquées. "Dans les supermarchés, on arrive à récupérer très peu, un petit peu de légumes, mais pas grand-chose. Et du frais, 4 kilos de viande, c'est le maximum. Et encore, quand on les a !"
Amine travaille pour une épicerie solidaire de la ville de Fresnes (Val-de-Marne) qui a dû suspendre certains partenariats : "Soit la date des DLC [date limite de consommation] était passée, donc on a interdiction totale de les redistribuer, soit les fruits et légumes étaient parfois en très mauvais état. Si on prenait une pomme en main, elle s'écrasait. Parfois, en termes d'hygiène, c'était très compliqué, avec des excréments de rongeurs ou des choses comme ça. Et mettre tout cela à la poubelle prend beaucoup de temps.
L'Ademe estime que 16% des dons aux associations finissent à la poubelle.
Solutions et bonnes pratiques
Que peut-on faire ? C’est une somme de petites choses, de gestes simples. Surtout, il s’agit de règles et de priorités à se donner. Notre quotidien a évolué, notre consommation doit s’adapter. On n'est plus obligé de cuisiner trop. On peut se renseigner au moment de l’invitation sur les goûts, les préférences alimentaires, voire intolérances ou les allergies de nos convives. On peut aussi se questionner sur la valeur que l'on accorde à l'alimentation.
- J’inventorie ce qui se trouve déjà dans le réfrigérateur et les placards avant de faire mes courses.
- Je fais mes achats dans le bon ordre : d’abord les produits non alimentaires puis les produits d’épicerie, conserves, boissons… ensuite les produits surgelés et les glaces immédiatement rangés dans un sac isotherme (à défaut un sac ou un carton) pour éviter qu’ils ne se décongèlent.
- DLC (date limite de consommation). la mention « à consommer jusqu’au… » est impérative. Elle concerne les denrées très périssables (viande, poisson, produits laitiers). Certains produits comme les yaourts peuvent être consommés quelques jours après la date indiquée en raison de leur acidité naturelle.
- DLUO (date limite d’utilisation optimale).
- Une place pour chaque l’aiment. Règle d’or : « Premier entré, premier sorti ».
- Je range au réfrigérateur les produits dans des boîtes fermées et je le nettoie deux fois par mois pour éviter les bactéries.
- Je congèle les aliments pour allonger leur durée de vie.
- Je vérifie le mode de conservation. 1 œuf frais se conserve entre 10 et 12 jours à partir de la date de ponte, mais un œuf dur ne reste bon que 2 à 3 jours.
- Je respecte les dosages pour éviter les restes.
- Congeler le bouillon dans des bacs à glaçon après l’avoir filtré.
- Pour arroser les plantes : elles raffolent des vitamines en engrais naturel.
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