L'enrubannage, tout comme l'ensilage, est une méthode de conservation par voie humide qui permet de préserver la valeur alimentaire du fourrage. Le produit final se présente sous forme de brins longs, ce qui en fait un intermédiaire entre l’ensilage et le foin.
Techniques et Précautions pour un Enrubannage Réussi
Généralement réalisé pendant le mois de mai peu avant l’épiaison, le fourrage est pressé 48 à 72 h après la fauche et après au moins 2 fanages. Comme pour l’ensilage en silo, l’herbe à récolter doit impérativement être propre pour assurer une bonne conservation et éviter les risques de développement de micro-organismes nuisibles.
Il est crucial d'utiliser un film de bonne qualité et de grande largeur. Entre un film de 50 cm de large et un autre de 75 cm, préférez celui de 75 cm. Il est également conseillé de doubler les couches de film si le fourrage présente des brins perforants (luzerne notamment).
La Luzerne : Un Atout Agronomique et Écologique
La luzerne (Medicago sativa) est une plante fourragère appartenant à la famille des Légumineuses (ou Fabacées), appréciée et reconnue pour sa forte teneur en protéines et calcium (Ca). En France, la production de luzerne fait partie des axes de développement du Plan Stratégique National (PSN) de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) 2023-2027. L'objectif est de tendre vers l’autonomie en protéines des exploitations agricoles et limiter les intrants émetteurs de gaz à effet de serre. La luzerne constitue en effet une excellente source en protéines et calcium pour l’alimentation des chevaux.
Cette plante cultivée pérenne est principalement exploitée en fauche. Elle peut être conditionnée sous différentes formes : en ensilage (bien que sa faible teneur en sucre complique la fermentation), en enrubanné, en foin ou encore sous forme déshydratée (bouchons).
Avantages agronomiques et écosystémiques
La luzerne présente de nombreux avantages agronomiques et écosystémiques. En tant que légumineuse, elle a la capacité d’utiliser l’azote (N) atmosphérique pour le transformer en azote organique rapidement minéralisable et utilisable par la plante. Ainsi, sa culture ne demande pas d’apports d’azote minéral, ce qui est un réel avantage agronomique, économique et environnemental.
La luzerne est également considérée comme une culture piège à nitrates (« nitrophage »). En absorbant prioritairement l’azote minéral disponible dans le sol, elle va ainsi éviter la pollution des eaux de surface et souterraines par lessivage des nitrates. De plus, elle pourra restituer environ 100 unités d’azote/ha sur 2 à 3 ans après sa destruction, ce qui est un atout considérable dans la rotation pour les cultures suivantes.
Son itinéraire technique (sans labour, ni traitement phytosanitaire) et ses qualités en tant que culture pérenne et couvrante, lui permettent également d’être un refuge à biodiversité.
Conditions de culture
Pour favoriser le développement de son important système racinaire en pivot et ainsi assurer sa pérennité, la luzerne doit être implantée sur un sol neutre à peu acide, non hydromorphe (argileux) possédant une bonne structure (aérée et non asphyxiante). Selon les variétés, la plante présente généralement une bonne résistance au froid et à la sécheresse. Les semis peuvent être réalisés au printemps et en début d’été.
Les semences devront être inoculées avec des bactéries spécifiques si celles-ci ne sont pas présentes dans le sol suite aux cultures de légumineuses des années précédentes. Ces bactéries ont pour rôle de fixer l’azote atmosphérique et d’apporter l’énergie nécessaire pour réaliser la photosynthèse chez les légumineuses, qui représentent alors un intérêt écologique et économique autant dans la rotation des cultures que pour leur utilisation en alimentation animale. La culture de luzerne nécessite très peu de produits phytosanitaires et d’eau.
Récolte et qualité nutritionnelle
Chaque culture permet de réaliser environ 4 coupes par an, avec un intervalle de 4 à 5 semaines minimum. Il est conseillé de laisser monter la luzerne en fleur au moins une fois par an pour qu’elle puisse constituer des réserves, ce qui favorisera sa pérennité. Afin d’obtenir un fourrage de bonne qualité nutritionnelle, la récolte doit avoir lieu au stade « bourgeonnement », c'est-à -dire lorsque les boutons floraux verts sont visibles. L'objectif est de s’approcher du meilleur rapport entre la teneur en protéines et le rendement.
Il est nécessaire de prendre en considération la proportion de feuilles dans le fourrage, puisque celles-ci sont plus riches en protéines que les tiges. Ces dernières sont quant à elles plus riches en cellulose et moins digestibles. On estime en effet que 70% de la valeur en protéines et énergie et 90% des vitamines et minéraux de la plante proviennent des feuilles.
Les feuilles deviennent cependant très fragiles lorsqu’elles sèchent. Il est donc nécessaire d'accorder une importance particulière aux techniques de récolte (période de la journée, matériel de fauche…) et de bien les maîtriser, au risque de ne récolter que des tiges.
Culture pure ou en association ?
Il est possible d’associer la luzerne avec d’autres espèces, comme le dactyle ou le brome, qui sont des graminées.
Valeurs Nutritives de la Luzerne
La luzerne est une plante riche en protéines, et notamment en acides aminés essentiels (surtout la lysine), en acides gras oméga 3, en minéraux (notamment le calcium Ca) et en vitamines B, C, E et β-carotènes. Sa teneur importante en sucres solubles lui confère une bonne digestibilité.
Comparaison avec le foin de prairie naturelle
Comparé à du foin de prairie naturelle, le foin de luzerne est trois à quatre fois plus concentré en protéines et quatre à cinq fois plus concentré en calcium. Le foin de luzerne n’apporte pas plus d’énergie qu’un foin de prairie, cependant il sera beaucoup plus riche en protéines et en calcium.
Tableau comparatif : Foin de luzerne vs Foin de prairie naturelle
Élément | Foin de luzerne | Foin de prairie naturelle |
---|---|---|
Protéines | 3-4 fois plus élevé | Référence |
Calcium | 4-5 fois plus élevé | Référence |
Énergie | Similaire | Similaire |
Autres teneurs utiles
- Teneur en lysine (luzerne déshydratée à 17-18% de MAT) : 8 g/kg de MS
- Teneur en acide linolénique C18 :3 (Oméga 3) (luzerne déshydratée à 17-18% de MAT) : 4,68 g/kg de MS
La Luzerne dans l'Alimentation des Chevaux
Connu comme un fourrage très appètent, le foin de luzerne sera donc adapté à des chevaux à forts besoins de production, comme les poulinières en fin de gestation ou début lactation, les poulains en croissance ou encore les adultes au travail intense (course, compétition de haut niveau…).
L’étude de De Boer et al (2018) a comparé les valeurs nutritives et la digestibilité de la luzerne, du teff (Eragrostis tef - céréale originaire d’Afrique riche en fibres) et de graminées de prairie (dactyle et pâturin des près) au cours d’un pâturage monospécifique de chevaux adultes. Les teneurs en énergie, amidon et ligno-cellulose de la luzerne étaient plus élevées au printemps comparées à celles des graminées mais les teneurs en sucres solubles et cellulose étaient plus faibles.
Il n’y a pas eu de différence dans la réponse glycémique ou insulinémie des chevaux entre les périodes où ils pâturaient de la luzerne ou des graminées au printemps. La supériorité de la teneur en énergie dans la luzerne pâturée comparée aux valeurs des graminées peut entraîner une prise de poids et des complications de santé des chevaux atteints de maladies métaboliques. Elle est donc à utiliser avec précautions.
Effets sur le système digestif et les autres organes
Au cours de l’ingestion, la forte teneur en calcium (Ca) et en protéines de la luzerne crée un effet tampon au niveau de l’estomac (diminution de l’acidité gastrique) qui peut limiter le développement des ulcères gastriques (Luthersson, 2018). Un apport exclusif de luzerne en tant que fourrage pourrait entraîner des calculs rénaux et dans la vessie chez le cheval âgé, notamment à cause des fortes teneurs en calcium (Jarvis, 2018).
À de rares occasions, des études ont montré que le foin de luzerne peut induire une photosensibilisation de type 1, c’est-à -dire qu’une substance phyto-toxique s’accumule dans la peau et interagit avec la lumière du soleil, causant une réaction de photodermite.
Différentes formes d'utilisation
La luzerne peut être utilisée sous différentes formes : en foin, fermentée, mêlassée et/ou déshydratée en granulés (bouchons). Une étude comparant le foin de luzerne avec de la luzerne fermentée a montré que la digestibilité des protéines était meilleure sous la forme fermentée.
Ensilage et Enrubannage de Luzerne : Comparaison et Conseils
Dans le cadre du projet 4AgeProd, Anthony Uijttewaal (ingénieur Arvalis) compare les deux modes de conservation sous forme humide. Le Stade de récolte : le critère qualité de l'ensilage de luzerne. En partenariat avec la FR Cuma de l'Ouest, Arvalis-Institut du végétal a suivi 62 chantiers d'ensilage de luzerne dans les Pays de la Loire et la Bretagne.
« Les mesures nous ont montré que le fourrage vert était globalement de bonne qualité à l'entrée des silos (en moyenne : 19,4 % MAT et 0,8 UFL). Les variations sont surtout liées au stade de récolte car plus on avance dans le temps, plus la valeur alimentaire diminue », explique Anthony Uijttewaal. Pour lui, l'objectif à avoir en tête est de récolter au stade début bourgeonnement.
« Il n'y a pas d'effet notable de la période de fauche (matin, midi, après-midi ou soir) ni de la durée de préfanage au champ sur la composition chimique du fourrage. C'est surtout le stade qui a un impact : il y aura plus de sucres avec une coupe précoce », insiste-t-il.
Risque butyrique et pratiques agricoles
Quant au risque butyrique, le fanage et l'andainage apparaissent comme des pratiques à risque. « Le fait d'andainer augmente les risques de contamination, surtout avec un andaineur à soleil. Cependant, les risques liés au fanage et à l'andainage chutent dès qu'on dépasse les 30 % de MS. »
Le regroupement d'andains permet néanmoins d'augmenter le débit de chantier de 57 à 75 %, faisant ainsi chuter le coût de la récolte à l'ensileuse entre 8 et 16 €/t MS. « On est en moyenne à 45 €/t MS sans regroupement contre 37 €/t MS avec regroupement d'andain. De plus, cette méthode ne pénalise pas la qualité du fourrage, elle peut même l'améliorer (séchage à plat puis regroupement). »
De 26,8 à 144 €/t MS de coût de récolte à l'ensileuse (moyenne établie à 60,4 €/t MS) et de 17 à 70 €/t MS à l'autochargeuse (moyenne à 42,3 €/t MS).
Ensilage vs Autochargeuse : Coût et Qualité
Autre question qui se pose : faut-il récolter à l'ensileuse ou à l'autochargeuse ? Là aussi, l'expert détient les chiffres : « Le coût est moins élevé à l'autochargeuse : 42,3 €/t MS en moyenne contre 60,4 €/t MS à l'ensileuse mais le coût peut fortement varier à l'autochargeuse, tout dépend de l'exploitation (parcelles groupées et proches de la ferme, matériel de fauche, etc.). »
Au silo, l'ingénieur constate : « Le taux de matière sèche a des effets majeurs sur la préservation de la protéine (protéolyse) mais attention : à un % de MS élevé, le fourrage sera plus sensible à l'échauffement et il faudra ajuster l'avancement au front d'attaque du silo. »
Importance de la matière sèche pour l'enrubannage
Si l'ensilage est plutôt destiné aux grandes surfaces, l'enrubannage est bien adapté aux petites surfaces et pour gérer la luzerne en tant que fourrage d'appoint. Sur la station expérimentale de La Jaillière (44), Arvalis a mené deux essais sur les pertes au champ.
Là aussi, comme pour l'ensilage, la teneur en matière sèche joue un rôle important : « Si nous n'avons pas constaté d'effet sur les pertes quantitatives au champ ou sur la composition chimique du fourrage, c'est au niveau de la conservation qu'elle a un impact. En effet, l'augmentation du taux de matière sèche inhibe en partie les réactions bio-chimiques comme la respiration ou la fermentation. Par rapport à un ensilage à 35 % MS, il faut plutôt viser 55 à 60 % MS. » Attention en revanche, au delà de 65-70 % MS, le risque de moisissures superficielles est accru.
Le type de presse et l'utilisation ou non d'un rotocut n'ont pas d'effet sur les pertes mécaniques ni sur les pertes en conservation. Quant au pressage, les résultats montrent que le rotocut engendre un peu plus de pertes, bien qu'elles restent limitées. Même chose : les presses à chambre fixe occasionnent aussi un peu plus de pertes que celles à chambres variables. Dans tous les cas, le préfanage permet d'augmenter la densité des balles et ainsi réduire le coût du chantier. L'andainage doit par contre se faire sur un fourrage encore humide ou réhumidifié pour minimiser les pertes.
Il faut prendre des précautions dans la manipulation des balles et faire attention aux perforations du film plastique !
TAG: