La domestication du porc est un processus complexe et fascinant qui s'étend sur des millénaires. C'est une histoire intimement liée au développement des sociétés humaines, de leurs pratiques agricoles à leurs croyances culturelles.
Origines et Ancêtres du Porc Domestique
Issu de la famille des suidés, c’est au début de l’ère tertiaire que le cochon apparaît en Asie Mineure et dans la région du Turkestan. Il colonise ensuite toute l’Asie avant d’élire domicile en Afrique et en Europe. Bien qu’il lui fût longtemps affilié en raison de leur ressemblance, le cochon ne descend pas de son voisin le sanglier, mais du cochon sauvage. En effet, d’après les zoologues, il y a bien eu séparation dès la préhistoire entre les ancêtres du sanglier et ceux du porc domestique.
Concernant le porc ibérique, il est aisé d'observer que son ancêtre est le sanglier, que l'on reconnaît à sa taille, son museau, son aspect général et son comportement, y compris sa manière de se reproduire. Cette hypothèse a été confirmée par l'analyse du code génétique du porc ibérique et du sanglier.
Le sanglier est encore vivant, ce qui constitue une chance unique pour l'étude, car il est l'un des seuls ancêtres d'animaux que l'on peut encore observer vivant avec nous. Il est donc évident que le porc ibérique vient du sanglier. Mais il existe encore un débat entre de nombreux scientifiques.
Les Premières Étapes de la Domestication
La domestication du porc a commencé, en Europe, vers 7 000 ans avant Jésus-Christ. Les premiers cochons élevés en Europe à la période du Néolithique, lorsque les chasseurs-cueilleurs devinrent des cultivateurs sédentaires, étaient originaires du Proche-Orient, selon une étude publiée cette semaine dans les Proceedings of the National Academies of Sciences. Des éleveurs venus du Croissant fertile, où la ‘’révolution agricole’’ a commencé il y a au moins 11.000 ans, seraient venus en Europe avec leurs cochons vers 6.000 avant JC.
Les chercheurs suggèrent que l’arrivée d’éleveurs orientaux avec leur bétail a incité les européens à domestiquer leurs propres sangliers. Voici le processus, très probablement adopté par les premiers agriculteurs et éleveurs sédentaires pour cet animal aujourd’hui domestiqué.
Les premières traces de domestication d’animaux et de plantes se répartissent dans de nombreuses régions du Globe, principalement à partir d’il y a 10 500 ans. L’élevage est né plus tard, de la domestication des ongulés. Il y a 10 500 ans, sangliers, aurochs, mouflons et ægagres ont donné naissance respectivement au porc, au bœuf, au mouton et à la chèvre dans une vaste région de hauts plateaux et de collines s’étendant de la Palestine à l’Anatolie et au Zagros iranien.
Diffusion et Évolution de la Domestication
Rapidement, à la même période, les Européens ont commencé à domestiquer le cochon sauvage indigène, qui a remplacé le cochon oriental en 500 ans environ, expliquent Larson et ses coauteurs.
Une fois que le cochon a été domestiqué, la pratique s’est diffusée. Routes commerciales, migrations et conquêtes y ont contribué. Pendant l’Antiquité, Grecs, Romains et Gaulois ont beaucoup apprécié le cochon. Ses vertus sont vantées dans des écrits comme ceux d’Aristophane, poète grec du IVᵉ siècle av. J.-C., de Caton (homme politique et un écrivain romain du IIIe et IIe siècle av.
Au fil du temps, les humains ont commencé à sélectionner les cochons les plus dociles ou les plus productifs pour la reproduction, éliminant progressivement les traits sauvages. La sélection continue a entraîné des changements génétiques chez les cochons, les rendant plus adaptés à la vie en captivité.
Le Cochon à Travers les Cultures et les Époques
Véritable nourriture spirituelle, le cochon trouve sa place dans la majorité des cultures où les diverses symboliques qui lui sont attribuées restent très manichéennes. Dans la mythologie grecque, on l’associe à Déméter, déesse de la fécondité et de l’agriculture.
Et l’on raconte même que Zeus aurait été nourri par une truie qui lui aurait généreusement offert de son lait. On retrouve aussi le cochon dans de nombreuses légendes de la mythologie de la Grèce Antique. Chez les Romains, il devient l’attribut du dieu Esus, tandis que les Égyptiens lui prêtent une image double associée à la fécondité, mais aussi à la malfaisance. À cet égard, les porchers étaient strictement interdits dans les temples.
La mauvaise réputation du cochon, animal sale et maléfique, se retrouve dans les civilisations hébraïques et musulmanes, où Moïse et Mahomet interdirent à leur peuple tout contact avec lui. D’après le comte de Buffon, cet interdit alimentaire constitue l’un des facteurs explicatifs du faible développement de l’Islam en Chine, où le porc est un aliment très apprécié.
La popularité du cochon dans ces régions se traduit également par sa présence dans les croyances des civilisations asiatiques. En effet, pendant que les Tibétains le vénèrent et le placent au centre de la roue de l’existence comme symbole de l’origine de toute chose, le cochon devient signe astrologique en Chine où lui sont associées des valeurs telles que la loyauté, la sensibilité, la non-violence, mais également la soif de connaissance et l’obstination. Enfin, il est cité comme le compagnon de Saint Antoine chez les Chrétiens.
Le Rôle du Cochon dans l'Alimentation et l'Économie
Mets très apprécié des banquets durant l’Antiquité par les Romains, les Grecs et les Gaulois, le cochon est très consommé par les intellectuels de l’époque qui se plaisent à en vanter les bienfaits. D’Aristophane à Caton en passant par Pline et Homère, on retrouve l’animal dans les écrits des plus illustres poètes antiques. La simplicité d’élevage du cochon en fera au Moyen Âge l’animal le plus consommé devant le mouton et le boeuf.
Vauban, ministre de Louis XIV, voit dans l’élevage du cochon un moyen de lutter contre la famine. Il observe que “cet animal est d’une nourriture si aisée que chacun peut en élever, n’ayant point de paysan si pauvre qu’il soit qui ne puisse élever un cochon de son cru par an”. Un siècle plus tard, grâce à la diffusion de la pomme de terre dont on le nourrit, l’élevage de porc français est devenu le plus dynamique d’Europe.
Par ailleurs, comme l’explique Annette Pourrat1 , à cette époque “rien ne se perd dans le cochon, tout est découpé, haché, apprêté, salé dans la journée même, des meilleurs morceaux aux moins bons. La vessie soufflée et séchée servait à conserver le tabac”. Parfaite illustration du célèbre “tout est bon dans le cochon”. En effet, ce qui n’est pas consommé est néanmoins utilisé.
Impacts et Conséquences de la Domestication
La domestication du cochon n’a pas été sans impacter les paysages. Dans certaines régions, la surpopulation de cochons a conduit à la déforestation et à l'érosion du sol.
La domestication du cochon est donc étroitement liée à l’histoire du développement des sociétés humaines. Aujourd’hui, notre relation à cet animal continue d’évoluer. Il reste une source essentielle de nourriture pour de nombreuses cultures.
TAG: #Porc