À question simple, réponse complexe. Car pour Louis Schweitzer, la question soulève plusieurs problématiques. En effet, avec un tel sujet de débat, il convient de le replacer dans son contexte. L’humain, depuis des millions d’années, consomme de la viande. Il a commencé par chasser et pêcher des animaux pour se nourrir de leur chair. Petit à petit, il y a plus de 10 000 ans, il a domestiqué des espèces animales et s’est sédentarisé. L’élevage des bovins, ovins, caprins, porcins est apparu. Dans la plupart des civilisations, la viande a eu une place de choix dans le repas des hommes. Elle est souvent associée à certain niveau de richesse. D’ailleurs, l’accès des classes populaires à la viande est un signe de développement des pays. En France, après la Seconde Guerre mondiale, la consommation de viande a fortement augmenté pour atteindre son pic en 1998 (93,6 kilogrammes équivalent carcasse par an et par habitant).
Aujourd'hui, la consommation moyenne de viande tourne autour des 85 kg par an en France. Aujourd’hui, la consommation de viande en général décroit dans notre pays, à l’exception de la viande de poulet, dont les Occidentaux sont de plus en plus friands. Une tendance plutôt occidentale est le développement des régimes sans viande. Qu’ils excluent uniquement la chair d’animaux terrestres ou jusqu’à tout produit d’origine animale (régime végétalien ou végane), ces régimes ne sont pas nouveaux mais prennent une relative ampleur ces dernières années, surtout dans les pays anglo-saxons, et auprès des médias.
Arguments pour réduire ou arrêter la consommation de viande
Louis Schweitzer base son argumentation autour de trois thématiques : l’impact de la viande sur la santé, sur l’environnement et sur le bien-être des animaux.
Impact sur la santé
Bien que la viande rouge soit classée comme probablement cancérogène et la charcuterie comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), elles sont aussi source de nombreux nutriments, notamment un apport facile et efficace en protéines et en fer. Cependant, il ne faut pas en abuser et la limitation de 500 grammes de viande rouge par semaine fixée par l’OMS et l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est bien une limite maximale à ne pas dépasser, et non un objectif à atteindre. Il en va de même pour la limite de 150 grammes de charcuterie par semaine, car la charcuterie est riche en graisse et en sel, sans parler des additifs au nitrite. D’un point de vue santé nutritionnelle, il ne semble pas y avoir de risque particulier à consommer de la viande blanche.
« La consommation de la viande en France reste encore trop élevée » observe Perrine Nadaud, adjointe au chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), « la recommandation est de ne pas dépasser un volume de 500 grammes de viande hors volaille, c'est à dire de viande rouge, par semaine. Pour la viande transformée, on peut parler de risque si on en consomme au-delà de 150 g par semaine » estime la nutritionniste avant d'ajouter : « Il convient aussi de limiter la consommation de viande cuite à haute température comme le barbecue ou la friture et de retirer le gras de la viande avant ce type de cuisson ».
Impact environnemental
L’auteur ne pouvait faire l’impasse sur l’impact de l’élevage sur l’environnement. Le sujet est très prégnant en ces temps de changement climatique. Et pour cause, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’élevage est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre anthropiques globales. L’élevage de ruminants est notamment responsable de fortes émissions de méthane, présent naturellement dans le processus de digestion de ces animaux. Le méthane a un pouvoir de réchauffement bien plus élevé que le dioxyde de carbone, mais il reste moins longtemps dans l’atmosphère.
Louis Schweitzer estime que certains élevages plus traditionnels ne sont pas plus vertueux d’un point de vue environnemental qu’un élevage industriel qui traite les effluents des animaux et contrôle les émissions de gaz à effet de serre.
Bien-être animal
La troisième thématique d’argumentation abordée concerne ce qui nous intéresse particulièrement : le bien-être des animaux d’élevage. L’auteur revient d’abord sur les différents philosophes qui ont façonné l’éthique animale : de Pythagore à Peter Singer, en passant par Jean-Jacques Rousseau et Jérémy Bentham, pour n’en citer que quelques-uns. Il s’attarde sur la notion d’antispécisme par opposition au spécisme, c’est-à-dire la discrimination de traitement en fonction de l’espèce. Il explique également ce qu’est la sensibilité, ou la sentience, des animaux.
Ensuite, Louis Schweitzer s’attarde sur le bien-être animal, mot souvent utilisé comme « fourre-tout ». Il rappelle qu’il ne se limite pas à traiter correctement un animal mais inclut une notion de subjectivité, de perception par l’animal, comme l’indique la définition donnée par l’ANSES (4). Comme exemples concrets des conditions des vie des animaux, l’élevage de lapin ou la ferme néerlandaise au million de poulets ne font pas rêver.
Louis Schweitzer tient sa sensibilité pour la cause animale de son oncle, le philosophe et prix Nobel de la paix Albert Schweitzer. Il reproduit dans son ouvrage un sermon de son oncle sur l’abattage, toujours d’actualité plus d’un siècle plus tard.
Arguments pour continuer à manger de la viande
Mais le neveu d’Albert Schweitzer est un fervent défenseur de l’élevage : un élevage respectueux du bien-être des animaux. Une viande qui coûte plus cher à produire. Qu’il faut ainsi manger en plus petite quantité.
« L’homme est un omnivore et je dirai même que la viande est nécessaire et même indispensable pour une alimentation variée. Elle contient des protéines mais aussi des éléments tels que la vitamine B12 ou du zinc que l’on retrouve presque nulle part ailleurs. Toutefois, il convient de bien expliquer que la viande ne doit pas être la seule source de protéines. Sa consommation doit être en effet complétée par des oeufs et du poisson et bien sûr des protéines végétales.
Il faut varier les sources de protéines et ne pas donner trop d’importance aux protéines animales et notamment à la viande. Or aujourd’hui, les Français en consomment encore trop. Il convient donc de baisser cette consommation en mangeant davantage d’œufs, de poissons et de protéines végétales comme les légumineuses accompagnées de céréales. Les recommandations médicales préconisent un ou deux apports de de protéines animales par jour. En quantité, il est recommandé de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine. Ce qui est également important, c’est de ne pas confonde viande et charcuterie.
Pour François Garrivier, « c’est surtout la manière de cuisiner la viande qui peut être dangereuse. La graisse trop cuite, c’est ça qui est dangereux, ce n’est pas le fait de manger de la viande. » Et de constater, au prix d’un retour en arrière de quelques milliers d’années : « Les anthropologues et les biologistes disent bien que le jour où l’homme a consommé de la protéine carnée, ça a développé son cerveau et sa capacité à être plus puissant. L’évolution de l’espèce humaine est corrélée à la consommation de viande. »
René Laporte rappelle ce qui, dans la longue histoire de l’humanité, explique pourquoi « l’homme garde dans son inné l’instinct du carnivore, c’est-à-dire tout à la fois le besoin et l’envie, le goût et le plaisir de la viande ». Mais il montre aussi à quel point cet aliment est précieux pour une population mondiale en fort développement. « Comment la viande, qui représente 11% des apports d’énergie et 19% des apports en protéines de la ration quotidienne de l’homme, peut-elle être accusée d’affamer la planète ? », s’interroge René Laporte, devançant ainsi les accusations dont l’élevage et la consommation de viande font parfois l’objet.
Consommation de viande en France : Tendances et chiffres clés
La consommation de viande en France a connu des évolutions significatives au fil des années. Voici quelques chiffres clés et tendances :
Type de viande | Consommation par habitant (2020) | Évolution |
---|---|---|
Porc | 31,5 kg équivalent carcasse | + 1,3 % (2021) |
Bœuf | - | Diminution constante depuis les années 1980 |
Volaille | 28,6 kgec | Progression amorcée en 2004 |
Poulet | 21,8 kgec | + 5,4 % (2021) |
Il est important de noter que ces chiffres représentent des moyennes et ne reflètent pas les disparités de consommation entre les individus.
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