D'où provient la viande de cheval consommée en France ?

La viande de cheval est un aliment composé des tissus musculaires du cheval. Comme en témoignent les scènes de chasse des peintures rupestres, la viande de cheval est consommée par l’homme, depuis la préhistoire. Dans l’Antiquité, la plupart des nations (les Perses, les Grecs, les Chinois, les Romains) étaient hippophages.

L’Avesta (livre sacré des anciens Perses) montre les Aryas mangeant le cheval avant d’être devenus agriculteurs. A travers l’histoire et particulièrement avec la domestication des équidés, la consommation de leur viande diminue peu à peu. Les principales oppositions historiques à l’hippophagie ont une base religieuse.

Entre 1739 et 1784, alors que les interdits religieux ont perdu leur pouvoir dissuasif, des ordonnances françaises rappellent l’interdiction de l’hippophagie, et contribuent à lui donner mauvaise réputation. A la fin du XVIIIe siècle, Parmentier lutte pour faire admettre sa consommation, mais sans succès. Il faut attendre le 9 juin 1866 pour que la commercialisation de la viande chevaline soit autorisée.

Geoffroy Saint-Hilaire et la Société Protectrice des Animaux, fondée en 1845, y sont pour beaucoup, voyant respectivement dans cette filière un moyen de nourrir les classes ouvrières et de protéger l’exploitation des vieux chevaux. Après la guerre de 39-45, le développement de la mécanisation en agriculture entraine un déclin rapide du cheptel équin.

Depuis cette date, les effectifs de chevaux de trait, initialement utilisés pour la traction animale n’ont cessé de reculer. Aujourd’hui, les chevaux de trait sont majoritairement destinés à la production de viande chevaline. La France est le 5ème producteur européen de viande chevaline (8 % des volumes européens).

Importations et Origine de la Viande Chevaline en France

En France, depuis une cinquantaine d’années, la consommation de viande chevaline et le nombre de chevaux abattus ont fortement diminué. En France, 7% des foyers ont acheté de la viande chevaline en 2021, contre plus de 20% en 2011. En 2021, la France a consommé environ 6 100 tonnes équivalent carcasse (TEC), contre 18 000 tonnes dix ans plus tôt.

Environ 2 kg de viande sont achetés par an et par foyer. En 2021, les achats de viande de cheval représentent moins de 1% des volumes de viandes de boucheries fraîches achetés, contre 23% pour le porc et 22% pour le bœuf. Les achats se font en grandes surfaces (42%) ou surtout en circuits spécialisés, comme les boucheries (58%).

La demande française en viande équine est majoritairement couverte par les importations de viande. Elles ont démarré au début des années 1960 ; les animaux vivants représentaient alors plus de 90 % des tonnages. Les importations de viande ont progressé jusque dans les années 80 pour atteindre un niveau record en 1979 de 57 400 tec de viande chevaline importée, dépassant alors celles de vifs.

Depuis les achats de viande diminuent sous l’effet de la baisse de la consommation française de viande équine. En 2013, la France a importé seulement 16 000 tec de viande équine dont moins de 3 % étaient de la viande congelée. Le principal fournisseur de la France en viande équine est le continent américain (plus de 55 % des exportations) dont les plus importants exportateurs sont le Canada, l’Argentine, le Mexique et l’Uruguay.

En 2021, la France a importé pour 47,5 millions de dollars de viande chevaline, soit environ 70 % de la consommation nationale. Elle est ainsi le troisième plus grand importateur au monde, après l’Italie (115 millions), et la Belgique (66,2 millions). Elle en importe principalement en provenance de Belgique (22 millions - étant précisé que la Belgique a importé cette année-là pour 11,1 millions de dollars de viande chevaline en provenance d’Uruguay), d’Uruguay (10,4 millions), d’Argentine (3,32 millions), des Pays-Bas (2,58 millions) et du Canada (1,81 million).

La viande de cheval importée en France provient de deux types d’approvisionnement : les animaux importés vivants d’Europe et la viande importée principalement du continent américain.

Filières de Production en France

En France, la filière viande chevaline est articulée autour de deux filières :

  • Une filière de viande rouge : La viande est issue de chevaux de réforme, essentiellement d’origine américaine (Canada, Amérique du Sud). Les chevaux de réforme français peuvent aussi être consommés, si leur document d’identification (papiers de l’animal qui le suivent tout au long de sa vie) assure que l’animal n’a pas eu de traitements médicamenteux rendant la viande impropre à la consommation et qu’aucun de ses précédents propriétaires ne s’est opposé à son introduction dans la filière bouchère.
  • Une filière de viande rosée : La France, comme certains pays européens, utilise essentiellement les chevaux de trait pour une production de viande chevaline. En effet, aujourd’hui l’élevage de chevaux de trait a peu de débouchés. Seuls 2% des poulains qui naissent chaque année pourront être valorisés dans une utilisation loisir (débardage, attelage etc.). Le reste est destiné à la reproduction et à la consommation humaine.

En France, le cheptel s'élève à environ 77 000 chevaux de trait. Les races majoritaires sont le cheval de trait Comtois et le cheval de trait Breton, avec plus de 10 000 poulinières. GenouxChaque année, la production s’élève à environ 9 500 poulains (y compris hors livre généalogique), dont plus de 80% seront destinés à la filière viande.

On distingue deux types de production de chevaux de trait.

  • Dans les berceaux de race, qui sont les zones de production originelles des races de trait, comme en Bretagne ou en Franche-Comté, la production repose principalement sur des éleveurs ayant des cheptels de poulinières réduits.
  • À l’opposé, dans les régions du sud-ouest (Aquitaine, Midi-Pyrénées et Auvergne), que l’on appelle bassins de production ou bassins de multiplication, les cheptels de poulinières sont plus importants et valorisent les zones de montagne en semi-liberté.

Très peu de poulains de trait destinés à la boucherie sont engraissés en France. Près de 55% de cette production française de chevaux de trait est vendue très tôt, entre 6 et 18 mois, à l’export.

Ces poulains destinés à la filière bouchère sont commercialisés lors de tournées d’acheteurs dans les élevages ou lors de foires aux chevaux. Créée en 1970, la célèbre foire de Maurs (Cantal) rassemble ainsi, deux fois par an, jusqu’à plus de 1 500 chevaux par foire. Ces chevaux sont ensuite principalement exportés vers l’Italie, mais également vers l’Espagne.

Une partie de ces poulains seront engraissés, puis abattus 3 à 4 mois plus tard en Italie. Une fois engraissés, certains poulains peuvent réintégrer la filière française via l’Espagne.

Certains producteurs français développent l’activité d’engraissement en France et/ou mettent en place un circuit de commercialisation en vente directe, ce qui leur permet de mieux valoriser leur production française.

Une autre filière d’engraissement s’est développée depuis 2018.

La viande chevaline consommée en France est issue pour partie (30%) de chevaux abattus en France, principalement des animaux de réforme produisant de la viande rouge foncée.

En France, 130 abattoirs habilités ont abattu 5 200 équidés en 2021. Ces abattoirs non spécifiques aux équins consacrent souvent une journée ou deux par semaine à l’abattage d’équidés.

Préoccupations Liées au Bien-Être Animal et à la Traçabilité

Des associations de défense des animaux dénoncent les conditions de vie et de mort inacceptables des chevaux de boucherie sur le continent américain. En Amérique, on achève bien mal les chevaux. C’est en tout cas ce que dénoncent les associations françaises Welfarm et Afaad (Association en faveur de l'abattage des animaux dans la dignité), qui relayaient le 8 février 2017 l‘enquête menée sur le continent américain par les ONG suisses et allemandes de protection animale AWF et TSB (1).

Chevaux blessés parqués sans soins, transports inadaptés, privations, actes de violence de la part des personnels d’abattoir… Des images insoutenables qu’AWF et TSB rapportent avoir notamment filmé dans les parcs d’engraissement pour chevaux des provinces canadiennes d’Alberta et de Québec ou encore lors de transports de chevaux en Uruguay.

Au-delà de ces actes de maltraitance, Welfarm rappelle également le manque de traçabilité de la filière chevaline américaine qui exporte pourtant massivement vers l’Europe. Ainsi en France, plus des deux tiers de la viande chevaline provient de l’étranger.

Mexique et Canada sont peu à cheval sur le contrôle sanitaire. La filière américaine est en effet accusée d’être peu regardante sur la présence de résidus de médicaments - interdits en Europe - dans la viande de chevaux qui n’ont pas été élevés pour leur viande et dont la boucherie n’est qu’une « seconde carrière ».

Ainsi depuis 2015, l'Union européenne interdit l'importation de viande chevaline en provenance du Mexique au motif que ce pays est dans l'incapacité d'assurer des contrôles attestant de la présence ou non de substances interdites en Europe dans cette viande, telle que la phénylbutazone, un anti-inflammatoire notamment destiné à soigner les fourbures des chevaux dont la présence est interdite par l’Europe dans la viande de cheval destinée à la consommation humaine.

À partir du 28 février, l’Union européenne exigera également que les chevaux provenant d’Amérique du Nord restent six mois au Canada avant d’être abattus pour le marché européen. Une condition qui vise à protéger le consommateur en s’assurant qu’il n’y ait pas de résidus de médicament dans la viande.

Mais les systèmes de contrôle au Canada sont également mis en cause par un rapport de l'Office alimentaire et vétérinaire (OAV) de 2015. Notamment invoqué, un système de traçabilité trop flou qui repose sur la simple déclaration par le dernier propriétaire de l’animal des prescriptions vétérinaires au cours des six derniers mois.

De ce côté-ci de l’Atlantique, des parlementaires européens souhaitent également renforcer la traçabilité de la viande chevaline en proposant, par exemple, l’enregistrement de tous les traitements médicamenteux courants des chevaux non destinés à la boucherie afin de limiter les risques pour la santé publique en cas d’abattage illégal. La proposition portée par l’eurodéputée anglaise Julie Girling devrait être examinée en mars.

Rappelons enfin que l’étiquetage de l’origine des viandes, obligatoire pour le bœuf, le porc, le mouton, la chèvre et la volaille, ne l’est pas pour la viande équine.

Effets de la Communication et Scandales Alimentaires

Le volume consommé a été quasiment divisé par 5 en dépit de quelques périodes plus favorables liées à des crises sanitaires affectant d’autres produits carnés (crises de l’ESB en viande bovine en 1996 et 2000, crise de la fièvre aphteuse en viande ovine en 2001).

L’effet inattendu de la communication autour du scandale des lasagnes à base de viande chevaline en 2014 a joué un rôle dans cette baisse.

Initiatives et Réglementations

Depuis 2010 INTERBEV Equins a lancé un travail de réflexion afin de répondre aux attentes du consommateur et promouvoir ce produit en France. Cette viande de cheval de trait français est d’ores et déjà consommée à l’étranger et appréciée pour ses qualités gustatives et nutritionnelles.

Chaque poulain, dès sa naissance, est immatriculé. Sur le territoire français, tout propriétaire d’un cheval peut choisir que son animal ne soit pas abattu à des fins alimentaires. Cette information figure dans le « feuillet médicamenteux » qui accompagne le livret d’identification du cheval.

Cette mesure est importante pour la traçabilité, elle permet de connaître l’origine d’un cheval conduit à l’abattoir. En effet, les médicaments vétérinaires administrés aux chevaux dont les viandes sont destinées à la consommation humaine sont soumis à une réglementation stricte qui permet d’assurer l’absence de résidus dans les denrées.

La durée du transport est particulièrement règlementée. Elle ne doit pas excéder 8 heures d’affilée pour les chevaux adultes. Si la durée dépasse 8 heures (ce qui est exceptionnel), les camions doivent être aménagés pour abreuver et nourrir les bêtes toutes les 8 heures. Tout transporteur doit, par ailleurs, être agréé.

À l’abattoir, les chevaux sont regroupés en parcs ou logettes individuelles où ils sont abreuvés et conservés au calme et au repos.

La maltraitance n’a pas et ne peut pas avoir sa place dans l’élevage des chevaux à vocation bouchère.

Conséquences des Interdictions d'Abattage

Aux États-Unis, l’interdiction des abattoirs chevalins a eu les effets contraires à ceux attendus en termes de bien-être animal. En effet, on recense de nombreux actes d’abandon et d’absence de soin, alors que le cheval est un animal fragile.

Tableau Récapitulatif de la Consommation et des Importations

Année Consommation en France (TEC) Importations (TEC)
1979 - 57 400
2013 - 16 000
2021 6 100 -

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