Cuisine Antique Romaine: Ingrédients et Plats

Dans l’histoire de la gastronomie italienne, l’Antiquité romaine occupe une place à part entière. S’immerger dans quelques recettes de cette époque lointaine, c’est découvrir combien la cuisine romaine antique a joué un rôle central et passionnant dans l’histoire de la cuisine. Comme dans bon nombre de domaines, ils se sont saisis du meilleur des multiples influences rencontrées dans leur immense empire en adoptant par exemple la triade de base pain-huile d’olive-vin issue directement de la culture grecque.

Dans cet article, nous vous invitons à un voyage dans le temps pour découvrir des spécialités culinaires de la Rome Antique. Des mets savoureux aux noms évocateurs, ces recettes ancestrales révèlent la richesse et la diversité de la gastronomie de la péninsule italienne.

Ingrédients Clés de la Cuisine Romaine Antique

Malgré les informations que nous a transmises Apicius, il existe des imprécisions pour ce qui est des épices, herbes et aromates alors qu'il est très précis pour ce qui est des ingrédients principaux. Nous abordons ainsi quelques uns des principaux composant de la cuisine romaine.

  • Garum ou Liquamen: Une sauce d'assaisonnement et le principal condiment utilisĂ© Ă  Rome dès la pĂ©riode Ă©trusque et en Grèce antique. Il s'agissait de jus de poisson ayant fermentĂ© longtemps dans une forte quantitĂ© de sel. Il existait diffĂ©rentes sortes de garum, dont le plus fameux Ă©tait celui au thon rouge, et le plus courant au maquereau. Un Ă©quivalent moderne peut ĂŞtre le "nuoc-mâm".
  • Defrutum: Il s'agit de moĂ»t ou jus de raisin qu'on fait rĂ©duire par cuisson douce. Il continue Ă  ĂŞtre commercialisĂ© en Italie sous le nom de mosto cotto, saba ou sapa. Il survit encore en Bourgogne sous le nom de raisinĂ©. Le moĂ»t cuit est un Ă©lĂ©ment indispensable de certaines recettes aigres-douces. Columelle dĂ©crit la fabrication du defrutum : moĂ»t de raisin rĂ©duit d'1/4 ou d'1/3. Pline l'Ancien, un siècle plus tard, dĂ©finit la sapa comme une rĂ©duction Ă  un tiers de la quantitĂ© initiale. Apicius parle de la sapa pour conserver les mĂ»res.
  • Carenum: Vin blanc doux (Ă©quivalents modernes pouvant le remplacer : Sauterne, Jurançon, Montbazillac...).

À l'époque d'Apicius, Rome était friande d'épices qui provenaient de tout l'Empire : des provinces orientales du pourtour méditerranéen aux régions les plus éloignées du monde connu comme l'Inde et le Tibet. Depuis, certains ingrédients sont difficiles à trouver de nos jours, voire même impossible pour certains. C'est ainsi que certaines plantes nous sont presque inconnues, comme le nard ou l'ajouan.

  • L'ajouan est une Ă©pice indienne couramment utilisĂ©e lĂ -bas, dont le goĂ»t est proche du thym mais en plus fort et plus piquant. Vous pouvez le trouver chez les Indiens du passage Brady Ă  Paris (Xe).
  • Quant au nard, il s'agit aussi d'une Ă©pice indienne, ou plus exactement tibĂ©taine, commercialisĂ©e aujourd'hui sous le nom de "pangpoe ou jatamansi" et qui fait penser Ă  la valĂ©riane et au patchouli.

"La cuisine romaine antique est une cuisine méditerranéenne, donc à base d'huile d'olive, de miel, de vinaigre, de vin et de plantes aromatiques. Le miel (de romarin de préférence) entre dans la composition de pratiquement tous les plats. Avec les fruits secs, dattes, pruneaux, raisins, il est la seule source de sucre de la cuisine romaine.

Le vin et le vinaigre étaient des éléments essentiels : le vinaigre était un vin non aromatisé quant aux vins, les Romains consommaient du blanc et du rouge qu'ils diluaient parfois avec de l'eau, surtout en pleine journée quand ils travaillaient pour éviter ainsi l'ivresse! Parmi les nombreuses sortes de vin (grecs, gaulois, espagnols…) il y avait par exemple le carenum, de type Sauternes, ou le passum, un vin paillé sûrement venu de notre Jura, ou encore aussi le defritum auquel ressemblent le porto ou le malaga. Ils utilisaient aussi couramment du garum, une sorte de nuoc-mâm, qu'Apicius préférait au sel.

Pour ce qui est des herbes, les romains utilisaient parfois des plantes peu connues aujourd'hui comme la livèche, le pouliot, le calament et même la rue, aujourd'hui interdite à la vente car elle servait en particulier à provoquer des avortements.

Les Repas Romains: Une Journée Gastronomique

Le mode de vie des gaulois se modifie rapidement suite à la conquête romaine. Les plus riches imitaient le mode de vie des romains, et prenaient trois repas par jour, ce qui n’était probablement pas le cas pour la majorité de la population.

  • L’ientaculum: un petit dĂ©jeuner frugal, souvent très succinct et rapide, englouti dès le lever. GĂ©nĂ©ralement, il est composĂ© de pain trempĂ© dans le vin, d’un peu de fromage, d’olives ou des restes de la veille. Dans les classes plus aisĂ©es et privilĂ©giĂ©es, ce premier repas s’agrĂ©mente parfois d’œufs, de miel et mĂŞme de fruits.
  • Le prandium: un dĂ©jeuner rapide pris la plupart du temps Ă  midi. Frugal Ă©galement, en gĂ©nĂ©ral, il n’est pas accompagnĂ© d’un temps de repos et se prend frĂ©quemment debout, dans une pause du travail. On peut facilement acheter des fougasses chez des marchands ambulants qu’on trouve dans les lieux publics, Ă  proximitĂ© des Thermae ou du Forum. Il y a aussi la possibilitĂ© de consommer un repas rapide dans les « popinae » tavernes oĂą on sert Ă  manger. Le repas se compose de fromage, de fruits, de quelques lĂ©gumes, d’une bouillie (pecumia), de viande froide et/ou de poisson, de pain trempĂ© dans du vin. Et pour se dĂ©saltĂ©rer, les Romains boivent de l’eau, souvent mĂ©langĂ©e avec du vin.
  • La coena: le vĂ©ritable repas de la journĂ©e. En fin d’après-midi, ou dès la tombĂ©e de la nuit, les Romains se lancent dans une longue dĂ©gustation qui peut durer trois heures, voire beaucoup plus. Les Romains plus riches programment leurs obligations sociales et professionnelles le matin, puis rĂ©alisent leurs dernières tâches après le prandium, pour ensuite se rendre aux bains. Lors d’occasions festives particulières chez les Romains fortunĂ©s, le convivium peut mĂŞme parfois se prolonger jusqu’à l’aube le lendemain.

Lors des dîners des familles les plus riches, un chef (archimagirus) est responsable des repas. En présence d’invités lors de la Coena, le repas (convivium) commence par le “Gustatio”, agrémenté de divers plats légers et appétissants. On appelle ces hors-d’œuvre « promulsis » car ils sont accompagnés de « mulsum« , une boisson sucrée à base de vin mélangée avec du miel, du poivre et parfois d’autres épices ou des pétales de fleurs. Les promulsis sont généralement des petites bouchées apéritives, salées et parfois sucrées (œufs, olives, dattes farcies, salades, fruits de mer…), conçues pour stimuler l’appétit des convives avant le repas principal. On termine avec la “Secundae mensae” composée de diverses friandises (fougasses au fromage, saucisses et charcuteries, mollusques…) suivies par des sucreries (pâtisseries au miel et fruits frais et secs).

Plats et Recettes de la Rome Antique

Voici quelques plats emblématiques de la cuisine romaine antique :

  • Puls: Une dĂ©licieuse bouillie comparĂ©e Ă  la polenta ou au porridge anglais. Cette base de cĂ©rĂ©ales est prĂ©parĂ©e en broyant du blĂ©, du millet ou de l’épeautre en farine grossière, puis en la faisant bouillir jusqu’à obtenir une texture douce. Les banquets somptueux des Romains Ă©taient traditionnellement accompagnĂ©s de Puls. Pour une touche de gourmandise, les Romains concoctaient Ă©galement le Moretum, un fromage Ă  la crème aux herbes et aux noix qui sublimait les saveurs du Puls.
  • Porcellus hortulanus: On Ă©vide complètement le porcelet avant de le cuire au four et de le servir après l’avoir reconstituĂ©. Sa farce est une savante combinaison d’ingrĂ©dients tels que le poulet, les quenelles, les grives, les ortolans, les abats hachĂ©s et les saucisses. Des dattes et des amandes y sont ajoutĂ©es pour apporter une touche sucrĂ©e, tandis que des bulbes sĂ©chĂ©s, des mauves, des blettes, des poireaux, des cĂ©leris, des brocolis et de la coriandre ajoutent une note vĂ©gĂ©tale. Les escargots, les Ĺ“ufs et la sauce de poisson appelĂ©e garum, agrĂ©mentĂ©e de poivre, viennent rehausser le tout.
  • Ovis opalis: Des Ĺ“ufs durs accompagnĂ©s d’une garniture. Pour prĂ©parer celle-ci, faites griller des pignons et des graines de cĂ©leri. Dans un bol, mĂ©langez du vinaigre, du garum, du miel, les pignons grillĂ©s et les graines de cĂ©leri, en ajoutant Ă©ventuellement du poivre pour rehausser le goĂ»t.
  • Petits pois aux oignons: Pour rĂ©aliser cette recette dĂ©licieuse, il suffit de faire cuire environ 500g de petits pois Ă©cossĂ©s dans de l’eau bouillante, puis de les rincer Ă  l’eau froide. Ensuite, mĂ©langez-les avec des oignons grillĂ©s et des graines de cĂ©leri, en ajoutant du poivre, garum et du vin blanc. Montez des blancs d’œufs en neige, puis incorporez les avec les jaunes au mĂ©lange d’oignions et de petits pois.
  • Farinata: Cette galette salĂ©e Ă©tait dĂ©jĂ  très apprĂ©ciĂ©e par les soldats de la Grèce Antique. Elle Ă©tait alors prĂ©parĂ©e avec de la farine de pois chiches, de l’eau, du sel, de l’huile d’olive et diffĂ©rentes graines. La Farinata Ă©tait cuite sur des pierres chaudes ou des boucliers. Cette recette avait pour avantage de nourrir rapidement les troupes et d’être Ă©conomique.
  • Patina d’aparagis frigida: A longtemps Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e en mĂ©langeant des Ĺ“ufs, des asperges fraĂ®ches, du vin blanc, de la coriandre fraĂ®che ou en poudre, des oignons grillĂ©s, du garum et des graines de cĂ©leri. Les asperges Ă©taient cuites dans de l’eau bouillante salĂ©e et ensuite mixĂ©es avec le cĂ©leri, la coriandre, l’oignon sec, le garum et le vin blanc.
  • Jarret de porc Ă  la romaine: Pour rĂ©aliser ce plat, il vous faudra prĂ©parer un bouillon Ă  base de carottes, d’oignon, de poireau, de sel, de poivre, de sarriette et de laurier. Ensuite, prĂ©parez une pâte en mĂ©langeant de la farine, de l’huile d’olive, de l’eau tiède et une pincĂ©e de sel. Après avoir laissĂ© reposer la pâte au rĂ©frigĂ©rateur, le jarret de porc est trempĂ© dans de l’eau froide pendant 2h, puis cuit avec les lĂ©gumes du bouillon pendant environ 20mn par tranche de 500g. Une fois cuit, le jarret est badigeonnĂ© de miel et poivrĂ©, puis passĂ© au four pendant 10mn pour obtenir une belle coloration. Enfin, la pâte est Ă©talĂ©e et enveloppe dĂ©licatement le jarret avant d’être cuite au four Ă  220°C pendant environ 20m, après avoir Ă©tĂ© badigeonnĂ©e de lait.
  • Boletos Ă  la romaine: Les boletos, des champignons apprĂ©ciĂ©s des Romains, sont prĂ©parĂ©s en nettoyant et sĂ©parant les chapeaux des pieds avant de les faire revenir dans une poĂŞle avec de l’huile d’olive, du persil, du miel, du garum et du poivre.
  • Pain Ă  la romaine: Pour commencer, mĂ©langez de la farine, du sel et des Ă©pices dans un rĂ©cipient. DĂ©layez ensuite de la levure dans du jus de raisin tiĂ©di et laissez reposer pendant 10mn. Ajoutez du beurre Ă  la farine, puis versez le mĂ©lange de levure et de jus de raisin dans la prĂ©paration. Laissez ensuite la pâte lever pendant deux heures dans un endroit chaud, en la couvrant d’un torchon. Ensuite, pĂ©trissez la Ă  nouveau et faites-en 10 boules, tracez une croix sur chacune et laissez-les lever pendant 1h.
  • Fromage Ă  la romaine: Pour prĂ©parer cette recette, vous aurez besoin d’un pot de ricotta ou de brousse de brebis (250 g), de 2 cuillères Ă  soupe de miel liquide, de poivres mĂ©langĂ©s, ainsi que d’amandes ou de pignons. Faites lĂ©gèrement griller les amandes ou les pignons dans une poĂŞle, puis versez le mĂ©lange fromage/miel/poivre dans un plat et ajoutez-y les amandes (ou les pignons).
  • Gâteau au fromage Ă  la romaine: Pour prĂ©parer ce dĂ©licieux gâteau au fromage, mĂ©langez 500g de ricotta ou de brousse avec 180g de miel liquide, 2 Ĺ“ufs, 125g de farine et des graines de pavot. Versez le mĂ©lange dans un plat huilĂ© en terre cuite, couvrez-le d’aluminium et enfournez Ă  180°C pendant 45mn. Pour un rĂ©sultat parfait, le centre du gâteau doit ĂŞtre ferme. Laissez-le tiĂ©dir avant de l’agrĂ©menter d’un nappage gĂ©nĂ©reux de miel et de le saupoudrer de graines de pavot.
  • Dattes farcies Ă  la romaine: Pour prĂ©parer ces dĂ©licieuses dattes farcies, rassemblez tous les ingrĂ©dients nĂ©cessaires : 200g de dattes, 100g de pignons, 100g de noix et 3 cuillères Ă  soupe de miel. Commencez par enlever les noyaux des dattes, puis Ă©crasez les pignons et les noix. Une fois la prĂ©paration prĂŞte, passez Ă  l’étape finale : farcissez gĂ©nĂ©reusement chaque datte avec le mĂ©lange de pignons et de noix. Ensuite, faites chauffer le miel restant Ă  feu doux jusqu’à ce qu’il devienne liquide. Versez dĂ©licatement ce miel chaud sur les dattes farcies pour leur donner une touche sucrĂ©e.
  • Apothermum: Pour prĂ©parer ce dessert, mĂ©langez de la farine avec du poivre, du romarin, des noix et des pignons de pin dans un bol. Dans une casserole, faites chauffer du porto, du jus de raisin et du miel jusqu’à ce que celui-co soit liquĂ©fiĂ©. Ensuite, combinez l’ensemble et ajoutez Ă©ventuellement du lait pour obtenir une pâte crĂ©meuse. Versez la prĂ©paration dans de petits moules Ă  gâteaux et faites-les cuire au four Ă  180°C pendant environ 30mn et ajoutez une bonne pincĂ©e de poivre.

Recettes Détaillées

Lentilles aux fonds de Cardon

Les cardons sont les ancêtres des artichauts. Création des horticulteurs italiens du XVe siècle, les artichauts furent introduits en France par Catherine de médicis.

  1. Effeuiller les artichauts pour prendre les fonds. Cuire 20 minutes à l’eau bouillante salée. Refroidir, égoutter, réserver.
  2. Mettre les lentilles à cuire dans 1 litre d’eau froide (écumer après ébulition). Ajouter le vert du poireau et la coriandre émincés.
  3. Dans une petite casserole, mettre le miel Ă  blondir.
  4. Lorsque le miel est prêt, déglacer au vinaigre (ajouter le vinaigre à froid). Ajouter l’ensemble des éléments savoriques, le garum et le defritum. réduire les fonds d’artichauts en purée et incorporer le tout aux lentilles. Bien mélanger.

Poulet Ă  la fronton (Apicius 246)

  1. Dans une cocotte, chauffer l’huile d’olive.
  2. Préparer les aromates : éplucher, laver le poireau. Le hacher grossièrement. Laver, essorer les herbes (aneth, coriandre). Les attacher en bouquet. Hacher légèrement les feuilles de sariette. Mettre le tout avec la volaille. assaisonner au garum.
  3. Au terme de la cuisson du poulet, le retirer de la cocotte. réserver au chaud. Oter le bouquet du jus de cuisson. déglacer au défritum.
  4. Découper le poulet, le dresser sur un plat de service.

Côtelettes d’agneau

Ingrédients : 8 côtelettes d’agneau, sarriette, thym, poivre, oignon, dattes, vin.

  1. Mélanger la sarriette, le thym et le poivre dans un bol, et utiliser la moitié du mélange pour en frotter la viande.
  2. Cuire les côtelettes dans une poêle avec un peu d’huile, quelques minutes de chaque côté, puis garder au chaud. Dans le jus resté dans la poêle, faire blanchir à feu doux l’oignon, puis y ajouter le mélange des herbes et des dattes. Faire cuire quelques minutes, puis déglacer au vin (et au vin cuit si vous en avez).

Apothermum (dessert)

L'apothermum (littéralement : « après le bain aux thermes ») est le nom d'un entremets de la cuisine romaine antique.

  1. Verser dans une casserole le lait entier, le miel, l'huile d'olive, les raisins, les pignons, les amandes effilées. Ajouter un tour de poivre du moulin (ou une pincée de poivre moulu) et quelques gouttes de garum (nuoc-mam).
  2. Verser la semoule à la préparation, baisser le feu. Cuire pendant 5 minutes en remuant constamment.
  3. Verser dans des ramequins individuels ou dans des coupes et laisser reposer la préparation.

Dattes farcies

  1. Faire griller le pignons dans une poêle à sec. Dénoyauter les dattes.
  2. Servir tiède, saupoudré de poivre du moulin.

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