Crise Alimentaire à Cuba: Causes et Conséquences

La crise économique actuelle a plongé de nombreuses familles cubaines dans une précarité alarmante, où la dignité se mêle à la lutte pour la survie. Le témoignage de ceux qui dorment sous les étoiles et fouillent les poubelles pour une bouchée de nourriture dévoile une facette méconnue de la société cubaine. Dans cette bataille quotidienne, la mendicité devient une option, un dernier recours face à une situation insupportable que des millions de Cubains vivent avec résilience et espoir. Plus que jamais, l’écho de « Nourrir Cuba » résonne.

L'ampleur de la crise

L’extrême pauvreté à Cuba touche une partie grandissante de la population, avec des chiffres alarmants. La situation se dégrade inexorablement, comme le montre l’augmentation de la mendicité dans les rues de La Havane et au-delà. Les témoignages d’hommes et de femmes comme William Abel, 62 ans, illustrent ce constat. La population n’a plus accès à la couverture sociale qu’elle avait, et de nombreux Cubains essayent de vivre avec des allocations misérables, ne dépassant souvent pas 3 dollars par mois. Cela pousse les plus vulnérables à mendier pour survivre.

Face à ces réalités, certaines voix s’élèvent ; la ministre du Travail a même démissionné après avoir minimisé l’ampleur de la situation. Des parcours comme celui de Juan de La Cruz, 63 ans, démontrent la tragédie de la situation. Amputé d’une jambe à cause du diabète, il mendie sur le trottoir, souhaitant simplement récolter suffisamment pour un repas décent. L’allocation qu’il touche ne lui permet même pas d’acheter un kilogramme de poulet.

Selon des estimations, près de 40 à 45 % des Cubains sont en situation de pauvreté. En l’absence de données officielles, les experts tentent des « estimations ». Dans une interview récente au site Joven Cuba, la sociologue Mayra Espina Prieto a évalué qu'« entre 40 et 45 % » des Cubains se trouvent « en situation de pauvreté », incapables avec leurs revenus de couvrir leurs besoins de base.

Les causes profondes de la crise

Chantre d’un socialisme égalitariste, Cuba a longtemps fait reculer la pauvreté grâce à d’importants programmes sociaux, notamment un système de santé gratuit et une distribution de nourriture subventionnée à l’ensemble de la population, la fameuse « libreta ». Mais la sévère crise économique qui secoue l’île depuis quatre ans ne permet plus à l’État, en proie à un manque cruel de devises, d’assurer l’ensemble de ses programmes d’aide. En cause, les faiblesses structurelles de son économie centralisée, une réforme monétaire ratée et le renforcement de l’embargo américain. Dans le même temps, entre 2018 et 2023, les prix des aliments ont augmenté de 470 %. De nombreux Cubains sont tombés dans une précarité sans précédent, et certains ont basculé dans l’indigence.

Cuba importe 80% des aliments qu’elle consomme alors que ceux d’origine nationale sont à des prix très élevés en raison de l’inefficacité de la production agricole. Des facteurs multiples entravent l’efficacité de l’agriculture, tel que l’érosion des sols, la salinité, l’acidité, le mauvais drainage, la faible fertilité ou la faible rétention de l’humidité. Le salaire moyen dans cette nation insulaire des caraïbes s’élève à 4648 pesos, ce qui équivaut à 38,7 dollars selon le taux de change officiel de 120 pesos pour un dollar et à 14,3 dollars, selon le taux informel du marché des changes, qui fixe le prix de nombreux produits et services.

Entre un embargo américain qui dure depuis cinquante-huit ans et un modèle agricole centralisé et bureaucratisé, l'île de Cuba peine à nourrir sa population. Les difficultés économiques aggravées par la crise sanitaire ont plongé Cuba dans une profonde crise sociale.

L’embargo américain rend difficile l’acheminement des intrants à Cuba. Les difficultés se sont accentuées depuis la pandémie et devraient encore s'aggraver avec la crise ukrainienne. L'année 2021 a été, selon les aveux du ministre de l'Agriculture Ydael Pérez Brito, «l'une des pires années de la dernière décennie» pour le secteur agricole. La production de viande de porc a chuté de 53,5 %, celle de viande bovine de 13,5 % et le lait frais de 16 %. La production de riz, base de l'alimentation des Cubains, a flanché de 15 % en 2021. Pour 2022, le gouvernement a déjà annoncé que la production de pommes de terre ne suffirait pas à répondre à la demande intérieure.

Outre l'embargo, de nombreux agriculteurs mettent en cause les dysfonctionnements du modèle agricole, centralisé et bureaucratisé. La collecte des récoltes est assurée par Acopio, une agence gouvernementale. Mais ses camions n'arrivent pas toujours à temps dans les fermes, ce qui induit du gaspillage et des pertes de récolte. Plusieurs observateurs pointent également le manque d'incitation pour les producteurs.

Face à toutes ces difficultés, Cuba importe aujourd'hui près de 70 % des denrées alimentaires qu'elle consomme. Une équation difficile, compte tenu de l'embargo. Depuis 2001, une dérogation permet d'acheter certains aliments aux États-Unis. Entre 2015 et 2020, l'île a importé pour 1,5 milliard de dollars de denrées - principalement du poulet - de son voisin américain.

En 1962, la Maison Blanche déclare l'embargo sur Cuba. La mesure, qui concerne d'abord les États-Unis et Cuba va bientôt s'étendre aux autres pays. En effet, les lois américaines Torricelli (1992) et Helms-Burton (1996) empêchent les entreprises et banques étrangères de traiter avec Cuba, sous peine de sanctions. Cet embargo a de lourdes conséquences pour l'île, empêchant les échanges de biens et services avec Cuba.

Initiatives et solidarité

Parallèlement, une partie de la société tente de réagir à cette crise. Des initiatives voient le jour sous des slogans tels que “Cuba Solidaire” et “Aidons Cuba”, incitant à la générosité de ceux qui ont encore les moyens. La nécessité de « nourrir Cuba » est devenue plus qu’un slogan ; elle est devenue une cause mobilisatrice qui rassemble la communauté locale et internationale.

Au beau milieu de ce marasme, des organisations locales s’organisent sous des initiatives telles que Cuba de Cœur. Ce type de mobilisation communautaire joue un rôle crucial. L’accent est mis sur l’union et sur la force que peut apporter la solidarité dans les moments difficiles. Ces initiatives permettent de créer des réseaux d’entraide. Que ce soit par le biais de soupes populaires ou de campagnes de récolte de fonds, la communauté locale s’investit pour « nourrir Cuba ». De vastes collectes de nourriture sont organisées, reliant aidants et bénéficiaires. Ainsi, le lien entre les citoyens se renforce, et des actions concrètes sont mises en place pour lutter contre la pauvreté.

Conséquences sociales et perspectives

Les conséquences de la pauvreté ne s’arrêtent pas à la simple lutte pour la survie. La mendicité est devenue un phénomène visible dans les rues de Cuba. La demande en aides sociales, souvent décrites par des autorités comme des “personnes vulnérables”, illustre un défi plus large. Il ne suffira pas de simples actions ponctuelles pour créer un changement valorisant ; une stratégie intégrée doit être mise en place. En attendant, les témoignages de femmes et d’hommes dans les rues de La Havane rappellent que même dans les moments les plus sombres, l’humanité a le potentiel de briller par sa solidarité.

En 2024, 189 000 familles et 350 000 personnes seules étaient catégorisées comme vulnérables, mais le manque d’assistance crédible laisse beaucoup d’autres sans protections. Cela ouvre la porte à des discussions de société, notamment sur la nécessité de construire un Cuba Avenir où une réelle entraide cubaine pourra voir le jour.

Les habitudes alimentaires compliquent le problème de la nourriture à Cuba. « Les légumes frais ne doivent pas manquer à table, et les cubains n’en consomment pas. « Avec le projet, nous sommes allés à la campagne, avec les enfants, nous avons récolté, rapporté des produits et nous avons cuisiné avec ce qu’il y avait. Le régime équilibré et sain est essentiel pour ne pas tomber malade. « Les politiques et programmes d’éducation à la santé et à la nutrition doivent être pertinents et sensibles aux contextes des pays et à l’évolution des besoins.

Si en 2021 l’île avait engagé une réforme historique visant à mettre fin à la dualité monétaire (suppression du peso cubain convertible, ou CUC) et à la multiplicité des taux de change du pays, l’application de cette réforme a engendré une inflation hors de contrôle et a entraîné le pays dans une crise monétaire, accentuant la crise économique. L’inflation enregistrée en 2021 (152% selon the EIU) pouvait principalement être attribuée à l’unification monétaire, elle semble désormais résulter depuis 2022 d’un concours de facteurs structurels et conjoncturels : pénuries de produits alimentaires, énergétiques, d’hygiène et de santé aggravées ; crise de liquidité sans précédent ; système productif déliquescent ; guerre en Ukraine ; sanctions américaines et reprise décevante du secteur touristique.

Tableau: Indicateurs Clés de la Crise Alimentaire à Cuba

Indicateur Données
Augmentation des prix des aliments (2018-2023) 470%
Pourcentage de Cubains en situation de pauvreté (estimation) 40-45%
Importation des aliments 70-80%

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