Compléments Alimentaires et Cicatrisation des Tendons : Études Scientifiques

De nombreux compléments alimentaires sont vendus et conseillés pour soigner la tendinite et renforcer les tendons. La tendinite est définie comme une douleur du tendon, structure qui relie les muscles aux os. La tendinite se produit le plus souvent au niveau du coude, de l’épaule, du genou, du talon d’Achille, du pied ou du poignet.

Le Rôle du Collagène

Le collagène en poudre est souvent présenté comme un remède miracle pour les blessures tendineuses. Cependant, en l’absence d’une approche globale intégrant des exercices spécifiques et des nutriments clés, son efficacité reste limitée. Les tendons, ces structures fibreuses qui relient les muscles aux os, sont essentiels pour transmettre la force musculaire et permettre le mouvement.

Une prédominance du collagène de type I : Environ 70 à 85 % de la matrice organique des tendons est constituée de collagène, dont le type I représente la majeure partie (95% du collagène retrouvé dans les tendons). Ce type de collagène est connu pour sa résistance mécanique, supportant les forces de traction élevées exercées lors d’activités physiques. Les fibres de collagène dans les tendons sont organisées en faisceaux parallèles, formant une structure hiérarchique. Les fibroblastes, cellules spécialisées du tissu conjonctif, produisent et organisent les fibres de collagène.

Lorsque les tendons subissent des dommages, les fibroblastes augmentent la production de collagène pour réparer les tissus endommagés. Après la synthèse, les fibres de collagène doivent s’organiser correctement pour restaurer la fonctionnalité du tendon.

Pour comprendre pourquoi les tendons ont une capacité limitée à se réparer rapidement, il est intéressant de revenir sur une étude fondatrice menée en 1978 par une équipe de scientifiques de l’Université d’Iowa City. L’étude a montré que l’activité métabolique des cellules tendineuses (ténocytes et ténoblastes) est remarquablement faible. Cette faible activité métabolique se traduit par un ralentissement des processus de régénération et de guérison. Les chercheurs ont également exploré les éléments qui modulent cette activité métabolique. Une ablation de l’hypophyse, glande clé dans la régulation hormonale, entraîne une chute de 59 % de l’activité métabolique des tendons.

Les tendons présentent une vascularisation faible et indépendante, ce qui explique pourquoi leur métabolisme repose principalement sur des voies anaérobies (sans oxygène). Si les tendons possèdent une capacité intrinsèque à se réparer et à produire du collagène après une blessure, cette capacité reste limitée en l’absence de sollicitations mécaniques. On comprend ainsi qu’une supplémentation seule en collagène ne suffit pas à réparer les tendons. En effet, l’apport de peptides de collagène, bien qu’intéressant, ne garantit pas nécessairement qu’ils parviennent aux ténocytes et ténoblastes.

Les bénéfices de la supplémentation en collagène, lorsqu’elle est combinée à un entraînement physique régulier, sont de plus en plus documentés. Une revue systématique et méta-analyse récente a mis en évidence des améliorations significatives, sur des aspects essentiels de la santé musculo-squelettique, tels que la masse sans graisse (FFM), la morphologie des tendons, la masse musculaire, la force maximale, et la récupération après des dommages musculaires liés à l’exercice. La stimulation mécanique générée par l’exercice physique, en particulier par des mouvements ciblés comme les exercices excentriques, joue un rôle clé. Elle active les fibroblastes, les cellules responsables de la production de collagène, favorisant ainsi le remodelage des tendons. Malgré ses avantages, la supplémentation en collagène seule montre des résultats limités en l’absence de sollicitation mécanique. Une étude anglaise récente souligne que les bénéfices spécifiques sur les propriétés mécaniques des tendons ou les adaptations à court terme à la supplémentation sont faibles sans exercice physique.

Autres Compléments Alimentaires

Plusieurs études ont montré une corrélation entre la carence en vitamine D et les tendinopathies. Pour ces raisons, en cas de tendinite, il peut être utile de prendre un complément en vitamine D, principalement durant les mois d’octobre à mars, et chez les personnes ne s’exposant pas au soleil. Récemment, l’association du curcuma et de boswellia serrata a été efficace pour diminuer les symptômes de la tendinopathie. Enfin, la prise de L-arginine pourrait promouvoir la synthèse du collagène, et améliorer la cicatrisation du tendon, mais ces résultats ont été retrouvés uniquement in vitro.

La prise d’un complément alimentaire de glucosamine et de chondroïtine sulfate est très populaire chez les personnes souffrant d’arthrose. Cependant, les données sur son efficacité contre la tendinite chez l’homme sont inexistantes. Toutefois, les études menées à ce jour sur l’effet d’un complément alimentaire en oméga 3 sur le soulagement de la tendinite n’a pas donné de résultats significatifs. Cependant, la durée de la supplémentation relativement courte (2 mois, au lieu de 6 mois dans la plupart des cas), peut limiter les résultats. La leucine est un acide aminé essentiel, principalement contenu dans les protéines d’origine animale.

L’ajout de la vitamine C pourrait améliorer l’absorption et la synthèse du collagène. Consommer un fruit riche en vitamine C, comme l’orange et le kiwi, en même temps que le collagène, peut suffire à obtenir l’effet désiré.

Gestion de l'Inflammation

L’inflammation est une réponse normale du corps suite à une blessure tendineuse, mais lorsqu’elle devient chronique, elle peut entraver la régénération et prolonger la douleur.

  • Oméga-3 : Ces acides gras essentiels, présents notamment dans les poissons gras et les huiles marines, sont reconnus pour leur capacité à réduire les médiateurs inflammatoires tels que les prostaglandines et les cytokines pro-inflammatoires. En abaissant l’inflammation systémique, les oméga-3 favorisent un environnement propice à la réparation des tendons.
  • Resvératrol : Issu des raisins et du vin rouge, cet antioxydant est connu pour ses effets anti-inflammatoires et protecteurs sur les cellules.
  • Glutathion : En neutralisant les radicaux libres, il protège les cellules tendineuses et favorise leur régénération. Une supplémentation en précurseurs du glutathion, comme la N-acétylcystéine (NAC) et la glycine, peut stimuler sa production et renforcer son action.
  • Polyphénols : Présents dans une variété d’aliments végétaux (thé vert, cacao, baies, etc.), les polyphénols possèdent des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes. Ils agissent en réduisant le stress oxydatif autour des tendons et en favorisant la santé des fibroblastes responsables de la synthèse du collagène. Des composés comme les catéchines du thé vert ou les flavonoïdes des agrumes sont particulièrement efficaces pour limiter l’inflammation et améliorer la récupération tendineuse.

En synergie, ces compléments réduisent l’inflammation chronique et soutiennent le processus de régénération tendineuse.

Étude sur Cicatendon

En 2015, des chercheurs de l’université de Caen et de l’hôpital de Nord Franche Comté ont démontré l’efficacité du complément alimentaire Cicatendon sur les cellules tendineuses. Étude transversale comprenant 300 sujets consécutifs traités pendant au moins 3 mois avec TOL-19-001 (Tenofort, ex Cicatendon) pour une tendinopathie. Les tendons les plus fréquemment atteints étaient la coiffe des rotateurs (44 %), l’épicondyle latéral (19 %) et le tendon d’Achille (16 %).

Avant de prendre TOL19-001 (Tenofort, ex Cicatendon), la plupart des patients ont été traités par AINS et/ou analgésiques (56 %), rééducation/physiothérapie (58 %), infiltration de corticoïdes (40 %) et ondes de choc (21 %). Le temps nécessaire pour constater une amélioration était < 4 semaines chez 36% des patients, 4 à 8 semaines chez 37% et > 8 semaines chez 28%. 78% des patients qui avaient dû cesser leur activité professionnelle ou sportive ont pu reprendre le sport ou le travail. Le pourcentage de patients ayant repris une activité sportive était plus faible dans les tendinopathies anciennes (77% contre 93% ; p=0,004). En raison de son mécanisme d’action original, TOL19-001 (Tenofort à base Spiruline, ex Cicatendon) est une alternative utile pour les patients atteints de tendinopathie chronique, chez lesquels le traitement conventionnel a échoué.

Exercices Excentriques

Lorsqu’on utilise des exercices excentriques pour favoriser la réparation tendineuse, il est essentiel de distinguer cette approche de l’entraînement excentrique visant à augmenter la force musculaire. Pour éviter les douleurs, fréquentes lors de la phase concentrique du mouvement, il est recommandé de se faire assister par un partenaire qui pourra prendre en charge cette partie du geste. Une récente étude américano-singapourienne de 2021 a synthétisé les recherches disponibles, confirmant l’efficacité des exercices excentriques dans le traitement des tendinopathies. La recommandation des chercheurs est de faire des exercices quotidiennement à hauteur de 3 exercices par jour au moins pendant les 6 premières semaines avant d’adapter votre programme, généralement en combinaison avec un programme de kinésithérapie.

Méta-analyse sur l'Impact des Interventions Nutritionnelles

Une méta-analyse récente a évalué l'impact potentiel des interventions nutritionnelles dans la gestion des tendinopathies. Un total de 94 articles potentiellement éligibles a été identifié, et après élimination des doublons et vérification des titres et des résumés, 6 articles ont été inclus dans la méta-analyse. La durée de l'intervention dans les six articles allait de 4 à 12 semaines, tandis que la durée des symptômes allait de 4 semaines à 3 ans.

Les interventions nutritionnelles additionnelles peuvent constituer une stratégie efficace pour réduire la douleur chez les patients atteints de tendinopathies. Le mécanisme par lequel l'ingestion de compléments alimentaires améliore les symptômes des tendinopathies peut être lié à la capacité de certains ingrédients à affecter l'inflammation. L'effet de réduction de la douleur des interventions nutritionnelles s'attaquant à l'inflammation a été démontré pour une variété de compléments dans une variété de pathologies liées aux tendons.

Malgré une réduction de la douleur, la complémentation nutritionnelle pendant la thérapie par l'exercice ne semble pas améliorer davantage les résultats fonctionnels chez les patients atteints de tendinopathie. En outre, il faut tenir compte du fait qu'en réduisant l'inflammation, la réponse adaptative pourrait être altérée. On a constaté que les compléments anti-inflammatoires suppriment la production de prostaglandine E2 (PGE2), et que de tels changements peuvent affecter le remodelage de la matrice et donc entraîner des troubles de la cicatrisation des tendons.

L'avantage de la complémentation nutritionnelle comme alternative au traitement AINS peut donc être inhérent au risque plus faible d'induire des effets secondaires indésirables importants. Les études ont souvent utilisé des compléments contenant divers composants et censés remplir des fonctions multiples telles que l'amélioration de l'organisation des fibres de collagène et la régulation à la baisse du niveau de stress oxydatif et d'inflammation, ce qui limite l'évaluation de l'effet de chaque ingrédient.

Impact de la Nutrition sur la Santé des Tendons

Une revue systématique a étudié l'impact de la nutrition sur la santé des tendons et la tendinopathie. 19 articles ont rempli les critères d’inclusion et ont été retenus pour cette revue systématique. 5 études ont investigué l’effet du régime alimentaire habituel (2 cohortes prospectives, 2 études transversales et 1 cas-contrôle) et 14 études les effets des compléments alimentaires combinés à des changements d’habitudes alimentaires (9 essais contrôlés randomisés, 2 essais contrôlés non-randomisés, une étude de cas et une série de cas rétrospectifs). Les tendons les plus étudiés étaient ceux de la coiffe des rotateurs (9 études), le tendon d’Achille (7 études), le tendon patellaire (4 études), les épicondyliens (2 études) et le tendon du biceps brachial (1 étude).

Pour étudier l’impact de la nutrition, des questionnaires ont été utilisés pour connaitre les habitudes alimentaires de participants et leur type d’alimentation (régime occidental / régime méditerranéen). Enfin, la majorité des études se sont concentrés sur les compléments alimentaires, en particulier le collagène, la vitamine C, le méthyl-sulfonyle-méthane, l’arginine-L-alpha-ketoglutarate, les mucopolysaccharides, la bromélaïne et les acides gras essentiels.

Une consommation modérée d’alcool (7 à 13 verres / semaine pour les hommes et 4 à 6 pour les femmes) était associée à un risque léger de tendinopathie d’Achille mais pas de tendinopathie patellaire, une consommation élevée (>13 verres pour les hommes et >6 verres pour les femmes) était associée à une augmentation significative du risque d’apparition et de la gravité des ruptures de la coiffe des rotateurs.

La majorité des compléments (en particulier le collagène hydrolysé et la gélatine) ont permis d’améliorer les résultats cliniques et/ou structurels dans le traitement de la tendinopathie. Toutes les études sur la prise de collagène pendant des traitements conservateurs de tendinopathie ont montré des effets après 2 à 3 mois de supplémentation, mais la dose quotidienne ainsi que le type de collagène variaient d’une recherche à l’autre. Le collagène le plus souvent utilisé était celui de type 1, qui est le composant principal du tendon, mais certaines études ont utilisé du collagène de type 2, qui est celui présent en majorité dans les cartilages, ce qui peut expliquer des variations de résultats.

La curcumine, la boswellia serrata (plante), la bromélaïne et l’association méthyl-sulfonyl-méthane / arginine / collagène hydrolysé ont tous été associés à une diminution de la douleur, mais il est difficile de procéder à une évaluation spécifique de chaque nutriment en raison de la multiplicité des nutriments contenus dans un même complément alimentaire. La supplémentation en oméga-3 était associée à une amélioration modeste du handicap perçu ainsi qu’à une diminution de la douleur.

Il est nécessaire d’approfondir les connaissances sur l’impact de l’alimentation habituelle sur la santé des tendons car un régime alimentaire sain est la base d’un apport adéquat en nutriment. L’amélioration de l’apport nutritionnel habituel devrait être l’objectif principal des athlètes plutôt que la prise de compléments.

En raison de la qualité scientifique limitée et de la diversité des études sur l’apport en nutriments, sur la localisation des tendons touchés, la population étudiée et les mesures de résultats rapportées, il est impossible de tirer des conclusions définitives et de formuler des recommandations nutritionnelles sur la prévention et le traitement des tendinopathies. La prise de peptides dérivés du collagène semble être bénéfique pour les tendons.

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