Le gaspillage alimentaire représente un enjeu mondial qui soulève des défis d’ordre environnemental, social et économique. Chaque année dans le monde, la quantité de pertes ou de gaspillage de denrées alimentaires destinées à la consommation humaine s’élève à plus d’un milliard de tonnes. Dans un monde où les ressources naturelles viennent à manquer, le gaspillage des denrées alimentaires ne cesse pourtant de s’accroître.
Face à ces chiffres mirobolants, nous nous posons tous naturellement une question : comment est-ce possible ? Qui peut jeter autant de nourriture ? Sommes-nous concernés, en France ?
Qu'est-ce qu'on entend par gaspillage alimentaire en France ?
En France, c’est la Loi du 11 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage qui définit le périmètre du gaspillage alimentaire. Construite sur la base du Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire de 2013, cette définition considère dans le gaspillage alimentaire l’ensemble des aliments destinés à la consommation humaine qui sont perdus, jetés ou dégradés.
Cela signifie que la perte de denrées alimentaires non dédiées à la consommation humaine, ou les pertes alimentaires générées au fil des étapes de production peuvent ne pas être comptées dans les chiffres du gaspillage alimentaire. Pour éviter un autre amalgame, sachez que les déchets alimentaires (os, coquilles d'œufs, …) ou encore les emballages ne sont pas inclus dans ces chiffres.
Les chiffres du gaspillage alimentaire en France
En France, nous gaspillons collectivement 10 millions de tonnes d’aliments chaque année. En proportion, nous représentons ainsi 0,8% de la population mondiale et sommes pourtant responsables de 8% du gaspillage alimentaire à l’échelle internationale.
C’est en kilogrammes par habitant qu’il convient de comparer les pays entre eux pour avoir une vue réelle sur l’efficacité alimentaire d’un pays. En la matière, bien que la France pèse indéniablement au niveau mondial, elle s’en sort mieux que nombre de ses voisins européens. Notre pays gaspille en effet 136 kilogrammes de nourriture par an et par habitant. La moyenne en Europe se situe à 173 kg par habitant.
En 2021, 8,8 millions de tonnes de déchets alimentaires ont été produits en France, soit 129 kg par personne. Parmi ces déchets, 4,5 millions de tonnes sont non comestibles (os, épluchures…). Le gaspillage alimentaire représente donc près de 4,3 millions tonnes de déchets issues des parties comestibles des aliments (aliments non-consommés encore emballés, restes de repas, etc.).
Les déchets sont générés à chaque étape de l’alimentation humaine, depuis la production jusqu’à la consommation. Toutes les étapes de la chaîne alimentaire y contribuent :
- 1,24 millions de tonnes pour la production primaire (14%)
- 1,72 millions de tonnes dans la transformation (20%)
- 633 000 tonnes dans la distribution (soit 7%)
- 1,08 millions de tonnes dans la restauration (12%)
- 4,08 millions de tonnes dans les ménages (47%)
La France se situe légèrement en deçà de la moyenne européenne (près de 60 millions de tonnes de déchets alimentaires sont produites au niveau européen, soit 131 kg par habitant).
Quel est le coût du gaspillage alimentaire en France ?
Jeter des denrées alimentaires a des conséquences. Le gaspillage alimentaire est un triple non-sens : social, économique et écologique. Nous utilisons des ressources de production pour créer des déchets alors même que 1 personne sur 9 est en sous-alimentation chronique dans le monde. Cette aberration a donc logiquement un coût plus que conséquent.
Le coût économique du gaspillage alimentaire en France
Les 10 millions de tonnes jetées chaque année en France sont à l’origine d’une perte estimée à 16 milliards d’euros. Cela représente 238 € pour chaque français, chaque année. Et ce ne sont là que les coûts directs liés à ces denrées jetées. L’ensemble des coûts annexes (transport, électricité, …) de la chaîne alimentaire ne sont pas utilisés à leur pleine productivité.
Les coûts de gestion des déchets et les coûts des actions contre la malnutrition sont plus élevés, du fait de ce gâchis. Le gaspillage alimentaire est un cercle vicieux d’un point de vue économique.
Le coût environnemental du gaspillage alimentaire en France
L’économie n’est pas la seule à pâtir du gaspillage alimentaire. L’ensemble des dispositifs de production alimentaire ont un impact écologique qui est loin d’être négligeable. Le gaspillage alimentaire alimente ainsi une empreinte écologique conséquente, pour rien.
En matière d’émissions carbone, le gaspillage alimentaire se classerait 3ème plus gros pollueur au monde s’il était considéré comme un pays. En France, le gaspillage alimentaire représente une production de 15,3 millions de tonnes de CO2. C’est 5 fois plus que les émissions de notre trafic aérien intérieur et un tiers du CO2 émis par l’ensemble des voitures françaises.
Qui gaspille le plus de nourriture en France ?
Chaque Français jette à la maison l’équivalent d’un repas par semaine. Soit une estimation de 29 kilogrammes par an et par habitant. Pourtant, notre pays gaspille 136 kilogrammes de nourriture par an et par habitant. Alors d’où vient le gaspillage alimentaire en France ?
Selon l’ADEME (Agence de la transition écologique), seuls 19% de nos déchets alimentaires sont dus au gaspillage domestique. Les 81% restants se répartissent ainsi :
- 32 % sont gaspillés au niveau de la production ;
- 21 % sont gaspillés au niveau du processus de transformation ;
- 14 % sont gaspillés lors de la distribution ;
- 14% sont gaspillés dans des établissements de restauration (collective et commerciale).
Pourquoi gaspillons-nous la nourriture ?
En voyant ses chiffres, nous nous apercevons que près de 70% du gaspillage alimentaire n’a pas lieu au moment de la consommation. Les 30% restants sont ceux que nous pouvons le plus facilement concevoir : nous sommes nous-mêmes acteurs et spectateurs du phénomène.
En cuisine, les produits alimentaires périssent parfois avant que nous ne pensions les consommer, nous préparons de trop grandes portions et oublions de les finir, etc. Ces sources de gaspillages sont valables autant pour le gaspillage domestique qu’en restauration.
En restauration, de nombreuses réglementations et pratiques viennent complexifier la gestion des denrées alimentaires et intensifier ce phénomène. Mais qu’en est-il des 70% ? Il se trouve qu’il existe une multitude de raisons pour ce gaspillage tout au long de la chaîne de production alimentaire, et elles ne sont pas toujours bonnes.
Notre modèle de consommation a en effet mené à la création de nombreux standards sur l’état, la forme et la taille de nombreux aliments. Ceux ne remplissant pas ces conditions ou endommagés au cours du processus de production sont tout simplement jetés. C’est par exemple le cas avec le calibrage des fruits et légumes : ceux qui ne correspondent pas à la norme sont écartés des circuits de vente. Lors du transport, enfin, certains aliments peuvent également pourrir ou s’abîmer et ainsi être impropres à la vente.
Plusieurs facteurs contribuent à ce problème et surtout le sur-achat. Les promotions attrayantes comme "un acheté, un offert" nous incite souvent à acheter plus que nécessaire et nous fait avoir les yeux plus gros que le ventre. Ce sur-achat est un problème majeur dans les causes du gaspillage alimentaire, car cela peut conduire à des surplus alimentaires qui finissent par êtres jetés à cause des dates de péremption dépassées. Ce sur-achat est aussi lié à une mauvaise gestion des stocks.
Lorsqu’on ne planifie pas beaucoup ses repas, le frigo peut généralement être mal organisé, on oublie alors certains aliments au fond de celui-ci ou d’un placard et ils finissent par se périmer avant qu’on ne les consomme. Dans le gaspillage alimentaire, la confusion sur la date limite de consommation (DLC) et la date de durabilité minimale (DDM) entraine certains d’entre nous à jeter des aliments encore consommables.
Dans le cas de la DLC, une fois la date indiquée dépassée, il est déconseillé de consommer l’aliment en question. Pour la DDM par contre, la qualité du produit est garantie jusqu’à la date indiquée, mais peut être consommé au-delà.
La production et la distribution, la grande distribution et les normes esthétiques qui régissent les produits commercialisés comme les fruits et légumes sont l’une des premières causes du gaspillage alimentaire. En effet, de nombreux aliments sont écartés du marché en raison de leur taille, leur forme ou encore leur couleur qui peuvent parfois sortir des standards, bien qu’ils soient parfaitement comestibles. Jugés imparfaits, ces produits se retrouvent alors jetés, tout comme le sont les produits en surproduction.
En effet, les agriculteurs produisent souvent plus que nécessaire pour compenser les éventuels changements climatiques ou les exigences des distributeurs. Toutefois, cette surproduction conduit généralement à des surplus non vendus puisque les produits ne peuvent être stockés dans de bonnes conditions ou simplement que la demande des consommateurs ne correspond pas. Alors entre problèmes logistiques, surproduction agricole ou normes esthétiques, le gaspillage alimentaire se produit tout au long de la chaîne de production et de distribution, bien que ce secteur ne soit pas la seule en cause.
La mauvaise gestion des invendus et de la production en restauration et en grande distribution font également partie de l’une des causes les plus importantes du gaspillage alimentaire. Dans les restaurants, les portions servies sont souvent trop grandes ce qui amène à beaucoup de gâchis alimentaire. Aujourd’hui, bien que le gaspillage soit réduit au restaurant avec la mise en place des doggy bags, ce n’est pour autant pas toujours utilisé.
Les restes de repas sont alors encore beaucoup jetés, comme ce qui est le cas dans la grande distribution avec la gestion des invendus. Les supermarchés et autres points de vente peuvent gaspiller des quantités considérables de nourriture invendue, notamment des produits frais et des produits proches de leur date de péremption.
Quelles mesures ont été prises pour lutter contre le gaspillage alimentaire en France ?
À la vue des chiffres, nous comprenons qu’une approche systémique est requise. C’est en ce sens que plusieurs lois ont été votées et mises en place. Le plan d’action national a pris forme en 2013 avec le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Les mesures nationales en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire se sont progressivement renforcées au cours des 10 dernières années, avec la signature du premier Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire réunissant l’ensemble des parties prenantes en 2013 (renouvelé pour deux périodes de 3 ans), la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) en 2015, la loi Garot en 2016, la loi EGAlim en 2018, et enfin la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire en 2020.
La loi a notamment introduit une hiérarchie des actions à mener en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire, en donnant la priorité à la prévention, puis au don ou à la transformation. Viennent ensuite la valorisation en alimentation animale ou sous forme d’énergie. La destruction est envisagée en dernier recours.
Les distributeurs ayant une surface de vente de plus de 400 m², les opérateurs de la restauration collective préparant plus de 3 000 repas par jour, et les opérateurs de l’industrie agroalimentaire ayant un chiffre d’affaire supérieur à 50M€, et les grossistes (chiffre d’affaires supérieur à 50M€) doivent par ailleurs proposer des conventions de don à des associations d’aide alimentaire pour écouler leurs invendus. Il est en outre interdit, dans l’industrie agroalimentaire et la restauration collective, pour les grossistes et les distributeurs, de rendre impropres leurs denrées alimentaires invendues encore consommables. lLes contrevenants s’exposent à une amende pouvant atteindre jusqu’à 0,1 % de leur chiffre d’affaires.
La France s’est par ailleurs dotée d’un objectif global de réduction du gaspillage alimentaire de 50 % entre 2015 et 2025 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective d’ici 2025, et de 50 % entre 2015 et 2030 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
Avant qu’une législation soit mise en place en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire, l’ensemble des parties prenantes avaient été réunies sous le Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, qui a été signé pour 2013 et renouvelé pour deux périodes de 3 ans.
En 2020, la loi institue la mise en place d’un label national « anti-gaspillage alimentaire » visant à valoriser les acteurs de la chaîne alimentaire qui contribuent aux objectifs nationaux de réduction du gaspillage alimentaire. Ce label est aujourd’hui disponible pour le secteur de la distribution (grandes et moyennes surfaces, grossistes et métiers de bouche). Suivront le label pour le secteur de la restauration (restauration collective et commerciale), puis celui de l’industrie agroalimentaire.
D’après la Commission européenne, jusqu’à 10% du gaspillage alimentaire serait lié à une mauvaise compréhension des dates de consommation qui sont indiquées sur les emballages. Les produits alimentaires pré-emballés doivent indiquer un délai pour la consommation : la date limite de consommation (DLC)ou la date de durabilité minimale (DDM). La date limite de consommation (DLC) indique une limite impérative. Elle est signifiée par la mention « à consommer jusqu’au… » suivie du jour, du mois, et éventuellement de l’année. Elle s'applique à la majorité des produits à conserver au frais qui sont très périssables (viandes, les poissons, la charcuterie, les plats cuisinés, produits laitiers frais etc.).
Une fois la DLC dépassée, les aliments concernés sont impropres à la consommation car ils présentent un caractère dangereux pour la santé. Pour les produits alimentaires qui ne sont pas soumises à la mention DLC, une date de durabilité minimale (DDM) est apposée, présentée sous la forme « à consommer de préférence avant… ». Celle-ci concerne les produits secs, stérilisés et déshydratés (café, lait, jus de fruit, gâteaux secs, boîtes de conserve, pâtes, riz, sucre, farine, etc.). Le dépassement de la DDM ne rend pas l'aliment dangereux pour la santé. Il peut en revanche avoir perdu son arôme ou sa consistance.
Les aliments dont la DDM est dépassée, contrairement à ceux dont la DLC est dépassée, peuvent être commercialisés et consommés. Pour clarifier davantage cette possibilité de consommer des produits dont la DDM est dépassée, les opérateurs peuvent depuis 2022 ajouter sur l’emballage les mentions « pour une dégustation optimale… » ou « ce produit peut être consommé après cette date ».
Depuis 2022, les États membres doivent rapporter chaque année les quantités de déchets alimentaires produites à chaque étape de la chaîne alimentaire (production primaire, transformation, distribution, restauration, ménages).
La directive-cadre déchets, qui fixe les orientations majeures de la politique de gestion des déchets, fait actuellement l’objet d’une révision ayant notamment pour objet d’introduire au niveau européen des objectifs de réduction des déchets alimentaires d’ici 2030, à l’image de ce qui a été fait en France.
Solutions pour lutter contre le gaspillage alimentaire
Les astuces anti-gaspillage sont nombreuses et vous permettront de réduire votre empreinte écologique tout en réalisant des économies.
- Préférez l’achat en vrac pour contrôler les quantités… et limiter les emballages. Souvenez-vous que les fruits et légumes un peu tordus sont tout aussi bons que les autres !
- En cas de doute sur la péremption d’un produit, référez-vous à la Date Limite de Consommation (“à consommer jusqu’au”) sur les emballages.
- Ne jetez pas les restes ! Gardez les fanes de poireaux, de carottes ou encore de radis pour les mijoter et les incorporer à d’autres plats, ou les queues de fraises pour faire des sirops délicieux.
- La conservation des aliments est une des clefs pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Le produit qui génère le plus de gaspillage alimentaire est le pain ! Pensez à le transformer en croûtons, pain perdu ou chapelure lorsqu’il durcit.
- Pensez à la congélation, la salaison, la conservation dans l’huile (pour les olives, tomates séchées, aubergines ou champignons…).
Bien ranger son frigo permet de lutter contre le gaspillage alimentaire tout en respectant la chaîne du froid.
Soutenir les circuits courts (vente directe à la ferme, AMAP, magasins de producteurs…). Œufs ? Tomates ? Cornichons ? Aubergines, courgettes ? Collez sur votre frigo un feutre permanent: dès que vous entamez une bouteille de lait, un pot de crème fraîche ou un bocal, notez la date du jour ! Déposez une pomme coupée en deux à côté de votre pain dans une hûche ou une boîte hermétique.
De nombreuses actions concrètes et initiatives vertueuses et responsables permettent de réduire efficacement et durablement le gaspillage alimentaire, notamment dans les restaurants d’entreprise.
En d’autres termes, il s’agit de :
- De mesurer les pertes,
- D’analyser les retours de plateaux,
- D’ajuster les portions,
- De diversifier les formats de service (menus au choix, self-service…).
Parmi les actions essentielles dans la lutte du gaspillage alimentaire, aucun doute, la sensibilisation et la formation sont deux clés fondamentales.
Grâce à des collaborations avec des producteurs, PimpUp récupère les surplus alimentaires ou les fruits et légumes écartés du marché de la distribution et les proposent à prix réduits sous forme de paniers hebdomadaires. En soutenant des initiatives comme PimpUp, vous pouvez aider au quotidien à réduire le gaspillage alimentaire et créer un avenir plus respectueux de notre planète. Ensemble, nous pouvons transformer le gaspillage alimentaire en opportunité, en redonnant de la valeur à chaque fruit et légume jugé “imparfait”.
Tableau récapitulatif du gaspillage alimentaire en France (2021)
Étape de la chaîne alimentaire | Déchets alimentaires (millions de tonnes) | % du total | Gaspillage alimentaire (kg/habitant) |
---|---|---|---|
Production primaire | 1,24 | 14% | 18 |
Transformation | 1,72 | 20% | 25 |
Distribution | 0,633 | 7% | 9 |
Restauration | 1,08 | 12% | 16 |
Ménages | 4,08 | 47% | 60 |
Total | 8,8 | 100% | 129 |
TAG: